ARRÊT DU
27 Mai 2022
N° 830/22
N° RG 19/01272 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SL7S
AM/CH
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
29 Avril 2019
(RG F17/00206 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 27 Mai 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
Mme [B] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Corinne PHILIPPE, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE :
S.A.S. ACCESS’OR
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me David LACROIX, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS :à l’audience publique du 22 Mars 2022
Tenue par Alain MOUYSSET
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Séverine STIEVENARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monique DOUXAMI
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 21 mars 2022
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée Mme [B] [I] a été embauchée le 5 octobre 2010 par la société OR LINE, aux droits de laquelle vient la société ACCESS OR, qui est l’une des sociétés détenues par la société JSK DEVELOPPEMENT, en qualité de vendeuse-responsable de magasin, étant précisé que la salarié a bénéficié à ce titre du statut d’agent de maîtrise
Les parties ont conclu une rupture conventionnelle du contrat de travail, et sollicité son homologation par la DIRECCTE, qui a réceptionné le 2 juin 2016 cette convention et a fait droit à leur demande.
Le 9 mai 2017 la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Valenciennes, lequel par jugement en date du 29 avril 2019 a débouté la salariée de l’intégralité de ses demandes, en la condamnant à payer à la société la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Le 29 mai 2019 la salariée a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 16 février 2022 par la salariée.
Vu les conclusions déposées le 20 novembre 2019 par la société.
Vu la clôture de la procédure au 21 mars 2022.
SUR CE
De la demande en nullité de la convention de rupture conventionnelle
Lorsqu’à la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, un salarié est dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en sont découlés, celui-ci peut se prévaloir d’un vice de son consentement, et par là même de la nullité de la convention de rupture conventionnelle.
Il convient de rappeler à ce titre qu’en cas de litige, l’article L. 1154-1 du code du travail dispose que le salarié présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Il incombe à la partie adverse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce il y a donc lieu dans de rechercher si la salariée a été victime d’un harcèlement moral l’ayant placée dans une situation de violence morale dont il est découlé des troubles psychologiques, de sorte que son consentement à la convention de rupture conventionnelle a été vicié.
Il convient tout d’abord de constater que les deux parties s’expliquent à titre liminaire dans leurs écritures sur la production par la salariée d’attestations émanant de collègues de travail étant également en litige avec la société, laquelle stigmatise la situation de Mme [S], en soulignant ce qu’elle considère comme des contradictions décribilisant non seulement son dossier mais aussi celui des autres salariés.
Si les témoignages émanant de salariés étant également en litige avec la société doivent être examinés avec circonspection, compte tenu des risques d’impartialité pouvant être induits par une telle situation, pour autant ils peuvent être pris en compte s’ils sont corroborés par des éléments objectifs relativement aux faits qu’ils décrivent.
S’agissant de la situation de Mme [S], le fait que cette dernière ait parallèlement et même postérieurement à la signature d’une convention de rupture conventionnelle formalisé sa satisfaction quant au déroulement de la relation de travail au sein de la société, tout en indiquant que sa demande de rupture conventionnelle est la conséquence d’un changement de lieu géographique de vie, est seulement de nature à fournir des arguments à l’employeur quant à l’absence de vice de son consentement.
Le lien établi par la société entre sa situation et celle des autres salariées ne peut pris en compte que relativement à l’utilisation par l’une de ses collègues de travail d’un éventuel témoignage, et la possibilité de ne pas reconnaître à ce dernier de force probante, ce qui ne prive pas l’autre salariée de la faculté de se prévaloir d’autres éléments.
Il y a lieu par ailleurs d’observer que les allégations de la société selon lesquelles les demandes des différentes salariées seraient le résultat d’une concertation, voire le signe d’un complot, ne reposent sur aucun élément objectif, étant précisé d’une part qu’il n’est pas impossible que les agissements de harcèlement moral aient été commis à l’égard de plusieurs personnes, et d’autre part que la salariée indique avoir pris conscience de ne pas avoir été la seule à subir de tels actes.
S’agissant de la situation de Mme [I] il convient de constater qu’elle présente des éléments, qui pris dans leur ensemble, ne sont pas de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral.
En effet la salariée ne se prévaut pas des mêmes éléments que ses collègues de travail, à savoir notamment des notes de service et des difficultés relativement à des aménagements du temps de travail.
Elle invoque essentiellement des agissements dont attestent des membres de son entourage ou des collègues de travail, dont les témoignages doivent être examinés avec circonspection compte tenu des risques d’impartialité au regard pour les unes de leur propre implication dans le litige avec l’employeur, et pour les autres de leur lien affectif avec Mme [I].
Or aucun élément objectif ne vient corroborer les allégations de ces témoins, qui font état s’agissant de l’entourage de la salariée des appels du représentant de la société à destination de Mme [I] notamment durant ses jours de repos ou pendant ses congés.
Cette dernière reconnait elle-même qu’elle n’a pas gardé de trace de tels appels, étant observé qu’elle produit néanmoins un SMS du 2 mars 2016, qui ne demande pas une réponse immédiate mais pour le lundi.
De même ses collègues de travail, comme son entourage, font référence à son état de stress et à des situations particulières notamment relatées par Mme [I], sans que des pièces ne viennent conforter de telles allégations.
Les documents remis par la salariée présentant un caractère objectif sont trois messages émanant du gérant de la société.
Si dans un courrier du 5 avril 2016 ce dernier, après le constat d’un chiffre d’affaires considéré comme insuffisant, indique que »si cela perdure nous ne pourrons qu’imaginer, compte tenu des circonstances, que vous tentez de nuire à l’entreprise », il n’en demeure pas moins que ce ton suspicieux, voire accusateur, constitue un fait isolé, alors même que les agissements doivent être répétés pour constituer un harcèlement moral.
En effet la missive du 2 février 2016 consiste en un rappel de consignes pour la réalisation du chiffre d’affaires, comme l’employeur en a le droit, et du fait que le non respect desdites consignes peut être considérée comme une volontée délibérée de ne pas réaliser le chiffre d’affaires, ce qui conférerait à une possible insuffisance professionnelle un caractère fautif.
La salariée ne se prévaut d’aucun autre document faisant état de cette même notion en lui conférant le caractère d’une menace.
En ce qui concerne le SMS du 2 mars 2016, il constitue une demande d’explication devant être donnée le lundi relativement au quantum du chiffre d’affaires qualifié »à la limite de la honte ».
Ce terme pouvant être considéré, si ce n’est comme insultant, à tout le moins comme désobligeant de surcroit en l’absence de toute explication, ne constitue pas pour autant une répétition des accusations contenues dans le courrier du 5 avril 2016.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la salariée ne justifie pas d’un vice de son consentement lors de la conclusion de la convention de rupture conventionnelle, en lien avec un harcèlement moral, dont l’existence ne peut être retenue.
Par voie de conséquence la salariée doit être déboutée de sa demande en nullité et de ses demandes subséquentes indemnitaires, de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.
De la demande en dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité
Le jugement entrepris doit être confirmé quant au rejet de sa demande en dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, dès lors qu’indépendamment de la question de la constatation d’une telle violation, la salariée ne fait pas état d’un préjudice en lien avec une telle situation, se contentant d’affirmer que celle-ci lui cause nécessairement un préjudice, dont la réalité n’est pas ainsi établie.
De l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte qe le jugement entrepris doit être infimé sur ce point.
Des dépens
La salariée doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné Mme [B] [I] au paiement de la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile tant en appel qu’en première instance,
Condamne Mme [B] [I] aux dépens.
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE PRESIDENT
Monique DOUXAMI