Contrat de Mannequin : 11 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11901

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Contrat de Mannequin : 11 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11901
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 11 JANVIER 2023

(n° 001/2023, 20 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/11901 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCH5H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – 15ème chambre – RG n° 2018001427

APPELANTES

Mme [K] [M]

Née le 12 avril 1967 à [Localité 9] (92)

De nationalité française

Styliste

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Corinne VALLERY MASSON de l’ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0460 et Me Dorothée BARTHELEMY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0126

S.A.S. IM PRODUCTION

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro B 403 243 058

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Corinne VALLERY MASSON de l’ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0460 et Me Dorothée BARTHELEMY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0126

INTIMEES

Société PUNTO FA S.L.

Société de droit espagnol

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 12]-

[Adresse 12]

[Localité 8]

(ESPAGNE)

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Serge LEDERMAN de la SAS DGFLA2, avocat au barreau de PARIS, toque : K0035

S.A.R.L. MANGO FRANCE

Société au capital de 60 749 688 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 403 259 138

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Serge LEDERMAN de la SAS DGFLA2, avocat au barreau de PARIS, toque : K0035

S.A.S. MANGO HAUSSMAN

Société au capital de 10 914 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 572 030 849

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Serge LEDERMAN de la SAS DGFLA2, avocat au barreau de PARIS, toque : K0035

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Brigitte CHOKRON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Madame Brigitte CHOKRON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mianta ANDRIANASOLONIARY

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement contradictoire rendu le 6 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

-débouté la société Punto FA, la société Mango France et la société Mango Haussmann de leur demande de nullité de l’assignation,

-mis hors de cause la société Mango France et débouté la société Mango Haussmann de sa demande de mise hors de cause,

-débouté Mme [K] [M] et la société IM production de l’ensemble de leurs demandes,

-condamné Mme [K] [M] et la société IM production in solidum à payer à la société Punto FA, la société Mango France et la société Mango Haussmann la somme de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

-condamné Mme [K] [M] et la société IM production in solidum aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 182,12 euros dont 30,14 euros de TVA.

Vu l’appel de ce jugement interjeté par Mme [K] [M] et la société IM production suivant déclaration d’appel du 10 août 2020.

Vu les dernières conclusions de Mme [K] [M] et la société IM production (SAS), appelantes, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 septembre 2022 demandant à la cour, au fondement de l’article 1240 du code civil, de :

-les recevoir en leur appel et, y faisant droit, infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ,

Statuant à nouveau :

-dire et juger que les sociétés Punto FA, Mango France et Mango Haussmann ont

commis des actes de parasitisme au détriment de Mme [K] [M] et de la société IM production,

En conséquence,

-condamner conjointement et solidairement les sociétés Punto FA, Mango France et Mango Haussmann à verser à la société IM production la somme de deux millions d’euros à titre de dommages et intérêts,

-condamner conjointement et solidairement les sociétés Punto FA, Mango France et Mango Haussmann à verser à Mme [K] [M] la somme de deux cent mille euros à titre de dommages et intérêts,

-ordonner la publication du jugement à intervenir (sic) dans trois journaux au choix de la société IM production, dans la limite de 10.000 euros HT par publication, aux frais avancés des intimées, selon la forme suivante : « Par arrêt du ….., la cour d’appel de Paris a jugé que les sociétés Punto FA, Mango France et Mango Haussmann ont commis des actes de parasitisme à l’encontre de Madame [K] [M] et de la société IM production et les a condamnées à verser à la société IM production la somme de ….. et à Madame [K] [M] la somme de …., à titre de dommages et intérêts »

-ordonner la publication de l’arrêt à intervenir par extraits ou résumé, en caractères Times New Roman de taille 11 minimum, sur une surface totale correspondant à un tiers de la page d’accueil, sur la page d’accueil du site internet accessible à l’adresse « http://www.shop.mango.com » pendant une période de trois semaines à compter de la signification de l’arrêt,

-condamner conjointement et solidairement les sociétés Punto FA, Mango France et Mango Haussmann à verser à la société IM production la somme de 60.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner conjointement et solidairement les sociétés Punto FA, Mango France et Mango Haussmann aux entiers dépens en ce compris les frais relatifs aux procès-verbaux de constat, achats en ligne et achats en boutique de produits Mango à concurrence de 6.764,84 euros.

Vu les dernières conclusions de la société Punto FA (de droit espagnol), la société Mango France (SARL) et la société Mango Haussmann (SAS), intimées, remises et greffe et notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, demandant à la cour, au fondement de l’article 1240 du code civil, de :

-déclarer Mme [M] et la société IM production mal fondées en leur appel et en leurs demandes, et les en débouter,

-dire et juger les sociétés Punto FA, Mango France et Mango Haussmann recevables et bien fondées en leur demandes,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

-mis hors de cause la société Mango France et la société Mango Haussmann

-débouté Mme [M] et la société IM production de l’ensemble de leurs demandes

-condamné in solidum Mme [M] et la société IM production à payer aux sociétés Punto Fa, Mango France et Mango Haussmann la somme de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens,

Y ajoutant,

-condamner Mme [K] [M] et la société IM production à verser à chacune des sociétés Punto FA, Mango France et Mango Haussmann la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel, soit une somme globale de 45.000 euros,

-condamner Mme [K] [M] et la société IM production aux entiers dépens de la procédure d’appel dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture du 4 octobre 2022.

SUR CE, LA COUR :

Il est expressément référé, pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures précédemment visées des parties.

Il suffit de rappeler que Mme [K] [M], styliste et créatrice de vêtements et accessoires de mode, est à la tête depuis près de trente ans de la ‘Maison [K] [M]’ dont les collections s’inscrivent dans la tendance du ‘cool chic parisien’ alliant le confort à l’élégance. La société IM production, titulaire de la marque ‘[K] [M]’, fait fabriquer et commercialise, dans le monde entier, les produits de la marque.

Mme [K] [M] et la société IM production font grief aux sociétés Mango d’avoir pendant plusieurs années ouvertement copié, de façon répétitive et systématique, des vêtements et accessoires des collections ‘[K] [M]’ et d’avoir, dans le même temps, imité les publicités consacrées à ces articles.

Suivant actes d’huissier de justice du 21 décembre 2017, elles ont fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société Punto Fa, exerçant sous l’enseigne Mango, ainsi que les sociétés Mango France et Mango Haussmann, aux fins d’obtenir des dommages-intérêts en réparation de tels agissements qu’elles estimaient constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire.

Le tribunal de commerce de Paris, par le jugement dont appel, les a déboutées de l’ensemble de leurs demandes, jugées mal fondées. Après avoir observé que les demanderesses ont choisi ‘ de se placer sur plusieurs années et d’identifier quarante de leurs modèles dans le but de démontrer le pillage continu de la valeur économique de ces derniers sur les années considérées par des défenderesses dont le modèle d’affaires est de profiter sans bourse délier des efforts de création de marques notoires’, les premiers juges ont retenu qu’elles ‘fondent ainsi leur action sur l’affirmation d’une concurrence parasitaire ayant abouti à une captation du style [K] [M] et non d’un risque de confusion entre les produits en cause qui aurait généré un détournement de clientèle’. Or, selon les motifs énoncés au jugement, ‘les demanderesses, interrogées précisément sur la consistance de la valeur économique, échouent à convaincre le tribunal que les éléments décrits comme distinctifs de leurs produits constituent la valeur économique alléguée. Les commentaires figurant sur un blog indiquant qu’un produit [K] [M] est disponible chez Mango ne suffisent pas à établir la preuve du pillage allégué. Le tribunal observe également que les demanderesses n’établissent pas commercialiser leurs créations sur plusieurs années ni que les modèles concurrents ont été commercialisés en même temps que les leurs. Il ressort au contraire des éléments produits que les modèles concurrents ont pu être commercialisés sur des années ultérieures’. Les premiers juges ont par ailleurs relevé que si les demanderesses soutiennent avoir engagé des investissements importants pour la création et la promotion des modèles en cause, elles ‘se contentent de fournir une liste d’investissements sans distinction entre les modèles, ce qui est insuffisant pour en établir la pertinence’. De l’ensemble de ces motifs les premiers juges concluent que les demanderesses, ‘échouant ainsi à rapporter la preuve de la captation fautive du style [K] [M] et à individualiser les efforts financiers consentis pour la conception et la commercialisation des modèles en cause, l’identification d’une valeur économique individualisée n’est pas démontrée de sorte que le tribunal (les) déboutera (…) de l’intégralité de leurs demandes’.

Mme [K] [M] et la société IM production, appelantes de ce jugement dont elles poursuivent l’infirmation en toutes ses dispositions, font valoir que les motifs qui y sont développés sont critiquables en fait comme en droit. Elles exposent que les collections [K] [M] incarnent le style, ‘assez simple, cosy et confortable, mais avec de l’esprit et de la personnalité’, qui est propre à leur créatrice décrite dans la presse comme ‘l’icône du cool chic parisien’ ou ‘la queen du parisian chic’. Le succès de ces collections n’est pas démenti et résulte des investissements importants consacrés à la conception et à la création de chaque pièce ainsi qu’aux efforts promotionnels dont atteste notamment la participation aux défilés de mode des grandes maisons de prêt-à-porter. Ainsi, le public qui reconnaît parfaitement le style [K] [M] a pu aisément repérer les copies proposées à la vente par les sociétés Mango et les rattacher aux modèles originaux ainsi qu’il ressort des commentaires de blogueuses qui, en outre, les présentent avantageusement comme des alternatives à bas prix : ‘Un top [K] [M] ‘ Non, Mango!’ , ‘J’adore les copies des modèles d'[K] [M] faites par Mango!’ , ‘Mango propose un certain nombre de blouses qui ont le style [M] et sont toutes très abordables’. Les appelantes soulignent que la liberté de copier devient fautive lorsqu’elle consiste, comme l’ont fait les intimées, à reproduire, pendant plusieurs années, ‘les caractéristiques d’un grand nombre de leurs créations dans le but avéré de provoquer l’achat des modèles imitants par référence aux modèles imités’. Elles ajoutent que la valeur économique ainsi détournée est suffisamment caractérisée lorsqu’il est démontré, comme en l’espèce, que la création des produits revendiqués résulte de lourds investissements et du travail intellectuel d’une styliste de renommée mondiale et qu’il est justifié des budgets consacrés à la promotion des modèles et à l’image de la griffe. A cet égard, il faut selon elles garder à l’esprit que la constitution des collections implique nécessairement des dépenses importantes qu’il n’est pas possible, pour la plupart des créateurs, de chiffrer modèle par modèle. C’est pourquoi, estiment-elles, l’exigence d’une analyse comptable isolant le montant des investissements consentis pour chacun des modèles invoqués n’a pas sa place dans le présent débat. Elles soutiennent que le parasitisme consistant, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité, et qu’il n’y a pas lieu de se livrer à une analyse de chacun des actes reprochés dans un contexte où elles ont été confrontées non pas à la copie d’un modèle isolé mais, plus largement, à une accumulation dans le temps d’emprunts variés, allant de la captation de vêtements et d’accessoires à celle de publicités. Cette attitude de suivisme récurrent caractérise selon elles la volonté délibérée des sociétés intimées de créer, dans l’esprit du consommateur, un risque d’association avec les produits de leurs collections et de profiter indûment de la notoriété de la marque [K] [M] ainsi que du bénéfice des efforts consentis pour maintenir l’image de la griffe et promouvoir les créations [K] [M].

Les sociétés Punto Fa, Mango France et Mango Haussmann, intimées, demandent quant à elles à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [K] [M] et la société IM production de l’ensemble de leurs prétentions. Elles soutiennent, en synthèse, que les premiers juges ont procédé à une juste application des principes qui gouvernent l’action fondée sur le parasitisme. Elles soulignent à cet égard que l’action fondée sur le parasitisme ne doit pas être dévoyée et, sauf à voir restreindre la liberté du commerce et de l’industrie, ne saurait permettre d’obtenir, sur les modèles revendiqués, une meilleure protection que celle qui leur aurait été conférée, au fondement d’un droit de propriété intellectuelle, par l’action en contrefaçon. Elles rappellent donc que le fait de copier un produit concurrent qui n’est pas protégé par un droit privatif ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et que la recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive mais procède de la libre concurrence. Au regard de ce principe cardinal, l’action fondée sur le parasitisme ne peut prospérer que si la preuve est rapportée d’une volonté délibérée de s’approprier indûment une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. C’est cette valeur économique individualisée que vise à protéger l’action fondée sur le parasitisme et non pas le produit en lui-même qui, en l’absence de droit privatif, peut être reproduit licitement. Or, soutiennent les intimées, les appelantes, qui ne se prévalent pas de droits privatifs et ont fait le choix d’agir sur le seul terrain du parasitisme, ne montrent, pour aucun des produits revendiqués, qu’il constituerait une valeur économique individualisée, condition qui ne saurait résulter du seul fait qu’il aurait été créé par Mme [K] [M] ou qu’il serait porteur de la marque [K] [M].

Ceci ayant été posé, il doit être observé que Mme [K] [M] et la société IM production qui, en première instance, invoquaient à l’encontre des sociétés Punto Fa, Mango France et Mango Haussmann des actes de concurrence déloyale et parasitaire, ne fondent plus leurs prétentions devant la cour que sur le parasitisme, reprochant à cet égard aux sociétés intimées d’avoir reproduit, depuis 2013, un nombre total de quarante et un modèles de vêtements et accessoires issus des différentes collections [K] [M], à savoir :

1-le top Napoli et la jupe Tundra commercialisés en boutique dès le mois de février 2013, réalisés à partir de l’imprimé ‘phare’ de la collection printemps-été 2013 décliné sur pas moins de 15 modèles de la collection, constitué de motifs floraux de couleur blanche sur fond noir avec, en superposition, des ornements décoratifs contrastants de couleur rouge vif, et dont la robe Twoprint, proposée à la vente par les sociétés intimées dès le mois de mai 2013 serait la copie ainsi qu’il ressort des commentaires relevés à cette date sur des blogs et du procès-verbal de constat par huissier de justice du 30 juin 2017 sur le site mango.com,

2-la minijupe Preston, une jupe portefeuille courte dont le pan droit est bordé de clous et dont la ceinture et le pan gauche sont pourvus de paillettes argentées, présentée lors du défilé de la collection automne-hiver 2013-2014 et commercialisée en août 2013, dont l’imitation par les sociétés Mango aurait été repérée par des blogueuses dès septembre 2013 et constatée par procès-verbal d’huissier de justice du 30 juin 2017 sur le site mango.com,

3-le sweet-shirt Gen, portant l’inscription Revolution en lettres stylisées de couleur rouge sur fond gris surlignées d’un trait courbé se rétrécissant à ses extrémités, commercialisé dès le 13 juin 2014 dans le cadre de la collection automne-hiver 2014 de la ligne [K] [M] Etoile, dont le sweet-shirt Beautiful, commercialisé par les sociétés intimées dans les mois suivants, ainsi qu’en atteste un blog du 18 novembre 2014, serait la reproduction,

4-la blouse Ojima, créée pour la collection printemps-été 2014 et présentée à l’occasion du défilé de la saison correspondante, constituée de volants transparents et ondulés disposés aux épaules et descendant le long de l’avant-bras et d’un plastron détaillé et contrastant soit en raison d’un plissage soit en raison d’une transparence, dont les blouses Tinna et Mixa des sociétés intimées (procès-verbal de constat du 30 juin 2017 sur le site mango.com) seraient, selon des avis recueillis sur des blogs dès le 31 mars 2014, ‘des ersatz bien similaires’,

5-la chemise Layne, faisant partie de la ligne [K] [M] Etoile printemps-été 2013, commercialisée dès novembre 2012, comportant deux poches plaquées à hauteur de poitrine et faite d’un tissu présentant une alternance de rayures verticales bleu lavande contrastant avec les rayures horizontales sur les poignets et le haut des poches, dont la chemise Rayita, commercialisée par les sociétés intimées (procès-verbal du 30 juin 2017 sur le site mango.com) reprendrait les caractéristiques,

6-la sandale Play, de la collection printemps-été 2014, commercialisée dès novembre 2013, au talon haut, avec une bride à la cheville et un noeud décoratif sur le devant, dont la copie conforme aurait été proposée par les sociétés intimées dès janvier 2014 ainsi qu’il a été relevé sur des blogs et, par procès-verbal de constat du 30 juin 2017, sur le site mango.com,

7-la jupe River, découpe portefeuille avec une fermeture au moyen d’un ruban à hauteur de taille, issue de la pré-collection printemps-été 2014 et commercialisée en janvier 2014, dont la jupe Cintu de Mango serait la reproduction ainsi qu’il ressort de l’avis d’une blogueuse du 14 janvier 2014 et du procès-verbal de constat sur le site mango.com du 30 juin 2017,

8-la jupe Aura à volants à gaz sous un ‘smock’ au niveau de la taille, réalisée dans un imprimé bicolore noir et blanc figurant des petits carrés, commercialisée en novembre 2013 dans le cadre de la pré-collection printemps-été 2014, dont la jupe Flota de Mango (procès-verbal de constat du 30 juin 2017) serait une copie ainsi qu’en atteste un commentaire posté le 26 janvier 2014 qui la présente comme , ‘LA jupe de substitution’,

9-le top Kelson, à larges manches courtes et à la coupe oversize évoquant un ‘tabard’, présenté dans la collection printemps-été 2014, dont le top Kobe, commercialisé par les sociétés intimées dès le 14 janvier 2014, ainsi qu’il ressort d’un blog de la même date soulignant les ressemblances entre les deux modèles, serait ‘le clone’ , et ainsi qu’il a été relevé suivant procès-verbal de constat du 30 juin 2017,

10-le sweat Hamilton, d’allure sportswear, combinant, grâce à son imprimé camouflage orné de sequins argentés, mordorés et verts, inspiration militaire et exécution sophistiquée, exposé à l’occasion du défilé de la collection automne-hiver 2014-2015 et commercialisé dès septembre 2014, dont les sociétés intimées offriraient, selon l’avis d’une blogueuse du 11 octobre 2014, une ‘alternative à bas prix’,

11-le pull Hatfield à rayures marine sur fond blanc commercialisé dès septembre 2015 en annonce de la collection automne-hiver 2015-2016, dont les sociétés intimées se seraient emparées dès septembre 2015 pour en proposer une version ‘low cost’ repérée sur des blogs,

12-la ballerine Leo/Leomia à lacets montants et à la découpe en coquille avec des oeillets disposés le long de cette découpe, dont le modèle a été commercialisé en décembre 2014 dans le cadre de la collection printemps-été 2015 puis reconduit en 2016 et 2017, dont l’imitation par les sociétés intimées ( procès-verbal du 30 juin 2017 sur le site mango.com) aurait été repérée par des blogueuses dès le 14 décembre 2015,

13-les bottes Arnie, alliant le cuir et le daim et dotées, sur le côté droit, de brides parées de gros boutons pour un rendu ‘militaire’, dévoilées au public à l’occasion du défilé de la collection automne-hiver 2015 et commercialisées dès juillet 2015, dont la copie Mango aurait été relevée sur des blogs dès le 5 février 2016 et sur le site mango.com suivant procès-verbal de constat du 30 juin 2017,

14-le manteau Gabrie, un caban en forme de boule à gros carreaux rouges et noirs, issu de la collection automne-hiver 2014-2015 et reconduit l’année suivante 2015-2016, qui aurait été reproduit par les sociétés intimées selon procès-verbal de constat du 14 octobre 2016,

15-la jupe Lindsie/Anders, jupe portefeuille en cuir brillant noir, fermée du côté de la hanche gauche par un noeud ou une boucle, présentée dans le défilé automne-hiver 2016 commercialisée dès l’été 2016, dont les sociétés intimées auraient commercialisé un modèle ‘très similaire’ dès octobre 2016 ainsi qu’il a été relevé sur des blogs qui soulignaient son ‘effet marantesque !’ et sur le site mango.com suivant procès-verbal de constat du 3 août 2017,

16-la sandale plate Lou, commercialisée à compter de mars 2016 dans le cadre de la collection printemps-été 2016, dont la reprise des caractéristiques dans un modèle Mango a été saluée sur des blogs dès le 23 mars 2016 et constatée sur le site mango.com par procès-verbal du 30 juin 2017,

17-la veste Elder à rayures zébrées noir et blanc présentée au public lors du défilé automne-hiver 2016, dont la veste Zebri commercialisée par Mango en octobre 2016 (procès-verbal de constat du 14 octobre 2016) serait la copie,

18-la jupe Lynne, composée d’une fermeture centrale en forme de zip et munie de très grandes poches plaquées de part et d’autre de cette fermeture centrale, présentée lors du défilé automne-hiver 2016 et commercialisée dès le mois d’août 2016, dont les sociétés intimées auraient proposé une copie dès le 7 octobre 2016 ainsi qu’il ressort de la comparaison qui en a été faite par une blogueuse à cette même date et du procès-verbal de constat du 30 juin 2017,

19-le manteau Flint de la collection automne-hiver 2016, commercialisé dès le mois d’août 2016, réalisé dans un tissu à carreaux délimités par trois bandes de couleur marron et doté d’un double rang de boutons ainsi que de deux poches avec rabat, dont le manteau Tepon de Mango, offert à la vente dans la même saison, (procès-verbal de constat du 30 juin 2017 sur le site mango.com), serait l’imitation,

20-les mocassins Maple proposés dans le cadre de la collection printemps-été 2015, livrés en boutique dès janvier 2015, inspirés des chaussures traditionnelles indiennes mais comportant sur le devant, de manière inhabituelle, non pas deux mais plusieurs pompons en cuir de couleurs différentes, que les sociétés intimées auraient copiés en mars 2017 (procès-verbal de constat du 23 mars 2017 sur le site mango.com),

21-les blouse et robe Siandra et Seen, dont le tissu imprimé est constitué de motifs floraux colorés sur fond noir encadrés de frises, issues de la ligne [K] [M] Etoile printemps-été 2016 livrée en boutique en novembre 2015, que les sociétés intimées, avec la blouse et la robe Haidi, se seraient appropriées au printemps 2017 (procès-verbal de constat du 23 mars 2017 sur le site mango.com),

22-l’imprimé Lemony, décliné sur pas moins de 19 modèles de la collection printemps-été 2017 en boutique dès février 2017, composé de fleurs rouges reliées entre elles par des tiges rouges ainsi que de feuilles vertes fines, le tout sur fond noir, reproduit par les sociétés intimées sur plusieurs modèles (procès-verbal de constat du 23 mars 2017 sur le site mango.com),

-23-la jupe Wilma, issue de la collection printemps-été 2017 de la ligne [K] [M] Etoile et disponible en boutique en octobre 2016, présentant un fronçage très particulier situé le long de la cuisse droite et froissant le tissu de la jupe sur la partie avant du modèle, dont les sociétés intimées auraient proposé la copie dès le mois de mai 2017 (procès-verbal de constat du 12 mai 2017 sur le site mango.com),

24-la jupe Quena, de la collection printemps-été 2016, qui proposait déjà un fronçage selon la même configuration que celle du modèle Wilma,dont la jupe Grin de Mango serait la reproduction, commercialisée en mai 2017 (procès-verbal de constat du 12 mai 2017 sur le site mango.com),

25-le jean Ennet, de la ligne [K] [M] Etoile automne-hiver 2016, ayant pour particularité de présenter sur toute sa surface des taches colorées, sur un fond, blanc, évoquant des éclaboussures de peinture, dont le jean Soho8 de Mango, commercialisé au printemps 2017 (procès-verbal de constat du 12 mai 2017 sur le site mango.com) serait la ressemblance frappante,

26-le jean Clancy, issu de la même collection que le modèle précédent, livré en boutique en juin 2017, faisant cohabiter, sur toute la longueur du pantalon, des bandes bleu foncé et des bandes plus claires bleu délavé, dont le modèle Contrast de Mango, commercialisé au printemps 2017 (procès-verbal de constat du 12 mai 2017 sur le site mango.com), reprendrait les caractéristiques,

27-les pulls Grifin et Lane, issus respectivement des collections printemps-été 2017 et printemps-été 2018, composés de fines côtes verticales, de deux bandes verticales composées de carrés ajourés sur le devant, centrées au milieu de la poitrine, de deux diagonales également ajourées partant du centre pour rejoindre les bords du pull, dont les sociétés intimées ont présenté ‘une pâle copie’ au printemps 2018 (procès-verbaux de constat sur le site mango.com des 5 et 9 avril 2018),

28-l’anorak Cyriel, issu de la collection printemps-été 2018, associant du vert-amande sur la capuche et le col qui se prolonge sur le buste, du blanc ivoire sur les épaules et le demi-bras, du beige couleur chair au centre en forme de V, du bleu sur les avant-bras et la moitié inférieure du buste, dont les sociétés intimées auraient commercialisé à la même époque une copie (procès-verbaux de constat sur le site mango.com des 5 et 9 avril 2018),

29-le pull Zoé, présenté dans le défilé de la collection printemps-été 2018, pourvu d’un col semi- montant à bords côte verticaux et présentant sur sa longueur, qui s’achève au nombril, ainsi que sur les bras, une alternance horizontale de lignes ajourées laissant transparaître la peau et de bords côte verticaux, dont les sociétés intimées auraient aussitôt commercialisé une copie (procès-verbaux de constat sur le site mango.com des 5 et 9 avril 2018) qui n’a pas échappé aux blogueuses,

30-le pull Derring, de la ligne [K] [M] Etoile printemps-été 2017, présentant sur un fond de couleur bordeaux une succession de bandes horizontales ivoire, de même largeur et à égale distance les unes des autres, des liserés noirs encadrant de part et d’autre chacune des bandes ivoire, copié un an plus tard par les sociétés intimées (procès-verbaux de constat sur le site mango.com des 5 et 9 avril 2018),

31-l’imprimé Bertha, issu de la ligne [K] [M] Etoile printemps-été 2017, représentant des pastilles noires cerclées d’ivoire sur fond bordeaux, qui aurait été reproduit à l’identique pour une robe l’année suivante (procès-verbaux de constat sur le site mango.com des 5 et 9 avril 2018),

32-le pull Ivah, de la collection automne-hiver 2018 présentée en 2017, dont l’équivalent Mango a pu être acheté sur le site marchand suivant facture du 14 septembre 2018 et constaté sur ce même site suivant procès-verbal de constat du 30 novembre 2018,

33-le manteau Gario, de la collection automne-hiver 2018, commercialisé en boutiques dès juillet 2018, à carreaux, jaune, bleu, écru, dont la copie Mango a pu être achetée sur le site marchand suivant facture du 14 septembre 2018, dans les mêmes coloris, et constatée sur ce même site suivant procès-verbal de constat du 30 novembre 2018,

34-le pantalon Ruston, en velours côtelé rose, issu de la collection automne-hiver 2017, dont le pantalon Bordon de Mango, commercialisé en septembre 2018 dans la même couleur (sur le site marchand suivant facture du 14 septembre 2018), serait la copie,

35-la veste matelassée Jarod, à col châle, aux sur-coutures horizontales apparentes confectionnée dans un tissu type prince de Galles, présenté dans la ligne Isabelle [M] Etoile printemps-été 2017 commercialisé en boutiques dès octobre 2016,

dont la veste Cheky de Mango serait la copie, commercialisée en novembre 2017 (bon de commande du 7 novembre 2017),

36-la bottine Deby, issue de la collection automne-hiver 2018, faite dans une matière à l’aspect peau de serpent, dont les sociétés intimées auraient proposé un modèle analogue dès octobre 2018 (facture Mango du 12 octobre 2018),

37-la ceinture Upton, constituée d’un tissage aux motifs géométriques associant le rouge, l’écru, le jaune, d’inspiration indienne, présentée dans la collection printemps-été 2018 et commercialisée en décembre 2017, dont la ceinture Navajo serait la copie, offerte à la vente sur le site Mango quelques mois plus tard et achetée en août 2018 dans le magasin Mango Haussmann,

38-l’imprimé de la veste Jenny, de la collection printemps-été 2015, figurant des lignes verticales bicolores bleu et rouge et reproduit dans la veste Braid achetée sur le site Mango.com selon facture du 14 septembre 2018,

39-la blouse à volants Viviana, issue de la collection Etoile printemps-été 2018, commercialisée en boutiques dès décembre 2017, présentant des volants coiffant les épaules et structurant la blouse, des découpes ajourées disposées horizontalement sur les manches et à hauteur de poitrine, un plissé sur la face avant depuis le poitrine jusqu’à la taille, dont le modèle Victoria de Mango (capture d’écran de l’offre en vente du modèle sur l’extension suisse du site mango.com) serait la copie,

40-le pull Ben, de la collection automne-hiver 2017, structuré par des poignets resserrés et présentant des notes argentées, reproduit par les sociétés intimées dans le modèle Party ainsi qu’il aurait été constaté sur le site Mango et en boutiques, à une date qui n’est pas précisée.

En cause d’appel, Mme [K] [M] et la société IM production se prévalent, nouvellement, d’un quarante et unième modèle :

41-le pull Tayle, issu de la collection autome-hiver 2019, commercialisé depuis juillet 2019, dont la copie Maia, achetée dans la boutique Mango de la [Adresse 11] à [Localité 10] le 1er mars 2021 reproduirait la coupe boxy ‘donnant au modèle un look ample et androgyne’, le col châle côtelé, les larges bourrelets encadrant la face avant, le travail de la maille figurant sur la face avant un tressage en épi de blé, le coloris jaune.

Contrairement à ce qui est indiqué par les appelantes, il n’est pas opposé, au vu du dispositif des dernières conclusions des intimées, une fin de non-recevoir à la demande concernant ce dernier modèle, qui est donc recevable.

Sur le fond, il doit être rappelé qu’il résulte du principe essentiel de la liberté du commerce et de l’industrie que le fait de copier un produit concurrent qui n’est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et que la recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive, sous réserve de respecter les usages honnêtes et loyaux du commerce .

A cet égard, constitue un comportement illicite comme contraire à de tels usages le fait, pour une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, de copier une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Un tel fait caractérise du parasitisme économique et engage la responsabilité civile de son auteur au fondement de l’article 1240 du code civil.

Il incombe à celui qui se prétend victime de parasitisme économique d’établir que les éléments constitutifs de ce comportement illicite sont réunis.

Les appelantes doivent en conséquence montrer, pour chacun des modèles de vêtements qu’elles reprochent aux sociétés intimées d’avoir copié, qu’il représente, en propre, une valeur économique individualisée, et qui lui est donc spécifiquement attachée, procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

A cet effet, elles ne sauraient utilement se contenter de soutenir que ‘les modèles revendiqués, bien que pouvant appartenir à un genre, (…) n’en sont pas moins pourvus de caractéristiques qui les distinguent’ car, ne sont en cause en l’espèce ni droits d’auteur ni droits de modèle. Elles ne sauraient non plus pertinemment prétendre que c’est ‘parce qu’ils portent la griffe notoire [K] [M], qu’ils sont identiquement adoptés par Mango dans le but précis de favoriser l’acte d’achat des modèles imitants par référence à leur équivalent [K] [M]’, car, la valeur économique individualisée du produit faisant l’objet, selon elles, de captation parasitaire, ne peut être établie du seul fait que la marque [K] [M] est apposée sur ce produit.

Il leur appartient, en revanche, dès lors qu’elles agissent sur le seul fondement du parasitisme, de justifier des investissements, humains et /ou financiers, qui ont été consacrés à la création et à la commercialisation des produits revendiqués mais aussi, à leur promotion, et qui ont permis de faire de ces produits une valeur économique individualisée procurant un avantage concurrentiel à raison notamment de la notoriété acquise auprès de la clientèle et / ou d’un succès commercial avéré.

Les appelantes produisent, concernant les investissements consentis, des attestations de leur expert-comptable ainsi que des tableaux certifiés conformes par ce dernier indiquant le montant global des dépenses affectées, depuis 2015, à la conception et à l’élaboration des collections, à l’organisation et à la promotion des défilés ainsi qu’à la communication (pièces 48 à 54).

Si ces dépenses sont incontestablement importantes et croissantes : 2.830.348 euros pour les seuls frais de création en 2015, atteignant 7.395.449 euros en 2018, elles doivent être appréciées et relativisées au regard des deux à quatre collections par an produites par les appelantes représentant, selon leurs propres écritures, un nombre total annuel de 930 modèles, en toute hypothèse, force est de constater que les tableaux versés aux débats ne renseignent pas sur les dépenses spécifiquement consacrées aux 41 modèles revendiqués pas plus qu’ils ne révèlent les efforts particuliers, qu’ils soient financiers ou humains, qu’aurait requis la réalisation de ces modèles.

Les factures relatives à l’organisation des défilés et le tableau certifié de l’expert-comptable retraçant les investissements de communication de 2012 à 2018 ne montrent pas davantage les dépenses propres aux modèles revendiqués ni ne permettent de constater que ces modèles auraient fait l’objet d’un traitement promotionnel individualisé destiné à les mettre en exergue et en faire des produits phares des collections [K] [M].

Les appelantes invoquent leur participation aux défilés de mode des grandes maisons de prêt-à-porter ainsi que l’importante couverture médiatique à laquelle donnent lieu ces manifestations, et dont elles bénéficient, comme en attestent les captures d’écran des sites Madame Figaro et Vogue donnant à voir les défilés [K] [M]. Or, la présence d’un modèle, au même titre que d’autres modèles de la collection, dans un défilé, ne suffit pas à justifier des dépenses de communication spécifiquement investies sur ce modèle pour lui conférer une visibilité particulière et le faire reconnaître comme un modèle emblématique des créations d'[K] [M], apte à identifier la créatrice auprès du public.

Il importe en outre d’observer que les pièces de la procédure , et en particulier les coupures de presse (tout au plus une coupure de presse par modèle revendiqué), ne montrent pas que les modèles revendiqués auraient fait l’objet d’une campagne publicitaire soutenue, qu’ils auraient rencontré un succès commercial avéré, ou encore, qu’ils seraient notoires et spontanément rattachés par le public à la griffe [K] [M].

Les données chiffrées sur la vente en France des 40 modèles revendiqués (pièce n°49 des appelantes), permettent de constater que le nombre des ventes a été dans l’ensemble très modeste. Ainsi, à titre d’exemple, 1 seule vente pour la veste zébrée Elder, 10 ventes pour le sweet Hamilton, 12 pour le top Kelson, 17 pour l’imprimé Lemony, 17 pour la jupe Preston, 58 pour la jupe Wilma, 73 pour la sandale Play, 81 pour le pull Zoé, 89 pour le manteau Flint, 105 pour la jupe Aura, 130 pour le jean Ennet, 147 pour l’anorak Cyriel, 191 pour la ceinture Upton. Des chiffres de vente plus élevés sont indiqués concernant le pull Ben : 254, la jupe Napoli: 332, la blouse Ojyma: 598, la veste Layne : 636, le sweet-shirt Gen : 882. Cependant, la part de chiffre d’affaires que représente chacun de ces modèles n’est pas renseignée, dont il n’est pas possible en conséquence d’affirmer qu’il serait une pièce forte des collections [K] [M] et cristalliserait une valeur économique individualisée procurant un avantage concurrentiel.

Il doit être encore observé que, selon les propres écritures des appelantes, les 41 modèles en cause ont été commercialisés dans le cadre d’une seule collection et ce, à l’exception de la ballerine Leo/Leomia, dont les appelantes précisent qu’elle a été commercialisée dans le cadre de la collection printemps-été 2015 puis reconduite en 2016 et 2017, et du manteau Gabrie de la collection automne-hiver 2014-2015 dont elles indiquent qu’il a été reconduit l’année suivante en 2015-2016.

Dans un contexte de renouvellement des collections à raison de deux à quatre collections par an, une telle observation confirme que les modèles revendiqués n’ont pu avoir acquis une ancienneté susceptible de leur permettre d’être reconnus et identifiés par le public comme des créations d'[K] [M].

Il n’est pas sans intérêt de remarquer, enfin, que l’on ne rencontre aucun des 41 modèles revendiqués dans le document ( pièce n°11-3 des appelantes) définissant les ‘codes’ de la griffe [K] [M] : image, silhouette, couleurs, matières et affichant en dernière partie ses modèles ‘iconiques’, ni davantage dans le document (pièce n°11-2 des appelantes) intitulé ‘philosophie de marque’ dans lequel sont exposées les grandes lignes de ‘l’esprit [K] [M]’.

Force est donc pour la cour de constater, à l’instar du tribunal, que la condition du parasitisme économique n’est pas satisfaite dès lors que la preuve n’est pas rapportée de l’existence d’une valeur économique individualisée propre à faire l’objet d’une captation parasitaire.

C’est en vain que les appelantes entendent pallier leur échec à caractériser le parasitisme économique allégué en excipant à l’encontre des sociétés intimées de suivisme récurrent, de copie systématique et de pillage répétitif de leurs modèles.

Il est à cet égard relevé que les appelantes, qui n’invoquent pas le grief de concurrence déloyale, se gardent d’alléguer la création d’un effet de gamme par la reproduction de plusieurs modèles d’une même collection et le risque de confusion pouvant en résulter. Elles prétendent, néanmoins, que l’accumulation d’emprunts à leurs diverses collections caractérise la volonté délibérée des sociétés intimées de créer dans l’esprit du public un risque d’association avec leurs créations dont le style est parfaitement identifiable. Elles estiment ce risque avéré et en veulent pour preuve les avis recueillis sur des blogs qui attestent de ce que les copies Mango, incriminées, ont d’emblée été rapprochées du modèle original issu de leurs collections.

Or, il est constant que les 41 modèles revendiqués n’appartiennent pas à une même collection ni ne relèvent d’une même gamme de produits mais proviennent des différentes collections qui se sont succédé entre 2013 et 2019 à raison, annuellement, de deux à quatre collections totalisant 930 pièces et, sauf à appartenir tous à la griffe [K] [M], force est de constater qu’ils ne présentent pas de caractéristiques communes. A titre d’exemple, la sandale Play en vernis noir à haut talon fin, sophistiquée, le pantalon Ruston en velours à grosses côtes rose, ‘sportswear’, la blouse blanche Ojyma, romantique, l’anorak Cyriel, sportif, se rattachent à des genres différents, d’inspiration différente.

Les appelantes prétendent que les modèles revendiqués s’inscrivent dans un style [K] [M] parfaitement identifiable qu’elles définissent comme ‘un look assez simple, cosy et confortable, mais avec de l’esprit et de la personnalité. Souvent androgyne mais en restant sensuelle et féminine’, une ‘dégaine chic effortless’, ‘casual et sexy’, incarnant ‘la Parisienne’.

Or, il résulte de la définition qui en est donnée par les appelantes elles-mêmes que le style [K] [M] ne se reconnaît pas dans un modèle de vêtement pris individuellement mais, selon leurs propres mots, dans un ‘look’, dans une ‘dégaine’ caractérisée par un mélange de genres différents.

En conséquence, la reprise de modèles épars issus de collections différentes ne suffit pas à établir le risque d’association allégué et n’est donc pas susceptible de ‘favoriser l’acte d’achat des modèles imitants par référence à leur équivalent [K] [M]’ ainsi que le prétendent les appelantes.

A cet égard, les commentaires de blogueuses, dont la sincérité ne peut être certaine, opérant des rapprochements entre les modèles proposés par les sociétés intimées et les créations des appelantes, pour en souligner les ressemblances, ne peuvent fonder la démonstration du lien qui serait opéré dans l’esprit du public entre les produits en litige.

L’existence d’un tel lien est d’autant moins probable qu’il résulte de l’examen comparatif auquel s’est livrée la cour que les copies incriminées ne sont pas des reproductions serviles des modèles revendiqués, tandis que ces derniers s’inscrivent dans les tendances de la mode ou appartiennent au fonds commun de la mode.

Ainsi, la cour relève, à titre d’exemple, que :

-le pull en laine mohair Ivah (32) décrit par les appelantes elles-mêmes comme ‘de genre pourtant banal’ n’est pas repris dans les mêmes formes par le modèle Mango qui présente un col plus échancré et un maillage différent d’où ressortent des côtes verticales plus larges et plus apparentes. Le coloris mauve est certes quasi-identique mais n’est pas appropriable et sa reprise ne saurait être critiquable.

-le pantalon en velours côtelé Ruston (34) ne se retrouve pas à l’identique dans le modèle incriminé Bordon qui ne présente pas la forme évasée vers le bas de type ‘pattes d’éléphant’ du modèle revendiqué mais une coupe droite, ni ne reprend la ceinture en relief et garnie de passants du modèle revendiqué mais propose une ceinture plaquée dans la continuité des pans du pantalon, dépourvue de passants et munie d’un gros bouton de fermeture. Pour le surplus, les appelantes ne sauraient interdire à une entreprise concurrente l’emploi du velours côtelé rose qui n’est pas monopolisable et s’inscrivait dans la mode du moment ainsi qu’il ressort de publications de l’automne 2016 produites aux débats: ‘Radar mode: le pantalon velours rose côtelé’ ‘Et si on adoptait le velours rose côtelé” .

-le pull en laine Ben (40) caractérisé selon les appelantes par ‘une coupe légèrement ample et structurée par des poignets resserrés’ et, sans autre précision, sa ‘texture, coloris et notes argentées’, n’est pas reproduit dans les mêmes formes par les sociétés intimées dont le pull Party est plus ajusté le long du buste et tombe sous la taille sans être resserré aux poignets. La couleur noire du pull Ben tel que présenté aux débats n’est pas davantage copiée dans le modèle incriminé qui tire au bleu-vert tandis que les fils argentés parsemés, communs aux deux modèles, ne sont pas appropriables outre qu’ils ne suffisent pas à introduire dans l’esprit du public une confusion entre les modèles qui apparaissent bien distincts.

-la bottine Deby (36) en peau de serpent ou imitation peau de serpent s’inscrit dans les tendances de la mode ainsi qu’il est justifié par les pièces du débat qui montrent que de nombreux modèles similaires se rencontraient sur le marché entre 2015 et 2018 et, que les motifs évoquant la peau de serpent appartiennent, en toute hypothèse, au fonds commun de la chaussure, en outre, force est de constater que le modèle incriminé des sociétés intimées n’en constitue pas la copie, les motifs de la peau de serpent étant différents, ainsi que les coloris, et de même que la forme de la bottine qui ne reprend pas la fermeture éclair sur le côté extérieur qui fait la particularité du modèle revendiqué.

-la ceinture Upton (37) en tissage et aux motifs géométriques d’inspiration amérindienne n’est pas reproduite par la ceinture incriminée des sociétés intimées qui présente des motifs géométriques différents et associe au textile du cuir (ou imitation cuir) ainsi qu’une fermeture assurée au moyen d’une boucle et d’un passant en métal, contrairement au modèle revendiqué fait tout entier de textile et bordé de franges aux extrémités. Les couleurs jaune, rouge, écru et noir se retrouvent certes dans les deux modèles mais ne sont pas appropriables et sont usuellement combinées, ainsi qu’il ressort des pièces du débat, dans les tissages d’inspiration amérindienne qui ne sont pas davantage appropriables.

-la veste Elder (17) à rayures zébrées noir et blanc présente un col de type col claudine, une coupe de type blouson légèrement bouffante au bas de la taille et aux poignets, une texture de type peau d’animal luisante, tandis que le modèle incriminé Zebri présente un col officier, une coupe droite et des manches droites, une texture mat en lainage. Les rayures zébrées noir et blanc sont certes communes aux modèles comparés mais ne sont pas appropriables outre qu’elles sont encore différentes car plus larges dans le modèle revendiqué.

-le manteau Gabrie (14) , décrit par les appelantes comme ‘un caban en forme de boule’, n’est pas davantage imité dans sa prétendue copie, dont la coupe longue et droite n’évoque aucunement une forme de boule, et présente certes, à l’instar du modèle revendiqué, un motif de type tartan, à gros carreaux rouges et noirs, mais qui est banal et n’est pas appropriable.

Par ailleurs, la cour observe que le courant d’achat que les appelantes auraient créé, et dont les sociétés intimées auraient profité, n’est pas établi au regard d’un succès commercial qui n’est pas avéré compte tenu des chiffres de ventes, précédemment évoqués, réalisés par les modèles revendiqués et d’une durée de commercialisation qui apparaît ne pas avoir dépassé une année dès lors qu’il a été relevé que seuls deux modèles sur les 41 invoqués : la ballerine Leo/leomia (12) et le manteau Gabrie (14) ont été, selon les appelantes, reconduits dans des collections suivantes.

Il doit être ajouté que la commercialisation des modèles contestés n’est pas concomitante à celle des modèles revendiqués mais postérieure, parfois de plusieurs années, ainsi qu’il ressort des propres éléments de preuve apportés par les appelantes, dont seront toutefois écartés les commentaires de blogueuses sur les ‘copies Mango’, qui ne sauraient être retenus comme justifiant d’une date certaine de commercialisation des dites ‘copies’ sur le territoire français, ce d’autant qu’il s’agit, le plus souvent, de commentaires en langue espagnole soumis à la cour en traduction libre.

En prenant en considération les procès-verbaux de constat de captures d’écran, les bons de commande, factures et tickets d’achat produits par les appelantes, et sans qu’il y ait lieu, à ce stade, d’examiner la portée probatoire de ces pièces, qui est discutée par les sociétés intimées, force est de constater que:

-le top Napoli et la jupe Tundra (1), commercialisés selon les appelantes en février 2013 dans le cadre de la collection printemps-été 2013 auraient été copiés avec la robe Twoprint selon procès-verbal de constat par huissier de justice du 30 juin 2017 sur le site mango.com, soit quatre ans plus tard,

-la minijupe Preston (2), présentée lors du défilé de la collection automne-hiver 2013-2014 et commercialisée en août 2013 aurait été reproduite par les sociétés intimées selon procès-verbal d’huissier de justice du 30 juin 2017 sur le site mango.com, soit quatre ans plus tard,

-la blouse Ojima (4), créée pour la collection printemps-été 2014 aurait été reprise dans les blouses Tinna et Mixa des sociétés intimées selon procès-verbal de constat du 30 juin 2017 sur le site mango.com, soit trois ans plus tard,

-la chemise Layne (5), issue de la ligne [K] [M] Etoile printemps-été 2013, commercialisée dès novembre 2012, aurait été reproduite dans la chemise Rayita, dont la commarcialisation serait établie selon procès-verbal du 30 juin 2017 sur le site mango.com, soit cinq ans plus tard,

-la sandale Play (6), de la collection printemps-été 2014, commercialisée dès novembre 2013, aurait été copiée, ainsi qu’il résulterait du procès-verbal de constat du 30 juin 2017 sur le site mango.com, trois ans plus tard,

-la jupe River (7), présentée dans la pré-collection printemps-été 2014 et commercialisée en janvier 2014, aurait été reproduite dans le modèle Cintu ainsi que le montrerait le procès-verbal de constat sur le site mango.com du 30 juin 2017, soit trois ans plus tard,

-la jupe Aura (8), commercialisée en novembre 2013 dans le cadre de la pré-collection printemps-été 2014, aurait été copiée dans le modèle Flota dont la commercialisation aurait été constatée sur le site mango.com suivant procès-verbal de constat du 30 juin 2017, soit près de quatre ans plus tard,

-le top Kelson (9), présenté dans la collection printemps-été 2014, aurait été copié dans le modèle Kobe selon procès-verbal de constat sur le site mango.com du 30 juin 2017, soit plus de trois ans plus tard,

-les bottes Arnie (13), présentées dans la collection automne-hiver 2015 et commercialisées dès juillet 2015 aurait été imitées selon procès-verbal de constat du 30 juin 2017, soit deux ans plus tard,

-la jupe Lindsie/Anders (15), présentée dans le défilé automne-hiver 2016 et commercialisée dès l’été 2016, aurait été reproduite par les sociétés intimées suivant procès-verbal de constat du 3 août 2017 sur le site mango.com, soit un an plus tard,

-la sandale plate Lou (16), commercialisée à compter de mars 2016 dans le cadre de la collection printemps-été 2016, dont la reprise des caractéristiques dans un modèle Mango aurait été constatée sur le site mango.com par procès-verbal du 30 juin 2017, soit plus d’un an plus tard,

-la jupe Lynne (18), de la collection automne-hiver 2016 et commercialisée dès le mois d’août 2016, dont la copie aurait été commercialisée sur le site mango.com suivant procès-verbal établi le 30 juin 2017, soit près d’un an plus tard,

-le manteau Flint (19), de la collection automne-hiver 2016, commercialisé dès le mois d’août 2016, dont le manteau Tepon de Mango serait l’imitation et aurait été commercialisé sur le site mango.com selon procès-verbal de constat du 31 juin 2017, soit près d’un an plus tard,

-les mocassins Maple (20), de la collection printemps-été 2015 et livrés en boutique dès janvier 2015, auraient été copiés par les sociétés intimées selon constat du 23 mars 2017 sur le site mango.com , soit plus de deux ans plus tard,

-le pull Derring (30), de la ligne [K] [M] Etoile printemps-été 2017, aurait été copié selon procès-verbaux de constat sur le site mango.com des 5 et 9 avril 2018, soit un an plus tard,

-l’imprimé Bertha (31), de la ligne [K] [M] Etoile printemps-été 2017, aurait été utilisé par les sociétés intimées pour une robe selon procès-verbaux de constat sur le site mango.com des 5 et 9 avril 2018, soit un an plus tard,

-les blouse et robe Siandra et Seen (21), de la ligne [K] [M] Etoile printemps-été 2016, livrées en boutique en novembre 2015, auraient été imitées par les sociétés intimées, avec la blouse et la robe Haidi, au printemps 2017, suivant procès-verbal du 23 mars 2017 établi sur le site mango.com, soit plus d’un an plus tard,

-la jupe Quena (24), de la collection printemps-été 2016, dont la jupe Grin de Mango serait la reproduction et aurait été commercialisée sur le site mango.com suivant procès-verbal de constat du 12 mai 2017, soit un plus tard,

-l’imprimé de la veste Jenny (38), de la collection printemps-été 2015, aurait été reproduit dans la veste Braid achetée sur le site Mango.com selon facture du 14 septembre 2018, soit plus de trois ans plus tard,

-la veste matelassée Jarod (35), de la ligne Isabelle [M] Etoile printemps-été 2017 commercialisée en boutiques dès octobre 2016, aurait été imitée avec la veste Cheky de Mango, commercialisée suivant bon de commande du 7 novembre 2017, soit un an plus tard,

-le pull Tayle (41), issu de la collection automne-hiver 2019 et commercialisé depuis juillet 2019, aurait été reproduit dans le modèle Maia acheté dans la boutique Mango de la [Adresse 11] à [Localité 10] le 1er mars 2021, soit près de deux ans plus tard.

Ainsi, concernant les modèles précités, appartenant à des collections passées et dont il ressort des écritures des appelantes qu’ils n’ont pas été reconduits les années suivantes, il ne saurait être reproché aux sociétés intimées d’avoir cherché à s’immiscer dans un courant d’achat dont l’existence n’est pas établie dès lors que la présence de ces modèles sur le marché, au moment où auraient été commercialisées les copies alléguées, n’est pas elle-même établie. Etant en outre rappelé que les modèles revendiqués ne sont pas, ainsi qu’il a été vu, des produits iconiques des collections [K] [M], il paraît douteux que le public les aient conservés en mémoire suffisamment longtemps pour être enclin, des mois ou des années plus tard, à acheter une copie par référence au modèle original.

Force est de constater, en outre, s’agissant d’autres modèles revendiqués, que la commercialisation en France des reproductions qui en auraient été faites n’est pas établie à date certaine et ne saurait donc être retenue.

Il en est ainsi de l’offre en vente de la blouse Victoria de Mango, qui serait la copie de la blouse Viviana des appelantes (39), constatée sur l’extension suisse du site mango.com, de la commercialisation, dont la date n’est pas précisée, du pull Party, qui serait la copie du pull Ben des appelantes, de la commercialisation du sweet-shirt Beautiful, reproduction prétendue du sweet-shirt Gen des appelantes, qui n’est pas autrement justifiée que par un avis de blogueuse du 18 novembre 2014, de la commercialisation de la copie alléguée du sweet Hamilton des appelantes, qui résulterait d’un commentaire de blogueuse du 11 octobre 2014, et de celle de la copie alléguée du pull Hatfield dont les appelantes indiquent sans autre précision qu’elle aurait été repérée sur les blogs.

Il découle des observations qui précèdent que les griefs des appelantes de suivisme récurrent et copie systématique de leurs modèles ne sont pas fondés et ne sauraient caractériser une faute délictuelle à la charge des sociétés intimées.

Les appelantes prétendent enfin, sans plus de développements sur la caractérisation de la faute au fondement du parasitisme ou du risque de confusion, que les sociétés intimées auraient également fait preuve de suivisme en imitant systématiquement leurs campagnes publicitaires. Elles proposent dans leurs écritures une comparaison entre des affiches publicitaires exposant des mannequins vêtus de leurs modèles et des affiches publicitaires des sociétés intimées qui en seraient la copie. Au nombre des affiches comparées, seule l’affiche [K] [M] exposant le pull Ivah et celle exposant le pull Mango argué de reproduire ce même pull, concernent les modèles qui sont en cause dans le présent litige.

Force est de constater que l’affiche [K] [M] présentée en page 61 des conclusions des appelantes, datant de l’été 2009, montrant un mannequin en train de courir sur une route, n’est aucunement semblable à l’affiche Mango incriminée, datant de l’été 2014, exposant un mannequin assis sur une chaise et habillé différemment. C’est en vain qu’il est souligné qu’il s’agirait du même mannequin, dont il n’est pas prétendu qu’il serait exclusivement lié aux appelantes et dont il n’est pas montré qu’il serait nécessairement associé par le public à la publicité [K] [M] antérieure de cinq ans.

Les affiches exposées en page 62 de leurs écritures, distantes de six années (2011 pour la publicité [K] [M] et 2017 pour la publicité Mango), ne présentent pas davantage de similitude, celle incriminée n’évoquant en rien celle opposée par les appelantes, les vêtements portés étant différents (une veste blanche à même la peau / une veste noire sur un pull noir), de même que la position des mannequins ( tête baissée/tête relevée), le seul point commun consistant dans la vue d’un nombril découvert ne justifiant pas le grief d’imitation ; par ailleurs, l’affiche Mango d’avril 2015 n’évoque pas plus celle issue de la campagne de l’été 2014 des appelantes, quand bien même les deux montreraient des mannequins affalés sur un divan, les coloris et les vêtements étant différents (noir et gris/ blanc et beige, pantalon et top imprimés à fleurs / de couleur unie, bras entièrement recouverts d’une veste à manches longues portée sur le top / top à bretelles laissant apparaître les bras entièrement nus).

Dans les pages 65, 66 et 67 de leurs conclusions les appelantes stigmatisent le recours systématique, par les sociétés intimées, aux mêmes mannequins que ceux ayant défilé pour des collections [K] [M] sans soutenir pour autant qu’elles bénéficieraient d’un droit exclusif sur ces mannequins qui seraient nécessairement rattachés dans l’esprit du public à la griffe [K] [M].

Quant à l’affiche consacrée au pull Ivah dont il a été précédemment retenu qu’il n’avait pas fait l’objet d’une copie illicite par les sociétés intimées, elle ne fait pas davantage l’objet d’une reproduction fautive dans l’affiche Mango motif pris de ressemblances physiques des mannequins et d’une gestuelle similaire étant au surplus ajouté que les dates respectives de diffusion de ces affiches ne sont aucunement précisées.

En conséquence, les prétentions des appelantes concernant les visuels publicitaires ne sont pas davantage fondées que celles concernant les modèles revendiqués.

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté Mme [K] [M] et la société IM productions de l’ensemble de leurs demandes.

Aucune faute n’ayant pu être caractérisée, il n’y a pas lieu de statuer sur l’imputabilité de la faute aux sociétés intimées de sorte que, les demandes respectives de mise hors de cause des sociétés Mango France et Mango Haussmann sont sans objet.

Le jugement est confirmé en ses dispositions statuant sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

L’équité commande d’allouer à chacune des sociétés intimées, au titre des frais irrépétibles d’appel, une indemnité de 15.000 euros, soit la somme globale de 45.000 euros pour les trois, au paiement de laquelle sont condamnées in solidum Mme [K] [M] et la société IM production et de débouter ces dernières de leurs demandes à ce même titre.

Succombant à l’appel les appelantes en supporteront in solidum les entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a mis hors de cause la société Mango France et débouté la société Mango Haussmann de sa demande de mise hors de cause,

Statuant à nouveau sur ce dernier chef,

Dit sans objet les demandes de mise hors de cause des sociétés Mango France et Mango Haussmann,

Ajoutant,

Condamne in solidum Mme [K] [M] et la société IM production à payer à chacune des sociétés Punto Fa, Mango France et Mango Haussmann une indemnité de 15.000 euros, soit la somme globale de 45.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et les déboute de leurs demandes à ce même titre,

Condamne in solidum Mme [K] [M] et la société IM production aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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