SOC.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 juin 2016
Rejet
M. CHOLLET, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1259 FS-P+B
Pourvoi n° H 15-16.994
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ M. X… R…, domicilié […] ,
2°/ le syndicat CFTC du groupe Norbert Dentressangle, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 24 février 2015 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige les opposant à la société Norbert Dentressangle Silo, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 24 mai 2016, où étaient présents : M. Chollet, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ludet, Mallard, Mmes Goasguen, Vallée, Guyot, Aubert-Monpeyssen, Schmeitzky-Lhuillery, MM. Rinuy, Schamber, Ricour, conseillers, MM. Alt, Flores, Mme Brinet, MM. David, Silhol, Belfanti, conseillers référendaires, Mme Robert, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. R… et du syndicat CFTC du groupe Norbert Dentressangle, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Norbert Dentressangle Silo, l’avis de Mme Robert, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 24 février 2015), que M. R… a été engagé par la société Norbert Dentressangle Silo, laquelle appartient à l’unité économique et sociale (UES) Norbert Dentressangle Vrac, en qualité de conducteur routier ; qu’il a, le 11 février 2009, signé une convention de rupture homologuée par l’administration le 23 mars 2009 ; que, dans le cadre d’une procédure diligentée par le comité central d’entreprise de l’UES Norbert Dentressangle Vrac et les syndicats CFTC et CFDT, la cour d’appel de Lyon a, par arrêt du 2 décembre 2011 rendu sur renvoi après cassation (Soc., 9 mars 2011, pourvoi n° 10-11.581, Bull. 2011, V n° 70), condamné les employeurs composant l’UES Norbert Dentressangle Vrac à des dommages-intérêts pour violation des dispositions applicables en matière d’information et de consultation sur les licenciements économiques ; que le salarié a, le 28 décembre 2011, saisi la juridiction prud’homale d’une demande en annulation de la convention de rupture ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de dire cette demande irrecevable alors, selon le moyen, que la fraude corrompt tout, de sorte que la prescription d’un an des recours juridictionnels ouverts à l’encontre de la convention de rupture conventionnelle n’est pas applicable en cas de fraude de l’employeur ; qu’en rejetant pourtant l’exception de fraude, sans examiner, comme elle y était pourtant invitée, si ses éléments constitutifs de la fraude n’étaient pas en l’espèce réunis, la cour d’appel a violé le principe « fraus omnia corrumpit », ensemble les articles L. 1233-3, alinéa 2 et L. 1237-14 du code du travail ;
Mais attendu que si la fraude peut conduire à écarter la prescription annale prévue à l’article L. 1237-14 du code du travail, c’est à la condition que celle-ci ait eu pour finalité de permettre l’accomplissement de la prescription ;
Et attendu que la cour d’appel ayant relevé que le salarié avait invoqué le fait pour l’employeur d’avoir recouru à une rupture conventionnelle afin de se soustraire à la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, ce dont il résultait que la fraude alléguée n’avait pas eu pour finalité de permettre l’accomplissement de la prescription, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de dire la demande en annulation de la rupture conventionnelle irrecevable alors, selon le moyen :
1°/ que si le délai de prescription d’un an des recours juridictionnels à l’encontre de la convention de rupture conventionnelle court à compter de l’homologation de la convention, le point de départ du délai est reporté au jour où le salarié acquiert une connaissance complète et exacte de l’ensemble des données du litige, de ses droits et de leur étendue ; qu’en l’espèce, la fraude de l’employeur aux dispositions régissant les licenciements pour motif économique, consistant à ne pas intégrer les ruptures conventionnelles en cause au processus de réduction des effectifs, n’a été établie que par l’arrêt de la Cour de cassation en date du 9 mars 2011 ; qu’en jugeant néanmoins que toutes les données du litige étaient connues au plus tard le 16 juillet 2009, date à laquelle le tribunal de grande instance de Valence s’est prononcé sur la validité du plan de sauvegarde de l’emploi soumis au comité central d’entreprise de l’UES ND Vrac, quand cette décision n’était pas passée en force de chose jugée, la cour d’appel a violé le principe « fraus omnia corrumpit », ensemble l’article L. 1237-14, alinéa 4, du code du travail ;
2°/ que la fraude n’a été reconnue pour la première fois que par la décision de la Cour de cassation et celle de la juridiction de renvoi, le jugement du tribunal de grande instance de Valence et l’arrêt de la cour de Grenoble en ayant au contraire écarté le principe ; qu’en faisant partir le délai de prescription du jugement du tribunal au motif qu’à la date de ce jugement, le salarié avait connaissance de toutes les données du litige, la cour d’appel a dénaturé ledit jugement et violé l’article 1134 du code civil ;