JMA/LD
ARRET N° 491
N° RG 20/02309
N° Portalis DBV5-V-B7E-GDED
[C]
C/
[I]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 07 JUILLET 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 septembre 2020 rendu par le Conseil de Prud’hommes de SAINTES
APPELANT :
Monsieur [S] [C]
né le 09 Juillet 1986 à [Localité 5] (44)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Nathalie BOISSEAU de la SCP ROUDET BOISSEAU LEROY DEVAINE BOURDEAU MOLLE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉE :
Madame [X] [I]
née le 18 Décembre 1989 à [Localité 6] (17)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Ayant pour avocat plaidant Me Olivier LOPES de la SELARL Patrice BENDJEBBAR – Olivier LOPES, avocat au barreau de SAINTES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/007890 du 18/01/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [S] [C] a embauché Mme [X] [I], suivant contrat de travail à durée déterminée à temps complet ayant couvert la période du 24 septembre au 31 décembre 2018, en qualité de peintre.
La relation de travail s’est poursuivie au-delà du 31 décembre 2018 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Le 15 juillet 2019 les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail qui les liait.
Suite à l’homologation tacite de cette convention par la DIRECCTE le contrat de travail de Mme [X] [I] a été rompu le 22 août 2019.
Par requête en date du 31 octobre 2019, Mme [X] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Saintes en sa formation de référé aux fins d’obtenir une provision sur dommages et intérêts fondée sur la perte de ses droits à congés payés.
Par ordonnance en date du 29 novembre 2019, cette juridiction a débouté Mme [X] [I] de sa demande.
Le 17 décembre 2019, Mme [X] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Saintes aux fins, sous le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement à intervenir et en l’état de ses dernières prétentions, de voir :
– juger que la rupture conventionnelle de son contrat de travail était nulle et qu’en conséquence elle avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner M. [S] [C] à lui payer les sommes suivantes :
– 1 800 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 800 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 180 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
– 627,75 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de droits à congés payés ;
– 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et pour résistance abusive ;
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens outre 69,95 euros correspondant au ‘coût de l’assignation en référé’.
Par jugement en date du 21 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Saintes a :
– jugé que ‘la rupture conventionnelle’ était nulle ;
– dit que Mme [X] [I] avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse par M. [S] [C] ;
– condamné M. [S] [C] à payer à Mme [X] [I] les sommes suivantes :
– 1 800 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 800 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 180 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
– 627,45 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de droits à congés payés ;
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif et résistance abusive ;
– 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens outre 69,95 euros à titre de remboursement du ‘coût de l’assignation en référé’.
Le 19 octobre 2020, M. [S] [C] a relevé appel de ce jugement en ce qu’il :
– avait jugé que la rupture conventionnelle était nulle ;
– avait dit que Mme [X] [I] avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse par lui ;
– l’avait condamné à payer à Mme [X] [I] les sommes suivantes :
– 1 800 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 800 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 180 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
– 627,45 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de droits à congés payés ;
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif et résistance abusive ;
– ‘200 euros’ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens outre 69,95 euros à titre de remboursement du ‘coût de l’assignation en référé’.
Par conclusions reçues au greffe le 7 décembre 2020, M. [S] [C] demande à la cour :
– de réformer le jugement entrepris ;
– de dire que la rupture conventionnelle doit produire ses effets ;
– de réformer le jugement déféré en ce qu’il :
– a dit que Mme [X] [I] avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse par lui ;
– l’a condamné à payer à Mme [X] [I] les sommes suivantes :
– 1 800 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 800 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 180 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
– 627,45 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de droits à congés payés ;
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif et résistance abusive ;
– 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code
de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens outre 69,95 euros à titre de remboursement du ‘coût de l’assignation en référé’ ;
– de condamner Mme [X] [I] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions reçues au greffe le 4 mars 2021, Mme [X] [I] sollicite de la cour qu’elle écarte des débats comme étant illicite l’attestation établie par Mme [U] [E] le 7 février 2020, confirme le jugement entrepris et condamne M. [S] [C] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 700 2° du Code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 11 avril 2022 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 9 mai 2022 à 14 heures pour y être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
– Sur les demandes formées par Mme [X] [I] au titre de la rupture de son contrat de travail :
Au soutien de son appel, M. [S] [C] expose en substance :
– que la convention de rupture conventionnelle signée par Mme [X] [I] et lui-même le 15 juillet 2019 est parfaitement valable et doit produire ses effets ;
– qu’en effet la seule obligation qui préside à la signature d’une convention de rupture conventionnelle est la tenue d’au moins un entretien ;
– qu’en l’espèce il y a bien eu un entretien entre Mme [X] [I] et lui même le 15 juillet 2019, cela ressortant de la convention elle-même que la salariée a signée ;
– qu’en outre, alors qu’il n’avait aucune obligation légale de le faire, il avait convoqué Mme [X] [I] le 5 juillet 2019 en vue de l’entretien du 15 juillet suivant ;
– que pour des raisons pratiques, cet entretien s’est tenu dans une pièce mise à sa disposition dans les locaux du cabinet de son expert-comptable ;
– que, contrairement à ce que soutient Mme [X] [I], il a bien été remis à celle-ci, le jour de l’entretien, un exemplaire de la convention de rupture ;
– que la remise en main propre de ce document à cette date est confirmée par une attestation de Mme [U] [E] qui était alors collaboratrice de son expert-comptable.
En réponse, Mme [X] [I] objecte pour l’essentiel :
– que M. [S] [C] ne démontre pas qu’il lui a bien adressé la convocation en vue de l’entretien du 15 juillet 2019 dont il fait état ;
– qu’il doit s’en déduire qu’aucun entretien préalable à la rupture n’a eu lieu et que, comme le juge la Cour de cassation en pareille hypothèse, la convention de rupture est entachée de nullité ;
– qu’en outre cette convention est nulle puisqu’aucun exemplaire de celle-ci ne lui a été remis ;
– que l’employeur supporte la charge de la preuve de la remise d’un exemplaire de la convention au salarié concerné ;
– que l’attestation établie par Mme [U] [E] que M. [S] [C] verse dorénavant aux débats ne précise pas à quelle date celle-ci aurait remis un exemplaire de la convention de rupture litigieuse, ce qui ne permet pas de savoir si elle a pu effectivement bénéficier du délai de rétractation de 15 jours légal ;
– qu’en outre cette attestation est illicite puisqu’elle contrevient au secret professionnel auquel les experts-comptables sont tenus en vertu des dispositions de l’article 21 de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 ;
– que cette attestation devra donc être écartée des débats.
M. [S] [C] verse aux débats, sous sa pièce n° 3, le formulaire Cerfa intitulé ‘Rupture conventionnelle d’un contrat de travail à durée indéterminée et formulaire de demande d’homologation’.
Il apparaît, ce qui n’est au demeurant pas contesté par Mme [X] [I], que cette dernière a signé ce formulaire le 15 juillet 2019, ce dont il se déduit, sauf preuve contraire non rapportée, que, comme cela est mentionné en page 1 de ce document, un entretien a bien eu lieu à cette date entre elle et M. [S] [C], peu important la question de la convocation que ce dernier prétend avoir adressée à la salariée.
S’agissant du respect du délai de rétractation, outre que ce délai de 15 jours calendaires et la date à laquelle il devait expirer sont mentionnés dans le formulaire Cerfa précité signé par Mme [X] [I], M. [S] [C] verse aux débats, sous sa pièce n°13, une attestation établie par Mme [U] [E], collaboratrice au sein du cabinet d’expertise comptable Kerveil, rédigée en ces termes :
‘Je soussigné…….. atteste qu’à la suite de l’entretien, auquel je n’ai pas assisté, du 15 juillet 2019 lors de la signature de la rupture conventionnelle au cabinet, j’ai donné en main propre aux deux parties (Monsieur [C] [S] et Madame [I] [X]) leurs exemplaires, en leur précisant le délai de rétractation’.
La cour relève d’une part que rien ne permet de considérer que cette attestation rend compte d’un fait s’inscrivant dans la mission d’expertise comptable dont le cabinet Kerveil était alors chargé par M. [S] [C] et donc porterait atteinte au principe du secret professionnel et d’autre part que seul M. [S] [C] pourrait se prévaloir de ce principe.
Aussi la cour rejette la demande de Mme [X] [I] tendant à voir écarter des débats cette attestation.
Ensuite, il n’est pas sérieux de la part de Mme [X] [I] de soutenir que cette attestation ne permet pas de déterminer la date à laquelle le formulaire de rupture conventionnelle lui a été remis quand la rédactrice de l’attestation indique que c’est à la suite de l’entretien du 15 juillet 2019 qu’elle a remis aux parties ce formulaire.
La cour observe qu’outre que Mme [U] [E] déclare avoir précisé aux deux parties le délai de rétractation, le formulaire précité et signé par Mme [X] [I] mentionne expressément la durée de ce délai, soit 15 jours calendaires, et la date à laquelle le délai devait expirer soit le 31 juillet 2019.
Aussi la cour retient que Mme [X] [I] a eu connaissance et bénéficié du délai de 15 jours calendaires au cours duquel elle pouvait rétracter son acceptation.
En conséquence de quoi, la cour déboute Mme [X] [I] de ses demandes formées au titre du licenciement.
– Sur les autres demandes de Mme [X] [I] :
Au soutien de son appel, M. [S] [C] expose en substance :
– que, contrairement à ce qu’a soutenu Mme [X] [I] devant les premiers juges, il démontre que celle-ci a été remplie de ses droits au titre des congés payés ;
– qu’ainsi il verse aux débats une attestation de paiement de congés payés qui émane de la caisse Congés Intempéries BTP Caisse du Grand Ouest qui fait apparaître que Mme [X] [I] a perçu au titre de ses congés payés de 2019 une somme nette de 1 153,76 euros ;
– qu’il verse également aux débats une autre attestation de cette même caisse qui démontre que Mme [X] [I] a reçu 627 euros bruts au titre de la campagne de congés 2020.
En réponse, Mme [X] [I] objecte pour l’essentiel :
– que si la somme de 627,75 euros qu’elle réclamait lui a bien été payée, il reste que la régularisation de sa situation au titre des congés payés a été tardive et que cela justifie que lui soient alloués des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral consécutif à la résistance abusive de M. [S] [C].
Il ressort des pièces n° 4 et 6 produites par Mme [X] [I] qu’une partie de ses indemnités de congés payés (1 jour au titre de la période d’emploi du 24 septembre 2018 au 31 mars 2019 et 15 jours au titre de la période du 1er avril au 22 août 2019) représentant un montant total de (64,35 + 563,10) 627,45 euros ne lui avait pas été payée en temps et en heure, faute pour M. [S] [C] d’avoir été à jour de ses obligations à l’égard de la caisse des congés payés du bâtiment du Grand Ouest.
Cependant M. [S] [C] verse aux débats, sous ses pièces n° 15 et 16, un document intitulé ‘Indemnités de congés versées pour la période du 24 septembre 2018 au 31 décembre 2019 à Mme [X] [I]’ émanant de la caisse des congés payés du bâtiment du Grand Ouest dont il ressort qu’à la date du 23 décembre 2019 l’intégralité des indemnités de congés payés dues à la salariée lui avait été réglée.
Certes la mise en perspective de ces éléments fait apparaître que Mme [X] [I] a perçu avec retard une partie des indemnités de congés payés qui lui étaient dues. Toutefois il est de principe que les juges du fond ne peuvent allouer des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires sans constater l’existence, pour le créancier, d’un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par le débiteur et causé par la mauvaise foi de ce dernier.
Or en l’espèce, la cour ne peut que constater que Mme [X] [I] ne produit pas la moindre pièce qui rende compte du préjudice distinct de celui découlant du seul retard de paiement et dont elle demande réparation, le chiffrant cependant à hauteur de 500 euros.
En conséquence, la cour déboute Mme [X] [I] de sa demande de ce chef.
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant en toutes ses demandes, Mme [X] [I] sera condamnée aux entiers dépens tant de première instance que d’appel lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.
En revanche, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [S] [C] l’intégralité des frais par lui exposés et non compris dans les dépens. Aussi, M. [S] [C] sera débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel, la cour infirmant cependant le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [S] [C] à verser à Mme [X] [I] la somme de 1 200 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance.
La cour, rappelant que Mme [X] [I] a été déboutée de la demande de provision sur dommages et intérêts qu’elle avait formée devant la formation de référés du conseil de prud’hommes de Saintes, infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [S] [C] à payer à Mme [X] [I] la somme de 69,95 euros au titre du ‘coût de l’assignation en référé’.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Rejette la demande de Mme [X] [I] tendant à voir écarter des débats l’attestation établie par Mme [U] [E] le 7 février 2020 ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau :
– Déboute Mme [X] [I] de l’ensemble de ses demandes ;
Et, y ajoutant :
– Déboute M. [S] [C] de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamne Mme [X] [I] aux entiers dépens tant de première instance que de l’appel lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,