RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRÊT DU 18 Mai 2022
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/02105 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7I2W
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 novembre 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS section Commerce RG n° F17/07989
APPELANTE
Madame [B] [W]
[Adresse 2]
[Localité 6]
née le 30 Janvier 1990 à [Localité 7] (Algérie)
représentée par Me Najette LABBAS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0319
INTIMEES
Me [V] [E] (SELAFA MJA) – Mandataire ad hoc de Société OPTIC MB
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223
Association AGS CGEA IDF OUEST représentée par sa Directrice nationale, Madame [S] [N]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 mars 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne MENARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne MENARD, Présidente de chambre
Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre
Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Magistrat Honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier : Mme Juliette JARRY, lors des débats
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Signé par Madame Anne MENARD, présidente de chambre et par Juliette JARRY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Madame [W] a été engagée par l’Eurl Optic MB le 19 mai 2016 en qualité de responsable de magasin.
Le 3 novembre 2016, les parties sont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail.
Madame [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 26 septembre 2017 afin de solliciter un arriéré de salaires et des indemnités de rupture.
Par jugement du 16 mars 2018, la société Optic MB a été placée en liquidation judiciaire., Maître [V] ayant été désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Madame [W] a été déboutée de ses demandes par jugement du 22 novembre 2018 dont elle a interjeté appel le 22 janvier 2019.
La clôture des opérations de liquidation ayant été prononcée le 13 mars 2019 pour insuffisance d’actif, maître [V] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc.
Par ordonnance en date du 26 septembre 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de l’intimée tendant à voir dire que l’appel était dépourvu d’effet dévolutif.
Par conclusions récapitulatives du 12 avril 2019, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [W] demande à la cour d’infirmer le jugement, de juger que la rupture conventionnelle est nulle et de fixer au passif de la société les sommes suivantes, sous garantie de l’ AGS :
7.626,48 euros nets, et congés payés afférents, à titre de rappel de salaries du mois de mai 2016 au mois de décembre 2016
390,68 euros à titre d’indemnité légale de licenciement
2.964,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
296,43 euros au titre des congés payés afférents
17.785,92 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
subsidiairement 4.858 euros à titre d’indemnité de rupture conventionnelle
Par conclusions récapitulatives du 22 mai 2019, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la Selafa MJA, prise en la personne de maître [V], en qualité de mandataire ad’hoc de la société Optic MB, demande à la cour de :
– dire que la déclaration d’appel du 22 janvier 2019 est privée de tout effet dévolutif
– confirmer le jugement
– condamner madame [W] au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’AGS, régulièrement constituée, n’a pas conclu au fond.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
La demande tendant à voir dire que l’appel est dépourvu d’effet dévolutif a été rejetée par le conseiller de la mise en état, compte tenu de la régularisation de l’appel dans le délai pour conclure. Cette ordonnance n’a pas été déférée.
– Sur la demande de rappel de salaires
Le contrat de travail prévoyait le versement d’un salaire net mensuel de 2.300 euros, soit un salaire brut de 2.964,32 euros.
Entre sa date d’embauche et la date de signature de la rupture conventionnelle qui a mis fin au contrat de travail, madame [W] aurait dû percevoir 14.826,18 euros net.
Si des bulletins de paie ont bien été remis pour le montant contractuellement dû, madame [W] soutient n’avoir en réalité perçu que la somme de 7.200 euros sur l’ensemble de la période. Pour en justifier, elle verse aux débats les relevés du compte sur lequel les salaires étaient virés.
De son côté, le mandataire judiciaire ne verse aucun élément pour justifier de ce que la totalité des sommes aurait bien été acquittée.
Il sera donc fait droit à la demande à hauteur de 7.626,48 euros nets, outre 762,64 euros au titre des congés payés afférents.
– Sur la rupture du contrat de travail
Le mandataire ad’hoc de la société Optic MB soutient que la convention ayant été homologuée par le juge administratif, le juge judiciaire ne peut s’assurer de la liberté du consentement des parties sans violer le principe de la séparation des pouvoirs.
Toutefois, le dernier alinéa de l’article 1237-14 du code du travail stipule :
‘L’homologation ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil de prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention’.
Il résulte de ces dispositions que la demande de nullité présentée par madame [W] est recevable.
Sur le fond, la cour a retenu que madame [W] n’était pas payée de la totalité de ses salaires, et qu’en moyenne elle en a perçu environ la moitié.
Elle se trouvait donc nécessairement en difficulté financière, et l’employeur ne la licenciant pas pour motif économique, elle s’est trouvée en situation d’accepter de rompre le contrat pour pouvoir bénéficier des indemnités de chômage et disposer du temps nécessaire à la recherche d’un nouvel emploi. Son consentement a donc été vicié par les manquements de son employeur à ses obligations contractuelles, de sorte qu’il sera fait droit à la demande de nullité de la convention de rupture conventionnelle, qui n’a par ailleurs jamais été exécutée.
Dans ces conditions, la rupture du contrat de travail doit s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Madame [W] avait sept mois d’ancienneté lors de son licenciement de sorte que par application des dispositions de l’article L1234-9 du code du travail, elle ne peut prétendre à une indemnité de licenciement.
Elle a droit à une indemnité de préavis égale à un mois de salaire, par application de l’article L1234-1 du code du travail, soit la somme de 2.964,32 euros, outre les congés payés afférents.
Par application des dispositions de l’article 1235-5 du code du travail applicables en l’espèce, elle peut obtenir des dommages et intérêts indemnisant le préjudice subi en raison de la rupture abusive de son contrat de travail. En l’espèce, la salariée était âgée de 26 ans lors de son licenciement, et elle avait sept mois d’ancienneté. Elle ne verse aucune pièce relative à ses recherches d’emploi après la rupture.
Compte tenu de ces éléments, il lui sera alloué 3.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
*
La remise de documents sociaux conformes aux présent arrêt sera ordonnée, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.
L’ AGS devra garantir les condamnations prononcées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
Infirme le jugement.
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail.
Fixe au passif de la société Optic MB, représentée par la Selafa MJA, prise en la personne de maître [V], en qualité de mandataire ad’hoc, les sommes suivantes :
7.626,48 euros nets, et congés payés afférents, à titre de rappel de salaires
762,64 euros au titre des congés payés afférents
2.964,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
296,43 euros au titre des congés payés afférents
3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Déclare l’UNEDIC délégation AGS CGEA Île de France Ouest tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l’absence de fonds disponibles.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Mets les dépens à la charge de la société Optic MB, liquidée.
La Greffière La Présidente