ARRÊT DU
27 Mai 2022
N° 795/22
N° RG 19/01270 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SL7M
AM/CH
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
29 Avril 2019
(RG F17/00214 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 27 Mai 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
Mme [Z] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Corinne PHILIPPE, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE :
S.A.S. ACCESS’OR
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me David LACROIX, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS :à l’audience publique du 22 Mars 2022
Tenue par Alain MOUYSSET
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Séverine STIEVENARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monique DOUXAMI
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 21 mars 2022
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat de travail à durée déterminée Mme [Z] [K] a été embauchée le 5 octobre 2015 par la société ACCESS OR, qui est l’une des sociétés détenues par la société JSK DEVELOPPEMENT, en qualité de vendeuse.
Par la suite les parties ont conclu dix autres contrats à durée déterminée de sorte que la salariée a été employée de manière discontinue jusqu’au 28 mai 2016, date à laquelle la relation de travail a cessé.
Le 10 mai 2017 la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Valenciennes, lequel par jugement en date du 29 avril 2019 a débouté la salariée de l’intégralité de ses demandes, en la condamnant à payer à la société la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Le 29 mai 2019 la salariée a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 16 février 2022 par la salariée.
Vu les conclusions déposées le 20 novembre 2019 par la société.
Vu la clôture de la procédure au 21 mars 2022.
SUR CE
De la demande en requalification
Aux termes de l’article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
L’article L 1242-1 du code du travail dispose qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’article L. 1242-2 du code du travail précise que sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans des cas qu’il énumère parmi lesquels un accroissement temporaire d’activité.
En l’espèce la société, à qui il appartient de démontrer la réalité du motif de recours au contrat à durée déterminée, se prévaut de l’organisation de deux salons s’agissant du premier contrat et du troisième.
Si comme elle le soutient un employeur n’as pas pour obligation d’affecter la salariée recrutée dans le cadre d’un contrat à durée déterminée à un emploi directement lié à l’accroissement temporaire d’activité, pour autant le temps nécessaire à l’accomplissement de la tâche correspondant à cet accroissement doit correspondre à la durée de l’emploi.
Or qu’il s’agisse du premier salon ou du deuxième la durée a été limitée à deux journées, alors même que les contrats de travail correspondant ont été conclus pour 6 et 13 jours, étant observé par ailleurs qu’il ressort des pièces de la procédure que la société avait pour recours de manière principale et récurrente à des contrats à durée déterminée.
Il convient donc de constater que la société ne justifie pas de la réalité du motif de recours invoqué pour l’intégralité de la durée de contrats de travail, dont le premier, de sorte qu’il y a lieu de requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.
Préalablement à la détermination du montant des indemnités devant être accordées à la salariée, il convient de constater que cette dernière se fonde sur un taux horaire supérieur à celui pourtant retenue dans le dernier contrat.
Il y a lieu, compte tenu de cette donnée, d’allouer à la salariée une indemnité de requalification d’un montant de 1466,65 euros.
De la rupture du contrat de travail
Du fait de la requalification en un contrat de travail à durée indéterminée, l’employeur ne pouvait pas mettre fin à la relation de travail sans respecter les dispositions spécifiques à ce type de contrat en matière de rupture.
En l’absence de lettre de licenciement formalisant les motifs de la rupture, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La salariée a droit à une indemnité de préavis d’un montant de 1466, 65 euros, outre celle de 146,66 euros pour les congés payés afférents.
Au regard de la faible ancienneté de la salariée dans l’entreprise, de sa qualification et de sa capacité à retrouver un emploi, des circonstances de la rupture, il convient d’octroyer à la salariée la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts.
En ce qui concerne la demande en rappel de salaire pour les périodes intersticielles, il y a lieu d’observer que la salariée procède par voie d’affirmation quant à son maintien en permanence à disposition de l’employeur, ne pouvant se fonder sur des éléments objectifs, caractère qui ne peut être reconnu aux attestations qui ne présentent pas les garanties d’impartialité nécessaires.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la salariée de cette demande.
Des demandes en rappel de salaires
Il convient de confirmer le jugement entrepris quant au rejet des demandes en rappel de salaires formulées par la salariée, qui affirme ne pas avoir perçu une partie de ses rémunérations pour deux périodes de travail, dès lors que la société justifie par la production de relevés bancaires du règlement des sommes correspondant à celles figurant sur les bulletins de salaire.
De la demande en dommages et intérêts pour préjudice moral
En cas de litige, l’article L. 1154-1 du code du travail dispose que le salarié présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Il incombe à la partie adverse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce la salariée soutient avoir subi un préjudice moral en ce qu’elle a été victime d’un harcèlement moral.
Il convient tout d’abord de constater que les deux parties s’expliquent à titre liminaire dans leurs écritures sur la production par la salariée d’attestations émanant de collègues de travail étant également en litige avec la société, laquelle stigmatise la situation de Mme [R], en soulignant ce qu’elle considère comme des contradictions décribilisant non seulement son dossier mais aussi celui des autres salariés.
Si les témoignages émanant de salariés étant également en litige avec la société doivent être examinés avec circonspection, compte tenu des risques d’impartialité pouvant être induits par une telle situation, pour autant ils peuvent être pris en compte s’ils sont corroborés par des éléments objectifs relativement aux faits qu’ils décrivent.
S’agissant de la situation de Mme [R], le fait que cette dernière ait parallèlement et même postérieurement à la signature d’une convention de rupture conventionnelle formalisé sa satisfaction quant au déroulement de la relation de travail au sein de la société, tout en indiquant que sa demande de rupture conventionnelle est la conséquence d’un changement de lieu géographique de vie, est seulement de nature à fournir des arguments à l’employeur quant à l’absence de vice de son consentement.
Le lien établi par la société entre sa situation et celle des autres salariées ne peut pris en compte que relativement à l’utilisation par l’une de ses collègues de travail d’un éventuel témoignage, et la possibilité de ne pas reconnaître à ce dernier de force probante, ce qui ne prive pas l’autre salariée de la faculté de se prévaloir d’autres éléments.
Il y a lieu par ailleurs d’observer que les allégations de la société selon lesquelles les demandes des différentes salariées seraient le résultat d’une concertation, voire le signe d’un complot, ne reposent sur aucun élément objectif, étant précisé d’une part qu’il n’est pas impossible que les agissements de harcèlement moral aient été commis à l’égard de plusieurs personnes, et d’autre part que la salariée indique avoir pris conscience de ne pas avoir été la seule à subir de tels actes.
S’agissant de la situation de Mme [K] il convient de constater qu’elle présente des éléments, qui pris dans leur ensemble, ne sont pas de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral.
En effet la salariée, qui ne se prévaut pas d’éléments évoqués par certaines de ses autres collègues de travail, invoque des agissements dont attestent d’autres salariées de l’entreprise de travail, en faisant état de moqueries à son égard et la promesse d’un contrat à durée indéterminée.
Ces témoignages, qui doivent être examinés avec circonspection compte tenu des risques d’impartialité au regard de l’implication de leurs auteurs dans un litige avec l’employeur, ne sont corroborés par aucun élément objectif.
Par ailleurs la salariée se contente de produire des messagas qui pour leur quasi exclusivité sont adressés à Mme [R], sans que leur contenu ne puisse permettre de les rattacher à sa propre situation.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la salariée ne peut pas se prévaloir d’un harcèlement moral lui ayant causé un préjudice moral, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en dommages et intérêts formulée à ce titre.
De la demande en dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité
Le jugement entrepris doit également être confirmé quant au rejet de sa demande en dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, dès lors qu’indépendamment de la question de la constatation d’une telle violation, la salariée ne fait pas état d’un préjudice en lien avec une telle situation, se contentant d’affirmer que celle-ci lui cause nécessairement un préjudice, dont la réalité n’est pas ainsi établie.
De l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
L’équité commande de condamner la société à payer à la salariée la somme de 1800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte qe le jugement entrepris doit être infimé sur ce point.
Des dépens
La société qui succombe partiellement doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté Mme [Z] [K] de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral, de celle en dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, de sa demande en rappel de salaire pour les périodes intersticielles, de ses autres demandes en rappel de salaires, et le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,
Requalifie les contrats à durée déterminée conclus entre Mme [Z] [K] et la société ACCES OR en un contrat à durée indéterminée,
Dit le licenciement de Mme [Z] [K] sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société [Z] [K] à payer à Mme [Z] [K] les sommes suivantes :
– 1466,65 euros à titre d’indemnité de requalification
– 1466,65 euros à titre d’indemnité de préavis outre celle de 146,66 euros pour les congés payés afférents
– 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société ACCESS OR aux dépens.
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE PRESIDENT
Monique DOUXAMI