Convention de rupture conventionnelle : 17 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/16059

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Convention de rupture conventionnelle : 17 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/16059

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2022

N°2022/231

Rôle N° RG 19/16059

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBBM

SAS DISTRICOM SALES AND MARKETING

C/

[S] [N]

veuve [GG]

Copie exécutoire délivrée

le :

17 JUIN 2022

à :

Me Hélène OBALDIA, avocat au barreau de PARIS

Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

+ copie Pôle-Emploi

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE section AD – en date du 16 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/3549.

APPELANTE

SAS DISTRICOM SALES AND MARKETING (DISTICOM SAM), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Hélène OBALDIA, avocat au barreau de PARIS, Me Aurélie D’HIEUX-LARDON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [S] [N] veuve [GG] , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 28 Février 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022 et prorogé au 17 Juin 2022

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [S] [N] a été embauchée en qualité de déléguée commerciale le 5 juin 2000 par la société AJILON.

À la suite d’un changement d’actionnaire majoritaire, la société AJILON SALES & MARKETING est devenue la société DISTRICOM SALES AND MARKETING (DISTRICOM SAM). Le contrat de travail de Madame [S] [N] s’est poursuivi au sein de la société DISTRICOM SAM à compter du 1er mars 2012.

Elle a été licenciée pour motif économique le 22 mai 2012.

Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre et réclamant le paiement d’un rappel de salaire d’octobre 2007 à juillet 2011 au titre du salaire minimum conventionnel, Madame [S] [N] veuve [GG] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 10 juillet 2013.

Par jugement du 16 septembre 2015, le conseil de prud’hommes de Marseille a requalifié le licenciement économique de Madame [S] [N] épouse [GG] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a constaté que l’employeur n’avait pas respecté les minima conventionnels de rémunération, a condamné la SAS DISTRICOM SALES AND MARKETING venant aux droits de la SAS AJILON à payer à Madame [S] [N] épouse [GG] les sommes suivantes :

-20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1000 euros au titre de dommages et intérêts pour défaut d’information des critères d’ordre des licenciements,

lesdites sommes avec intérêts au taux légal courant à partir du prononcé du jugement et anatocisme,

-13 759,10 euros au titre de rappel de salaire,

-1375,91 euros au titre des congés payés afférents,

lesdites sommes avec intérêts au taux légal courant à partir du jour de la saisine et anatocisme,

-1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

a ordonné la délivrance des documents suivants : bulletin de salaire rectificatif, attestation Pôle emploi corrigée, attestation de régularisation des cotisations sociales, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de 30 jours suivant la notification du jugement, le Conseil se réservant la liquidation de l’astreinte, a débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle, a ordonné l’exécution provisoire, a ordonné d’office le remboursement par l’employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié (dans la limite de six mois), a dit qu’une copie certifiée conforme au jugement serait adressée par le Greffe auxdits organismes (article L.1235-4 du code du travail) et a condamné le défendeur aux entiers dépens.

La SAS DISTRICOM SALES AND MARKETING (DISTRICOM SAM) a interjeté appel du jugement par lettre recommandée en date du 19 octobre 2015.

L’instance d’appel a été radiée par arrêt du 27 octobre 2017 en l’état d’une demande de renvoi refusée par la cour au regard de la constitution tardive par l’appelante de son conseil et de l’absence d’envoi de ses écritures.

L’affaire a été réenrôlée à la suite de la requête de l’appelante en date du 26 septembre 2019.

La SAS DISTRICOM SAM demande à la Cour de :

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille rendu le 16 septembre 2015 en ce qu’il a :

-considéré le licenciement économique de Madame [N] [GG] dénué de cause réelle et sérieuse et octroyé des dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros ;

-considéré que la société DISTRICOM n’aurait pas informé Madame [N] [GG] des critères d’ordre des licenciements et octroyé ainsi une somme de 1000 euros à titre des dommages et intérêts ;

-considéré que la société DISTRICOM n’aurait pas respecté les minima conventionnels de rémunération et condamné la société DISTRICOM à lui verser des rappels de salaires à hauteur de 13 759,10 euros outre les congés payés afférents ;

En conséquence :

A TITRE PRINCIPAL :

Débouter Madame [S] [N] [GG] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

1. Réduire à de plus justes proportions les demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour non-respect de l’ordre des licenciements.

2. Débouter Madame [N] [GG] de l’intégralité de ses demandes de rappel de salaires et congés payés afférents ;

En tout état de cause,

CONDAMNER Madame [S] [N] [GG] au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Madame [S] [N] [GG] aux entiers dépens.

Madame [S] [N] veuve [GG] demande à la Cour de :

DIRE Madame [N] [GG] bien fondée en son appel incident,

CONFIRMER le jugement entrepris du chef de la condamnation de la société DISTRICOM SALES AND MARKETING à verser à Madame [N] veuve [GG] les sommes suivantes :

– 13 759,10 euros à titre de rappel de salaire d’octobre 2007 à juillet 2011

– 1375,91 euros à titre de congés payés sur rappel précité

LE CONFIRMER du chef du constat de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, de l’absence d’information des critères d’ordre du licenciement et de la condamnation de l’employeur à rembourser au Pôle emploi les indemnités perçues par Madame [N] [GG] dans la limite de 6 mois en application de l’article L.1235-4 du code du travail,

STATUANT A NOUVEAU sur les points non confirmés,

DIRE nul le licenciement de Madame [N] [GG], subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER la société DISTRICOM SALES AND MARKETING au paiement des sommes suivantes:

– 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse

– 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d’information des critères de l’ordre des licenciements

LA CONDAMNER au paiement de la somme de 2000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre par la juridiction de première instance,

LA CONDAMNER aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud’hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE :

Sur la demande de rappel de salaire :

Madame [S] [N] veuve [GG] fait valoir qu’après avoir été embauchée par la société AJILON en qualité de déléguée commerciale selon contrat de travail à durée déterminée du 3 novembre 2000, elle a été employée aux mêmes fonctions, statut ETAM, coefficient 240, à compter du 9 février 2001 selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 7 février 2001 ; que toutefois, il apparaît que la société DISTRICOM SALES AND MARKETING s’est fautivement affranchie de respecter les salaires minima prévus par la convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire ; qu’au vu du tableau versé aux débats, il est dû à la salariée la somme de 13 759,10 euros à titre de rappel de salaire d’octobre 2007 à juillet 2011, outre les congés payés afférents.

La SAS DISTRICOM SAM réplique que Madame [N]-[GG] a signé un avenant à son contrat de travail le 1er novembre 2007, changeant son rattachement administratif et aux termes desquels elle acceptait le poste de « Déléguée commerciale confirmée, coefficient 190, niveau 3, statut employé », que Madame [N]-[GG] n’a d’ailleurs jamais contesté ses bulletins de salaire, que la convention collective nationale des prestataires de services du secteur tertiaire n’a été applicable au sein de l’entreprise qu’à partir de 2004 ; que cela a généré un réajustement des niveaux et fonctions des salariés au regard de la convention collective des prestataires de services ; que la salariée ne saurait donc tirer un quelconque avantage de cette situation qui s’est imposée à son employeur et qu’il convient de débouter Madame [N]-[GG] de ses demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents.

*****

Il résulte du « contrat de collaboration » à durée indéterminée conclu le 7 février 2001 entre la société DISTRICOM et Madame [S] [N] que celle-ci a été employée en qualité de déléguée commerciale « position 1,4, coefficient 240, statut ETAM ». L’appelante ne discute pas que cette classification correspondait à la classification de la Convention collective nationale de la publicité.

Il convient d’observer que, selon les grilles de classification et de salaires minima (Accord salaires minima du 7 novembre 2001, Accord salaires du 19 mai 2008 – pièces 4 et 5 produites par l’employeur ; grilles des rémunérations minimales du 19 mai 2008 et du 22 septembre 2011 versées par la salariée – pièces 35 et 36), la position 1.4 n’a pas de correspondance dans la grille de classification de la Convention collective nationale des prestataires de services du secteur tertiaire (niveau I correspondant au statut d’employé ; niveau IV correspondant au statut de techniciens et agents de maîtrise, mais le coefficient 240 correspond au niveau V – ETAM).

Madame [S] [N] a signé un avenant à son contrat de travail prévoyant sa nouvelle classification :

Fonction : Délégué commercial Confirmé,

Statut : Employée,

coefficient 190, niveau 3,

applicable à compter du 1er novembre 2007.

Selon bulletin de salaire d’octobre 2007 produit par Madame [N]-[GG], celle-ci était antérieurement à l’avenant au contrat de travail classée « Délégué commercial Junior, niveau 2, coefficient 150 » alors que lui était applicable la « CCN du Tertiaire ».

Madame [N]-[GG] ne verse pas ses bulletins de paie antérieurs à octobre 2007 qui auraient permis de connaître la date à partir de laquelle lui ont été appliquées la Convention collective nationale des prestataires de services du secteur tertiaire et la classification correspondant à cette Convention (CCN du Tertiaire applicable à partir de 2004 selon l’employeur). Elle n’établit pas que, lors de sa reclassification au regard des dispositions conventionnelles de la CCN des prestataires de services du secteur tertiaire, elle aurait subi une diminution de sa rémunération.

Madame [N]-[GG] a bénéficié d’une promotion à compter du 1er novembre 2007, passant du statut Employée niveau 2 coefficient 150 au statut Employée niveau 3 coefficient 190. Elle a expressément accepté sa classification par la signature de l’avenant au contrat de travail à effet du 1er novembre 2007.

En conséquence, Madame [N]-[GG] ne peut prétendre à un salaire minimum correspondant à une classification ETAM position 1.4 coefficient 240, ne correspondant à aucune classification de la Convention collective nationale des prestataires de services du secteur tertiaire, alors qu’elle a expressément accepté sa reclassification dans la grille de classification des emplois de la nouvelle convention collective applicable et qu’elle ne prétend pas, ni ne démontre avoir subi, du fait de cette reclassification conventionnelle, une perte du niveau de son salaire.

Il convient de réformer le jugement sur ce point et de débouter Madame [S] [N] veuve [GG] de ses demandes en paiement d’un rappel de salaire minimum conventionnel et des congés payés afférents, ainsi que sa demande de régularisation auprès de l’organisme de prévoyance des chefs de la rémunération minimale conventionnelle.

Sur le licenciement :

Madame [S] [N] veuve [GG], n’ayant pas accepté le contrat de sécurisation professionnelle adressé par l’employeur par courrier recommandé du 7 mai 2012, s’est vu notifier le 22 mai 2012 son licenciement pour motif économique en ces termes :

« Comme vous le savez, la société DISTRICOM SALES AND MARKETING anciennement AJILON Sales & Marketing, exerce désormais l’unique activité de forces de vente résultant de l’ancien fonds de commerce exploité sous l’enseigne commerciale DISTRICOM. Or, le déficit structurel cumulé sur plusieurs années par la société AJILON Sales & Marketing, qui a clôturé ses comptes au 31 décembre 2009 avec une perte de 1595 K€ puis au 31 décembre 2010 avec une perte de 1249 K€, montre des perspectives guère plus encourageantes pour 2011. Cet état de fait nous parait d’autant plus menaçant pour la pérennité de notre structure au moment de sa prise en main opérationnelle, qu’un certain nombre de difficuJtés obérant les perspectives économiques de la société ont été identifiées.

En effet, les perspectives économiques réelles constatées à la prise de possession ne sont pas en adéquation avec ce qui était attendu puisque, d’une part, il n’y a pas de nouveaux contrats significatifs en projet en l’absence complète de prospection commerciale depuis plusieurs mois du fait, notamment, de la démotivation manifeste des cadres qui en avaient la charge (et qui ont d’ailleurs souhaité quitter l’entreprise au moment de la reprise) et que, d’autre part, il a été constaté une érosion significative du. volume des contrats actuellement en cours liée en particulier au contexte particulièrement difficile des affaires pour 2012.

Dans ces circonstances, les prévisions annoncées pour 2012 sont bien inférieures à celles qui avaient été anticipées, générant un véritable risque à terme sur la pérennité des emplois de notre société d’autant plus grand dans le contexte économique actuel relativement déprimé. Par conséquent, notre société doit impérativement procéder à une réorganisation de son activité afin de sauvegarder sa compétitivité sur un secteur particulièrement concurrentiel.

A ce stade, votre poste de délégué commercial se trouve actuellement en position d’inoccupation, sans perspective réelle d’occupation à court ou à moyen terme. Les contrats étant négociés de façon annuelle, il n’apparaît pas possible d’attendre une hypothétique reprise de la croissance du volume d’affaires et, par voie de conséquence, de réelles opportunités d’occupation avant début 2013.

Cette situation ne peut perdurer sans faire encourir de risques pour l’emploi au sein d’une société qui ne bénéficie désormais plus du soutien financier d’un groupe puissant. Dans ces conditions, nous sommes contraints de supprimer votre poste.

Malgré nos tentatives, aucune solution de reclassement n’a pu être trouvée, ce dont nous vous avons informé.

Dès lors, nous n’avons pas d’autre alternative que de prononcer votre licenciement pour motif économique…».

A titre principal :

Madame [S] [N] veuve [GG] soutient en premier lieu que son licenciement est nul faute pour l’employeur d’avoir élaboré un plan de sauvegarde de l’emploi, rendu nécessaire par le franchissement de l’effectif de 10 salariés concernés par le projet de licenciements sur une période de 30 jours ; que le registre du personnel et le rapport des conseillers rapporteurs du conseil de prud’hommes de Marseille font apparaître que de nombreux contrats ont été rompus hors du cadre d’un PSE, afin de contourner les obligations y attachées ; qu’ainsi, outre les 9 licenciements pour motif économique (dont celui de Madame [N]-[GG]), 6 licenciements pour autres motifs ont été prononcés, 4 ruptures conventionnelles ont été signées, il y a eu 3 démissions et parallèlement 5 embauches ; que la société DISTRICOM verse aux débats pour la première fois en cause d’appel les documents de rupture du contrat de travail des salariés ayant quitté les effectifs de l’entreprise en dehors du cadre du licenciement pour motif économique ; que les 4 ruptures conventionnelles ont été signées entre le 1er mars et le 25 mai 2012, et aucun document ne vient justifier d’un motif à l’appui d’une demande de rupture conventionnelle, alors que le procès verbal du CE du 22 mars 2012 mentionne clairement que la société DISTRICOM entendait proposer des ruptures conventionnelles avant d’envisager des mesures de licenciement économique ; que les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte dans le calcul permettant d’apprécier le seuil de 10 licenciements économiques sur une même période de 30 jours ; qu’il appartenait à DISTRICOM de mettre en ‘uvre un PSE et que le licenciement de la salariée est dès lors nul.

La SAS DISTRICOM SAM soutient que le licenciement de Madame [N]-[GG] ne nécessitait pas la mise en place d’un PSE compte tenu que la société a toujours envisagé la suppression de 9 postes de travail au plus, tel que cela ressort de la note d’information aux élus et du procès verbal de la réunion du Comité d’entreprise du 22 mars 2012 ; que les ruptures des contrats de travail intervenues entre avril et juin 2012, soit sur une période supérieure à 30 jours, sont toutes motivées par des raisons personnelles liées notamment au changement de direction de la société et initiées par les salariés concernés ; que les licenciements intervenus sont également fondés sur des raisons personnelles voire disciplinaires (abandon de poste, refus de mutation malgré la clause de mobilité) ; que les démissions de salariés sont également tout à fait inopérantes ; que par conséquent, le licenciement économique ne visait que 9 suppressions de postes sur une période de 30 jours, qu’il n’y avait pas lieu de mettre en place un PSE et que le licenciement de Madame [N]-[GG] n’encourt pas la nullité.

*****

Le courrier du 14 mars 2012 de convocation du comité d’entreprise à une réunion du 22 mars mentionne, à l’ordre du jour, le point relatif à l’ « information, consultation sur la suppression des 9 postes », le document remis au Comité d’Entreprise de la société DISTRICOM SAM au titre des « informations économiques et légales » (5 pages) mentionne qu’ « il est envisagé la suppression de 9 postes de délégués commerciaux, promoteur des ventes et structure » et il ressort du procès verbal de la réunion ordinaire du comité d’entreprise en date du 22 mars 2012 que celui-ci a été informé et consulté « sur la suppression de 9 postes ».

Il ressort cependant du rapport des conseillers rapporteurs du conseil de prud’hommes de Marseille en date du 6 novembre 2014 que « sur la base du registre du personnel sur la période d’avril à juin 2012, les conseillers rapporteurs ont constaté les mouvements de personnel suivants :

-9 licenciements économiques (dont celui de Madame [N]-[GG]) ;

-9 licenciements pour autre motif (M. [B], M. [O], Mme [R], Mme [T], M. [I], Mme [P], Mme [H], Mme [Z], Mme [OA]) ;

-1 rupture conventionnelle (Mme [G]) ;

-3 démissions (Mme [L], Mme [W], M. [J]) ;

-5 embauches (Mme [Y], M. [CC], Mme [NL], Mme [A], M. [F])’ ».

La SAS DISTRICOM SAM verse les éléments suivants :

1. Relativement aux ruptures conventionnelles :

-le courrier de demande d’une rupture conventionnelle du 2 mars 2012 de Madame [E] [R] et la convention de rupture conventionnelle signée le 9 mars 2012,

-le courrier de demande d’une rupture conventionnelle du 2 mai 2012 de Madame [U] [P] et la convention de rupture conventionnelle signée le 25 mai 2012,

-le courrier de demande de rupture conventionnelle du 10 février 2012 de Madame [K] [V] épouse [G] et la convention de rupture signée le 1er mars 2012,

-le courrier de demande d’une rupture conventionnelle reçu en main propre le 3 mai 2012 de Madame [D] [T] et la convention de rupture conventionnelle signée le 30 mai 2012 ;

2. Relativement à des licenciements pour motif personnel :

-le courrier du 4 avril 2012 de notification du licenciement pour faute grave de Monsieur [YL] [B] (pour notamment abandon de poste),

-le courrier du 25 juin 2012 de notification de licenciement pour cause réelle et sérieuse de Madame [SX] [H] (pour refus de mutation),

-le courrier du 25 juin 2012 de notification de licenciement pour cause réelle et sérieuse de Madame [C] [Z] (pour refus de mutation) et l’avis de réception du courrier recommandé reçu par Madame [Z] le 30 juin 2012,

-le courrier du 1er juin 2012 de notification du licenciement pour faute grave de Monsieur [M] [O] (pour abandon de poste) et l’avis de réception du courrier recommandé réceptionné par Monsieur [O] ;

3. Relativement à des démissions :

-le courrier recommandé du 25 mai 2012 de Monsieur [KD] [J] présentant sa démission et l’avis de réception du recommandé,

-le courrier du 14 mars 2012 de démission de Madame [WU] [L], reçu en main propre par G. [X] le 14 mars 2012, et la lettre du 15 mars 2012 de l’employeur accusant réception de la démission de la salariée.

Aucun élément n’est versé par la société intimée relativement à la rupture des contrats de travail de Mesdames [OA] (rupture du contrat le 14 juin 2012 selon extrait du registre du personnel de juin 2012 versé par l’intimée) et [W] (rupture du contrat le 12 avril 2012 selon extrait du registre du personnel d’avril 2012 versé par l’intimée) et de Monsieur [I] (rupture du contrat le 8 juin 2012 selon extrait du registre du personnel de juin 2012 versé par l’intimée).

S’agissant des ruptures conventionnelles, si la société DISTRICOM SAM soutient qu’elles ont été prononcées à l’initiative des salariés, la Cour constate toutefois que les demandes des salariés sont soit formulées de manière strictement identique (« Dans le prolongement de notre entretien informel de ce jour, je vous confirme que je souhaite quitter la société DISTRICOM sur le mode d’une rupture conventionnelle homologuée. Dans cette perspective, je me tiens bien évidemment à votre disposition pour tout entretien que vous jugeriez utile de mettre en ‘uvre à cet effet. Dans cette attente, Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de mes salutations distinguées » – courriers des 10 février et 2 mars 2012 de Mmes [G] et [R]), soit immédiatement suivi (ou même précédé) d’un entretien (courrier du 2 mai 2012 de Mme [P] suivi immédiatement d’un seul entretien du 2 mai 2012 tel que mentionné dans la convention de rupture ; courrier de Mme [T], non daté, reçu par l’employeur « en main propre le 03/05/2012 » avec un seul entretien du 2 mai 2012 tel que mentionné dans la convention de rupture).

Ces circonstances ne permettent pas de démontrer que lesdites ruptures conventionnelles conclues entre février et mai 2012 aient été négociées pour des raisons inhérentes à la personne des salariés et à leur initiative. Par ailleurs, il ressort du procès verbal de la réunion du comité d’entreprise du 22 mars 2012 que les ruptures conventionnelles survenues durant cette période s’inscrivent dans le même processus global et concerté de réduction des effectifs compte tenu que les élus du CE, consultés sur la suppression de 9 postes, ont exprimé qu’ils « souhaitent obtenir l’assurance que cette procédure (de suppression de postes) n’interviendrait qu’en cas d’échec de proposition de rupture conventionnelle ou de transaction entre le collaborateur et la Direction ». Elles ont donc une cause économique.

Les ruptures conventionnelles de Mesdames [P] et [T] en date des 30 mai 2012 sont bien intervenues dans les 30 jours des licenciements pour motif économique (licenciement de Mme [N]-[GG] notifié le 22 mai 2012), de même que les ruptures des contrats de travail des 8 et 14 juin 2012 de Monsieur [I] et de Madame [OA] sur lesquelles la société intimée ne fournit aucun élément probant.

Ces ruptures de contrats de travail devaient nécessairement être prises en compte pour déterminer les obligations de l’employeur en matière de plan de sauvegarde de l’emploi.

En morcelant les procédures et en utilisant notamment les ruptures conventionnelles comme mode de suppression d’emplois, la SAS DISTRICOM SAM a ainsi contourné les règles du licenciement collectif pour motif économique d’au moins 10 salariés sur 30 jours, privant Madame [N]-[GG] des garanties attachées au plan de sauvegarde de l’emploi.

Il s’ensuit que le licenciement de la salariée est nul.

Madame [S] [N] veuve [GG] invoque sa situation familiale (décès de son époux le 23 décembre 2011 – pièce 25), son hébergement chez une amie (certificat d’hébergement du 27 juillet 2012 – pièce 20), un crédit à la consommation (courrier de la Caisse d’Epargne du 9 octobre 2012) et elle fait valoir qu’elle n’avait toujours pas retrouvé d’emploi et qu’elle perçoit l’allocation de solidarité spécifique. Elle produit l’attestation du 18 février 2019 de Pôle emploi sur la période du 2 janvier 2018 au 19 décembre 2018.

Elle ne verse pas d’élément sur l’évolution de sa situation professionnelle et sur ses ressources entre son licenciement du 22 mai 2012 et décembre 2017, ni postérieurement à décembre 2018.

En considération des éléments fournis sur son préjudice, de l’ancienneté de la salariée de 11 ans dans l’entreprise et du montant de son salaire mensuel brut (salaire mensuel moyen brut de 1905,15 euros sur la période de mai 2010 à avril 2011, précédant l’arrêt de travail pour maladie), la Cour accorde à Madame [S] [N] veuve [GG] la somme brute de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Sur le défaut d’information des critères de l’ordre des licenciements :

Madame [S] [N] veuve [GG] fait valoir que la société appelante ne lui a nullement communiqué les critères de l’ordre des licenciements, que la note d’information économique et légale (pièce adverse n° 19) ne constitue qu’un simple projet qui n’est pas daté et vraisemblablement établi pour les besoins de la cause ; que la défaillance de la société DISTRICOM lui cause un préjudice distinct de celui réparant l’absence de cause réelle et sérieuse et que l’intimée est fondée à solliciter la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d’information des critères de l’ordre des licenciements.

La SAS DISTRICOM SAM réplique que chaque salarié a eu accès à l’ordre des licenciements, raison pour laquelle Madame [S] [N] veuve [GG] ne s’est jamais manifestée sur ce point avant la réintroduction de son instance en 2013 devant le conseil de prud’hommes ; qu’il résulte bien de la note d’informations économiques et légales que les critères « proposés pour fixer l’ordre des licenciements » ont été établis avec l’aval du Comité d’Entreprise et reposent sur des éléments objectifs, les critères d’ancienneté et de compétences professionnelles ayant primé, et que Madame [N]-[GG] doit être déboutée en ses demandes.

Il convient d’observer que Madame [S] [N] veuve [GG] ne conteste pas la définition et l’application des critères d’ordre des licenciements. Elle sollicite uniquement une indemnisation pour défaut d’information des critères de l’ordre des licenciements.

Toutefois, Madame [S] [N] veuve [GG] ne prétend pas ni ne justifie qu’elle a adressé à l’employeur une demande écrite aux fins de connaître les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, en vertu de l’article L.1233-17 du code du travail (dans sa version applicable à la cause).

À défaut de demande écrite de la salariée, l’employeur n’avait pas l’obligation de lui faire connaître les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements. Il n’a donc pas commis de manquement à ses obligations légales et contractuelles.

En conséquence, la Cour réforme le jugement sur ce point et déboute Madame [S] [N] veuve [GG] de sa demande d’indemnisation pour défaut d’information des critères d’ordre des licenciements.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

S’agissant d’un licenciement nul et non d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de réformer le jugement en ce qu’il a ordonné le remboursement par l’employeur au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné la SAS DISTRICOM SALES AND MARKETING à payer à Madame [S] [N] épouse [GG] 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement économique de Madame [S] [N] veuve [GG] est nul,

Condamne la SAS DISTRICOM SALES AND MARKETING (DISTRICOM SAM) à payer à Madame [S] [N] veuve [GG] 20 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et avec anatocisme,

Déboute Madame [S] [N] veuve [GG] de ses demandes de rappel de salaire, congés payés afférents et de dommages-intérêts pour défaut d’information des critères d’ordre des licenciements,

Dit n’y avoir lieu à remboursement par l’employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée,

Condamne la SAS DISTRICOM SALES AND MARKETING aux dépens et à payer à Madame [S] [N] veuve [GG] 1500 euros supplémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe de la Cour au Pôle emploi PACA.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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