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Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 20 MAI 2011
(n° 125, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 10/10756.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2010 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section – RG n° 08/05092.
APPELANTE :
SARL H & M HENNES ET MAURITZ
prise en la personne de son gérant,
ayant son siège social [Adresse 1],
représentée par la SCP ANNE LAURE GERIGNY FRENEAUX, avoués à la Cour,
assistée de Maître Julien FRENEAUX, avocat au barreau de PARIS, toque P 390.
INTIMÉE :
SA LOUIS VUITTON MALLETIER
prise en la personne de son Président du conseil d’administration,
ayant son siège social [Adresse 2],
représentée par la SCP MENARD SCELLE MILLET, avoués à la Cour,
assistée de Maître Patrice de CANDE de la SELARL MARCHAIS de CANDE, avocat au barreau de PARIS, toque L 280.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 31 mars 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur GIRARDET, président,
Madame REGNIEZ, conseillère,
Madame NEROT, conseillère.
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur GIRARDET, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
La société Louis Vuitton Malletier, ci-après société LVM, expose être titulaire de droits d’auteur sur un modèle de soulier dénommé ‘Emily’, qu’elle présenta dans son catalogue automne 2007 et de diverses marques parmi lesquelles une marque figurative évocatrice d’un fermoir dont les pourtours de la partie supérieure épousent la forme d’un triangle inversé ou de la lettre ‘V’, déposée le 11 mars 2004 et enregistrée sous le n° 04 3 279 135 pour désigner notamment les sacs à mains, trousses de voyage et portefeuilles.
Faisant grief à la société H& M Hennes & Mauritz France, ci-après société H&M, d’une part, d’avoir fait paraître en 2008, dans la presse écrite et sur son site internet, www.hm.com deux photos publicitaires destinées à promouvoir une robe portée par un mannequin chaussé du modèle ‘Emily’, et d’autre part, d’avoir commercialisé dans ses magasins des articles de maroquinerie revêtus d’un signe proche de la marque dont elle est titulaire , la société LVM a fait assigner la société H&M devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon et en concurrence déloyale.
Par jugement en date 9 avril 2010 auquel la cour renvoie expressément pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, le tribunal déclara la société LVM recevable à agir en contrefaçon de ses droits d’auteur, rejeta la demande de nullité de la marque mais prononça la déchéance, à compter du 13 août 2009, des droits de la société LVM sur celle-ci en ce qu’elle désigne les sacs, trousses de voyages et portefeuilles. Il condamna la société H&M pour contrefaçon des droits patrimoniaux d’auteur, à verser à la société LVM la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts et prononça les mesures d’interdiction et de publication d’usage.
Vu les dernières écritures en date du 14 mars 2011 de la société H&M qui fait valoir tour à tour que la société LVM n’établit pas être titulaire de droits d’auteur sur le modèle ‘Emily’, subsidiairement que celui-ci est dépourvu d’originalité et que sa reproduction n’est en tout cas pas contrefaisante, avant de solliciter, in fine, une réduction du montant des dommages et intérêts ; sur l’action en contrefaçon de marque, elle demande à la cour de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du TPIUE appelé à se prononcer sur la validité de la marque communautaire constitué du même signe que celui protégé par la marque française invoquée dans la présente instance ; elle conclut à titre subsidiaire à la nullité de la marque pour un ensemble d’articles et de produits de maroquinerie, à la déchéance des droits de la société LVM sur celle-ci non seulement pour les produits retenus par la décision déférée mais aussi en ce qu’elle désigne les produits qui leur sont similaires, et de confirmer le jugement pour le surplus ;
Vu les dernières écritures en date du 2 mars 2011 de la société LVM qui conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté l’action en concurrence déloyale, déclaré recevable l’action en déchéance de ses droits de marque et, subsidiairement, en ce qu’il a accueilli la demande en déchéance, estimant rapporter la preuve d’une exploitation sérieuse du signe ; elle conclut à la condamnation de la société H&M pour contrefaçon de ladite marque, contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale à lui verser les sommes de 100 000 euros au titre de la contrefaçon de droits d’auteur, 125 000 euros au titre de la contrefaçon de marque et 70 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale ; elle sollicite en outre l’extension aux actes de contrefaçon de sa marque de la mesure d’interdiction prononcée en premier ressort et un élargissement de la mesure de publication ordonnée ;
SUR CE,
Sur l’action en contrefaçon de droits d’auteur :
Considérant que la société H&M soutient d’une part que les documents produits par LVM n’établissent pas qu’elle est titulaire des droits d’auteur sur le modèle ‘Emily’, d’autre part, que les modèles Gilda n° 184 123 et Eram n° 154 089 ruinent l’originalité prétendue du modèle ‘Emily’ et enfin, que le caractère tout à fait accessoire de la reproduction du modèle sur les publicités exclut la qualification de la contrefaçon ;
– sur la titularité des droits :
Considérant que la société LVM produit aux débats le catalogue de ses collections , édité en avril 2007, qui reproduit le modèle de chaussures revendiqué, ainsi que des factures de commercialisation du soulier Emily avec sa référence ( XL 8 J 21 SS 54) en date d’octobre et de novembre 2007, lesquelles portent l’entête Louis Vuitton Malletier ainsi que la référence à Louis Vuitton France, le dossier de presse de la collection et une page écran du site internet www.Louisvuitton. exploité par Louis Vuitton Malletier, qui présente le modèle en cause (cf pièces n° 52, 53, 58 76) ;
Considérant que ces pièces établissent à suffisance que la société LVM commercialise, sous son nom et de façon non équivoque, un modèle de soulier dénommé Emily, dont les caractéristiques sont visibles sur le catalogue 2007 et correspondent à celles du modèle de soulier produit à la cour comme à celles revendiquées par la société LVM dans ses écritures ;
Considérant que de tels actes d’exploitation dépourvus d’ équivoque et réalisés sous le nom de Luis Vuitton Malletier, font présumer à l’égard de la société H&M qui ne revendique pas de droits d’auteur sur ce modèle et qui est poursuivie en contrefaçon, que la société LVM est titulaire des droits patrimoniaux de l’auteur ;
– sur l’originalité du modèle :
Considérant que les caractéristiques revendiquées par LVM sont les suivantes :
escarpin pour femme, dont l’empiècement à l’arrière du talon est délimité par une couture bord à bord de même couleur que l’empiècement avant contrastant avec le corps principal du soulier, deux cordons parallèles superposés, de longueur décroissante, cousus sur l’empiècement, doté d’une bride de cheville fermée par un bouton et pourvue d’un talon haut carré et d’une semelle ayant un aspect compensé, réalisée en deux parties, la partie inférieure étant d’une section légèrement inférieure à la partie supérieure ;
Considérant que la société H&M oppose deux modèles déposés à l’INPI, l’un dénommé GIDA qui ne présente pas de semelle compensée, mais est doté d’un talon fin et d’une bride placée sur le coup du pied, et l’autre, dénommé modèle ERAM, indépendant de toute tige, doté d’une forte semelles compensées dont la partie inférieure est d’une section légèrement inférieure à la partie supérieur ;
Considérant qu’il suit qu’aucun de ces modèle ne divulgue la combinaison des caractéristiques essentielles du modèle ‘Emily’ ;
Considérant que si le modèle ‘Emily’ emprunte certaines de celles présentes sur ces deux modèles , il demeure que le choix de combiner des caractéristiques qui sont associées à des styles de souliers bien distincts, traduit une approche esthétique qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et rend cette création éligible à la protection par le droit d’auteur ;
Sur la contrefaçon :
Considérant que la société H&M fait valoir, comme elle le fit devant les premiers juges, que les parutions publicitaires sous forme de deux photographies, ne réalisent par une communication au public dans la mesure où sur la photo présentant le mannequin de face et diffusée sur internet, il n’est pas possible de distinguer l’escarpin et sur celle du mannequin vu de profil, publiée dans les magazines ‘Elle’ et’Glamour’, l’escarpin n’apparaît pas entier, le cadrage sectionnant la partie inférieure de la photo ; qu’elle ajoute que le propos de ces publicités est de mettre en exergue la robe, son prix (19,60 euros) et le mannequin qui la porte, et nullement l’escarpin de la société LVM, pour conclure à l’absence de contrefaçon en raison de l’absence de reproduction de l’ensemble des caractéristiques de l’escarpin et de l’aspect accessoire de cette reproduction partielle ;
Mais considérant que c’est par des motifs pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont relevé que bien que la robe occupe une place centrale dans le décor des deux photos, il demeure que, la place des chaussures est d’autant moins accessoire que le mannequin, photographié de face , ne porte qu’ une robe courte de couleur bleue, des jambières de couleur sombre et les souliers revendiqués ; que ces éléments se détachent d’autant plus aisément, que le mannequin est présenté seul, sur une fond blanc, à l’exclusion de tout autre élément décoratif ;
Qu’il en va de même pour la photographie présentant le mannequin de profil , d’autant plus que celui-ci plie légèrement la jambe gauche, et ce faisant, présente le soulier revendiqué en laissant voir très distinctement, l’ensemble des caractéristiques qui fondent son originalité , peu important que l’extrême bout du soulier ne soit pas représenté dès lors que l’observateur reconstitue mentalement sans difficulté la partie manquante ;
Considérant que sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la pertinence de la théorie de l’accessoire après l’intervention de la directive du 21 mai 2001, force est de constater que les reproductions réalisées par les deux photographies ne présentent pas un caractère accessoire et qu’elles engagent la responsabilité de la société H&M ;
Sur l’action en contrefaçon de la marque figurative n° 04 3 279 135 :
Sur l’action en nullité de la marque :
Considérant que la société LVM n’opposant les droits qu’elle détient sur sa marque que dans la mesure où celle-ci désigne les sacs à main, les trousses de voyage et les portefeuilles, la société H&M n’est recevable à en solliciter reconventionnellement la nullité que pour les produits qui lui sont opposés, seuls ceux-ci présentant avec la demande principale, un lien suffisant au sens de l’article 70 du Code de procédure civile ;
Considérant que selon la société H&M,qui demande à titre principal que la cour sursoit à statuer dans l’attente de la décision du TPIUE, fait valoir subsidiairement que la marque litigieuse est la représentation en deux dimensions d’un fermoir de sac, comportant d’une part , un palastre de forme rectangulaire avec quatre rivets aux quatre coins et deux boutons poussoirs centraux, et d’autre part un moraillon de forme parabolique relié à une plaque supérieure de fixation comportant deux rivets à ses extrémités, la pointe du moraillon étant positionnée entre les deux boutons centraux du palastre ; qu’elle soutient qu’un tel signe n’est pas propre à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’une autre entreprise, dans la mesure où les rivets, les deux gros boutons poussoirs, la forme du moraillon déjà présentée dans un brevet déposé le 10 septembre 1889 par [C] [F] portant précisément sur une serrure pour article de voyage, obéissent à des impératifs techniques dictés par la fonction d’un fermoir ; qu’elle avance encore que le dépôt de cette marque est doublement frauduleux car il confère un monopole sur un dispositif précédemment protégé par un brevet tombé depuis longtemps dans le domaine public et aboutit à conférer à LVM un monopole sur des fermoirs de sacs ayant cette forme, alors que la marque n’a pas été déposée pour les désigner ;
Considérant ceci exposé, que la cour ne disposant d’aucun élément sur l’état de la procédure pendante devant le TPIUE et relative à la validité de la marque communautaire constituée du même signe que celui en litige, pas plus que sur les moyens que les parties ont soumis à la juridiction communautaire, n’estime pas nécessaire de surseoir à statuer sur la demande de nullité de la marque française ;
Considérant que celle-ci est donc constituée de la représentation en deux dimensions d’une forme particulière de fermoir métallique composé d’une plaque supérieure de fixation, de forme rectangulaire aux bords arrondis, pourvue de deux rivets, un moraillon accroché à cette plaque supérieure, dont les pourtours sont légèrement incurvés vers l’extérieur et épousent la forme d’un triangle inversé ou de la lettre ‘V’, un palastre de forme rectangulaire ;
Considérant que l’appréciation du caractère distinctif de cette marque doit être portée au 11 mars 2004, pour les sacs à main, les trousse de voyage et les portefeuille ;
Considérant qu’aux termes de l’article L711-2, c), les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la fonction du produit, sont dépourvus de caractère distinctif ;
Considérant en l’espèce que la fonction des articles précités est de permettre le transport de petits objets et document personnels ; que le fermoir dont ils peuvent être dotés participe de la fonction qu’en attendent les consommateurs ;
Considérant que si un fermoir suppose la combinaison d’un palastre, et d’un moraillon, les pièces versées aux débats démontrent à l’envi que les fermoirs peuvent épouser des formes les plus diverses, sans que celles-ci soient asservies à la fonction qu’ils remplissent ;
Que tel est le cas de la forme déposée à titre de marque qui se singularise par une mise en exergue des rivets, dont la tête est très visible, et par des boutons poussoirs qui adoptent une forme rappelant celle de la tête des rivets ; que pareillement, la plaque supérieure de forme rectangulaire aux bords arrondis et le moraillon en forme de triangle inversé qui se détache de la forme adoptée par le palastre, procèdent de choix dont il n’est pas démontré ni même soutenu qu’ils fussent contingents et dictés par des impératifs technique ;
Qu’ils suit que la marque déposée n’est pas constituée exclusivement de signes imposés par la fonction des produits précités ;
Considérant qu’au regard des exigences de l’article 3, paragraphe 1, a) de la directive n°89/104 auquel l’article L711- 1 du Code de la propriété intellectuelle renvoie, il importe de déterminer si ce signe est de nature à remplir la fonction essentielle de la marque et donc d’apprécier si les consommateurs le perçoivent comme leur indiquant la provenance de ces produits ;
Considérant que la question est de savoir en l’espèce, si la marque figurative litigieuse ne sera perçue par les consommateurs que comme un fermoir ou si le caractère singulier des formes qu’elle adopte pourra leur signifier l’indication d’une origine commerciale et donc leur permettre de distinguer les produits qui la portent de ceux provenant d’une autre origine ;
Considérant que force est de constater qu’aucun fermoir produit aux débats n’adoptait en 2004 la combinaison des lignes arbitraires composant le signe déposé, ni même s’en approchait ;
Que les consommateurs sont ainsi enclins à reconnaître à cette combinaison un caractère distinctif, au demeurant faible en raison de la fonction utilitaire du signe, mais dont la faiblesse peut être compensée par l’importance que LVM réserve à l’exploitation de sa marque, point qui sera examiné dans le cadre de l’appréciation de la demande en déchéance ;
Considérant enfin, que comme l’ont pertinemment relevé les premiers juges, ni l’existence d’un brevet tombé dans le domaine public bien avant le dépôt de la marque et qui ne conférait de droits que sur un dispositif et non sur la forme de celui-ci, ni le fait que la marque n’ait pas été déposée pour désigner des fermoirs, ne sont de nature à conférer à ce dépôt un caractère frauduleux ;
Que la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande d’annulation de la marque de la société LVM ;
Sur la demande en déchéance des droits de marque :
– sur sa recevabilité :
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux précités, la demande reconventionnelle en déchéance des droits de la société LVM sur sa marque, n’est recevable que pour les sacs à main, trousses de voyage et portefeuilles ;
Considérant que la société LVM soutient qu’elle ne serait cependant pas recevable car la déchéance ne pourrait être prononcée qu’à l’issue d’un délai de cinq ans d’inexploitation, soit au plus tôt en août 2009, date postérieure aux actes argués de contrefaçon, commis au début de l’année 2008 ;
Mais considérant que la demande en déchéance est un moyen de défense directement lié à l’action en contrefaçon, peu importe la date à laquelle la déchéance peut être prononcée ;
Qu’en outre, son prononcé entraînerait le rejet de la mesure d’interdiction sollicitée par LVM ;
Que c’est donc à bon droit que le premiers juges ont déclarée recevable la demande reconventionnelle de la société H&M ;
– sur son bien fondé :
Considérant que la société H&M fait valoir que la preuve d’un usage sérieux de la marque pendant les cinq ans qui ont suivi son enregistrement n’est pas rapportée par les pièces de la société LVM lesquelles sont soit non datées, soit témoignent de l’exploitation d’un autre signe représentant un fermoir pourvu d’un moraillon sur lequel apparaît le logo ‘LV’inséré dans un cercle et les termes ‘LOUIS VUITTON’ gravés dans la partie basse du palastre ; qu’elle en déduit qu’il s’agit d’une exploitation modifiée qui en altère le caractère distinctif et que ce signe correspond à une autre marque déposée sous le n° 1 506 387 dont les preuves d’exploitation ne peuvent, en application de l’arrêt de la CJUE C- 234/06 du 13 septembre 2007, valoir preuve d’exploitation pour la marque objet de l’action en déchéance ;
Considérant toutefois que la marque n° 1 506 387 n’est pas dans les débats ; que si la société LVM ne conteste pas son existence, elle ne l’oppose pas, ne la produit pas et n’en précise pas les droits qu’elle a pu faire naître à son profit ;
Qu’elle ne soutient pas l’exploitation qu’elle peut en faire pourrait valoir preuve de l’exploitation de la seule marque qu’elle oppose ;
Considérant qu’il importe dès lors de déterminer si les preuves est administrée de l’exploitation sérieuse de la marque n° 04 3 279 135, c’est-à-dire sous la forme qui figure à son enregistrement ou, en application de l’article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, sous une forme modifiée qui n’en altère pas le caractère distinctif ;
Considérant à cet égard, que les pièces (n° 57-1 à 57-3, Publicités diifusées dans les magazines Elle des 5 mars et 2 avril 2007 et L’Officiel du mois d’avril 2007) témoignent de la diffusion de visuels qui mettent en valeur ce qui constitue l’aspect distinctif de la marque (configuration de la partie supérieure, du moraillon et du palastre,positionnement et mise en exergue des rivets) à ceci près qu’à la différence du signe déposé, celui exploité présente un aspect gaufré et non pas lisse et brillant ;
Considérant que cette différence d’aspect qui ne renvoie qu’à une différence de matière et de présentation, constitue une exploitation sous une forme modifiée qui n’en altère pas le caractère distinctif ;
Considérant par ailleurs que ces pièces justifient d’une large diffusion de la marque dans la presse à grand tirage en 2007 qui n’a pu que contribuer à asseoir son caractère distinctif intrinsèque ;
Considérant que la décision sera infirmée en ce qu’elle a prononcé la déchéance des droits de la société LVM ;
Sur la contrefaçon de la marque :
Considérant que selon H&M les fermoirs dont sont dotés les articles argués de contrefaçon, ne reproduisent pas la forme du palastre, sont dépourvus de boutons poussoir placés au centre du palastre, et sont dotés d’un moraillon qui recouvre totalement le palastre si bien que l’impression d’ensemble qui se dégage du signe argué de contrefaçon est exclusive de toute confusion dans l’esprit du public ;
Considérant ceci rappelé, que l’appréciation du risque de confusion doit être portée au terme d’une analyse globale qui prend en compte l’ensemble des éléments distinctifs composant la marque et au regard de la perception que peut avoir du signe argué de contrefaçon un consommateur d’attention moyenne qui n’a pas nécessairement sous les yeux le signe composant la marque ;
Que comme le rappelle la société LVM, un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ;
Considérant en l’espèce , que la configuration d’ensemble du signe litigieux est celle d’un trapèze (le palastre) dont la base est légèrement arrondie, surmonté d’une forme rectangulaire qui dépasse les côtés du trapèze, et recouvert en grande partie d’un moraillon en sorte que l’impression visuelle d’ensemble est bien plus massive, compacte et arrondie que le signe déposé à titre de marque ;
Qu’en outre, l’absence de bouton poussoir proéminent sur le palastre et la présence d’un dispositif de fixation réalisé par une ouverture pratiquée dans le moraillon, contribuent également à donner au fermoir incriminé une configuration d’ensemble exclusive de toute confusion dans l’esprit de consommateur, nonobstant l’identité des produits et la forte diffusion dont la marque a pu être l’objet ;
Que la décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a rejeté l’action en contrefaçon ;
Sur l’action en concurrence déloyale :
Considérant que la société LVM expose que les deux photographies publicitaire sus -décrites, adoptent une mise en scène très voisine de celle qu’elle utilise dans son Look-book et son dossier de presse pour présenter sa collection Prefall 2007, et consistant à présenter un mannequin avec des jambières remontant assez haut alors que la partie supérieure des jambes reste dénudée ,et le bras droit placé à hauteur de l’oreille droite tandis que le bras gauche longe le corps ; qu’en outre les mannequins sont ‘accessoirisés’ avec des sacs marrons revêtus de la marque arguée de contrefaçon , présentée de façon bien visible ;
Mais considérant que la décision déférée relève exactement que les mannequins n’ont pas la même posture, ni la même tenue vestimentaire, si ce n’est le port de jambières de hauteurs d’ailleurs différentes ;
Que n’est pas plus fautive la présence de sacs à main de couleur marron, dotés d’un fermoir dont il a été dit qu’il ne constituait pas la contrefaçon de la marque ;
Sur les mesures réparatrices :
Considérant que la société H&M France conclut à l’inexistence de tout préjudice subi par LVM du fait des agissements qui peuvent lui être imputés ; qu’elle souligne qu’elle n’est pas responsable des publications effectuées dans la presse étrangère, ni du fonctionnement du site www.hm.com ,et que la photo du mannequin pris de face, présentée sur le site, ne permet pas de discerner la forme de l’escarpin ;
Mais considérant que les publicités litigieuses ont été diffusées dans des magazines de la presse française à très fort tirage, (Elle, Marie Claire, Cosmopolitain, Glamour) au total, selon LVM à plus de 1 400 000 exemplaires ;
Que la société H&M n’a pas produit son plan média ni le chiffre d’affaires qu’elle réalisé ;
Considérant que bien que l’implication de la société H&M France dans le fonctionnement du site internet ne soit pas établie, bien qu’elle ait fourni la photo, il demeure que l’importance de la diffusion en France par voie de presse des photos litigieuses justifient le montant des dommages et intérêts alloués par les premiers juges en réparation de l’atteinte portée au droit de reproduction et de la perte de la valeur du modèle par sa banalisation ;
Considérant que les mesures d’interdiction et de publcitation seront également confirmées sauf à y ajouter que la mesure de publication devra tenir compte de l’intervention du présent arrêt ;
Sur l’article 700 du Code de procédure civile :
Considérant que l’équité commande de condamner la société H&M à verser à la société LVM la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a accueilli la demande en déchéance des droits de la société Louis Vuitton Malletier sur la marque n° 04 3 279 135,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande en déchéance des droits de la société Louis Vuitton Malletier sur la marque n° 04 3 279 135,
Dit que la mesure de publication tiendra compte du présent arrêt,
Condamne la société H&M Hennes et Mauritz à verser à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens qui seront recouvrés dans les formes de l’article 699 du même code.
Le greffier,Le Président,