ARRÊT DU
24 Juin 2022
N° 1089/22
N° RG 20/01665 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TDV3
AM/AL
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE
en date du
01 Juillet 2020
(RG 18/00982 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 24 Juin 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
Mme [X] [I]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
S.A.S. [Adresse 5] (en abrégé LMI),
[Adresse 3]
[Localité 2] / FRANCE
représentée par Me Caroline DUQUESNE, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS :à l’audience publique du 10 Mai 2022
Tenue par Alain MOUYSSET
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Cindy LEPERRE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monique DOUXAMI
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 19 Avril 2022
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel Mme [X] [I] a été embauchée à compter du 8 septembre 2014 par la société [Adresse 5] en qualité d’assistante administrative E1, la convention collective étendue de l’immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers étant applicable à la relation de travail.
Le 1er avril 2016 la salariée a changé de fonction devenant négociateur débutant, avec la qualification d’agent de maîtrise niveau 2, étant précisé que sa rémunération a été composée d’une partie fixe égale à 1190,82 euros outre une partie variable.
La relation de travail a pris fin le 2 janvier 2018 à la suite de la conclusion d’une convention de rupture conventionnelle.
Après avoir saisi le conseil de prud’hommes de Lille en sa formation de référé, laquelle procédure a été l’objet d’une radiation, la salariée a saisi le 3 octobre 2018 cette juridiction au fond.
Par jugement en date du 1er juillet 2020 le conseil de prud’hommes de Lille a :
Dit et jugé que la demande de la salariée est fondée au titre du 13ème mois réclamé pour l’année 2015 seulement,
Condamné la société à payer à la salariée les sommes suivantes :
-1087,38 euros bruts à titre de 13ème mois pour l’année 2015 outre les congés payés afférents pour un montant de 108,73
-1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Débouté la salariée du surplus de ses demandes,
Débouté la société de ses demandes reconventionnelles,
Ordonné le paiement des intérêts légaux sur les sommes dues,
Ordonné l’exécution provisoire,
Condamné la société aux éventuels dépens.
Le 31 juillet 2020 la salariée a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 29 octobre 2020 par la salariée.
Vu les conclusions déposées le 28 janvier 2021 par la société.
Vu la clôture de la procédure au 19 avril 2022.
SUR CE
De la demande en rappel de salaire au titre du 13ème mois
Aux termes de la convention collective les salariés à temps complet ou partiel reçoivent en fin d’année un supplément de salaire, dit 13ème mois, égal à 1 mois de salaire global brut mensuel contractuel.
Par ailleurs la convention collective indique » toutefois, pour les salariés dont la rémunération est en tout ou partie établie sur la base d’un barème de commissions convenu entre les parties, le contrat de travail peut inclure le 13ème mois dans la rémunération sous réserve qu’il fixe les modalités de règlement des commissions de telle façon que le salarié soit assuré de percevoir dans l’année civile une rémunération au moins égale au salaire minimum en brut annuel correspondant à son niveau ou, pour les salariés relevant du statut de négociateur, à 13 fois le salaire minimum brut mensuel « .
En l’espèce le conseil de prud’hommes n’a fait droit que partiellement à la demande de la salariée en lui octroyant un rappel de salaire pour l’unique année 2015, en prenant en compte la revendication de la société selon laquelle la mise en oeuvre à partir du 1er avril 2016 d’une rémunération comprenant des commissions a permis d’inclure le 13ème mois dans ladite rémunération.
Toutefois ces dispositions de l’article 38 de la convention collective offrent simplement aux parties la possibilité de prévoir dans le contrat de travail une telle inclusion du 13ème mois, et ne présentent pas un caractère automatique dès lors qu’un salarié bénéficie de commissions.
En limitant l’octroi de rappel de salaire à la seule année 2015, au cours de laquelle la salariée n’exerçait pas des fonctions de négociateurs et ne percevait pas à ce titre de commission, le conseil de prud’hommes a commis une erreur d’interprétation des dispositions de la convention collective.
Il convient donc d’infirmer le jugement entrepris et d’allouer à la salariée la somme de 5391,14 euros à titre de rappel de 13ème mois pour la durée totale d’exécution du contrat de travail, ainsi que la somme de 539,11 euros au titre des congés payés afférents.
De la demande en rappel de commissions
Aux termes du contrat de travail à durée indéterminée relative aux fonctions de négociateur débutant, il est prévu s’agissant de la part variable que le taux de commissionnement sera calculé par paliers de la manière suivante :
Pour un chiffre d’affaire mensuel hors-taxes de 0 à 7500 euros 14 % de la commission d’agence HT
Pour un chiffre d’affaire mensuel hors-taxes de 7501 à 15 000 euros 39 % de la commission d’agence HT
Pour un chiffre d’affaire mensuel hors-taxes supérieur à 15 000 euros 46 % de la commission d’agence HT.
Il convient de préciser que l’octroi de tels pourcentages est prévu dans l’hypothèse où le mandat a été rentré et sorti par le négociateur.
Par ailleurs il est mentionné que pour les ventes où seule la rentrée ou la sortie est réalisée, le taux est de 50 % des montants ci-dessus, soit 7 %, 19,5 % et 23 %.
En l’espèce il apparaît aux termes des écritures de la société, qui n’a de manière générale remis aucune pièce à l’appui de ses allégations, que cette dernière n’a pas appliqué correctement les dispositions contractuelles, puisqu’elle a divisé par deux le montant de la commission d’agence avant d’appliquer le taux adéquat.
Elle a ainsi retardé le déclenchement des différents paliers, de sorte qu’elle a retenu un taux de commissionnement ne correspondant pas à celui devant être pris en compte, et ce alors même que les dispositions contractuelles sont sans ambiguïté en ce qu’elles mentionnent bien que la réduction de moitié porte sur le taux applicable, en illustrant son propos par la référence aux différents taux réduits.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le décompte opéré par la salariée est conforme aux dispositions contractuelles, étant précisé que les corrections invoquées de manière complémentaire par la société relativement à la nécessité de ne pas prendre en compte certaines transactions comme ayant été annulées ne sont corroborées par aucune pièce, et ce alors même que la salariée fournit quelques éléments contraires et justifie de ce qu’elle n’a pas retenu dans ses calculs certaines ventes.
Il convient au regard de l’ensemble de ces éléments d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande, et octroyé à cette dernière un rappel de salaire d’un montant de 21 671,60 euros, outre un rappel de 1805,97 euros au titre du 13ème mois et la somme de 2347,76 euros pour les congés payés afférents.
De la demande en rappel de rémunération sur la vente [N] [P]
Alors même qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il s’est acquitté des commissions dues à la salariée conformément aux dispositions du contrat de travail, et que cette dernière fournit un compromis de vente au profit des consorts [N] et [P], la société ne remet aucun élément de nature à remettre en cause le droit de la salariée au paiement de la commission correspondante.
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris et de faire droit à la demande de la salariée en octroi d’un rappel de commissions de 1624,94 outre la somme de 135,41 euros au titre du 13ème mois, ainsi que celle de 176,04 pour les congés payés afférents.
De la demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail temps plein
Il convient de constater que la société ne conteste pas la violation par le contrat de travail des dispositions de l’article L. 3123-14 du code du travail selon lesquelles tout contrat à temps partiels doit mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, puisque le contrat se contente de faire mention que le planning horaire sera variable, en fonction des rendez-vous.
La société rappelle en revanche qu’il découle de cette violation une présomption simple qu’elle peut combattre en apportant la preuve que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
Toutefois la société, qui procède par voie d’affirmation dans ses écritures, ne fournit aucune pièce à l’appui de ses allégations, n’ayant pas remis de dossiers de plaidoiries.
Il y a lieu en conséquence de faire application de cette présomption et de constater la carence de l’employeur, et par là même d’infirmer le jugement entrepris en requalifiant le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en un contrat de travail à temps complet, de sorte que la société doit être condamnée au paiement de rappel de salaire à hauteur de 10 084,03 euros outre un rappel de 13ème mois à hauteur de 840,34 euros, ainsi qu’un rappel de 1092,44 euros au titre des congés payés afférents.
De la demande reconventionnelle de la société en remboursement de certaines commissions indûment versées
Il convient de confirmer le jugement entrepris quant au rejet de la demande reconventionnelle de la société au titre de prétendues commissions indûment versées, dès lors que cette dernière ne fournit aucune pièce à l’appui de ses allégations.
De la capitalisation des intérêts
Il convient de rappeler que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agissait intérêts dus au moins pour une année entière.
En l’espèce il n’est pas démontré que le retard apporté au paiement d’une créance ou le non paiement de celle-ci soient dus à l’attitude fautive de la salariée, de sorte qu’il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts échus sur ces sommes.
De l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
L’équité commande de condamner la société à payer à la salariée la somme de 1800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Des dépens
La société qui succombe doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a reconnu le principe d’une créance de Mme [X] [I] au titre d’un rappel de 13ème mois pour l’année 2015, et en ce qu’il a débouté la société [Adresse 5] de sa demande reconventionnelle en remboursement de commissions indûment perçues,
Statuant à nouveau, et ajoutant jugement entrepris,
Ordonne la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel prenant effet le 1er avril 2016 en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,
Condamne la société [Adresse 5] à payer à Mme [X] [I] les sommes suivantes :
-5391,14 euros à titre de rappel de salaire pour les 13ème mois outre celle de 539,11 euros pour les congés payés afférents
-21 671 euros à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable, outre la somme de 1805,97 euros au titre du 13ème mois, et celle de 2347,76 euros pour les congés payés afférents
-1624,94 euros à titre de rappel de commissions sur la vente [N] [P], outre celle de 135,41 euros au titre du 13ème mois ainsi que celle de 176,04 euros pour les congés payés afférents
-10 084,03 euros à titre de rappel de salaire du fait de la requalification du contrat de travail, outre la somme de 840,34 euros à titre de rappel de 13ème mois, ainsi que celle de 1092,44 euros pour les congés payés afférents
-1800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Dit que les intérêts échus seront eux-mêmes productifs d’intérêts dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter du 18 décembre 2019 , date à laquelle la demande d’anatocisme a été formée pour la première fois,
Condamne la société [Adresse 5] aux dépens.
LE GREFFIER
[E] [H]
LE PRESIDENT
Monique DOUXAMI