Contrat de Mannequin : 13 octobre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/03682

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Contrat de Mannequin : 13 octobre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/03682
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N° RG 20/03682 – N° Portalis DBV2-V-B7E-ITIB

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 13 OCTOBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE HAVRE du 16 Octobre 2020

APPELANT :

Monsieur [F] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Amandine COULAND de l’AARPI SOCIALITIS, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

LE GRAND PORT FLUVIO-MARITIME DE [4] venant aux droits du GRAND PORT MARITIME DU HAVRE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Olivier PERRIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 14 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 14 Septembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 13 Octobre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [F] [E] a été engagé par l’établissement public Grand Port Maritime du [Localité 3] (GPMH) par contrat de travail à durée déterminée du 6 novembre 1990 en qualité d’agent d’informations maritimes. Les missions temporaires de M. [E] ont été renouvelées jusqu’au 5 avril 1994, date à laquelle il a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’agent de sécurité selon la classification ‘personnel agents des services permanents d’exploitation’ de la convention collective nationale unifiée ports et manutention.

Le 1er octobre 2010, M. [E] a été promu chef de service des affaires sociales adjoint, puis chef de ce service à partir de juillet 2011.

Le 31 mars 2017, M. [E] a été placé en arrêt maladie d’origine professionnelle pour ‘anxiété réactionnelle à harcèlement au travail’.

Par requête du 11 juillet 2019, M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes du Havre d’une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral.

Le 16 janvier 2020, dans le cadre de sa visite de reprise, M. [E] a été déclaré ‘apte à la reprise en mi-temps thérapeutique le matin. Un travail partiel en télétravail est préconisé, à organiser avec l’employeur. Pas de contre-indication médicale aux formations.’

A compter du 2 mars 2020, M. [E] a été affecté au poste de chargé de missions juridiques et administratives au sein de la Capitainerie du port.

Par jugement du 16 octobre 2020, le conseil de prud’hommes a dit que la clause de forfait jour du contrat de travail de M. [E] est nulle, en conséquence, condamné le Grand Port Maritime du [Localité 3] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses conditions de travail, outre celle de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, débouté M. [E] de ses autres demandes et condamné le Grand Port Maritime du [Localité 3] aux dépens de l’instance.

M. [E] a interjeté appel de cette décision le 13 novembre 2020.

Le contrat de travail de M. [E] s’est poursuivi, étant précisé qu’il a, à nouveau, été en arrêt de travail du 28 août 2020 au 7 janvier 2021, puis du 1er février au 31 mars 2021, et enfin à compter du 11 mai 2022.

Par conclusions remises le 13 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [E] demande à la cour de débouter le Grand Port Fluvio-maritime de [4] venant aux droits du Grand Port Maritime du [Localité 3] de sa demande tendant à voir déclarer dépourvue d’effet dévolutif sa déclaration d’appel, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a fixé à 10 000 euros le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice subi du fait des conditions de travail et débouté M. [E] de ses autres demandes, statuant à nouveau,

-juger que son forfait jour est nul et en conséquence condamner le Grand Port Fluvio-maritime de [4] à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice causé,

-juger que le Grand Port Fluvio-maritime de [4] a eu recours au prêt de main d’oeuvre illicite et en conséquence le condamner à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts,

-juger que le Grand Port Fluvio-maritime de [4] a exécuté de manière déloyale le contrat de travail et en conséquence le condamner à payer une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts,

-juger que M. [E] a été victime de harcèlement moral et en conséquence, condamner le Grand Port Fluvio-maritime de [4] à lui payer la somme de 36 396 euros à titre de dommages et intérêts,

-dire que les sommes allouées produiront intérêt de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil,

-condamner le Grand Port Fluvio-maritime de [4] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions remises le 13 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, le Grand Port Fluvio-maritime de [4] venant aux droits du Grand Port Maritime du [Localité 3] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté M. [E] de toutes ses autres demandes, et statuant à nouveau, le débouter de l’ensemble de ses prétentions, pour le surplus, à titre principal, déclarer dépourvue d’effet dévolutif la déclaration d’appel de M. [E] et en conséquence, dire n’y avoir lieu à statuer sur ses demandes formulées au titre du prêt de main-d’oeuvre illicite, du harcèlement moral et de l’exécution déloyale du contrat de travail, à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [E] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du prêt de main-d’oeuvre illicite, du harcèlement moral et de l’exécution déloyale du contrat de travail, en tout état de cause, débouter M. [E] de toute ses demandes, fins et conclusions et le condamner à lui payer une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 septembre 2022 avant l’ouverture des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur l’effet dévolutif de l’appel

Aux termes de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2021, la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.

En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé.

En l’espèce, la déclaration d’appel de M. [E] est formulée comme suit : ‘appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : CONFIRMER le jugement en ce qu’il a dit que la clause de forfait jour du contrat de travail est nulle. INFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné le GPMH en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [F] [E] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses conditions de travail ; en ce qu’il a débouté Monsieur [E] de sa demande relative au prêt de main d’oeuvre illicite (article L 8241-1 CT); en ce qu’il a débouté Monsieur [E] de sa demande relative à l’exécution déloyale du contrat de travail (article L 1221-1 CT); en ce qu’il a débouté Monsieur [E] de sa demande fondée sur les articles L 1152-1 et L 1152-4 du code du travail relative au harcèlement, en ce qu’il a débouté Monsieur [E] de sa demande relative aux intérêts de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation en application des articles L. 1231-1 et 1343-2 du code civil ; en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande relative à l’exécution provisoire de la décision à intervenir.’

Le fait que M. [E] ne se soit pas contenté de viser le chef de jugement ‘déboute M. [E] de toutes ses autres demandes’, mais qu’il ait précisé séparément quelles étaient les demandes qui avaient été ainsi rejetées, ne prive aucunement sa déclaration d’appel d’effet dévolutif, puisque les chefs de jugement critiqués ont été mentionnés et même explicités.

Ce moyen est donc rejeté.

* Sur la demande indemnitaire au titre de l’irrégularité de la convention de forfait en jours

M. [E] soutient que tant l’accord d’entreprise du 29 juin 2000 que sa convention de forfait en jours sont nuls et, en tout état de cause, inopposables car contraires aux dispositions du code du travail et aux exigences de la Cour de cassation en ce qu’aucune disposition n’a été prise pour assurer la protection de sa santé et son droit au repos. En outre, il souligne que son employeur n’a mis en place aucune mesure pour vérifier l’adéquation de la charge de travail et son temps de travail, et ce, alors même que, par ailleurs, il l’a, à plusieurs reprises, alerté sur sa surcharge de travail.

Le Grand Port Fluvio-maritime de [4] ne conteste pas que l’accord d’entreprise du 29 juin 2000 autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours ne comprend pas de stipulations visant à assurer l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, de sorte que la convention individuelle de forfait en jours de M. [E] encourt la nullité. Toutefois, il considère que cette situation ne peut ouvrir droit à perception de dommages et intérêts en raison, d’une part, de la prescription de l’action pour la période antérieure aux cinq ans précédant la saisine du conseil de prud’hommes et, d’autre part, de l’absence de justification d’un préjudice sur la période non prescrite durant laquelle M. [E] était majoritairement absent.

I – Sur la prescription

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l’action en paiement de dommages et intérêt fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours est soumise à la prescription biennale prévue par l’article L. 1471-1 du code du travail qui dispose que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

M. [E] n’ayant pu pleinement apprécier les conséquences de l’exécution de son forfait en jours irrégulier sur sa charge de travail éventuellement trop importante, qu’à l’issue de son arrêt de travail intervenu le 30 mars 2017 à la suite d’un accident du travail survenu en janvier 2017 dans le cadre du surmenage dénoncé, il convient de fixer le point de départ de son action en paiement de dommages et intérêts au 16 janvier 2020, date de sa reprise du travail en mi-temps thérapeutique.

M. [E] ayant saisi le conseil de prud’hommes par requête du 11 juillet 2019, sa demande n’est pas prescrite.

II – Sur le fond

Aux termes de l’article L. 3121-40 du code du travail issu de la loi du n° 2008-789 du 20 août 2008 devenu L. 3121-55 du même code depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit.

En outre, l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa version issue de la loi du n° 2008-789 du 20 août 2008 prévoit que la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, les articles L. 3121-63 et L. 3121-64 du même code prévoient des dispositions similaires, intégrant la jurisprudence issue de l’application de l’article L. 3121-39 sus-visé pour notamment préciser le contenu de l’accord collectif autorisant le recours au forfait annuel en jours.

En l’espèce, le Grand Port Fluvio-maritime de [4] admet que la convention de forfait en jours acceptée par M. [E] est nulle car fondée sur un accord d’entreprise du 29 juin 2000 ne comprenant pas de stipulations visant à assurer l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié. Aussi, il convient de dire que cette convention est nulle et par suite d’apprécier le préjudice en résultant pour M. [E].

A ce titre, le salarié fait valoir qu’à partir de 2014, il a signalé à ses supérieurs hiérarchiques et plus particulièrement à M. [D], directeur des ressources humaines de l’établissement public, sa situation de surcharge de travail et son état de fatigue, que néanmoins, son employeur n’a pris aucune mesure pour remédier à la situation, ce qui l’a conduit à subir un arrêt de travail pendant près de trois ans à partir de mars 2017.

Le Grand Port Fluvio-maritime de [4] soutient que M. [E] ne rapporte pas la preuve du préjudice dont il entend obtenir réparation, étant précisé que son argumentation est principalement fondée sur le fait que le préjudice ne peut être apprécié que sur les cinq dernières années précédant l’introduction de l’instance non prescrite et que sur ladite période, M. [E] était soit en arrêt maladie, soit en temps partiel, de sorte qu’il n’a pu subir aucun préjudice résultant de la nullité de la convention de forfait en jours.

La créance indemnitaire litigieuse n’étant pas une créance à exécution successive, le raisonnement de l’employeur qui tend à cantonner l’appréciation du préjudice subi sur la période de cinq ans précédant l’introduction de l’instance ne peut être suivi. L’action de M. [E] étant recevable, il y a lieu d’examiner l’ensemble des éléments qu’il invoque pour établir la réalité de son préjudice, peu important leur date.

A titre liminaire, afin d’apprécier justement la situation salariale de M. [E], ses missions, ses conditions de travail et la charge en résultant, il convient d’indiquer que le service des affaires sociales (AFS), dont M. [E] a pris la direction à compter du mois de juillet 2011 est présenté comme suit par la fiche descriptive établie par l’employeur lors de cette promotion, étant précisé que l’établissement public compte environ 1 200 salariés :

‘ Dans la Direction des Ressources Humaines, le service AFS est en charge de la protection sociale des salariés du GPMH notamment en ce qui concerne les aspects prévoyance et la prise en charge des accidents du travail et maladies professionnelles (FGAT). L’action sociale menée par l’assistante sociale fait également partie du service. De plus, le service AFS est chargé, pour les salariés, de l’action logement, des dossiers de médaille du travail et de l’épargne salariale.

Il est composé d’un effectif de 15 personnes et a été marqué par le départ de 7 salariés depuis juin 2011. Aux deux départs supplémentaires prévus jusque juin 2013, il subit une perte importante de connaissance dans une période courte.

Le Chef de service est également, en plus de sa fonction de responsable du service, Directeur de la Mutuelle, responsable du FGAT, Directeur de l’IGRS et gérant de la SCI Monceau. De plus, il représente le GPMH à l’UPF pour toutes questions relatives à la protection sociale.

En ce qui concerne la prévoyance (incapacité, invalidité et décès), le service AFS gère les garanties, mises en place pour les non cadres par un accord national de branche, assurées par l’URRPIMMEC ainsi que les garanties mises en place pour tous les salariés sur les bases d’un accord collectif local assurées actuellement par APRIONIS (marché quinquennal) comprenant une surcomplémentaire frais de santé pour les cadres.

Les frais de santé sont pris en charge par la Mutuelle du GPMH qui en tant qu’entité juridique différente du GPMH possède l’autonomie financière. Elle a pour membre les salariés par adhésion obligatoire et les retraités par adhésion facultative.

Les salariés de l’équipe retraite, gèrent les retraites complémentaires et supplémentaires prises en charge par AG2R pour les non-cadres sur la base d’un accord de branche national et AXA pour les cadres (marché quinquennal) sur la base d’un accord collectif local.

De plus, le GPMH a la spécificité de gérer une institution de gestion de retraite supplémentaire assurant une pension garantie aux anciens salariés dont le dernier bénéficiaire est devenu retraité en 1994.

Le GPMH bénéficie, par arrêté ministériel, de l’autorisation de gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles via le FGAT en lieu et place de la CPAM.

Le plan d’épargne entreprise est géré par l’équipe ‘retraites’.

Action sociale : l’assistante sociale est à l’écoute des salariés pour les aider à résoudre les problèmes personnels et professionnels qui se posent à eux et apporte un appui technique à l’établissement sur les dossiers à implication sociale. Une assistante sociale vacataire accompagne les retraités en difficulté.

Logement et médailles du travail : en plus des offres des collecteurs, le GPMH bénéficie d’une priorité d’attribution sur de nombreux logement en centre ville. Le service AFS aide les salariés à constituer leurs dossiers de médailles du travail et organise la cérémonie de remise des médailles.

La SCI Monceau est gérée par le Directeur de la Mutuelle, cette SCI est détenue à 4/7ème par la Mutuelle et à 3/7ème par le Comité d’Entreprise.

Le service AFS a donc pour mission la gestion des différents aspects de la protection sociale au sein du GPMH notamment au vu des nombreux changements imposés par la législation sociale (portabilité, les conséquences du repart de l’âge de départ à la retraite….). Il travaille en étroite collaboration avec le service RDT responsable de la mise en place des accords collectifs bases des contrats de protection sociale.’

Outre les précisions sur l’ampleur des missions confiées au service des affaires sociales géré par M. [E], ce document établit que, dès sa nomination en juillet 2011, son employeur avait parfaitement conscience de la situation dégradée du service qui avait perdu un tiers de ses effectifs et qui de surcroît, devait, dans les mois et les années à venir, faire face à la mise en place de réformes législatives importantes.

Or, les pièces produites aux débats par le salarié confirment que cette situation a perduré et qu’elle a créé une surcharge de travail et une dégradation importante des conditions de travail de son équipe.

Ainsi, dans un mail adressé à M. [D], le directeur des ressources humaines, le 25 avril 2014, M. [E] évoque le fait que le poste de Directeur de la Mutuelle qui avait été estimé à 20 % de son temps de travail peut raisonnablement être estimé, trois ans plus tard, à un 50 % de son temps et ce alors qu’il n’a été déchargé d’aucune autre fonction ou mission. En outre, revenant sur un incident survenu lors d’une réunion le 21 mars 2014 qui a conduit à son arrêt maladie pendant plusieurs jours, il explique qu” En état de fatigue extrême, je me suis senti lâché devant les responsables CGT et ai quitté la pièce, sans aucun commentaire, pour me rendre directement chez mon médecin qui, connaissant mon état de santé m’a immédiatement placé en situation d’arrêt de travail.

Comme je vous ai indiqué à plusieurs reprises, je suis en situation de fragilité, vis-à-vis de ces responsables qui sont également administrateurs de la Mutuelle et peuvent me démettre à tout moment de mes fonctions de Directeur de la Mutuelle et gérant de la SCI. Je ne peux donc pas être discrédité par ma hiérarchie devant eux. Cette épée de Damoclès est également un frein pour la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour faire évoluer, selon les consignes du GPMH, le régime ‘frais de santé’ de l’établissement. Au-delà de l’aspect professionnel auquel je porte un véritable intérêt, le risque est aussi de me faire perdre 733 € brut de rémunération par mois, somme conséquente.

L’état de fatigue dont je vous fais part résulte essentiellement de la reprise il y a 3 ans du service AFS, de la mutuelle et de la SCI, tous récupérés dans un état exsangue du fait de la mauvaise gestion de mon prédécesseur, tout en faisant face au remplacement des 2/3 du personnel, en ce compris le départ de personnel hautement qualifié…. l’arrêt de 2 mois 1/2 de Florence pour ‘burn out’ en est la preuve.

Cet état de fatigue a été amplifié par une augmentation de charge de travail due à cette absence.

Ces conditions ont généré un moment de fort stress sur un état de fatigue généralisé. Je me suis donc senti en situation de danger pour ma santé psychique, ce qui m’a poussé à me retirer pour consulter rapidement mon médecin traitant.

Je me dois de vous préciser que mon médecin traitant voulait me placer en situation d’accident du travail. Bien que les conditions soient réunies, j’ai refusé afin de ne pas envenimer la situation. Néanmoins si vous le préférez, je peux rédiger une déclaration d’accident du travail.

Je n’ai jamais rencontré de telles difficultés depuis 5 ans dans le cadre de la gestion des accidents du travail au GPMH. Le FGAT n’a jamais été autant mis en défaut depuis sa mise en place depuis 62 ans.’

Certes, il s’agit d’un mail écrit par M. [E] lui-même. Toutefois, cette analyse est parfaitement cohérente avec la description suscitée dans laquelle l’employeur lui-même constatait l’état dégradé des services confiés à M. [E]. En outre, force est de relever que le Grand Port Fluvio-maritime de [4] ne produit aucune pièce la contredisant. C’est donc en vain que ce dernier lui dénie toute force probante.

M. [E] produit également un mail du 4 mai 2016 adressé à M. [D], dans lequel il s’inquiète de l’épuisement moral de son équipe au sein de la Mutuelle dont la qualité et l’importance du travail ne sont pas valorisées et appréciées à leur juste valeur. Le contenu de ce mail est corroboré par le mail d’une des salariés de la Mutuelle, Mme [T], qui se plaint auprès du CHSCT, en mai 2016, d’un mal-être récurrent qui s’amplifie et de l’épuisement physique et moral du service en raison de la charge de travail, de la non reconnaissance de leurs fonctions et de l’angoisse de reprendre en charge le règlement des prestations sans le personnel suffisant et qualifié au 1er juillet prochain.

Si ces éléments ne concernent pas directement la propre charge de travail de M. [E], il n’en demeure pas moins qu’en tant que directeur de ce service, son rôle de gestionnaire et d’organisateur dudit service est nécessairement impacté par cette situation en ce qu’il doit, a minima, mettre en place des mesures destinées à protéger les salariés au titre de l’obligation de sécurité de leur employeur.

Au vu de ces éléments, il est incontestable que M. [E], au titre de sa fonction de directeur des affaires sociales du Grand Port Fluvio-maritime de [4], devait faire face à une charge de travail très importante, que l’existence d’une convention de forfait en jours irrégulière a empêché de surveiller et de quantifier, ce qui a nécessairement eu des conséquences sur la pénibilité de son poste, son état de fatigue et plus généralement sur son état de santé.

A ce titre, certes, il est constant que M. [E] a été, à compter du 31 mars 2017, placé en arrêt maladie d’origine professionnelle pour ‘anxiété réactionnelle à harcèlement au travail’ et qu’il n’a repris le travail que le 17 janvier 2020.

Toutefois, il résulte des éléments du dossier que la cause et la durée de cet arrêt maladie ne trouvent pas leur origine exclusive dans la surcharge de travail subie par M. [E], étant relevé que ce dernier le reconnaît lui-même implicitement, puisqu’il invoque également cet arrêt maladie pour obtenir une indemnisation distincte au titre de l’exécution déloyale de son contrat de travail et de l’existence d’un harcèlement moral.

Ainsi, il ressort du rapport médical réalisé par le docteur [O] le 5 avril 2017 dans le cadre de l’accident du travail déclaré par M. [E] le 5 janvier 2017 que le salarié a été placé en arrêt maladie le 31 mars 2017 à la suite de cet accident du 5 janvier 2017 décrit comme suit : M. [E] explique qu’il a été violemment agressé, avec insultes et menaces, par des représentants syndicaux de la Mutuelle qu’il dirige au titre de ses mandats annexes à son poste de directeur des affaires sociales, qu’il n’a pas reçu le soutien immédiat de sa hiérarchie, ce qui a entraîné chez lui des symptômes associant une perte de sommeil, de l’anxiété, des difficultés de concentration à tel point qu’il a pris la décision d’un suivi auprès d’un psychiatre. Ces éléments sont incontestablement signe d’un mal être au travail mais ils ne peuvent être assimilés à un état de fatigue, voire à un épuisement physique ou psychique en lien avec une surcharge de travail.

De même, le certificat médical rédigé par le Docteur [J], psychiatre, le 29 mai 2020, ne fait nullement état d’une pathologie causée par une surcharge de travail, mais évoque uniquement un conflit avec son employeur, conflit persistant malgré la mise en place du mi-temps thérapeutique lors de la reprise de travail, ce qui démontre que ce n’est aucunement le temps de travail de M. [E] qui est en cause, mais les conditions dans lesquels il exerce ses fonctions, et plus précisément les tensions importantes existant entre lui et des salariés syndiqués de la Mutuelle, situation inévitable selon M. [E] pour qui la direction de la Mutuelle tenue concomitamment avec les fonctions de responsable du fond de garantie des accidents du travail crée une source de conflits d’intérêts importants.

En conséquence, au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient d’infirmer la décision entreprise et de considérer que le préjudice subi par M. [E] en raison de la nullité de sa convention de forfait en jours sera plus justement indemnisé par l’allocation d’une somme de 5 000 euros.

* Sur le prêt de main d’oeuvre illicite

M. [E], rappelant qu’au titre de ses fonctions de chef de service des affaires sociales, outre la direction du fond de gestion des accidents du travail de maladies professionnelles, il lui était confié les attributions de directeur de la Mutuelle, de l’Institution de gestion de retraite complémentaire et de gérant de la SCI Monceau, fait observer que l’exercice de ces fonctions se déroulait sans aucune convention de mise à disposition et ce alors même que son employeur facturait à ces différents organismes et services le travail effectué par M. [E] dans des proportions bien supérieures au coût de son salaire brut. Dès lors, il estime qu’il est établi que le Grand Port Fluvio-maritime de [4] réalisait ainsi des économies sur les charges sociales, voire un gain financier substantiel, constitutif du délit de prêt de main d’oeuvre illicite.

Il estime que cette situation lui a causé un préjudice financier en ce qu’il n’a pas perçu une rémunération en adéquation avec l’énergie et le temps consacré à ces différentes fonctions, cette situation ayant également des répercussions sur le montant futur de ses droits à la retraite.

Le Grand Port Fluvio-maritime de [4] soutient qu’il ne peut y avoir de prêt de main d’oeuvre illicite concernant le travail réalisé par M. [E] pour le fond de garantie des accidents du travail, dans la mesure où cette structure n’a pas la personnalité morale, puisqu’elle constitue uniquement un service interne à l’entreprise qui ne dispose d’aucun fonds personnels, peu important que compte tenu de la particularité de ses missions, il soit doté d’une comptabilité propre. Quant aux autres fonctions tenues par M. [E], il affirme que les fonctions de directeur de la Mutuelle, de l’Institution de Gestion de Retraite Supplémentaire et de gérant de la SCI Monceau, qui constituent des mandats sociaux, sont exclusives de tout prêt de main d’oeuvre illicite.

En outre, il estime que M. [E] ne rapporte pas la preuve de ce que les re-facturations opérées ne correspondent pas exactement au coût du temps de travail du salarié et qu’en tout état de cause, il ne peut justifier d’aucun préjudice résultant de ce prêt de main d’oeuvre illicite, même à le considérer comme établi.

L’article L. 8241-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au moment des faits litigieux dispose que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite. Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;

2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives

3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du présent code relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.

Une opération de prêt de main-d’oeuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

L’article L.8241-2 du même code dans ses différentes versions applicables depuis le 30 juillet 2011 précise que les opérations de prêt de main-d’oeuvre à but non lucratif sont autorisées et qu’il requiert :

1° L’accord du salarié concerné ;

2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;

3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

Les représentants du personnel de l’entreprise prêteuse sont consultés préalablement à la mise en ‘uvre d’un prêt de main-d”uvre et informés des différentes conventions signées.

En l’espèce, s’agissant du fonds de garantie des accidents du travail, il résulte d’une note établie par M. [E] lui-même le 15 avril 2014 (pièce n°16 de l’appelant) que cette structure ‘ne bénéficie ni de la personnalité morale ni de l’autonomie financière. La responsabilité de la gestion est à la charge du responsable des ressources humaines et la responsabilité financière à la charge du directeur financier du GPMH’. Dans ces conditions, le travail accompli par M. [E] au titre de la gestion de ce service ne peut recevoir la qualification de prêt de main d’oeuvre illicite, et ce, peu important que pour des raisons comptables, le temps de travail de ce dernier soit re-facturé au service, ce système n’impliquant aucun transfert de fonds entre personnes morales distinctes.

De même, s’agissant de son mandat de gérant de la SCI Monceau, M. [E] lui-même produit aux débats des éléments établissant qu’il était directement rémunéré par la SCI elle-même pour son travail de gérant, les échanges ainsi versés montrant que cette pratique était questionnée au regard de sa légalité fiscale et comptable et qu’une mise à disposition de M. [E] avec re-facturation du coût de son travail par le Grand Port Fluvio-maritime de [4] serait peut être à envisager. M. [E] n’alléguant, ni a fortiori n’établissant pas, que cette mise à disposition ait été réalisée et qu’il ne percevait plus de rémunération directe par la SCI Monceau, aucun prêt illicite de main d’oeuvre ne peut être reconnu entre cette société et le Grand Port Fluvio-maritime de [4].

Enfin, s’il est exact que M. [E] rapporte la preuve que pour l’exercice 2016, le Grand Port Fluvio-maritime de [4] a re-facturé, d’une part, à son organisme de Mutuelle 20 % du temps de travail du salarié pour ses fonctions de directeur de la Mutuelle, soit 22 819,02 euros et d’autre part, à l’Institution de gestion de Retraite Supplémentaire également 20 % du temps de travail du salarié pour ses fonctions de directeur de la Mutuelle, soit 22 819,02 euros, il n’est pas démontré que cette re-facturation ne correspond pas au coût réel de l’emploi de M. [E], le raisonnement tenu par ce dernier consistant à comparer ces sommes uniquement avec son salaire brut, sans y ajouter les cotisations patronales y afférentes, ne pouvant être validé.

Surabondamment et en tout état de cause, alors que la fiche de poste de M. [E] au titre de sa qualité de directeur des affaires sociales de l’établissement public mentionne expressément que cette fonction inclut l’exercice des mandats de directeur de la Mutuelle et de l’organisme de retraite supplémentaire, de sorte que le salaire du poste était fixé en conséquence, il ne peut être valablement soutenu par le salarié que l’exercice de ces missions lui a nécessairement causé un préjudice financier en ce qu’il n’a pas perçu une rémunération en adéquation avec l’énergie et le temps consacré à ces différentes fonctions, étant relevé que M. [E] est défaillant à rapporter la preuve contraire, ne chiffrant aucunement la perte de salaires en résultant.

En conséquence, le jugement déféré est confirmé sur ce point.

* Sur l’exécution loyale du contrat de travail

Rappelant que conformément aux dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, et qu’en application des articles L .4121-1 et L. 4121-2 du même code, l’employeur est tenu d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés, M. [E] expose, qu’alors qu’en trente ans de carrière au sein du Grand Port Fluvio-maritime de [4], il s’était illustré par une ascension professionnelle remarquable et un investissement exemplaire, ses dernières années de collaboration, compte tenu d’une charge de travail anormalement lourde et de conditions de travail fortement dégradées, ont détérioré son état de santé au point de ne plus être capable d’assumer ses fonctions.

Plus précisément, il explique qu’à partir de l’arrivée de M. [D] en qualité de directeur des ressources humaines, il a fait l’objet de dénigrements en ce qu’il n’était plus concerté sur la gestion et l’affectation des salariés de ses services, et en ce qu’il avait pu être publiquement désavoué dans sa gestion du fonds de garantie des accidents du travail, ce qui accentuait la pression constante liée à ce poste en raison de ses fonctions parallèles de directeur de la Mutuelle qui le plaçait dans un conflit d’intérêts avec les syndicats dudit organisme. Il évoque aussi les pressions subies pour procéder à des transmissions de déclarations d’accident du travail sans enquête, souffrant de ces pratiques intempestives qui, selon lui, nuisaient à la nécessaire indépendance du fonds de garantie.

Force est de considérer que l’ensemble de ces éléments, ainsi au demeurant que M. [E] le reconnaît lui-même dans ses conclusions, en visant expressément au titre de sa demande de dommages et intérêts ‘les faits développés précédemment’, se confondent avec une éventuelle situation de harcèlement moral et ce d’autant que M. [E] n’invoque aucun préjudice particulier résultant d’un manquement à l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail ou à l’obligation de sécurité, se contentant à ce titre, d’indiquer que le discrédit et le dénigrement de sa hiérarchie vis-à-vis de son équipe, l’éviction de certains projets, l’indifférence de son supérieur hiérarchique malgré ses alertes et les pressions multiples subies justifient l’allocation d’une somme de 25 000 euros.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande à ce titre, celle-ci se confondant avec sa demande au titre du harcèlement moral.

* Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 du même code, dans sa version postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au cas d’espèce prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, au soutien de sa demande, M. [E] invoque sa surcharge de travail ainsi que les faits invoqués au titre des manquements à l’exécution loyale du contrat de travail sus-évoqués, à savoir le discrédit et le dénigrement de sa hiérarchie vis-à-vis de son équipe, l’éviction de certains projets, l’indifférence de son supérieur hiérarchique malgré ses alertes et les pressions multiples.

Il considère également que le harcèlement moral qu’il dénonce est caractérisé par le fait que pendant son arrêt maladie, malgré la multiplication de ses démarches pour pouvoir réintégrer un poste au sein de l’établissement, son employeur a, dans un premier temps, tenté de manière insistante, de lui imposer une rupture conventionnelle, puis, dans un second temps, ignoré sa situation, le contraignant ainsi à reprendre son poste de chef de service des affaires sociales sous la subordination de M. [D] du 15 janvier au 1er mars 2020, avant d’être affecté à un poste de chargé de missions juridiques et administratives à la Capitainerie du Port. Enfin, il considère que son affectation à ce poste participe au harcèlement qu’il dénonce, puisque cette fonction ne contient en réalité aucun travail effectif et que, de surcroît, ce changement de poste a entraîné pour lui une perte de salaire de 720 euros bruts, compte tenu de la perte des primes afférentes à ses anciennes fonctions. Il précise que cette rétrogradation le place en grande souffrance à tel point qu’après plusieurs arrêts maladie ponctuels, il est à nouveau en arrêt maladie pour rechute de son accident du travail de 2017 depuis le mois de mai 2022.

Il résulte des motifs adoptés précédemment qu’à partir du mois de juillet 2011, M. [E], dans le cadre de l’exercice de sa fonction de directeur des affaires sociales, a été exposé à une charge de travail importante résultant notamment de la gestion de services en sous-effectif, qui plus est, confrontés à la mise en oeuvre de nouvelles règles ou à la reprise de compétences précédemment dévolues à d’autres services.

Or, dans ce contexte, alors que M. [E] produit des mails adressés à M. [D] dès la fin de l’année 2012, puis régulièrement en 2013, 2014 et 2016 établissant qu’il a signalé être en difficulté pour gérer correctement ces services et notamment la Mutuelle en raison de l’épuisement physique et psychique de son équipe, qu’il a également mis en avant le conflit d’intérêt existant entre le fond de garantie des accidents du travail et la Mutuelle en proposant la mise en place de procédure pour tenter de remédier à cette situation, ces mêmes échanges montrent, non seulement, qu’aucun soutien ni aucun solution ne lui ont été apportés par sa direction, mais qu’au contraire, M. [E] pouvait être tenu pour responsable de la situation par M. [D], et ce, sans qu’aucun élément objectif ne puisse venir soutenir cette position. Ainsi, alors que par mail du 4 mai 2016, M. [E] évoquait auprès de M. [D] de façon très circonstanciée les difficultés du personnel de la Mutuelle, ce dernier, par mail du 18 mai 2016 reprochait à M. [E], la saisine parallèle du CHCST par une salariée de la Mutuelle dont il venait d’être informé.

De même, M. [E] produit un courrier du 25 mai 2011 émanant du directeur du Grand Port Maritime du [Localité 3] au président de la Mutuelle qui établit que la nomination de M. [E] en qualité de directeur a été imposée sous la menace de la dénonciation des accords collectifs portant sur la mise en place d’un régime de santé dans l’établissement, ce qui induit nécessairement, pour la suite, des rapports conflictuels entre les administrateurs de la Mutuelle et M. [E]. Or, alors que l’employeur avait connaissance de cette délicate situation dès sa nomination, que le conflit d’intérêt gênant l’exercice de ses fonctions, caractérisé notamment par les échanges tendus avec M. [Z], a été dénoncé par M. [E] à de nombreuses reprises auprès de M. [D], aucune réponse ni aucun soutien n’ont été apportés au salarié, le directeur des ressources humaines renvoyant encore une fois M. [E] à sa propre et unique responsabilité.

Une réponse identique a été apportée concernant la situation de M. [E] et de M. [W], délégué syndicat CGT du Grand Port du [Localité 3] et président de la Mutuelle. Ainsi, alors que le 5 janvier 2017, M. [E] a dénoncé un accident du travail, en ce qu’il a été agressé verbalement par M. [W], aucune réponse ni aucune mesure n’a été prise pour pacifier les relations de travail entre les deux hommes, M. [E] étant contraint de continuer d’échanger dans des conditions tendues avec le président de la Mutuelle. Ce n’est que postérieurement à son arrêt maladie, au mois d’octobre 2017, qu’une solution a été trouvée, à savoir que M. [E] a été démis de ses fonctions de directeur de la Mutuelle, ce qu’il a vécu, dans le contexte d’arrêt maladie provoqué par l’altercation avec M. [W] en janvier 2017, comme un désaveu de sa hiérarchie.

Enfin, il convient de relever de manière plus générale que M. [E] produit aux débats une lettre rédigée le 27 septembre 2017 par l’association syndicale des ingénieurs et cadres du Grand Port Maritime du [Localité 3] adressée à la direction de l’établissement qui établit que ces méthodes managériales dénoncées par M. [E], étaient subies pour d’autres salariés, le syndicat ‘tirant la sonne d’alarme sur la situation préoccupante d’un certain nombre de salariés cadres au sein de [l’]entreprise’, subissant réorganisation sauvage des services sans concertation, déconsidération permanente pour être sacrifiés ‘sur l’autel de la paix sociale’, défaillance de la direction pour réintégrer des cadres mis à disposition dénonçant leur avenant, absence de vision claire et de décision explicite laissant volontairement pourrir et s’enliser des situations, l’association s’inquiétant du malaise qui s’amplifie ‘au quotidien, altérant durablement la santé physique ou mentale de trop nombreux collègues cadres.’

Enfin, s’agissant de la situation de M. [E] dans le cadre de son arrêt maladie et de l’organisation de son retour au travail, aucun élément ne vient étayer le fait que son employeur aurait tenté de lui imposer une rupture conventionnelle.

En revanche, il justifie avoir fait, par l’intermédiaire de M. [L], délégué syndical CFDT, et par ses propres moyens, des démarches dès novembre 2017, pour travailler son repositionnement professionnel, le syndicat ayant même été jusqu’à suspendre sa participation au groupe de travail portant sur les risques psycho-sociaux compte tenu de l’absence de réaction de la direction sur la situation de M. [E]. De même, le médecin du travail et le psychiatre traitant de M. [E] ont, à plusieurs reprises, en 2018 et 2019, adressé des courriers signalant qu’il était souhaitable que M. [E] reprenne le plus rapidement possible le travail dans un poste réaménagé et adapté, l’excluant des conflits ayant conduit à son arrêt de travail. Néanmoins, il est constant que M. [E] a repris le travail le 17 janvier 2020 au même poste et ce n’est que le 2 mars 2020 qu’il a été affecté au poste de chargé de missions juridiques et administratives à la Capitainerie du Port, le salarié soutenant sans l’étayer que ce poste ne correspond en réalité à aucun travail effectif.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, M. [E] présente des faits, qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement imputable à son employeur. Il incombe donc à ce dernier de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur la gestion des difficultés rencontrées par M. [E] dans le cadre de l’exercice simultané de la fonction de directeur du fonds de garantie des accidents de travail et celle de directeur de la Mutuelle, si le Grand Port Fluvio-maritime de [4] justifie de ce que M. [D] a procédé à un ‘entretien de recadrage’ en présence de MM [Z] et [E] en octobre 2013 pour tenter d’apaiser la situation, en revanche, alors que le conflit a persisté, il n’est justifié d’aucune mesure permettant de clarifier la situation, notamment par la mise en place de procédure claire de gestion des accidents du travail avec les problèmes de recours y afférents en lien avec l’absence de personnalité morale du fonds, ce qui a maintenu M. [E] dans une position très délicate alimentant de façon permanente le conflit d’intérêt inhérent à la situation et ayant conduit à l’altercation du 5 janvier 2017 à l’origine de son arrêt maladie.

Quant aux conditions de reprise du salarié, l’employeur ne donne aucune explication sur son silence pendant plus de deux mois en réponse aux sollicitations de M. [E], de son psychiatre, des syndicats et du médecin du travail pour trouver rapidement un poste de reclassement au salarié ne le re-plaçant pas dans la même position que celle qui avait conduit à son arrêt maladie.

Les échanges de mails produits aux débats établissent, au contraire, que la proposition d’un nouveau poste à M. [E] n’est pas le résultat d’une recherche d’adaptation à l’état de santé du salarié, mais la volonté de lui proposer une mutation en réaction à un mouvement d’hostilité des employés du service des affaires sociales qui ne souhaitaient pas le retour de M. [E] présenté lui-même comme harcelant.

Or, non seulement, il convient de relever que ce comportement est dénoncé uniquement par un mail du mois de janvier 2020, soit près de trois ans après l’arrêt maladie de M. [E], sans qu’il ne soit produit d’éléments contemporains à l’époque antérieur à cet arrêt pour corroborer les faits et qu’il ressort du dossier que cette procédure d’alerte a été soutenue, devant le CHSCT, par la CGT alors que M. [E] bénéficiait quant à lui du soutien de la CFDT, ce climat confirmant la gestion des ressources humaines telle que dénoncée par M. [E], à savoir une gestion nourrissant l’opposition entre les cadres et les non cadres. De plus, et en tout état de cause, même à la considérer comme avérée, cette situation de harcèlement imputable à M. [E] ne peut exclure qu’il soit lui-même victime de tels agissements.

Par ailleurs, certes, M. [E] a accepté son nouveau poste de chargé de missions juridiques et administratives à la Capitainerie du Port et soutient à tort avoir subi une baisse de son salaire de base, ce dernier ayant été maintenu au même niveau que celui perçu avant l’arrêt maladie, et ce alors même que ce poste était classé à un échelon inférieur. De même, c’est à juste titre que l’employeur relève que la perte de la prime liée à la fonction de directeur de la Mutuelle est indifférente à son reclassement, puisqu’elle est intervenue au mois d’octobre 2017, lorsque les administrateurs de la Mutuelle, organisme indépendant, ont décidé de démettre M. [E] de ses fonctions.

Cependant, il n’en demeure pas moins qu’à l’issue de près de trois années d’arrêt maladie d’origine professionnelle pour anxiété réactionnelle en lien avec une mauvaise gestion des ressources humaines de la part de son employeur, M. [E] a été replacé temporairement dans une situation quasiment identique, ce qu’il a pu vivre comme méprisant à son égard et niant les difficultés passées rencontrées alors même qu’elles avaient eu des conséquences importantes sur son état de santé.

Au vu de ces éléments pris dans leur ensemble, il convient de dire que M. [E] a été victime de harcèlement moral qui justifie, eu égard au retentissement sur son état de santé, l’allocation d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement déféré étant donc infirmé sur ce point.

* Sur les intérêts

Les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement déféré pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions infirmées.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus produiront intérêts dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière et ce, à compter de l’arrêt.

* Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner le Grand Port Fluvio-maritime de [4] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de le débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de le condamner à payer à M. [E] la somme de 1 500 euros sur ce même fondement pour les frais générés en cause d’appel et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déboute le Grand Port Fluvio-maritime de [4] tendant de sa demande tendant à voir déclarer dépourvue d’effet dévolutif la déclaration d’appel de M. [F] [E] ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a alloué la somme de 10 000 euros à M. [F] [E] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses conditions de travail exercées dans le cadre d’une convention de forfait en jours nulle et en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande indemnitaire au titre du harcèlement moral ;

Statuant à nouveau,

Condamne le Grand Port Fluvio-maritime de [4] à payer à M. [F] [E] les sommes suivantes :

5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de la nullité de la convention de forfait en jours,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,

Confirme, pour le surplus, la décision entreprise,

Y ajoutant,

Dit que les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions infirmées ;

Dit que les intérêts échus produiront intérêts dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière et ce, à compter du présent arrêt ;

Déboute le Grand Port Fluvio-maritime de [4] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le Grand Port Fluvio-maritime de [4] à payer à M. [F] [E] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Condamne le Grand Port Fluvio-maritime de [4] aux entiers dépens de la présente instance.

La greffièreLa présidente

 


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