Contrat à durée déterminée d’usage : 29 mars 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-23.491

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Contrat à durée déterminée d’usage : 29 mars 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-23.491
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SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 mars 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 314 F-D

Pourvoi n° T 21-23.491

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MARS 2023

Mme [P] [W], épouse [I], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 21-23.491 contre l’arrêt rendu le 6 mai 2020 par la cour d’appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société C. [Z], société d’exercice libéral à responsabilité limité,
dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [Z], en qualité de mandataire ad hoc de la société CB TV,

2°/ à l’AGS CGEA IDF OUEST, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de Mme [I], après débats en l’audience publique du 8 février 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 6 mai 2020) et les productions, Mme [W] épouse [I] a été engagée en qualité de chef maquilleuse, entre les 26 mars 2002 et 22 avril 2015, par la société CB TV (la société), suivant plusieurs contrats à durée déterminée d’usage successifs.

2. Par jugement du 30 juin 2015, la société a été placée en liquidation judiciaire et la société C. [Z] a été désignée en qualité de liquidatrice.

3. La salariée a saisi la juridiction prud’homale le 19 février 2016 à l’effet d’obtenir la requalification de ses contrats en un contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes, en mettant également en cause l’AGS CGEA IDF Ouest.

4. Par jugement du 28 janvier 2017, la procédure de liquidation judiciaire de la société a été clôturée pour insuffisance d’actif.

5. Par ordonnance du 12 octobre 2021, la société C. [Z] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de requalification de son contrat de travail en un contrat à temps complet et en fixation de sa créance au titre des rappels de salaires afférents au passif de la société, alors « que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois fait présumer que le contrat est à temps complet ; qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; qu’en l’espèce la cour d’appel a relevé, pour rejeter la demande de requalification du contrat de travail de Mme [I] en un contrat à temps complet, que si la salariée était employée en qualité de chef maquilleuse sans contrat écrit, il ressort des documents produits qu’elle était employée par intermittence pour une durée limitée à quelques jours par mois, que la durée de ses différentes missions lui était communiquée plusieurs jours à l’avance de sorte qu’elle pouvait prévoir le rythme de son travail et qu’elle n’était pas tenue de rester à la disposition permanente de son employeur ; qu’en statuant ainsi, sans constater que l’employeur justifiait de la durée exacte du travail convenue, la cour d’appel a violé l’article L. 3123-14, devenu L. 3123-6, du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

7. Selon ce texte, le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations d’aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

8. Il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

9. Pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire sur la base d’un temps plein, l’arrêt retient que l’intéressée était employée, par intermittence, pour une durée limitée à quelques jours par mois, que la durée de ses différentes missions lui était communiquée plusieurs jours à l’avance, de sorte qu’elle pouvait prévoir le rythme de son travail, et qu’en dehors de ses prestations ponctuelles de travail liées aux tournages d’émissions télévisuelles, elle n’était pas tenue de rester à la disposition permanente de son employeur. Il en déduit l’existence d’éléments suffisamment précis et concordants permettant de détruire la présomption de travail à temps plein.

10. En statuant ainsi, sans constater que l’employeur faisait la démonstration de la durée exacte de travail convenue, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif de l’arrêt limitant la fixation au passif de la société à diverses sommes l’indemnité de requalification, l’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, l’indemnité de licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme [W] épouse [I] de sa demande de rappel de salaire sur la base d’un temps plein et en ce qu’il limite la fixation de la créance de cette dernière au passif de la liquidation judiciaire de la société CB TV aux sommes de 564,80 euros à titre d’indemnité de requalification, 1 129,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, 1 486,55 euros à titre d’indemnité de licenciement et 7 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 6 mai 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;

Condamne in solidum la société C. [Z] en qualité de mandataire ad hoc de la société CB TV et l’AGS CGEA IDF Ouest aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.

 


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