Convention de rupture conventionnelle : 9 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/17860

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Convention de rupture conventionnelle : 9 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/17860

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 09 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/283

Rôle N° RG 18/17860 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDKJW

[F] [L]

C/

SARL COIFFURE EVASION

Copie exécutoire délivrée le :

09 SEPTEMBRE 2022

à :

Me Pascal ANTIQ, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Me Laure CHIESA, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 08 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00012.

APPELANTE

Madame [F] [L], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Pascal ANTIQ, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

INTIMEE

SARL COIFFURE EVASION, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laure CHIESA, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022 et prorogé au 09 septembre 2022

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 septembre 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [F] [L] a été embauchée en qualité de coiffeuse qualifiée, niveau 2, échelon 1, le 22 octobre 2014 par la SARL COIFFURE EVASION.

Elle percevait un salaire mensuel brut de base de 1470 euros.

Au printemps 2017, Madame [L] a sollicité auprès de son employeur une augmentation mensuelle de 100 euros. Son employeur ayant refusé de lui accorder cette augmentation, Madame [L] l’a informé qu’elle ne voulait plus assumer l’ouverture et la fermeture du salon.

La SARL COIFFURE EVASION a notifié à la salariée deux avertissements pour avoir restitué les clés du salon et refusé d’ouvrir le salon le matin et de le fermer le soir, en date des 22 juin 2017 et 3 août 2017.

Madame [F] [L] a été en arrêt de travail maladie du 12 mai au 10 juin 2017, du 13 juillet au 22 août 2017 et à partir du 28 août 2017.

Par courrier du 28 août 2017, Madame [F] [L] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 8 septembre 2017, avec notification d’une mise à pied à titre conservatoire, puis elle a été licenciée pour faute grave le 19 septembre 2017 en ces termes, exactement reproduits :

« Je vous ai convoquée le 08/09/2017 pour l’entretien préalable au licenciement que j’envisageais de prononcer à votre encontre.

Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien et je n’ai donc pas pu recueillir d’explications sur les faits qui vous sont reprochés et qui sont les suivants :

1. Refus d’accepter les clefs

Pour rappel :

Vous avez fait I’objet le 22/06/2017 et le 03/08/2017 derniers de deux avertissements relatifs à vos refus d’accepter les clefs du salon et de procéder à l’ouverture et la fermeture de la porte en mon absence.

Vous avez contesté ces avertissements les 10/07/2017 et le 14/08/2017.

Dans votre seconde contestation vous invoquez votre incompréhension quant au fait que vous ayez été sanctionnée alors que vous étiez en arrêt maladie.

Les faits fautifs à l’origine de ce second avertissement sont intervenus avant votre arrêt maladie, vous avez été convoquée à l’entretien préalable à cette sanction également avant votre arrêt (en date du 05/07/2017), celui-ci était fixé au 18/07/2017 mais vous ne vous y êtes pas présentée.

Suite à cet entretien, j’avais un mois pour vous notifier une éventuelle sanction que j’aurais décidé de prendre, ce que j’ai fait en date du 03/08/2017.

11 n’y a donc pas d’irrégularité dans la procédure appliquée dans cet avertissement.

Vous avez persisté dans votre comportement puisque bien qu’ayant reçu ces avertissements vous avez une nouvelle fois refusé de prendre les clefs afin d’ouvrir et fermer le salon le 23/08/2017.

Vous avez été embauchée en qualité de coiffeuse niveau 2 échelon 1 de la convention collective qui précise:

a. taches à exercer : accueille les clients et prise en charge du diagnostic à l’ encaissement et prise de congé ; contrôle l’ensemble des actes techniques; tuteur d’un jeune en alternance, utilise les outils de la gestion de caisse ; gère et optimise les stocks ; fidélise la clientèle, veille au respect de l’hygiène et de la propreté du salon et de son outil de travail.

b. autonomie : l’emploi comporte une responsabilité hiérarchique permanente sur un ou plusieurs coiffeurs.

L’emploi implique le choix de méthodes appropriées et moyens nécessaires à la réalisation de tous actes techniques de coiffure. La prise de décision au niveau de la résolution de problèmes classiques inhérents au point de vente.

Ainsi ouvrir et fermer le salon entre parfaitement dans vos attributions, et cela a d’ailleurs toujours été le cas sachant que cette simple tâche n’emporte aucune responsabilité que ce soit financières ou administratives lors des périodes où vous êtes seule.

Vous devez simplement vous occuper des clients, gérer les encaissements, les appels téléphoniques et le nettoyage du salon, c’est-à-dire réaliser les mêmes attributions que celles que vous avez en ma présence et qui sont conformes à celles qui sont expressément visées par la convention collective applicable.

L’ensemble de ces taches sont contrôlées dès mon arrivée et vous n’avez pas à prendre de responsabilités particulières autres que celles dévolues à votre classification.

2. Intervention de votre entourage

Suite à l’exercice du pouvoir de sanction qui m’est dévolu en tant qu’employeur et à l’envoi des deux avertissements sus cités, j’ai eu la mauvaise surprise de voir intervenir dans le litige qui nous oppose plusieurs membres de votre famille. Je laisse les juridictions compétentes se charger de certains faits que cela a entraîné et je n’expose et ne sanctionne ici que ce qui est répréhensible en matière de droit du Travail à savoir :

– Le 10 août votre s’ur est venue au salon en pleine journée pour m’exposer son point de vue d’une façon tapageuse, et ce devant la clientèle, dont j’ai pu obtenir des attestations à ce sujet.

Bien que vous soyez tout à fait en droit de contester les sanctions qui vous sont adressées, ce n’est nullement à votre entourage de vous rendre justice de quelque manière que ce soit, et encore moins en effrayant la clientèle.

Ces agissements causent un trouble manifeste dans l’entreprise que je ne peux accepter.

Je considère que l’ensemble de ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture.

Je vous signale à cet égard qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle je vous ai mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé… ».

Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre, Madame [F] [L] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 26 décembre 2017.

Par jugement du 8 octobre 2018, le conseil de prud’hommes de Digne-les-Bains a dit le licenciement pour faute grave de la salariée bien fondé, a débouté Madame [F] [L] de toutes ses demandes et a condamné Madame [F] [L] à payer à la SARL COIFFURE EVASION la somme de 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Ayant relevé appel, Madame [F] [L] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 octobre 2019, au visa des articles L.1222-1 du code du travail et 1104 du code civil combinés et l’adage « non bis in idem » et des articles L.1232-1 et suivants du code du travail, de :

Réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 octobre 2018 par le conseil de prud’hommes de Digne-les-Bains.

Dire et juger le licenciement de Madame [L] sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

Condamner la SARL COIFFURE EVASION à payer à Madame [L] les sommes suivantes :

– 908,38 euros à titre de rappel de salaires (mise à pied conservatoire) ;

– 3028 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 302,80 euros au titre des congés payés sur indemnité précitée ;

– 933,63 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

– 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Ordonner la remise des bulletins de paie et des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Débouter la SARL COIFFURE EVASION de ses demandes, fins et conclusions.

Condamner la SARL COIFFURE EVASION à payer à Madame [L] la somme de 2000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

Madame [F] [L] fait valoir que, compte tenu du travail accompli et des responsabilités qui étaient les siennes, elle a sollicité au printemps 2017 une modeste augmentation de salaire de 100 euros par mois; que son employeur ayant refusé, Madame [L] lui a signifié qu’elle ne pouvait plus assumer l’ouverture du salon de coiffure en début de journée, ni la fermeture en fin de journée ; que s’ensuivit une série de menaces, pressions et autres intimidations qui constituent au plan juridique un harcèlement moral; qu’avant cet incident, la salariée se trouvait, certain jours, seule au salon, assurant la totalité des tâches du matin jusqu’au soir, sans que son employeur ne paraisse au salon ; que compte tenu de ces éléments, la demande de Madame [L] était parfaitement justifiée ; que l’employeur lui infligea deux avertissements, notamment pour avoir refusé d’ouvrir le salon le matin et de le fermer le soir ; que l’employeur qui avait infligé à sa salariée un avertissement pour le motif tiré de la restitution des clefs, ne pouvait la sanctionner pour le même motif, en vertu de l’adage « non bis in idem » ; qu’au surplus, il n’est pas recevable à licencier une salariée, qui donnait par ailleurs entière satisfaction, au seul motif qu’elle a rendu les clés du salon, tout en assurant normalement et comme auparavant l’intégralité de ses heures de travail ; que contrairement à ce qu’affirme l’employeur, Madame [L] ne fermait pas le salon uniquement le mardi et le mercredi, mais elle assurait de manière quasi quotidienne cette tâche, comme cela ressort des attestations qu’elle produit ; que l’ouverture du salon et sa fermeture par la salariée ne sont pas une obligation pour celle-ci, même si elle a bien voulu accomplir cette tâche pendant plus de deux ans pour être agréable à son employeur ; que ces tâches n’étaient pas contractualisées et ne font pas partie des attributions définies à l’article 3.4 de la convention collective applicable, pour la classification concernée

(échelon 1, niveau 2 : coiffeur qualifié ou technicien) ; que ces tâches relevaient de la responsabilité de l’employeur, en sorte que la salariée n’a commis aucune faute de nature à fonder un licenciement.

S’agissant du motif tiré de « l’intervention de l’entourage de la salariée », Madame [L] soutient que dans ce type de litige entre un employeur (peu scrupuleux) et une salariée, il est naturel lorsque les relations se détériorent qu’interviennent des personnes étrangères à la relation de travail, en l’occurrence le frère et la s’ur de Madame [L], pour tenter de trouver une issue amiable au litige ; qu’il convient de rappeler que depuis le refus d’augmentation de salaire, Madame [L] a subi un harcèlement moral au travail qui n’est pas acceptable ; que sa s’ur et son frère sont intervenus pour tenter de trouver une issue amiable au litige et pour faire cesser le harcèlement, sa famille n’ayant fait montre d’aucune agressivité ; que ce grief dans le contexte considéré est insuffisant à caractériser une faute grave et qu’il sera jugé que le licenciement de Madame [L] est abusif.

Outre le versement des indemnités de rupture, Madame [L] soutient que son renvoi brutal et indigne s’inscrit dans un contexte de harcèlement moral et justifie l’octroi d’une somme de 5000 euros au titre du préjudice moral. Elle précise que depuis l’engagement de la présente procédure, elle subit des pressions de la part de son ancien employeur et a été destinataire d’une lettre de menaces expédiée le 12 février 2018, soit le jour de l’audience de conciliation.

La SARL COIFFURE EVASION demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 mai 2020, de :

Dire et juger que le licenciement de Madame [L] pour faute grave était justifié ;

Débouter Madame [L] de l’intégralité de ses demandes;

Confirmer le jugement de première instance ;

Reconventionnellement la condamner à verser à la SARL COIFFURE EVASION la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du NCPC.

La SARL COIFFURE EVASION soutient que fin décembre 2015, Madame [L] a sollicité une augmentation de salaire ; que les résultats de l’entreprise ne le permettaient pas ; qu’au mois de mai 2017, Madame [L] a redemandé à bénéficier d’une augmentation ; que sachant que ce n’était toujours pas possible, il lui a été proposé un pourcentage sur la vente de produits, ce que Madame [L] a refusé; que mécontente, Madame [L] a cherché à faire craquer son employeur, Madame [KY], pour parvenir à ses fins ; que pour cela, elle a décidé de lui restituer les clés du salon et de ne plus assurer la fermeture, sachant que depuis le début de son contrat de travail, elle le faisait les mardis et mercredis ; qu’eu égard à sa classification au niveau II, échelon 1, Madame [L] pouvait travailler seule et cela était convenu depuis le départ entre les parties ; que dès la signature du contrat de travail, il avait été convenu que Madame [KY] partait du salon à 17 heures le mardi soir et qu’elle ne travaillait pas le mercredi après-midi ; que le mardi soir et le mercredi soir, Madame [L] fermait le salon à 18h30 ; que cela ne représentait aucune tâche particulière n’entrant pas dans le cadre de ses attributions et cela ne représentait pas non plus de débordements sur ses horaires de travail ; qu’il n’est pas possible pour un salarié d’assurer un chantage sur son employeur pour qu’il lui accorde une augmentation de salaire en refusant d’assurer une tâche entrant dans ses attributions ; que le 10 mai 2017, il lui a été remis un courrier en main propre aux fins de convocation à un premier entretien ; que suite à cette convocation, Madame [L] a été en arrêt de travail pendant un mois ; qu’à sa reprise le 10 juin 2017, elle refusait toujours de garder les clés du salon et d’assurer la fermeture ; qu’elle recevait un premier avertissement le 22 juin 2017 ; que ne changeant pas d’attitude, le 5 juillet 2017, la salariée recevait une convocation à entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire, entretien fixé au 18 juillet 2017 ; que Madame [L] était à nouveau en arrêt de travail le 13 juillet 2017 jusqu’au 23 août 2017, soit en pleine saison avec les difficultés que cela a pu représenter pour Madame [KY] ; qu’elle recevait un nouvel avertissement le 3 août 2017 ; que la salariée a persévéré dans son insubordination et, postérieurement au 3 août 2017, elle refusait à nouveau de prendre les clés et d’exercer la tâche d’assurer l’ouverture ou la fermeture du salon ; que Madame [L] a au surplus fait intervenir sa famille pour faire pression sur son employeur ; qu’au vu de l’ancienneté de la salariée et la société comportant moins de 10 salariés, Madame [L] ne justifie pas de son préjudice et qu’elle doit être déboutée de ses demandes de dommages-intérêts.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 3 février 2022.

SUR CE :

Sur le licenciement :

Il convient d’observer que Madame [F] [L] invoque dans ses écritures avoir subi un harcèlement moral, au titre duquel elle a déposé plainte à l’encontre de Madame [DJ] [M] (née [KY]) devant les services de gendarmerie de [Localité 2] le 15 septembre 2017, mais elle ne formule toutefois aucune prétention de ce chef.

La lettre de licenciement sanctionne, au titre du premier grief, la persistance du comportement de la salariée, malgré les avertissements notifiés les 22 juin et 3 août 2017, de prendre les clés afin d’ouvrir et fermer le salon « le 23/08/2017 », lors de la reprise de la salariée à la suite de son arrêt de travail pour maladie. La mesure de licenciement prononcée pour ces derniers faits ne méconnaît donc pas le principe « non bis in idem ».

La SARL COIFFURE EVASION, à laquelle incombe la charge de la preuve de la faute grave, produit les éléments suivants relatifs au « refus (de la salariée) d’accepter les clefs » :

-le contrat de travail saisonnier de Madame [L] en date du 22 octobre 2014 et l’avenant transformant le CDD en CDI en date du 31 janvier 2015, étant précisé que Madame [L] est employée en qualité de coiffeuse qualifiée, niveau 2, échelon 1, de la Convention collective nationale de la Coiffure, avec un salaire mensuel brut de base de 1470 euros pour un horaire hebdomadaire de 35 heures;

-les bulletins de salaire de Madame [F] [L] sur la période d’octobre 2014 à septembre 2017 (salaire mensuel brut de base de 1514 euros) ;

-les différents échanges de courriers entre les parties : courrier de convocation du 10 mai 2017 à un entretien préalable à la conclusion d’une convention de rupture conventionnelle, non suivi d’une décision de rupture; courrier d’avertissement du 22 juin 2017 ; courrier de convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire du 5 juillet 2017 ; courrier de Madame [L] du 10 juillet 2017 contestant l’avertissement du 22 juin 2017 ; courrier d’avertissement de Madame [DJ] [KY] du 3 août 2017, rappelant à la salariée que l’ouverture et la fermeture du salon entrent dans ses attributions et que les clés lui seront remises à son retour d’arrêt maladie ; courrier du 14 août 2017 d'[F] [L] de contestation du deuxième avertissement du 4 août 2017 ; courrier du 28 août 2017 de convocation à entretien préalable; courrier du 30 août 2017 de la salariée demandant une régularisation sur sa fiche de paie de la date de début de son arrêt maladie ; courrier du 11 septembre 2017 de l’employeur refusant le report de l’entretien préalable ; courrier de notification du licenciement du 19 août 2017 ;

-le procès verbal d’audition de Madame [DJ] [KY] épouse [M] en date du 28 août 2017 devant les services de gendarmerie de [Localité 2], la plaignante relatant le différend avec son employée ;

-l’attestation du 18 mars 2018 de Madame [LD] [LA], indiquant souhaiter revenir sur l’attestation qu’elle a faite en faveur de Madame [L] « car j’ai reçu des pressions de sa part pour l’écrire » et indiquant n’avoir jamais travaillé pour Madame [DJ] [M] ;

-l’attestation du 25 mars 2019 de Madame [C] [A], cliente du salon Evasion Coiffure depuis plusieurs années, qui déclare : « Jusqu’à son départ de l’entreprise, c’est [F] qui me coiffait. Quelques mois avant sa rupture avec son employeur, [F], profitant de moments où elle était seule au salon et qu’elle me coiffait, se plaignait auprès de moi qu’elle n’était pas rémunérée à hauteur de ses compétences et de ses tâches. Elle me décrivait également, à ma grande stupéfaction, une patronne acariâtre et colérique, brutale et méprisante avec son personnel. Or je n’avais et je n’ai toujours pas constaté de tels agissements de la part de Mme [DJ] [M] que j’ai toujours vue respectueuse de ses salariés. J’en ai donc conclu qu'[F] cherchait, pour une raison qui m’échappait, à nuire à son employeur, Mme [DJ] [M] » ;

-l’attestation du 8 avril 2019 de Madame [W] [U] épouse [G], commerçante « à 50 mètres du salon de coiffure Evasion », qui rapporte : « Je retrouve [DJ] [M] tous les matins pour boire un thé, je passe aussi dans la journée faire un coucou quand mon emploi du temps le permet. Je suis aussi cliente du salon où je viens me faire coiffer. A ces occasions, je n’ai jamais constaté de pression morale envers les employés. J’ai toujours trouvé une ambiance détendue. J’ai constaté qu’elle ferme le salon tous les jours à l’exception du mercredi soir » ;

-l’attestation du 19 mars 2019 de Madame [KU] [N], coiffeuse, qui témoigne : « J’ai travaillé au salon coiffure Évasion la saison d’été 2014. C’était la première année de reprise de Me [M]. Il y avait à cette époque une apprentie Melle [LB] [P]. Dans ce salon, l’entente entre toutes les 3 était très bonne et sans aucune tensions. Nous avons toujours eu de très bons rapports et respectueux » ;

-l’attestation du 18 mars 2019 de Madame [R] [LH], coiffeuse, qui témoigne : « Ayant travaillé au salon COIFFURE EVASION du 23/10/2018 au 28/01/2019, [DJ] était au lieu de travail tous les jours, hormis quelques mercredis après-midi qu’elle a pris pour s’occuper de ses enfants, elle s’occupe elle-même des caisses et faisait celle du mercredi le jeudi matin. Notre entente au travail a été très bonne et respectueuse. Résidente en Corse, j’ai passé une saison avec de très bons conseils pour la suite de ma carrière » ;

-l’attestation du 25 mai 2018 de Madame [B] [LC], retraitée, qui déclare : « Je suis une fidèle cliente du salon de coiffure Évasion où je me rends ponctuellement, je n’ai jamais constaté de tensions entre la patronne et ses employées au contraire il y règne plutôt une joyeuse ambiance et une grande professionnalité » ;

-l’attestation du 24 février 2018 de Madame [J] [KR], retraitée, qui relate : « Je suis client du salon Evasion depuis des années. J’y vais régulièrement, car pour moi c’est un endroit de détente, il y règne une ambiance chaleureuse et détendue, que ce soit avec [DJ] [M] ou ses employées ».

*

La SARL COIFFURE EVASION produit l’attestation du 8 avril à 2019 de Madame [G] qui est le seul témoin à déclarer avoir constaté que Madame [DJ] [M] « ferme le salon tous les jours à l’exception du mercredi soir », sans préciser toutefois à quelle date remontent ses constatations et alors qu’il est reconnu par l’employeur que Madame [F] [L] fermait le salon les mardi et mercredi soirs.

L’attestation de Madame [R] [LH], qui a travaillé au salon de coiffure du 23 octobre 2018 au 28 janvier 2019, est inopérante puisque ce témoin rapporte que Madame [DJ] [M] « était au lieu de travail tous les jours, hormis quelques mercredis après-midi’ elle s’occupe elle-même des caisses et faisait celle du mercredi le jeudi matin » sur une période postérieure à la période d’emploi de Madame [F] [L].

Madame [F] [L] produit des témoignages de clientes, qui relatent que la salariée était « régulièrement seule au salon de coiffure » et qu’elle ouvrait le salon notamment à 14 heures et qu’elle fermait le salon le soir, sans toutefois apporter de précision sur les jours et dates de leurs rendez-vous. Certaines clientes témoignent au surplus que, lors de leurs rendez-vous, Madame [F] [L] « se retrouvait toute seule pour faire la caisse et fermer le salon » (attestation du 17 mars 2018 de Mme [X] [S]), « [F] [L] faisait régulièrement la clôture de caisse ainsi que la fermeture du salon qui s’en suivait » (attestation du 19 mars 2018 de Madame [Y] [KZ]) et « qu’elle avait la responsabilité des caisses du salon’ lors de la fermeture du salon… je la voyais clôturer la caisse de la journée » (attestation du 10 mars 2018 de M. [V] [K]).

Au vu de ces derniers témoignages, non utilement contredits par les attestations versées par la société COIFFURE EVASION, il est démontré que Madame [F] [L] faisait la caisse avant de fermer le salon de coiffure le soir, peu important de savoir si c’était uniquement les mardi et mercredi ou plus souvent dans la semaine.

Si la SARL COIFFURE EVASION soutient que l’ouverture et la fermeture du salon entraient dans les attributions de la coiffeuse, classée au niveau 2, échelon 1, telles que définies par l’article 3.4 de la grille de classification des emplois techniques de coiffure, agents de maîtrise et cadres de la coiffure attachée à la Convention collective nationale de la coiffure, elle ne verse toutefois aucun élément de nature à établir que la clôture de la caisse, avant la fermeture du salon le soir, relevait des tâches entrant dans les compétences de Madame [L].

Selon la grille conventionnelle de classification, le coiffeur qualifié, niveau II, échelon 1, a notamment pour mission l’ « utilisation des outils de gestion de caisse » sans en avoir la gestion (laquelle gestion relève de l’échelon 3), ce dont il résulte que la clôture de la caisse n’entre pas dans la classification du coiffeur qualifié.

Il convient d’observer que la définition du niveau 2, échelon 1, donnée par l’employeur dans la lettre de licenciement n’est pas exacte quant à l’autonomie du coiffeur qualifié, lequel « doit faire face aux situations courantes sans assistance hiérarchique. Prend des initiatives concernant les modes opératoires en accord avec son supérieur hiérarchique ». Le coiffeur qualifié n’a pas notamment de responsabilité hiérarchique permanente sur un ou plusieurs coiffeurs, comme énoncé dans la lettre de rupture.

L’acceptation par Madame [L] de se voir remettre les clés, d’ouvrir le salon, de clôturer la caisse avant de fermer le salon, ce pendant plus de deux ans, ne suffit pas à donner à ces tâches une nature contractuelle.

En conséquence, Madame [L] n’avait aucune obligation contractuelle d’accepter la fermeture du salon, impliquant la responsabilité de la clôture de la caisse, et son refus d’accepter les clés du salon et de réaliser les tâches d’ouverture et de fermeture n’est pas fautif.

S’agissant du deuxième grief relatif à l’intervention de l’entourage de la salariée, la SARL COIFFURE EVASION produit les pièces suivantes :

–une « fiche de contact suite accueil du public » de la gendarmerie de [Localité 2] ayant accueilli le 24 août 2017 Monsieur [T] [M] (mari de Mme [DJ] [M]) dénonçant des propos menaçants de Monsieur [E] [L], frère d'[F] [L] ;

-le procès verbal d’audition de Madame [DJ] [KY] épouse [M] en date du 28 août 2017 devant les services de gendarmerie de [Localité 2], la plaignante relatant le différend avec son employée, accusant le frère de celle-ci, [E] [L], de menaces de violences et de diffamation non publique et déposant plainte également à l’encontre de [F] [L] ; un procès verbal d’audition du 27 octobre 2017 (postérieurement au licenciement de [F] [L]), dénonçant une agression verbale et physique de la s’ur d'[F] [L], [LG] [L], le 26 octobre 2017 ;

-l’attestation entièrement dactylographiée du 12 janvier 2018 de [LE] [I], rapportant l’intervention « agressive » du frère de [F] [L] au salon de [DJ] [M] « en fin d’après-midi du mois de septembre », étant précisé que le témoin est salarié de l’entreprise COIFFURE EVASION depuis le 26 septembre 2017 ;

-l’attestation du 9 janvier 2018 de Madame [LF] [KT], retraitée, qui « atteste en tant que témoin des faits suivants : menaces insultes de la part de Mlle [H] s’ur de l’employée citée plus haut ([F] [L]) le 10/08/2017 » ;

-une attestation entièrement dactylographiée de Madame [O] [KW] (sur papier à en tête de « [O] [KW] SPORT LOCATION – SKI – SURF ») en date du 28 août 2017, le témoin relatant : « Je suis client de ce salon depuis plus de 20 ans. Lors de mon dernier passage, une jeune dame est entrée et a pris [DJ], la propriétaire de l’établissement, à partie devant les clientes.

Sa façon de parler et de se comporter n’était absolument pas courtoise et encore moins agréable.

La situation était très gênante pour les clientes présentes.

J’ai vite compris que cette jeune dame était la s’ur de l’employée qui travaille dans ce salon habituellement et que je n’avais plus vu lors de mes derniers passages.

[DJ] a essayé de canaliser cette jeune femme dans la réserve pendant « la discussion » afin d’essayer de gêner le moins possible sa clientèle, peine perdue face au niveau sonore de sa voix. Nous avons donc dû subir les revendications de cette jeune femme pour le compte de sa s’ur.

Je souhaite également préciser que cette situation a duré un temps anormalement long quand on attend en milieu de coupe ou de couleur (il me semble plus d’un quart d’heure) », n’étant pas jointe à cette attestation une copie de la pièce d’identité du témoin.

Les procès-verbaux de dépôt de plainte de Monsieur [T] [M] et de Madame [DJ] [KY] épouse [M], en l’absence de toute indication sur les suites données par le Procureur de la République, ne font que retranscrire les déclarations des plaignants sans établir la réalité des faits dénoncés, étant précisé que les faits postérieurs à la notification du licenciement du 19 septembre 2017 de Madame [F] [L] ne peuvent fonder la rupture du contrat de travail.

L’attestation de Madame [LE] [I], présente dans l’entreprise depuis le 26 septembre 2017, rapporte un comportement « agressif » du frère de Madame [F] [L] postérieurement au licenciement de cette dernière, et ne présente pas de valeur probante s’agissant des faits sanctionnés par la mesure de licenciement en date du 19 septembre 2017, qui en tout état ne concernent pas le frère de la salariée.

Les témoignages de Mesdames [LF] [KT] et [O] [KW] sur le comportement de [LG] [L], s’ur d'[F] [L] (à la date du 10 août 2017 précisée par le premier témoin), ne sont pas valablement contredits par le témoignage de Mademoiselle [D] [Z], apprentie coiffeuse. En effet, l’attestation de Mademoiselle [Z], née le 7 mars 2002, âgée de 15 ans à l’époque des faits qu’elle rapporte, ne comporte aucune indication de date d’établissement de l’attestation, ce qui ne permet pas de vérifier si celle-ci a été rédigée par le témoin du temps de sa majorité. Or, le mineur, qui ne peut être entendu en qualité de témoin, ne peut également attester. Par conséquent, l’attestation de Mademoiselle [Z] est irrecevable.

Toutefois, il ne ressort pas des témoignages produits que Madame [F] [L] ait une responsabilité quelconque dans l’intervention de sa soeur sur son lieu de travail et aucune faute directement imputable à la salariée n’est établie.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement et de dire que le licenciement de Madame [F] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il convient de faire droit à la réclamation de Madame [L] et de lui accorder la somme de 908,38 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire injustifiée du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

De même, en conséquence du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’indemnité compensatrice de préavis est due à la salariée, peu importe que celle-ci soit un arrêt de travail pour maladie. Sur la base du dernier salaire mensuel brut de Madame [L] (1514 euros) et de son ancienneté supérieure à deux ans, il lui est accordé une indemnité compensatrice de préavis d’un montant brut de 3028 euros correspondant à deux mois de salaire, ainsi que la somme brute de 302,80 euros de congés payés y afférents.

Il convient par ailleurs de faire droit à la demande de Madame [F] [L], non discutée dans son quantum par l’employeur, au titre de l’indemnité légale de licenciement pour un montant de 933,63 euros.

Madame [F] [L] produit une attestation de Pôle emploi du 2 octobre 2017 de reprise de droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi à partir du 22 octobre 2017 pour un montant journalier net de 26,03 euros, des contrats de travail à durée déterminée à temps partiel des 15 mars 2018 et 2 avril 2018, l’intéressée ayant été employée par l’association VTF du 15 mars au 7 avril 2018, un contrat de travail à durée déterminée à temps complet du 12 mai 2018 jusqu’au 27 mai 2018 conclu avec [Adresse 3] et un certificat médical du Docteur [KX], médecin généraliste, qui déclare avoir constaté un « état de stress important avec insomnies réactionnelles » entraînant une ITT de 13 jours.

Madame [F] [L] ne verse pas d’élément sur ses recherches d’emploi ni sur l’évolution de sa situation professionnelle entre le mois d’octobre 2017 et le mois de mars 2018.

En considération des éléments versés sur son préjudice, de l’ancienneté de la salariée supérieure à deux ans dans une entreprise occupant moins de 11 salariés et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Madame [F] [L] la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le préjudice moral :

Madame [F] [L] sollicite au titre d’un licenciement brutal, indigne, qui s’inscrit dans un contexte de harcèlement moral, la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral. Elle invoque subir des pressions de la part de son ancien employeur depuis l’engagement de la procédure prud’homale et déclare avoir été destinataire d’une lettre de menace expédiée le 12 février 2018, soit le jour de l’audience de conciliation.

Elle verse un courrier de menaces, avec une enveloppe postée le 12 février 2018 (pièce 34).

Toutefois, rien ne permet d’affirmer que ce courrier ait été adressé par l’employeur.

À l’exception du certificat médical du Docteur [KX] cité ci-dessus, d’ores et déjà pris en compte dans l’évaluation de la réparation du préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [L] ne verse aucun autre élément susceptible de justifier d’un préjudice moral.

À défaut de tout élément justificatif, la Cour déboute Madame [F] [L] de sa demande d’indemnisation pour préjudice moral.

Sur la remise des documents sociaux :

Il convient d’ordonner la remise par la SARL COIFFURE EVASION d’un bulletin de paie mentionnant les rappels de salaire alloués et d’une attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Madame [F] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que le licenciement de Madame [F] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL COIFFURE EVASION à payer à Madame [F] [L] les sommes suivantes :

-908,38 euros de rappel de salaire,

-3028 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

-302,80 euros de congés payés sur préavis,

-933,63 euros d’indemnité légale de licenciement,

-3000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne la remise par la SARL COIFFURE EVASION d’un bulletin de paie récapitulatif et de l’attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,

Condamne la SARL COIFFURE EVASION aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Madame [F] [L] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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