Contrat à durée déterminée d’usage : 31 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/08930

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Contrat à durée déterminée d’usage : 31 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/08930
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 31 MARS 2023

N° 2023/116

Rôle N° RG 19/08930 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BELXZ

SAS AVIS LOCATION DE VOITURES

C/

[S] [D]

Copie exécutoire délivrée

le : 31 mars 2023

à :

Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 352)

Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 01 Avril 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/00143.

APPELANTE

SAS AVIS LOCATION DE VOITURES prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [S] [D], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société Avis Location de voitures a pour activité la location de voitures de courte durée auprès de particuliers. L’essentiel de son activité s’effectue en agences.

Elle applique à son personnel la convention collective nationale des services de l’automobile.

Elle a engagé Monsieur [S] [D] au poste de convoyeur de véhicules, statut ouvrier échelon 1, dans le cadre de 22 contrats de travail à durée déterminée d’usage d’une journée entre le 16 septembre 2017 et le 15 octobre 2017.

Contestant le recours par la société Avis Location aux contrats de travail à durée déterminée et sollicitant la requalification de la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de l’employeur, au titre de cette requalification et de la rupture subséquente du contrat de travail analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse , au paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire, Monsieur [D] a saisi le 2 mars 2018 le conseil de prud’hommes de Martigues lequel par jugement du 1er avril 2019 a:

– dit bien fondé l’action de celui-ci,

– dit que la relation de travail à durée déterminée est qualifiée sous le régime d’un contrat de travail à durée indéterminée,

– dit que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné en conséquence la société Avis Location de voitures prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes:

– 1.126,25 € à titre d’indemnité de requalification,

– 563,12 € à titre d’indemnité de préavis,

– 56,13 € d’incidence congés payés

– rappelé l’exécution provisoire en application de l’article R 1454-14 et R 1454-18 du code du travail et fixé la moyenne des salaires à la somme de 1.126 €,

– condamné la société Avis Location de voitures prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes :

– 1.126,25 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

– 1.126,25 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– 1.500 € à titre d’indemnité pour frais de procédure,

– ordonné l’exécution provisoire sur la décision,

– débouté la société Avis Location de sa demande pour frais de procédure,

– débouté Monsieur [D] du surplus de ses demandes,

– dit que les intérêts légaux seront calculés à compter du 2 mars 2018 avec capitalisation en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civile,

– dit que les entiers dépens seront supportés par la société Avis Location.

La société Avis Location de voitures a relevé appel de ce jugementle 03 juin 2019 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.

Aux termes de ses conclusions d’appelante n°2 notifiées par voie électronique le 19 février 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la société Avis Location de voitures a demandé à la cour de :

– constater la régularité du recours à Monsieur [D] dans le cadre de CDD d’usage,

En conséquence:

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 1er avril 2019 en ce qu’il a condamné la société à verser à Monsieur [D] :

– 1.126,25 € à titre d’indemnité de requalification

– 563,12 € à titre d’indemnité de préavis

– 56,13 € d’incidence congés payés

– 1.126,25 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

– 1.126,25 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

– 1.500 € à titre d’indemnité pour frais de procédure,

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues en ce qu’il a débouté Monsieur [D] du surplus de ses demandes,

– débouter Monsieur [D] de sa demande d’indemnité à titre principal pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 4.000 € et à titre subsidiaire : 1.126,25 €,

– débouter Monsieur [D] de sa demande d’indemnité de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter Monsieur [D] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Monsieur [D] à verser à la société la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [D] aux entiers dépens d’instance ceux d’appel distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la Selarl Lexavoué [Localité 3], avocats associés, aux offres de droit.

La société Avis Location de Voitures fait valoir en substance qu’elle peut recourir à des contrats de travail à durée déterminée d’usage pour assurer le convoyage de véhicules par application de l’article 1.10 de la convention collective nationale des services de l’automobiles s’agissant de missions ponctuelles dont le nombre, la durée et la fréquence sont aléatoires, qu’il est d’usage constant au sein de la société de recourrir au contrat de travail en raison de la nature temporaire des missions de convoyages, qu’en l’espèce les missions de Monsieur [D] étaient ponctuelles et temporaires.

Aux termes de ses conclusions d’intimé et d’appelant incident notifiées par voie électronique le 29 novembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Monsieur [S] [D] a demandé à la cour de :

– le dire recevable et bien fondé en son appel incident,

– prononcer la requalification des contrats à durée déterminée de Monsieur [D] en un contrat à durée indéterminée,

En conséquence,

Confirmer le jugement du 1er avril 2019 du conseil de prud’hommes de Martigues en tant qu’il a requalifié les contrats à durée déterminée de Monsieur [D] en un contrat à durée indéterminée,

Confirmer le jugement du 1er avril 2019 du conseil de prud’hommes de Martigues en tant qu’il a condamné la SAS Avis Location de voitures au paiement des sommes suivantes:

– 1.126,25 € à titre d’indemnité de requalification

– 563,12 € à titre d’indemnité de préavis

– 56,31 € d’incidence congés payés

– 1.126,25 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

– 1.126,25 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– 1.500 € à titre d’indemnité pour frais de procédure,

Pour le surplus, il est sollicité de statuer à nouveau et de faire droit aux demandes suivantes:

A titre principal:

– indemnité adéquate et appropriée pour lienciement sans cause réelle et sérieuse : 4.000 €

A titre subsidiaire :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l’article L.1235-3 du code du travail : 1.126,25 €

En tout état de cause :

– indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile 2.500 €

– entiers dépens

– intérêts au taux légal.

Monsieur [D] conteste l’existence d’un accord collectif ainsi que de l’usage permettant à la société Avis Location de voitures de recourir à des contrats de travail à durée déterminée d’usage et ajoute que celle-ci ne justifie pas de l’existence d’éléments concrets et précis établissant la nature temporaire de l’emploi de convoyeur lequel dans une entreprise de location de véhicules est nécessairement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise alors qu’au surplus la convention collective nationale de l’automobile applicable en l’espèce reconnaît que cet emploi peut être pourvu par contrat de travail à durée indéterminée.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 23 janvier 2023, l’audience de plaidoirie étant fixée au 20 février 2023.

SUR CE :

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat de travail à durée indéterminée :

Par application de l’article L. 1242-1 du code du travail ‘un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à une activité normale et permanente de l’entreprise.”;

L’article 1242-2 du même code dispose que ‘sous réserve des dispositions de l’article L. 1243-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : ‘

3°) Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminé en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois’; ‘.’.

L’article 1-10 paragraphe e) de la convention collective nationale des services de l’automobile, étendue applicable à la société Avis Location de voitures prévoit que:

‘2. Convoyage de véhicules

Les salariés embauchés exclusivement pour assurer le convoyage de véhicules travaillent dans le cadre de missions ponctuelles dont le nombre, la durée et la fréquence sont aléatoires. En raison de la nature de l’activité de convoyage et du caractère par nature temporaire des emplois considérés, il est d’usage constant de pourvoir ces derniers par contrats à durée déterminée, conformément à l’article L. 122-1-1 du Code du Travail.

Ces convoyeurs bénéficient, au terme de leur contrat à durée déterminée, d’une indemnité de fin de contrat égale à 10% des rémunérations brutes afférentes à ce contrat, sauf en cas de rupture anticipée à leur initiative, de poursuite ou de reprise des relations contractuelles pour une durée indéterminée, de faute grave ou de force majeure.

Dans le cadre d’une limitation des situations précaires, ces salariés, lorsqu’ils ont été amenés à accomplir un nombre significatif de missions de convoyage, doivent pouvoir bénéficier d’une stabilité de leur emploi. A cet effet, l’employeur est tenu de proposer la conclusion d’un contrat à durée indéterminée, prioritairement sous forme de temps partiel annualisé, lorsque l’engagement du convoyeur pour une nouvelle mission a pour effet de porter à plus de 800 heures la durée du travail accomplie dans l’année civile en cours. Lorsque le convoyeur décline cette offre, son refus d’accomplir cette nouvelle mission dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée doit être mentionné dans le contrat à durée déterminée conclu pour l’exécution de cette mission, ou dans un document annexé.’

Le fait que la convention collective des services de l’automobile stipule qu’il peut être recouru au contrat à durée déterminée d’usage pour l’emploi de convoyage de véhicules ne dispense nullement le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi considéré

En l’espèce, la société AVIS, qui relève ainsi d’une convention collective autorisant expressément le recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage à l’égard de salariés assurant le convoyage de véhicules, exerce une activité de location de voitures de courte durée auprès de particuliers et confirme en page 7 de ses écritures que ‘lorsque les déplacements de véhicules entrent dans le cadre de l’activité normale de l’entreprise, ils sont effectués par les salariés engagés à durée indéterminée mais lorsqu’il s’agit de convoyages temporaires et programmés ponctuellement, elle a recours à des contrats de travail à durée déterminée d’usage ..’ ce dont il résulte que le convoyage de véhicules relève bien de l’activité normale et permanente de l’entreprise et qu’il incombe à celle-ci de prouver le caractère par nature temporaire de l’activité de convoyage confiée à Monsieur [D] à 22 reprises entre le 16 septembre 2017 et le 15 octobre 2017.

Or, cette dernière ne résulte ni des termes des contrats journaliers produits lesquels mentionnent la ‘réalisation de mission(s) de convoyage décrite(s) sur le bordereau de convoyage annexé’, aucun de ces bordereaux n’étant versé aux débats et précisent dans le paragraphe relatif à la durée du contrat que celui-ci ‘est conclu à durée déterminée conformément à l’usage constant de la profession reconnue par un accord collectif étendu’, ‘la durée minimale du contrat est d’une heure’ ni des bordereaux récapitulatifs des convoyages effectués par Monsieur [D] en septembre et octobre 2017 (pièce n°2) détaillant les horaires effectués par le salarié qui mettent en évidence que les missions qui se sont succédées quotidiennement n’ont pas présenté un caractère ponctuel sur la période considérée, l’activité exercée chaque jour à l’exception de certaines fins de semmaine n’étant pas aléatoire alors que sur les 10 jours de travail du mois de septembre 2017 (2ème quinzaine de septembre), Monsieur [D] a effectué 90,30 heures et que sur les 10 jours du mois d’octobre 2017 (1ère quinzaine), il a réalisé 84,30 heures, soit une moyenne de 8h par jour étant par ailleurs observé qu’il a travaillé 41 heures entre le 25 et 30 septembre et 44 heures entre le 10 et le 15 octobre 2017.

En outre, l’employeur ne démontre pas la fluctuation alléguée de l’activité de convoyage sur l’agence Avis de l’aéroport de [Localité 4] rendant nécessaire le recours à des contrats précaires sur une partie de son volume d’activité de convoyage en septembre et octobre 2017 et ne justifie donc pas du caractère par nature temporaire de cette activité n’ayant versé aux débats qu’un seul tableau (pièce n°4) afférent selon lui au ‘nombre de convoyeurs embauchés en contrat de travail à durée déterminée’ lequel apparaît constant avec un pic sur la période estivale représentant un cumul annuel de 13.755 heures, cette pièce ne permettant nullement à la cour de vérifier concrètement sur la période d’engagement de Monsieur [D] la répartition des convoyages de véhicules entre les salariés permanents de l’entreprise et les salariés engagés dans le cadre de contrat de travail à durée déterminée d’usage.

La société Avis Location de voitures n’ayant pas rapporté la preuve de la nature temporaire de l’emploi de convoyeur de véhicules confié à Monsieur [D], celui-ci a pourvu un emploi permanent de l’entreprise de sorte qu’il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant requalifié les contrats de travail à durée déterminée d’usage en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 septembre 2017 et condamné l’employeur à payer au salarié par application de l’article L.1245-2 du code du travail une indemnité de requalification d’un montant de 1.126,25 €, non contesté par l’appelant à titre subsidiaire.

Sur la rupture de la relation de travail et ses conséquences financières :

La requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée ouvre droit pour le salarié faute d’existence d’une lettre de rupture énonçant les motifs de la rupture et permettant de justifier le licenciement à l’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents ainsi qu’à celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,.

En conséquence, par application de l’article 2.12 de la convention collective nationale applicable, Monsieur [D] ayant été présent un mois dans l’entreprise, la durée de son préavis s’établit à deux semaines et il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant condamné la société Avis Location de voitures à lui payer une somme de 563,12 € dont le montant n’est pas critiqué par l’appelante à titre subsidiaire outre 56,31 € de congés payés afférents et non 56,13 € tel qu’indique par erreur le dispositif du jugement entrepris lequel sera rectifié.

En revanche, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’irrégularité de la procédure de licenciement résultant de l’absence d’entretien préalable n’ouvre pas droit à des dommages-intérêts de sorte que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Par application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau.

Monsieur [D] demande à la cour au visa de l’article 55 de la constitution du 4 octobre 1958, d’écarter ce barème en invoquant son inconventionnalité en ce qu’il prévoit un montant maximal d’indemnisation empêchant la réparation intégrale du préjudice.

Il expose que l’article L 1235-3 du code du travail est contraire aux dispositions de l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ratifiée par la France le 16 mars 1989 (qui dispose que les juges devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée), de l’article 24 de la charte sociale européenne (qui consacre le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée).

Il soutient qu’avec un plafond n’évoluant qu’avec l’ancienneté et limité à vingt mois de salaire brut, le barème ne permet pas au juge d’apprécier les situations individuelles des salariés dans leur ensemble et de réparer le préjudice réel subi et précise qu’il n’est pas au surplus suffisamment dissuasif pour éviter le licenciement injusti’é.

La société Avis Location de voiture lui oppose à titre subsidiaire qu’il n’a qu’un mois d’ancienneté au terme du dernier contrat à durée déterminée d’usage et qu’il ne démontre aucunement subir un préjudice non réparé par l’indemnité d’un mois de salaire prévue par le barème de l’article L.1235-3 du code de procédure civile qu’il n’y a pas lieu d’écarter.

Il est rappelé que l’instauration du barème d’indemnisation prévu à l’article L.1235-3 du code du travail a été jugée conforme à la constitution par le conseil constitutionnel le 21 mars 2018.

De plus, eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de la charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 ratifiée par la France le 7 mai 1999, les dispositions de son article 24 ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

En revanche, l’article 10 de la convention internationale du travail n°158 de l’OIT est, quant à lui, d’application directe en droit interne.

Les dispositions de l’article L1235-3 du code du travail ne sont cependant pas, en elles-mêmes, incompatibles avec les stipulations de cet article 10, une réparation « adéquate » ne signifiant pas une réparation intégrale.

En effet, ces dispositions réservent la possibilité d’une réintégration du salarié, prévoient la possibilité de fixer une indemnité comprise entre des montants minimaux et maximaux variables en fonction de l’ancienneté et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise. La marge d’appréciation au regard du barème est suffisamment large pour tenir compte d’autres critères que celui de l’ancienneté (âge, situation de famille, difficulté à retrouver un emploi notamment) et le principe d’une assiette de calcul fondée sur le salaire brut adapté à la situation spécifique du salarié privé de rémunération permet d’individualiser la réparation. Par ailleurs, le barème est écarté lorsque le licenciement est entaché de nullité (notamment discriminations, harcèlements moral ou sexuel, violation d’une liberté fondamentales).

Le plafonnement mis en place par l’article L. 1235-3 n’est en outre pas dépourvu d’effet dissuasif. L’indemnité maximale susceptible d’être allouée, augmentant en fonction de l’ancienneté, est un multiple du salaire brut mensuel et la condamnation de l’employeur peut s’accompagner de la sanction prévue à l’article L. 1235-4 du code du travail lorsque les conditions en sont réunies.

Enfin, un contrôle de conventionnalité in concreto porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, garanti à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

La cour considère donc que le barème fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail permet de réparer le préjudice invoqué par Monsieur [D] par une indemnisation adaptée, adéquate et appropriée et qu’il convient de faire application de celui-ci.

Pour une ancienneté inférieure à une année complète et dans une entreprise d’au moins 11 salariés, l’article L.1235-3 du code du travail prévoit une indemnité égale à 1 mois de salaire salaire.

Compte tenu d’un âge de 63 ans au moment de la rupture du contrat de travail, d’une ancienneté limitée à un mois et du fait que Monsieur [D] ne verse strictement aucun élément justifiant de l’évolution de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture de la relation de travail, il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant condamné la société Avis Location de voitures à lui verser une somme de 1.126,25 € à titre de dommages-intérêts , cette somme offrant une indemnisation adéquate du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné la société Avis Location de voitures au dépens de première instance et à payer à Monsieur [D] une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont confirmées.

PAR CES MOTIFS :

La cour:

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort:

Ordonne la rectification dans le dispositif du jugement entrepris de l’erreur matérielle affectant le montant de l’incidence congés payés de l’indemnité de préavis laquelle s’élève à la somme de ‘56,31 €’ et non à celle de de 56,13 €.

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la société Avis Location de voitures prise en la personne de son représentant légal à payer à Monsieur [D] une somme de 1.126,25 € à titre d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, celles-ci étant infirmées.

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant:

Rejette la demande de Monsieur [D] de condamnation de la société Avis Location de voitures au paiement d’une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.

Condamne la société Avis Location de voitures aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

 


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