Contrat à durée déterminée d’usage : 14 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01483

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Contrat à durée déterminée d’usage : 14 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01483
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ARRÊT DU

14 Avril 2023

N° 625/23

N° RG 21/01483 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T3HT

GG/AA

AJ

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BETHUNE

en date du

07 Septembre 2021

(RG 20/00046 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 14 Avril 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme [K] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Gérald VAIRON, avocat au barreau de BETHUNE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/010503 du 12/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE:

Association LE RELAIS VERMELLOIS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Sarah CASTELAIN, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS : à l’audience publique du 11 Janvier 2023

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 21/12/2022

EXPOSE DU LITIGE

L’association le relais Vermellois exerce en qualité d’association intermédiaire une activité d’embauche de personnes en difficultés sociales, en particulier dans le cadre d’une convention avec le département du Pas de Calais aux fins d’encadrement des personnes bénéficiaires du revenu de solidarité active.

Mme [K] [R], née en 1986, a été engagée dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée d’usage par l’association le relais Vermellois, à compter du 22/06/2017, le terme du dernier contrat étant fixé au 24/01/2018, en qualité d’agent d’entretien.

A la suite d’un accident de travail le 18/01/2018, pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie par décision du 09/02/2018, Mme [R] a été arrêtée du 18/01/2018 au 09/02/2018, le médecin ayant par la suite prescrit des soins sans arrêt de travail jusqu’au 20/04/2018.

Plusieurs échanges de courriels sont intervenus entre Mme [R] et l’employeur, celle-ci sollicitant le paiement d’heures le jour de l’accident du travail, et demandant à reprendre son poste au sein de l’UEMO.

Suivant requête reçue le 21/03/2019, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Béthune à l’encontre de l’association le relais Vermellois et de la direction territoriale de protection judiciaire de la jeunesse, pour faire requalifier son contrat de travail et obtenir diverses indemnités au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

L’affaire a été radiée à deux reprises le 03/12/2019 et le 10/03/2020, puis réinscrite en dernier lieu le 17/03/2020.

Par jugement du 07/09/2021 le conseil de prud’hommes a :

-dit que la direction territoriale de protection judiciaire de la jeunesse UEMO n’est pas l’employeur de Mme [R] et en conséquence l’a mise hors de cause,

-débouté Mme [K] [R] de l’ensemble de ses demandes,

-débouté le relais Vermellois de sa demande reconventionnelle,

-débouté le demandeur et les défendeurs au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-laissé à la charge de chaque partie les entiers frais et dépens.

Par déclaration reçue le 23/09/2021, Mme [R] a interjeté appel de la décision précitée à l’encontre de l’association le relais Vermellois.

Selon ses conclusions reçues le 22/02/2022, Mme [R] demande à la cour de :

«réformer et infirmer la décision »,

-requalifier le contrat de travail en un contrat à durée indéterminée et à temps complet, avec effet au 3 juillet 2017, à l’encontre du RELAIS VERMELLOIS mais également la requalification en un contrat à temps complet,

-condamner l’association LE RELAIS VERMELLOIS à lui payer les sommes suivantes:

-1.000 € d’indemnité de requalification,

-10.126,62 € de rappel de salaire 2017 outre 1.012,66 € de congés payés afférents,

-2.960,60 € de rappel de salaire 2018 outre 296,06 € de congés payés afférents,

-prononcer la nullité de la rupture du contrat et condamner la partie défenderesse à lui payer les sommes suivantes :

-12.000 € de dommages intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

-1.480,30 € d’indemnité de préavis,

-370,07 € d’indemnité de licenciement,

-A titre subsidiaire pour le cas où la nullité ne serait pas reconnue, condamner la partie défenderesse à lui payer les sommes suivantes :

-12.000 € de dommages intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

-1.480,30 € d’indemnité de préavis,

-370,07 € d’indemnité de licenciement,

-juger que les parties défenderesses se sont rendues coupables d’une exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail et la condamner (sic) à lui payer 4.000 € de dommages intérêts,

-juger que la partie défenderesse s’est rendu coupable d’un manquement à son obligation de santé au travail et de la condamner à lui payer une somme de 4.000 € à titre de dommages intérêts,

-juger que la partie défenderesse s’est rendue coupable de discrimination et la condamner à lui payer une somme de 5.000 € à titre de dommages intérêts,

-juger que la partie défenderesse s’est rendue coupable d’une violation de l’obligation de formation et les condamner in solidum (sic) à payer à la requérante une somme de 3.000€ de dommages intérêts,

-prononcer la nullité de la rupture du contrat qui est demandée en premier lieu et subsidiairement juger que la rupture est dénuée de cause réelle et sérieuse,

-condamner la partie défenderesse à lui payer une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens.

Selon ses conclusions reçues le 03/03/2022, l’association le relais Vermellois demande à la cour de :

-rejeter l’appel interjeté par Mme [K] [R] à l’encontre de la décision rendue le 7 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de BETHUNE,

-confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

La clôture de la procédure résulte d’une ordonnance du 21/12/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l’audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur l’exécution du contrat de travail

-la requalification en contrat à durée indéterminée

L’appelante fait valoir que les dispositions de l’article L5132-7 du code du travail ne sont pas respectées, qu’en l’absence de convention le contrat doit être requalifié, de même qu’en l’absence de toute formation et de preuve d’un accompagnement en vue de sa réinsertion, qu’elle a occupé un emploi lié à l’activité normal et permanente de l’entreprise utilisatrice.

L’association le relais Vermellois rappelle son statut d’association intermédiaire, qu’elle travaille à la réinsertion des personnes éloignées de l’emploi par des activités supports (aide-ménagère, agent d’entretien…), que Mme [R] a été orientée par le Pôle emploi afin qu’elle renoue avec le monde du travail en se réadaptant aux contraintes de l’emploi, que l’article L5132-7 du code du travail ne met à sa charge aucune obligation de formation, qu’elle n’est pas habilitée à délivrer des certificats de formation professionnelle, que la salariée a bénéficié d’un suivi sa situation ayant été évoquée lors des différents comités de pilotage, qu’elle rencontrait des difficultés dans le nettoyage et souhaitait devenir juriste animalier, qu’elle a travaillé peu de temps et a été mise à dispositions de trois structures distinctes.

L’article L5132-7 du code du travail dispose que les associations intermédiaires sont des associations conventionnées par l’Etat ayant pour objet l’embauche des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, en vue de faciliter leur insertion professionnelle en les mettant à titre onéreux à disposition de personnes physiques ou de personnes morales.

Une durée de travail hebdomadaire inférieure à la durée minimale mentionnée à l’article L. 3123-6 peut être proposée aux salariés lorsque le parcours d’insertion le justifie.

L’association intermédiaire assure l’accueil des personnes ainsi que le suivi et l’accompagnement de ses salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d’une insertion professionnelle durable.

Une association intermédiaire ne peut mettre une personne à disposition d’employeurs ayant procédé à un licenciement économique sur un emploi équivalent ou de même qualification dans les six mois précédant cette mise à disposition.

En l’espèce, il est constant que Mme [R] a été recrutée dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée dit d’usage (selon contrats des 22/06/2017, 31/07/2017, 16/08/2017, 19/09/2017, 28/09/2017, 24/10/2017, 21/11/2017, 26/12/2017, 24/01/2018) et affectée auprès des entreprises utilisatrices ou d’administration (UEMO, UEHD et SCM BROULIN) pour des travaux d’entretien.

Il est constant que les contrats de travail conclu par une association intermédiaire en vue de mettre un salarié à la disposition d’une personne physique ou morale, ne sont pas soumis aux dispositions du code du travail régissant les contrats de travail à durée déterminée, et d’autre part, que si la mise à disposition par une association intermédiaire d’un salarié auprès d’une entreprise utilisatrice ne peut intervenir que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et non pour l’occupation d’un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’utilisateur, la méconnaissance de cette règle permet au salarié de faire valoir auprès de celui-ci, et non auprès de l’association intermédiaire, les droits tirés d’un contrat à durée indéterminée.

A cet égard l’intimée verse la lettre de renouvellement de conventionnement du 21/01/2016 de la DIRRECTE Nord-Pas de Calais-Picardie pour une durée de trois ans, la convention du 17/07/2017 avec le département du Pas de Calais en vue de l’encadrement des bénéficiaires du RSA, l’avis de renouvellement de la convention du 01/01/2019 au 31/12/2021 avec la DIRECCTE, la convention. Il en résulte que l’association le relais Vermellois justifie en conséquence du conventionnement avec l’Etat.

Le débat porte toutefois sur l’exécution de l’obligation mise à la charge de l’intimée, en vertu du texte précitée, d’assurer l’accueil des personnes ainsi que le suivi et l’accompagnement de ses salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d’une insertion professionnelle durable.

La justification de cet accompagnement est d’autant plus nécessaire que l’association le relais Vermellois bénéficie d’un régime dérogatoire, notamment au plan de la législation sociale et fiscale.

L’association le relais Vermellois produit les feuilles de présence des comités de pilotage du 08/09/2017 et 19/01/2018, accompagnées de tableaux récapitulatifs au nom des salariés avec un commentaire pour chacun d’eux, montrant que sa situation professionnelle a été évoquée, dans un premier temps quant à la qualité du travail de Mme [R]. Le second compte-rendu précise que « Mme [R] effectue des missions chez nous uniquement pour obtenir assez d’argent pour se payer la formation de juriste animalier qui se fait sur 2 ans à [Localité 6] ».

Ce projet est confirmé par le compte-rendu sommaire du du 21/11/2017 (« point sur le projet, prise d’informations sur les financements pour devenir juriste animalier »). Ces éléments démontrent qu’un suivi a été assuré pour accompagner Mme [R] dans son projet, l’association expliquant que la formation en question n’est pas prise en charge pour le Pôle emploi, le suivi devant être analysé au regard du projet de la salariée.

Par ailleurs, Mme [R] a principalement travaillé pour un service de la protection judiciaire de la jeunesse (UEMO) à [Localité 5]. Outre que Mme [R] ne pourrait faire valoir son action qu’à l’égard de l’administration utilisatrice, les bulletins de paie versés aux débats démontrent une variation régulière des heures travaillées mensuellement (par exemple : 49 h en août, 30 heures en octobre, 21 heures en décembre). Il s’ensuit qu’il n’est pas démontré qu’elle a occupé un emploi permanent.

En conséquence, ces éléments démontrent que l’association le relais Vermellois a rempli ses obligations contractuelles au regard des dispositions de l’article L5132-7 du code du travail précité. La demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée est rejetée. Le jugement est confirmé.

-sur la requalification à temps complet

Mme [R] explique que les contrats de travail ne comportent aucune répartition horaire, que l’intimée ne pouvant plus prétendre au statut d’entreprise intermédiaire, aucune dérogation à l’article L3123-6 du code du travail n’est permise, qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

L’association le relais Vermellois explique qu’en raison de son statut d’association intermédiaire, aucune requalification à temps complet n’est encourue.

Sur quoi, en vertu des dispositions de l’article L5132-11 alinéa 2 du code du travail, le salarié d’une association intermédiaire peut être rémunéré soit sur la base du nombre d’heures effectivement travaillées chez l’utilisateur, soit sur la base d’un nombre d’heures forfaitaire déterminé dans le contrat pour les activités autres que celles mentionnées à l’article L. 5132-9.

Il ressort des dispositions précitées que le salarié mis à disposition par une association intermédiaire peut être rémunéré soit sur la base d’un nombre d’heures forfaitaire déterminé dans le contrat ou en fonction du nombre d’heures effectivement travaillées chez l’utilisateur. En l’espèce, il est constant que les contrats ne comportent aucune répartition d’horaires et sont libellés de date à date, sans volume horaire mensuel. L’association ne s’est donc pas engagée sur une durée de travail, et Mme [R] a été rémunérée sur la base du nombre d’heures effectivement travaillées chez l’utilisateur, mentionnées aux bulletins de paie.

Par conséquent il n’y a pas lieu de requalifier le contrat à temps complet.

-sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Mme [R] réitère son argumentation de première instance, faisant valoir l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail tant de la part de l’association que de l’employeur utilisateur. Mme [R] ne produit toutefois aucun élément en cause d’appel pour établir le manquement à l’obligation de loyauté, qu’elle n’explique pas.. La demande est rejetée et le jugement confirmé.

-sur la violation de l’obligation de santé et de sécurité de l’employeur

Cette demande réitérée en appel n’est pas plus argumentée qu’en première instance, un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur ne pouvant s’induire de la seule survenance d’un accident du travail. La demande est rejetée et le jugement confirmé.

-sur la violation de l’obligation de formation de l’employeur

Mme [R] se fonde sur les dispositions de l’article L6321-1 du code du travail et indique ne pas avoir eu droit aux formations que l’employeur est tenu de lui dispenser du fait de son statut.

Toutefois, compte-tenu de la durée de la durée de la relation de travail, d’un peu plus de 6 mois, et du suivi dispensé par l’association intermédiaire, aucun manquement à l’obligation de formation de l’employeur n’est démontré. La demande est rejetée et le jugement est confirmé.

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [R] faut valoir au principal la nullité du licenciement pour discrimination en raison de son état de santé, expliquant ne plus avoir eu de « nouvelles » de l’association ou de l’employeur utilisateur après l’accident du travail, ce qui démontre une discrimination en raison de son état de santé.

L’association le relais Vermellois précise que durant l’arrêt de travail, une autre salariée a été désignée pour travailler au sein de l’UEMO, qu’elle restait dans l’attente de la décision de ce service qui a finalement souhaité conserver la nouvelle salariée (Mme [W]), que Mme [R] a travaillé dans le même temps pour ADECCO.

Aux termes de l’article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Aux termes de l’article L1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui se prétend victime d’une discrimination de présenter des faits laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes le mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Mme [R] verse notamment :

-les contrats de travail du 26/12/2017 pour une période du 02/01/2018 au 31/01/2018,

-le contrat de travail du 24/01/2018 pour la période du 01/02/2018 au 28/02/2018, auprès de l’UEMO STEMO,

-la lettre de la CAPM du 09/02/2018 de prise en charge de l’accident du travail du 18/01/2018,

-les arrêts de travail et prescription de soins du 19/01/2018, l’arrêt de travail étant prescrit jusqu’au 09/02/2018,

-des courriels : du 07/02/2018 par lequel Mme [R] demande paiement de ses heures, et la réponse du 08/02/2018 indiquant qu’une remplaçante a été affectée, que les heures de travail ne sont pas rémunérées, Mme [R] demandant si elle retourne à l’UEMO ou pas, et si elle perdu sa place.

Dans la mesure où Mme [R] a été arrêtée jusqu’au 09/02/2018, qu’elle pouvait ensuite reprendre son poste, ce qui n’a pas été le cas, à la suite de l’accident du travail subi, la salariée présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Il incombe au vu de ces éléments à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L’association le relais Vermellois verse la déclaration d’accident du travail du 18/01/2018, survenu durant le nettoyage des bureaux (traumatisme de l’épaule droite), et le rapport descriptif.

Elle fait valoir l’absence de contrat de travail global, que la condition tenant à une rupture discriminatoire n’est pas établie, qu’elle n’était l’employeur de Mme [R] que de manière ponctuelle lorsque celle-ci était mise à disposition de structures.

Contrairement à ce qu’affirme l’intimée, les parties étaient engagées dans une relation de travail (contrat du 26/12/2017) suspendue par l’accident du 18/01/2018. Les parties avaient en outre signé un contrat de travail pour le mois de février 2018 (contrat du 24/01/2018 versé par l’appelante).

Bien que le régime habituel du contrat à durée déterminée ne soit pas applicable en l’espèce, l’association le relais Vermellois reste en qualité d’employeur tenue par les principes résultant de l’article L1226-7 et suivantes du code du travail. Selon l’article L1226-8 du code du travail, le contrat de travail du salarié victime d’un accident du travail, autre qu’un accident de trajet, ou d’une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail provoqué par l’accident ou la maladie . L’article L1226-8 du code du travail dispose qu’à l’issue des périodes de suspension définies à l’article L. 1226-7, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente, sauf dans les situations mentionnées à l’article L. 1226-10.

Or, non seulement Mme [R] n’a pas retrouvé son emploi, mais elle n’a pas retrouvé d’emploi similaire puisqu’aucun autre poste ne lui a été proposé. L’association le relais Vermellois s’est bornée à indiquer à la salarié attendre la réponse de l’UEMO (« comme indiqué dans les mails précédents, nous attendons le retour de Mme [U]. Pour le moment, elle garde la remplaçante »). Il n’est justifié d’aucune démarche auprès de cette administration aux fins de réaffectation de la salariée. Il n’est pas plus justifié de démarches pour affecter Mme [R] sur un poste similaire. Bien au contraire, le tableau de suivi du comité de pilotage du 06/05/2018 indique comme commentaire : « Mme [R] a eu un accident du travail durant une mission, nous avons donc dû la remplacer auprès de ses clients qui ont décidé de garder sa remplaçante plus efficace dans le travail. Mme [R] ne comprend pas pourquoi elle ne travaille plus chez nous », l’employeur n’ayant semble-t-il pas pris la mesure exacte de la situation juridique de Mme [R].

Cette argumentation ne constitue pas un motif objectif étranger à toute discrimination, dans la mesure où l’employeur ne justifie d’aucune démarche pour permettre à la salariée de retrouver son emploi à l’issue de son accident du travail, y compris dans un poste similaire au précédent. Il importe peu que Mme [R] ait travaillé pour une société d’intérim, cette argumentation étant inopérante. Enfin, l’absence de poursuite du contrat de travail au 09/02/2018 démontre la volonté de rompre celui-ci, cette rupture étant nulle en application de l’article L1132-4 du code du travail. Le jugement est donc infirmé.

Sur les conséquences indemnitaires

Les faits de discrimination ont empêché Mme [R] de reprendre son poste en raison d’un accident du travail, ce qui lui a causé un préjudice qui sera réparé par une indemnité de 2.000 € de dommages-intérêts.

La relation de travail n’ayant pas été requalifiée en contrat à durée indéterminée, Mme [R] n’est pas fondée à demander paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, ou encore d’une indemnité de licenciement. Ces demandes sont rejetées et le jugement confirmé.

Compte-tenu de l’ancienneté de la salariée de l’ordre de 7 mois, les faits de discrimination l’ont empêchée de bénéficier d’un accompagnement dans le cadre d’une réinsertion sociale, le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail étant réparé par une somme de 700 €.

L’association le relais Vermellois sera condamnée au paiement de ces sommes.

Sur les autres demandes

Succombant, l’association le relais Vermellois supporte par infirmation les dépens de première instance et d’appel.

Il convient d’allouer à Me Gérald Vairon avocat au barreau de Béthune une indemnité de 1.500 € par application de l’article 700, 2°) du code de procédure civile, en cause d’appel, sous réserve de sa renonciation au bénéficie de l’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions concernant la discrimination en raison de l’état de santé et la rupture du contrat de travail, et les dépens,

Infirme le jugement de ces chefs,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Constate la nullité de la rupture du contrat de travail de Mme [K] [R],

Condamne l’association le relais Vermellois à payer à Mme [K] [R] les sommes suivantes :

-2.000 € de dommages-intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé,

-700 € de dommages-intérêts pour nullité de la rupture du contrat de travail,

Condamne l’association le relais Vermellois à payer à Me Gérald Vairon avocat au barreau de Béthune une indemnité de 1.500 € par application de l’article 700, 2°) du code de procédure civile, en cause d’appel, sous réserve de sa renonciation au bénéficie de l’aide juridictionnelle.

Condamne l’association le relais Vermellois aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK

 


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