Contrat à durée déterminée d’usage : 29 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/00930

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Contrat à durée déterminée d’usage : 29 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/00930
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à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 29 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/00930 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OQQ2

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 JANVIER 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 18/01354

APPELANT :

Monsieur [J] [E]

né le 04 Octobre 1982 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Laurence GROS avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Société [Localité 2] EVENTS

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier BONIJOLY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

substitué par Me Mathilde JOYES avocat au barreau de MONTPELLLIER

Ordonnance de clôture du 16 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Caroline CHICLET, conseiller, en remplacement du président empêché et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

[J] [E] a été engagé à compter du 31 mai 2010 par la société d’économie mixte Enjoy [Localité 2] (devenue [Localité 2] Avants), employant habituellement au moins onze salariés, en qualité de technicien monteur expo, statut Etam, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée d’usage de cinq jours à temps complet régi par la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, société de conseil du 15 décembre 1987 (dite Syntec) et par l’accord national du 5 juillet 2001 concernant le statut des salariés du secteur des foires, salons et congrès et l’accord d’entreprise du 15 janvier 1999.

Après le terme de ce contrat, prolongé d’une journée par avenant du 31 mai 2010, les parties ont signé, entre juin 2010 et décembre 2016, 127 autres contrats à durée déterminée d’usage.

Contestant le caractère par nature temporaire de son emploi, la régularité des avenants et soutenant avoir occupé un emploi participant de l’activité normale de l’entreprise, [J] [E] a saisi le conseil des prud’hommes de Montpellier le 7 décembre 2018 pour voir requalifier les contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée dès l’origine, voir juger la rupture du 17 décembre 2016 comme s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l’application de ses droits.

Par jugement du 24 janvier 2020, ce conseil a :

– constaté la prescription des actions liées à la requalification des contrats et de la rupture ;

– débouté les parties de l’intégralité de leurs demandes ;

– condamné [J] [E] aux éventuels dépens.

Le 14 février 2020, [J] [E] a relevé appel de tous les chefs de ce jugement.

Vu les conclusions de [J] [E] remises au greffe le 30 mars 2020 ;

Vu les conclusions de la société d’économie mixte [Localité 2] Events remises au greffe le 1er juin 2020 ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 16 janvier 2023 ;

MOTIFS :

Sur la demande de requalification des CDD en CDI :

L’appelant conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit prescrite son action et demande à la cour de dire que le délai de prescription de deux ans a commencé à courir au terme du dernier contrat, soit le 17 décembre 2016, et que son action intentée le 7 décembre 2018 est recevable. Au soutien de sa demande de requalification, il conteste le caractère par nature temporaire de son emploi ainsi que la régularité des avenants qui ne visent pas le motif du renouvellement et soutient avoir pourvu un emploi permanent dans l’entreprise.

La société [Localité 2] Events conclut à la confirmation du jugement.

1) Sur la prescription :

Contrairement à ce que soutient à tort la société intimée, la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée porte sur l’exécution du contrat et non sur sa rupture ; la demande visant à voir analyser la rupture intervenue au terme du dernier contrat à durée déterminée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir diverses sommes de ce chef n’étant que la conséquence de la requalification sollicitée.

Le délai de prescription applicable à cette demande de requalification et aux prétentions qui en découlent est donc celui de deux ans de l’article L.1471-1 alinéa 1 du code du travail et non celui de 12 mois prévu par l’alinéa 2 du même article.

La demande de requalification de l’appelant est fondée sur les motifs du recours au contrat à durée déterminée d’usage (et non sur un vice de forme) puisqu’il dénonce l’absence de raison objective établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de technicien monteur expo, l’absence de motif de recours énoncé dans les avenants de renouvellement et qu’il soutient avoir pourvu durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Le point de départ du délai de prescription est donc la date du terme du contrat, ou du dernier contrat en cas de contrats successifs, et non la date de conclusion du premier contrat irrégulier comme le soutient à tort la société intimée.

En l’espèce, 128 contrats s’étant succédés entre mai 2010 et décembre 2016 (peu important les périodes d’inactivité entre chaque contrat), le point de départ du délai de prescription est la date du terme du dernier contrat, soit le 17 décembre 2016 (cf avenant du 14 décembre 2016 produit en pièce 134 de l’appelant). Le salarié avait donc jusqu’au 17 décembre 2018 pour intenter son action en requalification des CDD en CDI.

[J] [E] ayant saisi le conseil des prud’hommes le 7 décembre 2018, son action n’est pas prescrite, contrairement à ce qu’a décidé le conseil, et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

2) Sur le fond :

La clause 5-1 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, dispose :

‘Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les Etats membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins du secteur spécifique et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relation de travail ;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail ;’

En application de la clause 8 1, ‘les Etats membres et/ou partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs que celles prévues dans le présent accord’.

Par ailleurs, selon l’article L.1242-1-3°du code du travail dans sa version applicable, l’employeur peut avoir recours au contrat à durée déterminée dans les secteurs d’activité ou il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

L’article D.1242-1 énumère les secteurs dans lesquels le recours au contrat à durée déterminée d’usage est autorisé et, notamment, celui des spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, et l’édition phonographique.

S’il résulte de la combinaison des articles susvisés du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’ usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre susvisé, qui a pour objet, en ses clauses 1 à 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Par conséquent, et même si l’activité de l’employeur dépend d’un des secteurs d’activité où le recours au contrat à durée déterminée d’usage est autorisé, le juge doit examiner les éléments objectifs et concrets liés à l’emploi considéré pour vérifier s’il est ou non par nature temporaire.

En l’espèce, l’appelant, qui ne discute pas que l’activité de la société [Localité 2] Events dépend du secteur prévu à l’article D.1242-1-6° précité pour lequel il est d’usage de recourir aux CDD, dénonce l’absence d’éléments objectifs et concrets établissant le caractère par nature temporaire de son emploi.

Pour justifier le recours répété au contrat à durée déterminée d’usage afin de confier à [J] [E] l’emploi de technicien monteur expo pendant 6 ans, l’appelante invoque le caractère ‘nécessairement temporaire’ et la nature ‘par essence fluctuante’ de son activité consistant en l’organisation ‘d’activités de nature privée à vocation de spectacles, congrès, séminaires, salons, expositions touristiques ou culturelles, événements sportifs’ et produit, au soutien de son moyen, les témoignages de trois régisseurs d’exploitation technique et d’un responsable d’audiovisuel, ses résultats financiers des années 2011 à 2016 et un pourcentage en équivalent temps plein des heures de travail accomplies par le salarié au cours de chaque année.

Mais le caractère par nature temporaire de l’emploi confié à [J] [E] au moyen de contrat à durée déterminée d’usage, qui doit être justifié par des éléments objectifs et concrets, ne peut se déduire du seul objet social de la société [Localité 2] Events ni de la fluctuation d’une année sur l’autre de ses résultats financiers ni de la durée du travail de l’intéressé.

Et dès lors qu’il résulte de ses propres témoignages que la société [Localité 2] Events emploie en son sein des techniciens permanents, ainsi qu’en attestent [Y] [V], responsable audiovisuel, et [T] [X], régisseur technique (pièces 10 et 13 de la société intimée) qui expliquent qu’ils n’ont recours aux salariés précaires qu’en cas d’insuffisance du personnel permanent (et non en raison du caractère par nature temporaire de l’emploi de technicien monteur expo), la société intimée est défaillante dans la preuve qui lui incombe.

En n’établissant pas le caractère par nature temporaire de l’emploi de technicien monteur expo confié à [J] [E] aux termes des 128 contrats à durée déterminée successifs conclus sur une période de 6 années, la société [Localité 2] Events ne justifie pas du bien fondé du recours aux contrats à durée déterminées d’usage et la requalification en contrat à durée indéterminée sera prononcée à compter du 31 mai 2010.

Sur les demandes de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles et du 13ème mois :

[J] [E] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de rappel de salaires au titre des périodes interstitielles et demande à la cour de dire recevable et non prescrite sa demande et de condamner l’employeur à lui payer, à titre principal, la somme de 84.887,91 € bruts à titre de rappel de salaires pour la période comprise entre le 1er janvier 2011 et le 17 décembre 2016 outre celle de 8.488,79 € bruts au titre des congés payés et, à titre subsidiaire, la somme de 38.717,18 € bruts pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 17 décembre 2016 outre celle de 3.871,72 € bruts au titre des congés payés y afférents. Il conteste également la prescription opposée par les premiers juges à sa demande de rappel de salaire au titre de la prime de 13ème mois et demande à la cour de condamner la société [Localité 2] Events à lui payer, à titre principal, la somme de 9.113,54 € bruts outre les congés payés y afférents pour la période du 1er janvier 2011 au 17 décembre 2016 et, à titre subsidiaire, la somme de 4.527,05 € bruts outre les congés payés y afférents pour la période du 1er janvier 2014 au 17 décembre 2016.

La société intimée conclut à la confirmation du jugement et au rejet des prétentions qui, selon elle, sont prescrites antérieurement à décembre 2013 et mal fondées pour celles postérieures à cette période.

1) Sur la prescription :

La demande de rappel de salaire est soumise au délai de prescription prévu par l’article L.3245-1 du code du travail.

Selon cet article, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, ‘l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat’.

L’article 21 V de la loi du 14 juin 2013 prévoit que ‘les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du Code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans’.

Contrairement aux affirmations de l’appelant, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail de sorte qu’il n’y a pas de lien entre la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ordonnée dans les motifs qui précèdent et la demande en paiement de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles.

Le salarié sollicitant le paiement de salaires dus entre le 1er janvier 2011 et le 17 décembre 2016 et ayant saisi la juridiction prud’homale le 7 décembre 2018, son action en paiement n’est pas prescrite pour les créances salariales exigibles à partir du 7 décembre 2015.

Et dès lors que sa demande en paiement peut porter sur les trois années précédant la rupture du 17 décembre 2016, il est recevable à solliciter le paiement de rappel de salaire pour la période comprise entre le 17 décembre 2013 et le 17 décembre 2016.

En revanche, les demandes portant sur les rappels de salaire au titre des périodes interstitielles et du 13ème mois antérieures au 17 décembre 2013 sont irrecevables comme prescrites, ainsi que le soutient justement la société intimée.

2) Sur le fond :

Il incombe au salarié, qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles, de rapporter la preuve qu’il est resté à la disposition de l’employeur durant les périodes séparant deux contrats à durée déterminée.

En l’espèce, [J] [E] ne rapporte pas une telle preuve.

En effet, même si 68 contrats ont été signés le vendredi pour le lundi suivant et quelques autres à des dates encore plus proches du début de la mission voire le jour-même, ces circonstances ne démontrent nullement que [J] [E] devait se tenir à la disposition permanente de l’employeur entre deux contrats alors qu’il ressort des pièces du dossier que la durée des périodes interstitielles atteignait régulièrement plusieurs semaines voire plusieurs mois ( à titre d’exemples : 1er février 2014/5 mars 2014 ; 5 mars 2014/17 mai 2014 ; 24 mai 2014/5 septembre 2014 ; 12 décembre 2014/12 mars 2015 ; 7 août 2015/7 septembre 2015 ; 23 octobre 2015/17 mai 2016 etc) etc), que les missions qui lui ont été confiées à compter de mai 2010 ne l’ont pas empêché de créer et de gérer, comme gérant non salarié, sa propre pizzeria ‘Chez Ludo’ à [Localité 5] (34) entre juillet 2011 et le 4 janvier 2017 (et d’être l’employeur de deux salariés à temps partiel de 2011 à 2013 puis d’un seul salarié à compter de 2013) et que ses plannings étaient établis en fonction des contraintes liées à l’exploitation de son établissement en lui évitant, autant que possible, les missions après 14h et le dimanche ainsi que cela résulte du témoignage précis et circonstancié du régisseur technique, [D] [C], corroboré par les plannings communiqués en pièce 16 de l’intimée.

Défaillant dans la preuve qui lui incombe, [J] [E] sera débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles.

La société [Localité 2] Events ne démontrant pas avoir payé à [J] [E], qui le conteste, la prime de 13ème mois prévue par l’article 8 du chapitre 3 de l’accord collectif d’entreprise du 15 janvier 1999, elle sera condamnée à lui payer le montant de cette prime en brut, au prorata temporis et en fonction des heures effectivement travaillées, pour la période du 17 décembre 2013 au 17 décembre 2016 ainsi que les congés payés y afférents, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur les effets de la requalification du CDD en CDI :

[J] [E] demande à la cour de dire que la rupture intervenue au terme du dernier CDD doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société [Localité 2] Events à lui payer :

> 10.000 € à titre d’indemnité de requalification,

> 3.312,47 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

> 331,25 € bruts au titre des congés payés y afférents,

> 5.465,58 € au titre de l’indemnité de licenciement,

> 40.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société [Localité 2] Events demande à la cour de ramener les prétentions du salarié à de plus justes proportions, le salarié ne rapportant pas la preuve des préjudices qu’il invoque.

[J] [E] a droit à une indemnité de requalification en application de l’article L.1245-2 du code du travail que la cour évalue à la somme de 1.003,62 € correspondant au dernier salaire mensuel de décembre 2016 avant la saisine du conseil et l’appelant sera débouté du surplus de sa demande.

La rupture du 17 décembre 2016, survenue à l’échéance du dernier contrat, doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en l’absence de griefs de l’employeur à l’encontre de [J] [E].

[J] [E], qui avait 6 ans et 7 mois d’ancienneté à la date de la rupture, a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, en application de l’article 15 de la convention collective Syntec, d’un montant de 3.807,44 € bruts correspondant à la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait continué à travailler, qui sera ramenée à la somme réclamée de 3.312,47 € bruts et majorée des congés payés y afférents pour 331,24 € bruts.

Il a également droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement de l’article 5 de l’accord d’entreprise du 15 janvier 1999 qui prévoit l’allocation, après cinq ans d’ancienneté, d’un demi mois de salaire par année d’ancienneté avec un maximum de douze mois soit la somme de 4.570,47€ (1.388,50 € bruts (salaire moyen des 3 derniers mois) x 50% x 6 ans et 7 mois).

S’agissant du préjudice résultant de la perte de l’emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée (1.388,50 € bruts), de l’âge de l’intéressé (36 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (6 ans et 9 mois en incluant le préavis) et de l’absence d’information sur sa situation professionnelle actuelle, la société [Localité 2] sera condamnée à lui verser la somme de 8.500 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017.

Lorsque le licenciement est indemnisé en application des articles L.1235-3 du code du travail, comme c’est le cas en l’espèce, la juridiction ordonne d’office, même en l’absence de Pôle emploi à l’audience et sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-4 du même code, le remboursement par l’employeur de toute ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois. En l’espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités à concurrence de 3 mois.

Sur la demande au titre de l’exécution déloyale du contrat :

[J] [E] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages-intérêts d’un montant de 10.000 € pour exécution déloyale du contrat.

La société [Localité 2] Events conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

L’employeur, durant plus de 6 années, a méconnu les règles relatives au contrat à durée déterminée d’usage en confiant à [J] [E] un emploi dont elle n’établit pas le caractère temporaire par nature.

Ce faisant, la société [Localité 2] Events a manqué à son devoir de loyauté envers [J] [E] ce qui a causé à ce dernier un préjudice distinct de celui né de la perte d’emploi puisqu’il a été maintenu, sans raison objective, dans un statut de salarié précaire pendant plus de 6 ans.

Ce manquement justifie l’allocation d’une indemnité de 2.000 € à titre de dommages-intérêts et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.

Il sera fait droit à la demande de remise des documents sociaux et de régularisation de la situation du salarié auprès des organismes sociaux, sans que l’astreinte soit nécessaire.

La société [Localité 2] Events qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à [J] [E] la somme de 2.500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée opposée par la société [Localité 2] Events ;

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement des rappels de salaire pour les créances salariales (périodes interstitielles et primes de 13ème mois) postérieures au 17 décembre 2013, les créances antérieures à cette date étant prescrites ;

Requalifie les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 31 mai 2010 ;

Dit que la société [Localité 2] Events a engagé sa responsabilité envers [J] [E] pour manquements à l’obligation de loyauté ;

Condamne la société [Localité 2] Events à payer à [J] [E] les sommes suivantes :

> les primes de 13ème mois en brut prévues par l’article 8 du chapitre 3 de l’accord collectif d’entreprise du 15 janvier 1999, au prorata temporis des heures effectivement travaillées, pour la période du 17 décembre 2013 au 17 décembre 2016, ainsi que les congés payés y afférents,

> 1.003,62 € au titre de l’indemnité de requalification,

> 3.312,47 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

> 331,24 € bruts au titre des congés payés y afférents,

> 4.570,47 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

> 8.500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

> 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat,

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la société [Localité 2] Events dans les deux mois suivant la signification du présent arrêt de remettre à [J] [E] une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire rectificatif conformes au présent arrêt et de régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux ;

Déboute [J] [E] de ses demandes de rappel de salaires au titre des périodes interstitielles, du surplus de ses prétentions et de ses demandes d’astreinte;

Ordonne le remboursement par la société [Localité 2] Events au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à [J] [E] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 3 mois ;

Dit que le greffe adressera à la direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme de l’arrêt, en application de l’article R.1235-2 du code du travail ;

Condamne la société [Localité 2] Events aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à [J] [E] la somme de 2.500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président empêché

C. CHICLET

 


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