Convention de rupture conventionnelle : 14 décembre 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 15-22.088

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Convention de rupture conventionnelle : 14 décembre 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 15-22.088

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2016

Rejet non spécialement motivé

Mme GUYOT, conseiller le plus ancien faisant fonction de président

Décision n° 11130 F

Pourvoi n° U 15-22.088

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [Q].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 mai 2016

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Angelo Meccoli & Cie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1]

contre l’arrêt rendu le 28 mai 2015 par la cour d’appel d’Orléans (chambre sociale), dans le litige l’opposant à M. [H] [Q], domicilié [Adresse 2],

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 16 novembre 2016, où étaient présents : Mme Guyot, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mmes Schmeitzky-Lhuillery, Van Ruymbeke, conseillers, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Angelo Meccoli & Cie, de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de M. [Q] ;

Sur le rapport de Mme Guyot, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Angelo Meccoli & Cie aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille seize.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Angelo Meccoli & Cie.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR prononcé la requalification de la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [Q] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit que le licenciement de M. [Q] n’a pas de cause réelle et sérieuse, et d’AVOIR condamné la société Angelo Meccoli à payer à M. [Q] les sommes de 4.791,20 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 479,12 € de congés payés afférents et 14.392 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « sur la requalification de la rupture conventionnelle: Aux termes de l’article 1109 du code civil, il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol. Selon l’article 1112 du code civil, il y a violence, lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes. Il résulte des pièces médicales communiquées et arrêts de travail, ce qui au demeurant n’est pas discuté, qu’à la suite de l’accident de circulation du 18 décembre 2010 Monsieur [Q] a souffert d’un traumatisme crânien avec perte de connaissance initial, d’un traumatisme facial et d’une fracture ouverte des os propres du nez, ayant nécessité une intervention chirurgicale et qu’il a été en arrêt de travail jusqu’au 21 février 2011, son état étant à cette date consolidé avec la persistance de séquelles. Lors de la visite de reprise du 2 mars 2011, le médecin du travail l’a déclaré apte à la reprise en privilégiant les chantiers les plus proches d'[Localité 1]. Il ressort du témoignage de Madame [P] donné en faveur de la société que Monsieur [Q] était bouleversé à l’issue de la visite médicale de reprise car il avait été déclaré apte, qu’il lui avait dit être tellement traumatisé par l’accident qu’il ne voulait pas reprendre le travail et remonter dans le camion et lui avait demandé de trouver une solution pour lui permettre de bénéficier du chômage, qu’elle lui avait expliqué qu’elle allait réfléchir à une solution pour lui éviter de revenir travailler et qu’elle avait sollicité la direction en vue de mettre en place à titre exceptionnel un rupture conventionnelle. Il se déduit de ce témoignage que Monsieur [Q] était effectivement traumatisé et psychologiquement affaibli par la crainte de remonter dans un camion à la suite du grave accident dont il avait été victime et dont l’employeur connaissait les circonstances tragiques. Il en résulte également que si Monsieur [Q] a clairement manifesté son incapacité psychologique à reprendre le travail, il n’a pas pris l’initiative de solliciter la rupture conventionnelle qui lui a été proposée par l’employeur comme une solution à l’impossibilité dans laquelle il était de remonter dans un camion. Or, le médecin du travail avait émis des restrictions à l’avis d’aptitude, puisqu’il avait demandé de privilégier les chantiers à proximité d'[Localité 1], ce que la société ne justifie pas avoir envisagé de faire pour tenir compte de la légitime appréhension de son salarié à circuler en camion. Il est au contraire établi par le témoignage de Madame [P] que Monsieur [Q] a été placé en congé sans solde du 1er mars au 7 mars 2011, et qu’il n’a donc rien été fait pour respecter les prescriptions du médecin. Le fait que Monsieur [Q] ait été placé en congé sans solde confirme qu’à la suite de son arrêt de travail, il a épuisé ses congés payés comme il l’indique pour différer son retour dans l’entreprise du fait de sa crainte d’effectuer des trajets en camion. Il est également constant que Monsieur [Q] qui est de nationalité portugaise et qui ne lit pas le français a recopié la lettre datée du 4 mars 2011 par laquelle il a sollicité le bénéfice de la rupture conventionnelle, à partir d’un modèle qui lui a été fourni par l’employeur. Dans cette lettre Monsieur [Q] écrit savoir qu’il peut se faire assister par un représentant du personnel de l’entreprise. (L’accord de rupture conventionnelle a été signé le 7 mars 2011 à une date qui a été fixée par l’employeur et dans un délai qui ne permettait pas à Monsieur [Q] de s’organiser pour être assisté et conseillé sur la portée de son engagement. Il résulte ainsi des circonstances dans lesquelles Monsieur [Q] a été amené à signer une rupture conventionnelle, tenant à l’état de vulnérabilité dans lequel il se trouvait à la suite de l’accident dont il avait été victime et dont il conservait des séquelles, à la crainte dans laquelle il était de perdre son emploi sans aucun droit du fait de son incapacité à remonter dans un camion et donc à se rendre sur un chantier, au fait que l’employeur n’a à aucun moment essayé de trouver une solution conforme aux prescriptions du médecin du travail en privilégiant une affectation sur un chantier à proximité, ce qui aurait été de nature sans doute à vaincre son appréhension, à la rapidité dans laquelle la rupture conventionnelle a été proposée et mise en oeuvre dès la sortie de la visite du médecin du travail et sans que Monsieur [Q] ait été matériellement en mesure de se faire assister, que le consentement de Monsieur [Q] n’était pas libre et éclairé et que celui-ci était vicié, l’employeur ayant manifestement exploité son état de détresse pour rompre le contrat sans avoir à rechercher de solutions conformes aux restrictions du médecin. Il convient, par conséquent, la convention de rupture étant nulle, et la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse de confirmer la décision du conseil de prud’hommes. Sur les demandes indemnitaires : A la date de la rupture Monsieur [Q] était âgé de 24 ans, avait une ancienneté de moins de 2 ans et percevait une rémunération moyenne de 2 639,47 euros. Le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation de son préjudice, en lui allouant la somme de 14.392 euros. Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, Monsieur [Q] a droit à une indemnité de préavis. La décision du conseil de prud’hommes qui lui a alloué la somme de 4 791,20 euros représentant deux mois de salaires outre 479,12 euros d’indemnité de congés payés sera par suite confirmée » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse : qu’afin que la rupture conventionnelle soit valable, les règles fixées par la loi doivent être respectées. En vertu de l’article L.1237-11 du Code du Travail, et des articles 1108,1111 et 1112 du Code Civil, une rupture conventionnelle homologuée est nulle dès qu’il est démontré que le consentement du salarié n’est pas libre et éclairé. – Article L.1237-11 du Code du Travail : « L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties ». –
Article 1108 du Code Civil : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention ; Le consentement de la partie qui s’oblige ; Sa capacité de contracter ; Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; Une cause licite dans l’obligation » ; que lors de la signature, le consentement de Monsieur [Q] a été obtenu alors qu’il était fragilisé par des problèmes de santé conséquents et non résorbés. Le dernier certificat médical en date du 21 Février 2011 conclu à « une consolidation avec séquelles ». La lettre en date du 4 Mars 2011 ne démontre en rien sa volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail. En effet, il s’agit indiscutablement d’une lettre type qu’il a recopiée sans en comprendre la portée. Monsieur [Q] est de nationalité portugaise, sa compréhension et sa rédaction de la langue française est très réduite et en totale inadéquation avec le style, la clarté et à la teneur de la lettre. La rupture conventionnelle homologuée serait donc nulle du fait de l’existence d’un litige implicite et de l’absence d’un consentement libre et éclairé ; que lors de la mise en place de la procédure de la rupture conventionnelle homologuée l’employeur n’a pas respecté les prescriptions de l’article L.1237-12 du Code du Travail. Il est précisé dans la lettre du 4 Mars 2011 que « dans le cas où ma demande aboutirait, je sais que je peux me faire assister par un représentant du personnel de l’entreprise. Or, comment Monsieur [Q] peut-il recourir à l’assistance d’un représentant du personnel alors que la lettre date du vendredi 4 mars et que la signature de la rupture conventionnelle homologuée a eu lieu le lundi 7 mars ? pour que le salarié puisse se faire assister d’un représentant du personnel le délai de convocation à l’entretien préalable doit être suffisant pour lui permettre d’y avoir recours. Dans le cas contraire la rupture devra être requalifiée. En conséquence, le Conseil de Prud’hommes dit et juge que : – la rupture conventionnelle homologuée est nulle du fait de l’existence d’un litige implicite et de l’absence d’un consentement libre et éclairé, – le non-respect des dispositions de l’article L.1237-12 du Code du Travail n’ayant pas permis de garantir le consentement de Monsieur [Q], ce dernier est en droit de faire valoir la requalification de la rupture conventionnelle homologuée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur les indemnisations dues au titre de la requalification de la rupture conventionnelle homologuée en licenciement sans cause réelle et sérieuse :
L’indemnité compensatrice de préavis : qu’en vertu de l’article L.1234-5 du Code du Travail, une indemnité de préavis de deux mois doit être attribuée à Monsieur [Q] ainsi que les congés-payés y afférant étant donné que l’employeur ne lui a pas permis d’exécuter le préavis ; qu’il y a lieu de condamner la SAS ANGELO MECCOLI à payer à Monsieur [Q] [H] les sommes de 4.791,20 € bruts (sur la base d’un salaire de base de 2397,10 € bruts fiscal) d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 479,12 € bruts d’indemnité de congés-payés y afférents. Sur les dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : que l’article L.1235-5 partiel du Code du Travail dispose : « Ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives ; 1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l’Article L.1235 2 ; 2° A l’absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l’Article L.1235 3 ; 3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’Article L.1235 4. Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi … » ; que le Conseil de Prud’hommes a requalifié la rupture conventionnelle homologuée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de l’ancienneté de Monsieur [Q] [H] de ses efforts de recherche d’emploi, son préjudice sera réparé en lui allouant la somme de 14.392 € » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE l’existence d’un vice de violence affectant la validité de la rupture conventionnelle du contrat de travail suppose que soit caractérisée l’existence d’une contrainte ou de pressions subies par le salarié et de nature à remettre en cause la liberté du consentement exprimé ; que le simple fait pour un employeur de proposer une rupture conventionnelle à un salarié qui ne souhaite pas reprendre son poste de travail ne saurait caractériser la violence ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que M. [Q] avait été déclaré apte à la reprise de son travail, ce dont il résultait que l’employeur n’était tenu à aucune obligation particulière de reclassement à son égard, que M. [Q] avait « clairement manifesté son incapacité psychologique à reprendre le travail » et que l’employeur lui avait proposé la rupture conventionnelle « comme une solution à l’impossibilité dans laquelle il était de remonter dans un camion » ; qu’en estimant, pour dire que la convention de rupture était nulle, que l’employeur aurait exploité l’état de détresse du salarié, sans caractériser la moindre contrainte ou la moindre pression exercée par la société Angelo Meccoli à l’encontre de M. [Q], la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1109 et 1112 du code civil, ensemble l’article L.1237-11 du code du travail ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE la société Angelo Meccoli faisait valoir qu’il n’existait aucun chantier proche du siège permettant d’éviter d’effectuer des trajets en camion et qu’elle produisait aux débats la liste de l’ensemble des chantiers ouverts en 2011 (Conclusions p. 8 ; Pièce n°26) ; qu’en reprochant à l’employeur de ne pas avoir « essayé de trouver une solution conforme aux prescriptions du médecin du travail en privilégiant une affectation sur un chantier à proximité », sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE l’article L. 1237-12 du code du travail n’instaure pas de délai entre l’entretien au cours duquel les parties conviennent de la rupture du contrat de travail et la signature de la convention de rupture prévue à l’article L. 1237-11 du même code ; qu’afin de garantir la liberté du consentement du salarié et de prémunir tout risque de décision précipitée, l’article L. 1237-13 du code du travail confère à chacune des parties un délai de quinze jours calendaires à compter de la signature de la convention pour exercer son droit de rétractation ; qu’il résulte de ces textes que le salarié ne peut se prévaloir du caractère insuffisant du délai entre l’entretien et la signature de la convention de rupture conventionnelle pour demander l’annulation de cette dernière et que seule l’existence d’un obstacle au libre exercice du droit de rétractation est susceptible d’entraîner une telle annulation ; qu’au cas présent, la société Angelo Meccoli rappelait que M. [Q] n’avait pas exercé son droit de rétractation à la suite de la signature de la convention de rupture conventionnelle ; qu’en estimant, pour dire que la convention de rupture était nulle et que la rupture produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l’accord de rupture avait été signé « dans un délai qui ne permettait pas à Monsieur [Q] de s’organiser pour être assisté et conseillé sur son engagement », la cour d’appel a violé les articles 1109 et 1112 du code civil, ensemble les articles L. 1237-11, L. 1237-12 et L. 1237-13 du code du travail.

 


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