Convention de rupture conventionnelle : 18 mai 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01064

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Convention de rupture conventionnelle : 18 mai 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01064

Arrêt n°

du 18/05/2022

N° RG 21/01064

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 18 mai 2022

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 11 mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes de CHARLEVILLE MEZIERES, section Commerce (n° F18/00153)

SAS SOCIETE HOTELIERE ET TOURISTIQUE VOSGIENNE

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et par la SELARL SERGE DUPIED, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [V] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par la SCP DOMBEK, avocats au barreau des ARDENNES

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mars 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 18 mai 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

À l’issue d’une succession de contrats de travail à durée déterminée ayant débuté le 15 avril 2014, la SAS Société Hôtelière et Touristique Vosgienne (ci-après la SAS SHTV) a embauché Madame [V] [L] en qualité d’employée hôtelière au sein de l’hôtel Ibis à [Localité 4] à compter du 28 juillet 2014, à durée indéterminée.

À compter du 21 janvier 2017, Madame [V] [L] a été placée en arrêt-maladie.

Le 3 mai 2017, elle a déposé plainte pour harcèlement moral à l’encontre de Monsieur [U] [E], directeur de l’hôtel Ibis à [Localité 4].

Le 3 mai 2017, Madame [V] [L] et la SAS SHTV ont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail.

Le 30 mai 2018, Madame [V] [L] a notamment saisi le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières d’une demande d’annulation de la rupture conventionnelle.

Le 16 septembre 2019, le tribunal correctionnel de Charleville-Mézières a condamné Monsieur [U] [E], pour des faits de harcèlement moral au préjudice de Madame [V] [L], entre le 1er avril 2016 et le 29 janvier 2017, à une peine d’amende avec sursis et à des dommages-intérêts.

Monsieur [U] [E] a formé appel de la décision le 25 septembre 2019 sur les dispositions pénales et civiles du jugement.

Par arrêt en date du 21 octobre 2020, la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Reims a, sur l’action publique, infirmé le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Reims en toutes ses dispositions pénales, et statuant à nouveau, renvoyé Monsieur [U] [E] des fins de la poursuite, et sur les intérêts civils, infirmé le jugement en toutes ses dispositions civiles sauf en ce qu’il a déclaré recevable la constitution de partie civile de Madame [V] [L], et l’a déboutée de toutes ses demandes.

Par jugement en date du 11 mai 2021, le conseil de prud’hommes a :

– déclaré les demandes de Madame [V] [L] partiellement recevables et fondées,

– dit ne pas surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt rendu par la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Reims,

– annulé la convention de rupture conventionnelle et requalifié la rupture du contrat de travail de Madame [V] [L] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la SAS SHTV à payer Madame [V] [L] les sommes de :

. 2116 euros au titre de l’indemnité de préavis,

. 318 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

. 4232 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5000 euros au titre du non-respect des obligations de sécurité,

. 3000 euros au titre du préjudice moral,

. 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Madame [V] [L] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier,

– débouté la SAS SHTV de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS SHTV aux dépens.

Le 3 juin 2021, la SAS SHTV a formé une déclaration d’appel.

Dans ses écritures en date du 10 janvier 2022, la SAS SHTV conclut à l’infirmation du jugement sauf en ce qu’il a débouté Madame [V] [L] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier et elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– débouter Madame [V] [L] de ses demandes,

– condamner Madame [V] [L] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Madame [V] [L] aux dépens de première instance et d’appel.

Dans ses écritures en date du 26 octobre 2021, Madame [V] [L] conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre du préjudice financier, et elle demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner la SAS SHTV à lui payer la somme de 1985 euros au titre de son préjudice financier, celle de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel et la condamnation de la SAS SHTV aux dépens d’appel.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé.

Motifs :

– Sur l’annulation de la rupture conventionnelle du contrat de travail :

Se prévalant de l’arrêt de la cour d’appel de Reims, qui a relaxé le directeur de l’hôtel Ibis du chef de harcèlement moral -arrêt que les premiers juges n’ont à tort pas pris en compte alors qu’il avait déjà été rendu à la date à laquelle ils ont statué-, la SAS SHTV demande à la cour d’infirmer le jugement du chef de l’annulation de la rupture conventionnelle tandis que Madame [V] [L], qui invoque la distinction des fautes civile et pénale et l’appréciation souveraine et indépendante des conditions du harcèlement moral par le juge prud’homal, sollicite sa confirmation.

L’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe.

La relaxe du chef de harcèlement moral ne s’impose pas nécessairement au juge prud’homal, le harcèlement moral pouvant en effet être caractérisé, en droit du travail, en l’absence de tout élément intentionnel alors qu’un tel élément est constitutif de l’infraction pénale.

Mais, en l’espèce, pour asseoir sa décision de relaxe de Monsieur [U] [E], la cour d’appel a écarté, non pas l’élément intentionnel, mais l’élément matériel, en estimant que les faits reprochés n’étaient pas établis, de sorte que la relaxe qu’elle a prononcée s’impose au juge prud’homal.

Madame [V] [L] fonde principalement sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail sur une situation de violence morale découlant d’un harcèlement moral qui n’est pas constitué et de l’état de santé qui en serait résulté. La preuve d’un consentement vicié n’est donc pas faite à ce titre.

Elle n’établit pas davantage s’être trouvée au centre de conflits internes à la SAS SHTV à l’origine de pressions qui l’auraient contrainte à signer la rupture conventionnelle.

Madame [V] [L] doit donc être déboutée de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle.

Le jugement doit être infirmé en ce sens et en ce qu’il a, par voie de conséquence, requalifié la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et du chef des condamnations de la SAS SHTV au paiement d’une indemnité de préavis, de l’indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

Il est établi que la SAS SHTV a manqué à son obligation de sécurité puisque, informée au cours de l’arrêt-maladie par le médecin du travail (pièce n°18), des accusations de la salariée à l’endroit du directeur, elle n’a à tout le moins pas recueilli les explications de cette dernière, ni celles du directeur.

Madame [V] [L] n’établit toutefois pas avoir subi de préjudice en lien avec un tel manquement alors que le harcèlement moral n’a pas été reconnu.

Madame [V] [L] doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement doit être infirmé en ce sens.

– Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :

Les premiers juges ont fait droit à la demande de dommages-intérêts présentée par Madame [V] [L] au titre d’un préjudice moral découlant du non-respect par la SAS SHTV de son obligation de sécurité à hauteur de 3000 euros.

Madame [V] [L] demande la confirmation de cette condamnation, invoquant avoir subi un préjudice moral du fait de l’inertie et du peu de considération de son employeur et du fait des insultes qu’elle a subies de sa part.

Or, une telle demande correspond en partie à la demande précédente qui a été écartée en l’absence de préjudice et pour le surplus, Madame [V] [L] n’établit pas avoir subi d’insultes de la part de son employeur.

Madame [V] [L] doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et le jugement doit être infirmé en ce sens.

– Sur le préjudice financier :

Madame [V] [L] reproche aux premiers juges de l’avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts au titre d’un préjudice financier.

Or, dès lors qu’elle impute son état de santé à un harcèlement moral qui n’a pas été reconnu, elle n’est pas fondée à faire supporter à son employeur la différence entre les indemnités de sécurité sociale qu’elle a perçues et le montant de son salaire.

Le jugement doit donc être confirmé du chef du rejet de sa demande.

***********

Chacune des parties doit supporter la charge de ses dépens de première instance et d’appel et doit être déboutée de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances.

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Madame [V] [L] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier et sauf en ce qu’il a débouté la SAS SHTV de sa demande d’indemnité de procédure ;

Le confirme de ces chefs ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Déboute Madame [V] [L] de ses demandes d’annulation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail et de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de ses demandes d’indemnité de préavis, d’indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour non-respect de l’obligation de sécurité et pour préjudice moral ;

Déboute Madame [V] [L] de ses demandes au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Déboute la SAS SHTV de sa demande d’indemnité de procédure ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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