REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022
(n° 2022/ , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01938 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBRVO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F17/00537
APPELANT
Monsieur [S] [U]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Claire HOCQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0329
INTIMÉE
S.A. AIR FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Anne BERARD, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Anne BERARD Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
La société Air France est une compagnie aérienne dont les activités principales sont le transport de passagers, de fret ainsi que la maintenance et l’entretien des avions.
Celle-ci emploie du personnel navigant technique (dit PNT) dont la situation est régie par le code de l’aviation civile et par différents accords collectifs.
La loi n°2004-734 du 26 juillet 2004 relative aux entreprises de transport aérien a prévu l’élaboration de conventions ou accords d’entreprise devant se substituer aux précédents règlements du personnel.
Une convention d’entreprise du personnel navigant technique a ainsi été signée le 5 mai 2006 relative à l’emploi, l’embauche, la carrière, les conditions de travail par périodes, les congés payés annuels, la rémunération et la cessation de service.
Elle prévoit que les modalités d’application de certaines de ses dispositions sont déterminées par accord d’entreprise spécifique.
Le 5 mai 2006, a ainsi été signé un accord d’entreprise intitulé ‘Accord PNT 2006″ applicable à tous les salariés de la société Air France appartenant au personnel navigant technique sous contrat de travail de droit français.
Au chapitre 3 ‘carrière’ de la convention d’entreprise du PNT un article 4 relatif à la promotion à la fonction de commandant de bord précise que ‘la promotion de l’officier pilote de ligne (OPL) à la fonction de commandant de bord (CDB) se fera exclusivement sur un avion du groupe de base selon des modalités et un calendrier définis par accord’.
Au chapitre 5 ‘règles de carrière’ de l’accord PNT 2006 un article 3 relatif à la promotion à la fonction de commandant de bord indique :
‘Les parties conviennent que le passage des officiers navigants par toutes les composantes de la carrière et l’expérience acquise sur l’ensemble du réseau Air France participent à l’enrichissement du niveau professionnel de chacun ainsi qu’à la meilleure connaissance de leur métier.
Dès lors les parties signataires confirment leur volonté de promouvoir un déroulé de carrière dans la chronologie des fonctions suivantes:
– Officier Pilote de Ligne Moyen Courrier (OPL MC) puis
– Officier Pilote de Ligne Long Courrier (OPL LC) puis
– Commandant de Bord Moyen Courrier (CDB MC) puis
– Commandant de Bord Long Courrier (CDB LC)
Ce principe conduit, à moyen terme, à ce que la promotion à la fonction commandant de bord se fasse exclusivement sur un avion du groupe de base.
Afin d’assurer une transition socialement acceptée vers une application définitive de ce principe, les parties conviennent de mettre en oeuvre les règles suivantes à compter du 1er novembre 2006:
– pour les OPL MC en cours d’amortissement à cette date, la promotion à la fonction CDB se fera exclusivement sur un avion du groupe de base.
– pour les autres OPL la promotion à la fonction CDB se fera exclusivement sur un avion du groupe de base à compter du 1er avril 2016″
M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 1er mars 2017 aux fins notamment ‘d’ordonner la réparation de son préjudice subi en raison de l’application des dispositions illicites de l’article 3 du chapitre 5 portant sur les règles de carrières, contenues dans l’accord dit ‘Accord PNT 2006′ dispositions selon lesquelles à compter du 1er avril 2016 la promotion à la fonction CDB des OPL long-courrier peut se faire exclusivement sur un avion du groupe de base’ et de condamner la société Air France à lui verser des dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique et de son préjudice moral.
Par jugement en date du 27 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Bobigny a débouté M. [U] de l’ensemble de ses demandes tout en se fondant dans les motifs de son jugement sur l’irrecevabilité résultant de la prescription, a débouté la société Air France de sa demande reconventionnelle et a condamné M. [U] aux dépens.
M. [U] a interjeté appel du jugement par déclaration en date du 2 mars 2020.
Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 16 mai 2022, auxquelles il est fait expressément référence, M. [U] demande à la cour de :
– Dire recevable l’appel interjeté par le concluant;
– Réformer le jugement en date du 27 novembre 2019 en ce qu’il a déclaré les demandes du concluant prescrites, l’a débouté de toutes ses demandes, fins et conclusions et l’a condamné aux dépens ;
Et, statuant à nouveau :
– Dire que les dispositions de l’article 3 du chapitre V sur les règles de carrière de l’accord PNT 2006 ainsi que celles du paragraphe 2 de l’article 4 « Promotion à la fonction commandant de bord » du chapitre III « CARRIERE » de la convention collective du personnel navigant technique interdisant aux officiers pilotes de ligne long-courrier d’accéder directement à la fonction commandant de bord sur un avion long-courrier sont illégales et par conséquent inopposables à la concluante en ce que :
– elles portent atteinte aux droits à évolution de carrière et promotion des officiers pilotes de ligne long-courrier en leur imposant comme condition d’accès à ce droit et à cette promotion des modifications essentielles de leurs conditions de travail dont une diminution de leur rémunération,
– elles introduisent une inégalité de droit et de traitement au sein de la même catégorie professionnelle des officiers pilotes de ligne.
Subsidiairement, condamner Air France à réparer le préjudice résultant pour le concluant du non-respect par Air France des obligations souscrites dans l’accord PNT 2006 et de la faute commise dans l’évaluation du nombre de stages A 330/340 à la saison IATA hiver 2014/2015 ;
Et sur la réparation du préjudice :
– Condamner Air France à réparer le préjudice économique subi par Monsieur [U] entre le 12 novembre 2018, date à laquelle Monsieur [D] [Y], classé derrière lui sur la LCP, a accédé à un stage de qualification commandant de bord sur B777 et le 31 août 2020, date à laquelle Monsieur [U] a accepté la proposition de rupture conventionnelle collective présentée par son employeur ;
– En conséquence, condamner Air France à verser à Monsieur [U] :
– la somme de 71.470 € à titre de dommages et intérêts en raison de la perte de salaire,
– la somme de 7.556 € à titre de dommages et intérêts en raison de la perte de la prime de passage commandant de bord,
– la somme de 33.333 € à titre de dommages et intérêts en raison de la perte sur la prime de rupture conventionnelle collective,
– la somme de 25.199 € à titre de dommages et intérêts en raison de la perte sur ses droits à retraite,
– la somme de 7.700 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral résultant de l’atteinte aux droits dont il a été victime d’avril 2016 au jour de l’arrêt à intervenir.
– Condamner Air France à verser au requérant la somme de 3.600 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner Air France en tous les frais et dépens.
Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 16 mai 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société Air France demande à la cour de:
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny du 27 novembre 2019 ;
– juger que M. [U] est irrecevable en ses demandes en raison de la prescription ;
– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes
– condamner M. [U] à payer à la société Air France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [U] aux dépens ;
La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 24 mai 2022.
MOTIFS
Sur la saisine de la Cour
Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, ‘la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion’.
Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les considérations de la société Air France quant à l’irrecevabilité de la demande au titre de la prime de rupture conventionnelle collective figurant exclusivement dans le corps de ses écritures, alors que le dispositif des conclusions de la société Air France demande précisément de ‘juger que M. [U] est irrecevable en ses demandes en raison de la prescription’.
Sur la prescription
Si aux termes de l’article L.2262-14 du code du travail toute action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif doit, à peine d’irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’accord d’entreprise, M. [U] observe qu’aucune demande de nullité de certaines des dispositions de l’accord PNT 2006 et de la convention collective du personnel navigant technique n’est formée, mais qu’il est demandé de dire que ces dispositions, qui interdisent aux OPLlong-courrier d’accéder directement à la fonction de CDB long-courrier, sont illégales et lui sont par conséquent inopposables.
Il est constant que lorsque l’illégalité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif est invoquée par voie d’exception, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de la demande.
La société Air France, citant un extrait du corps des écritures M. [U] , fait valoir qu’une ‘demande portant sur le droit de s’inscrire à un stage d’accès à la qualification de commandant de bord long-courrier sans que l’employeur puisse opposer à l’intéressé une règle illicite contenue dans un accord collectif ou une convention collective’ porte sur l’exécution du contrat de travail.
Elle soutient que la connaissance de son droit a été acquise par M. [W] la date des accords collectifs de 2006 et qu’en application des dispositions de l’article 2224 du code civil les actions portant sur des faits antérieurs au 19 juin 2008 étaient prescrites à compter du 20 juin 2013.
Cependant, dès lors que la règle faisant obstacle à ce que les OPL long-courrier puissent s’inscrire directement à un stage d’accès à la qualification de CDB long-courrier, résultant des dispositions combinées de la convention collective et de l’accord PNT, n’est entrée en vigueur qu’à compter du 1er avril 2016 et que M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 1er mars 2017 aux fins d’ordonner en nature et/ou deniers la réparation de leur préjudice, la prescription n’était pas acquise.
La fin de non recevoir est rejetée.
Sur l’illégalité de certaines dispositions de la convention collective du personnel navigant technique et de l’accord PNT 2006
La reconnaissance de l’illégalité d’une clause d’une convention ou d’un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l’exception.
M. [U] soutient que les dispositions de l’article 3 du chapitre V sur les règles de carrière de l’accord PNT 2006 ainsi que celles du paragraphe 2 de l’article 4 « Promotion à la fonction commandant de bord » du chapitre III « Carrière » de la convention collective du personnel navigant technique interdisant aux officiers pilotes de ligne long-courrier d’accéder directement à la fonction commandant de bord sur un avion long-courrier sont illégales et par conséquent lui sont inopposables en ce que :
– elles portent atteinte aux droits à évolution de carrière et promotion des officiers pilotes de ligne long-courrier en leur imposant comme condition d’accès à ce droit et à cette promotion des modifications essentielles de leurs conditions de travail ainsi qu’une diminution de leur rémunération,
– elles introduisent une inégalité de droit et de traitement au sein de la même catégorie professionnelle des officiers pilotes de ligne,
– elles caractérisent une discrimination indirecte liée à l’âge.
La société Air France conteste l’existence d’un droit à évolution de carrière et à promotion, rappelle que la carrière des personnels navigants résulte de leurs choix personnels, observe que les différences de traitement opérées par voie d’accords collectifs entre salariés de la même catégorie sont présumées justifiées, que M. [U] ne rapporte pas la preuve contraire et que le nouveau déroulé de carrière institué par ces accords visait à améliorer la sécurité des vols.
Sur l’atteinte aux droits à évolution de carrière et promotion
Les règles de rémunération et de carrière sont organisées par la convention d’entreprise et les accords collectifs.
Il résulte de la convention d’entreprise que :
– tout officier navigant atteignant 4 ans de présence dans la même classe passe automatiquement dans la classe supérieure,
– que tout officier navigant peut bénéficier d’un changement de type avion sous réserve qu’il satisfasse pleinement aux conditions administratives et techniques requises ainsi qu’à celles déterminées par les procédures de mise en stage,
– que tout officier navigant peut bénéficier d’une promotion à la fonction de commandant de bord sous réserve qu’il satisfasse pleinement aux conditions administratives et techniques requises ainsi qu’à celles déterminées par les procédures de mise en stage,
Si M. [U] argue d’un ‘droit à évolution de carrière et de promotion’, il résulte cependant des textes que le déroulé de carrière des pilotes résulte d’actes de carrière dont il leur appartient de prendre l’initiative, l’évolution de carrière supposant des changements de qualification, eux mêmes conditionnés à l’accès à des stages une fois la précédente qualification amortie dans une durée fonction de l’incrément, le nombre de places de chaque stage étant défini en fonction des besoins et l’accès se faisant dans l’ordre de la liste de classement professionnel (LCP).
Ces éléments ne caractérisent donc aucun ‘droit à évolution de carrière et de promotion’ , que les accords ne reconnaissent nullement, l’accord PNT ayant simplement reconnu ‘l’impérieuse nécessité de protéger les emplois des pilotes (CDB +OPL)’.
Sur les modifications essentielles des conditions de travail
M. [U] fait valoir que les dispositions de la convention collective et de l’accord PNT 2006 prévoyant que la promotion de l’officier pilote de ligne à la fonction commandant de bord se fera exclusivement sur un avion du groupe de base a entraîné des modifications essentielles de conditions de travail en les privant de la possibilité de voler toute leur carrière sur l’avion de leur choix, en leur imposant de voler sur un avion du groupe de base et en les contraignant à un changement de mode de vie lié à une modification importante de l’organisation du rythme de travail.
Il est constant qu’à compter du 1er avril 2016, dès lors que la promotion des officiers pilotes de ligne à la fonction de commandant de bord n’a pu se faire exclusivement que sur un avion du groupe de base, les OPL long-courrier souhaitant devenir commandant de bord n’ont plus eu la possibilité de le faire sans changer d’avion et que le passage obligé par une affectation sur moyen-courrier impose un changement de rythme de travail ayant un possible impact sur l’organisation de vie personnelle et familiale en raison des différences existant entre vols longs et moyens courrier dans le rythme des rotations, la durée des repos, ainsi que les horaires de prise et de fin de service.
Il n’est pas discuté cependant qu’un accord collectif ne confère aucun droit acquis au salarié sauf si la loi le prévoit expressément.
Par ailleurs, en l’absence de droit à évolution de carrière et chacun étant par ailleurs libre de ses choix de carrière, il ne peut être soutenu que les accords collectifs imposent en eux-même des changements de rythmes de travail et d’organisation de vie non consentis ou d’aller voler sur un avion et un réseau non choisis.
Sur la baisse de rémunération imposée
M. [U] fait valoir qu’en raison de son échelon d’officier pilote de ligne et de l’avion sur lequel il volait, devenir commandant de bord sur moyen-courrier lui imposait nécessairement une baisse de rémunération.
Il ne fait cependant pas la démonstration, par la seule comparaison de la rémunération d’un officier pilote de ligne long-courrier au 9ème ou 10ème échelon avec un commandant de bord moyen-courrier, en considération notamment de leurs primes respectives, que les dispositions des accords collectifs entraînaient nécessairement une perte de rémunération, dès lors qu’en prévoyant une transition de 10 ans, l’accord PNT 2006 avait précisément vocation à permettre à chacun d’anticiper et de faire en temps utile des choix de carrière pertinents pour éviter une telle situation.
M. [U] convient même expressément dans ses écritures (p29) que ‘ce délai de 10 ans aurait dû leur laisser le temps de devenir commandant de bord long-courrier avant le 1er avril 2016 et par conséquent de ne pas subir de perte de rémunération pour accéder à la fonction de CDB’.
M. [U] échoue donc à démontrer que cela lui était structurellement impossible et c’est vainement qu’il est argué de l’existence d’un certain nombre de facteurs l’ayant privé de la possibilité de devenir commandant de bord long-courrier entre 2006 et 2016, en faisant état de circonstances exogènes aux accords eux-mêmes, ces éléments étant dénués de portée dans la démonstration de leur illégalité.
Sur la rupture d’égalité
Le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, désormais consacré aux articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la réglementation en cause, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné.
Hormis dans les domaines où est mis en oeuvre le droit de l’Union, lorsqu’elles sont opérées par voie de convention ou d’accord collectifs, les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. En revanche, lorsque ces différences affectent des salariés d’une même catégorie professionnelle exerçant les mêmes fonctions, elles doivent reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
En son chapitre 1 ‘Emploi’, la convention d’entreprise du personnel navigant technique classe les officiers navigants dans deux emplois : pilote de ligne et officier mécanicien navigant.
L’emploi de pilote de ligne recouvre quant à lui deux fonctions : commandant de bord et officier pilote de ligne.
Il en résulte que les OPL long-courrier et les OPL moyen-courrier exercent les mêmes fonctions.
M. [U] fait valoir que les accords instaurent une différence de traitement entre officiers pilotes de ligne moyen-courrier et officiers pilotes de ligne long-courrier alors que ceux-ci n’exercent pas de fonctions distinctes. Il soutient que la règle qui lui est opposée pour faire obstacle à son souhait de devenir commandant de bord long-courrier sans avoir exercé préalablement la fonction de commandant de bord moyen-courrier est une règle portant atteinte à l’égalité au sein de la population des officiers pilotes de ligne, d’une part en ce qu’elle oblige les officiers pilotes de ligne long-courrier à accepter une perte de rémunération pour accéder à la promotion de commandant de bord, d’autre part en ce qu’elle le contraint également à un acte de carrière non voulu pour continuer à progresser ultérieurement dans sa carrière.
Sur ce dernier point, outre qu’un OPL long-courrier a toujours le choix de le rester, c’est de façon quelque peu tautologique que M. [U] observe que les OPL long-courrier n’ont pas d’autre choix en application des accords que de devenir CDB moyen-courrier alors qu’ils ménagent aux OPL moyen-courrier une option entre devenir CDB moyen-courrier ou OPL long-courrier, dès lors qu’en exerçant cette dernière option un OPL moyen-courrier se retrouverait nécessairement dans la même situation qu’un OPL long-courrier, soit en faisant le choix d’en devenir un, soit en faisant celui de devenir CDB moyen-courrier.
Il a été vu plus haut que l’allégation relative à une perte de rémunération ne constitue pas davantage un élément de fait instituant une inégalité de traitement entre OPL long-courrier et OPL moyen-courrier au détriment des premiers, compte-tenu de la période transitoire introduite par l’accord PNT 2006 permettant 10 ans durant aux officiers pilotes de ligne long-courrier de bénéficier d’une option, non ouverte aux officiers pilotes de ligne moyen-courrier et de faire en conséquence des choix de carrière permettant de devenir commandant de bord sans s’exposer à une perte de revenus.
M. [U] soutient par ailleurs qu’en imposant que la promotion à la fonction commandant de bord se fasse exclusivement sur un avion du groupe de base, les accords collectifs instituent une inégalité de traitement entre officiers pilotes de ligne moyen-courrier et long-courrier en imposant aux seuls officiers pilotes de ligne long-courrier de devoir changer d’appareil, de rythme de travail et d’organisation de vie.
Cependant, la société Air France justifie que ce changement résultait d’une volonté partagée avec les organisations syndicales de promouvoir un déroulé de carrière dans la chronologie des fonctions suivantes: officier pilote de ligne moyen-courrier, puis officier pilote de ligne long-courrier, puis commandant de bord moyen-courrier, puis commandant de bord long-courrier.
La société Air France justifie aussi que ces nouvelles règles répondaient à un objectif de sécurité des vols résultant d’un rapport, dit « Rapport Colin » établi en 2006 sous l’égide de la direction générale des opérations aériennes par une commission chargée d’évaluer la pertinence et l’efficacité de l’organisation, sous l’angle de la sécurité des vols.
Ce rapport recommandait que le lâcher commandant de bord se déroule sur une machine moyen-courrier aux motifs notamment que :
– « le lâcher CDB sur LC conduit à réduire l’expérience des OPL »,
– « le MC est une école de commandement efficace dans la mesure où la probabilité de procéder
à des décisions est 5 fois plus grande sur moyen-courrier que sur long-courrier »,
– « les accidents interviennent majoritairement sur les vols LC, et dans des conditions souvent limites et difficiles, le CDB LC doit avoir une bonne expérience du commandement pour prendre une décision pertinente »,
– « l’ensemble de l’encadrement, la majorité des instructeurs et des PNT que la commission a rencontrés ainsi que certaines organisations syndicales, ont considéré que c’était une mesure nécessaire dans le contexte de l’époque ».
Si M. [U] soutient que ce sont des considérations financières et non de sécurité qui ont en réalité déterminé Air France, en soulignant le fait que l’accord PNT n’a pas converti en obligation le passage ‘officier pilote de ligne long-courrier’, nonobstant les recommandations du rapport soulignant comme ‘fondamentale l’acquisition d’une expérience long-courrier en ligne préalablement au lâcher en tant que commandant de bord sur un réseau de taille mondiale’, ce fait ne discrédite nullement la justification par des impératifs de sécurité de faire que la promotion à la fonction commandant de bord se fasse exclusivement sur un avion du groupe de base, dès lors qu’elle est justifiée par le fait que le moyen-courrier est une école de commandement efficace, que l’expérience du commandement est de nature à favoriser la prise de décisions pertinentes et qu’elle faisait au demeurant consensus, ainsi que l’indiquait les auteurs du rappport, et qu’en atteste la signature de l’accord collectif.
En outre, si M. [U] souligne comme paradoxal le fait de prévoir une transition de dix ans pour mettre en oeuvre une décision motivée par la sécurité, force est de constater qu’il accrédite lui-même, en se référant à une nouvelle étude de sécurité des vols Air France de 2018 que la transition de 10 ans organisée par l’accord PNT 2006 pour que cette mesure soit ‘socialement acceptée’ était une préoccupation légitime des signataires de l’accord, dès lors que l’étude 2018 pointe le ‘risque social’ résultant du sentiment de parcours professionnels inéquitables dans un équipage.
Cependant, dès lors que M. [U] convient que 54% des pilotes ont exprimé leur opposition à une modification de la règle de 2016, le risque social évoqué dans cette étude de 2018 n’est pas davantage de nature à discréditer les choix de 2006.
Il résulte de ces considérations que la contrainte imposée par les accords à compter d’avril 2016 aux seuls officiers pilotes de ligne long-courrier de devoir changer d’appareil et de rythme de travail pour pouvoir devenir commandant de bord repose sur des raisons objectives, justifiées et jugées pertinentes tant au moment de la signature que de la mise en oeuvre des accords.
Le changement d’appareil et de rythme de travail imposé aux seuls officiers pilotes de ligne long-courrier pour devenir commandant de bord constitue une mesure proportionnée, dès lors qu’elle est justifiée par des raisons de sécurité objectivées, qu’il n’est ni établi ni même soutenu qu’il aurait été de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale de M. [U] s’agissant au demeurant d’un choix de carrière et non d’une obligation, et qu’enfin l’existence d’une phase transitoire de 10 ans ménageait son acceptabilité sociale et la faculté d’anticiper les changements à venir dans le passage à la fonction de commandant de bord.
Sur une discrimination indirecte liée à l’âge
Aux termes de l’article L1132-1 du Code du travail ‘ aucune personne ne peut être écartée de l’accès à un stage ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte…notamment en raison de son âge…’ .
M. [U] présente comme élément de fait que ‘tous les OPL long-courrier concernés et victimes de cette perte de salaire engendrée par l’accès à la fonction de commandant de bord font l’objet d’une discrimination négative. Ce sont des salariés d’un certain âge bénéficiant d’une ancienneté leur ayant déjà permis d’accéder au statut d’OPL long-courrier en 2006, contrairement aux OPL moyen-courrier’.
Cependant, il est établi que l’accord PNT a tenu compte de la situation des officiers pilotes de ligne ‘d’un certain âge’ dans un contexte où l’accord PNT a appliqué la règle d’une promotion à la fonction commandant de bord exclusivement sur un avion du groupe de base aux OPL moyen-courrier en cours d’amortissement à compter du 1er novembre 2006 mais a différé au 1er avril 2016 cette règle pour les autres officiers pilotes de ligne.
Aucune discrimination directe ou indirecte liée à l’âge n’est donc caractérisée.
Il résulte de l’ensemble de ces considérations que les dispositions de la convention d’entreprise du personnel navigant technique et de l’accord PNT 2006 du 5 mai 2006 ne sont pas illégales et sont en conséquence opposables à M. [U].
Sur le non respect des dispositions de l’accord PNT par Air France
M. [U] fait valoir que le non respect de la garantie de croissance long-courrier, des ratios de partage de croissance entre Air-France et KLM et des clauses de suivi de l’accord de 2006 ont privé de portée les dispositions de l’article 3 du chapitre 5 de l’accord PNT 2006 dont l’objectif était de permettre aux personnels navigants qui étaient officiers pilotes de ligne long-courrier ou en passe de l’être en 2006, comme c’était son cas, de devenir commandant de bord avant le 1er avril 2016 autrement que sur un avion du groupe de base.
La société Air France soutient que ces affirmations sont injustifiées et que les conséquences tirées de ce prétendu non respect sont parfaitement hypothétiques. Elle ne verse aucune pièce aux débats.
L’accord PNT 2006, qui comporte 8 chapitres et une annexe précise en son article 4 de ses ‘dispositions générales’ qu’il est ‘un tout indivisible’.
Il énonce en préambule de son chapitre 1 intitulé ‘développement de l’entreprise et périmètre d’emploi’ que les parties ‘réaffirment l’impérieuse nécessité de protéger les emplois des pilotes (CDB et OPL)’ en les pérennisant et en les développant.
Si un préambule est dénuée de force contraignante, il résulte de l’article 3 de ce chapitre 1des objectifs et garanties de croissance sur long-courrier traduits par des engagements précis et chiffrés de la société Air France qui s’était ainsi engagée à faire progresser les heures de vol pilote d’au moins 9% entre l’année IATA 2008/2009 et l’année IATA 2005/2006 et d’au moins 12% entre l’année IATA 2010/2011 et l’année IATA 2005/2006.
M. [U] justifie qu’au lieu d’une progression de 12% le nombre d’heures de vol a en réalité accusé une diminution de 5,44 % , qui a été plus forte encore sur long-courrier, avec une diminution de plus de 8%.
M. [U] observe que ce delta total de 20% entre l’objectif annoncé et la situation de fait représente 110.000 heures de vol, qu’un pilote volait en moyenne 787,5 heures par an sur 10,41 mois en raison des 48 jours de congé annuel dont il disposait avant 2012 et que c’est donc a minima 140 qualifications de commandant de bord long-courrier supplémentaires qui auraient été programmées si la société Air France avait respecté ses engagements.
L’article 6 du chapitre 1 de l’accord PNT 2006 prévoit par ailleurs des garanties d’équilibre Air France- KLM pour un partage équitable de la croissance, par référence notamment à un ratio HDV (heures de vol) de 62% pour AF et 38% pour KLM et un ratio SKO (siège kilomètre offert) de 62,6% AF/37,4% KLM.
M. [U] justifie qu’en 2012, ces ratios avaient défavorablement évolué pour Air France ( HDV 58,3% AF/ 41,7% KLM et SKO 61,2% AF/ 38,8% KLM). Un rapport de juin 2017 souligne une croissance nettement plus rapide de l’offre KLM, comparé à Air France.
Un préavis de grève du 7 juin 2016, déposé par les syndicats SNPL, SPAF et Alter dénonçait ce déséquilibre de croissance et le préjudice subséquent subi par les pilotes d’Air France en termes d’avancement de carrière.
Enfin, il résulte de l’article 9 du chapitre 1 de l’accord PNT 2006 une clause de sauvegarde prévoyant notamment en cas d’évolution significative un engagement de concertation entre les parties, outre l’existence d’un comité de suivi spécifique consacré à la vérification des engagements pris et à l’examen des ‘perspectives programme’ sur la ou les saisons suivantes.
S’il est constant que les perspectives de carrière du personnel navigant technique dépendent de leurs choix de carrière, elles n’en restent pas moins conditionnées par leur capacité à pouvoir changer de qualification et donc d’accéder à des stages.
Or le nombre de places offertes par Air France à chaque saison IATA dépend nécessairement des perspectives de croissance de l’entreprise.
Il en résulte que les dispositions de l’article 3 du chapitre 5 de l’accord PNT 2006 relatives aux ‘règles de carrière’, prévoyant une période de 10 ans pour permettre une transition socialement acceptée avant que la promotion à la fonction commandant de bord ne puisse plus se faire pour les officiers pilotes de ligne long-courrier que sur un avion du groupe de base s’inscrivaient dans un ‘contexte du transport aérien à la date de signature de l’accord’ qui a évolué et dans une perspective de développement de l’entreprise définie au chapitre 1 de l’accord qui n’a pas été respectée.
Dès lors que la société Air France s’était expressément ‘engagée’ à atteindre des objectifs de croissance précis qu’elle n’a pas atteints, s’était ‘engagée’ à préserver un équilibre de croissance chiffré entre Air France et KLM qui n’a pas été respecté et s’était ‘engagée’ à un suivi spécifique dont elle ne justifie pas,M. [U] établit des manquements fautifs de la société Air France dans l’exécution de l’accord PNT 2006 ayant déséquilibré son économie générale et notamment l’efficience de la durée de 10 ans destinée à permettre aux officiers pilotes de ligne long-courrier d’accéder à la fonction de commandant de bord autrement que sur un avion du groupe de base.
C’est en revanche vainement que M. [U] soutient que la société Air France n’aurait pas respecté les dispositions de l’article 91 de la loi du 17 décembre 2008 prévoyant la possibilité pour les pilotes de ligne de proroger leur activité de 60 à 65 ans et l’engagement subséquent de négociations entre l’employeur et les représentants du personnel pour aborder les conséquences de ce changement de législation, qui ont donné lieu à un accord en 2013.
Sur le comportement fautif dans la programmation du stage de qualification CDB 330/340
Il résulte de l’article 2.4.5.2 du chapitre 1, ’emploi’, de la convention d’entreprise du personnel navigant technique que l’ordre de la liste de séniorité participe des critères d’établissement de la liste nominative des plans de stages, l’ordre des mises en stage étant fixé en fonction des besoins de la production .
Il résulte de l’article 2.4.5.3 que si la Compagnie est amenée à annuler une mise en stage, l’officier navigant devient prioritaire pour partir sur la machine lors du premier stage de la ou des saisons suivantes.
Il est constant qu’au cours de la campagne de qualification hiver 2014/2015, 50 personnes ont été programmées sur le plan nominatif de stages de lâcher CDB330/340, dont 10 ont été annulés.
M. [U] établit que plusieurs salariés, qui étaient recevables à postuler à un stage à compter de la saison été 2015, et ont effectivement postulé, n’ont pas été inscrits au plan de qualification, notamment en raison de la priorité donnée à ces pilotes en ‘qualification administrative’, alors même qu’ils avaient un rang supérieur sur la liste de séniorité.
C’est vainement que la société Air France soutient qu’elle n’a fait qu’appliquer les textes, alors que M. [U] observe sans être contredit le caractère massif et inédit de cette programmation, dès lors que les campagnes précédentes ne dépassaient pas 30 stages et le caractère tout aussi exceptionnel du nombre des annulations, au nombre de 10 contre 1 à 2 les années précédentes.
M. [U] observe aussi la variation des explications fournies par la société Air France à cette situation, qui a indiqué au président du SPAF le 15 avril 2015 que l’annulation résultait d’une augmentation du programme de vol moyen-courrier A320 pour la période hiver 2014 et 2015, mais a justifié cette baisse auprès des délégués du personnel par une sortie de flotte anticipée et rapide des A340, outre la non réception d’un B777 en avril 2016 réduisant l’aspiration des CDB A330-340 vers ce secteur et la poursuite du retrait de la flotte A340 accompagnée par la mise en ligne du 787.
Si M. [U] observe enfin que la programmation de l’arrivée ou de la sortie d’un avion s’effectue usuellement de manière très anticipée, ces éléments, pris dans leur ensemble, ne sont pas de nature à caractériser d’intention de la société Air France d’inverser la liste de séniorité.
M. [U] établit en revanche une négligence avérée dans l’organisation d’une programmation aussi inhabituelle que massive et cahotique, les annulations nombreuses subséquentes, quelques mois avant l’échéance de la phase transitoire de 10 ans de l’accord PNT 2006, ayant par application de l’article 2.4.5.3 sur une population nombreuse, contribué à avancer, avant même le 1er avril 2016, la fermeture définitive de la voie d’accès direct à un poste de CDB long-courrier aux OPL long-courrier.
Sur l’existence d’un préjudice
Il résulte des développements qui précèdent que la société Air France en ne respectant pas ses engagements pris dans le cadre de l’accord PNT 2006 et en ayant commis des négligences dans la programmation du stage de qualification CDB 330/340 de la campagne de qualification hiver 2014/2015 a déséquilibré l’économie générale de l’accord PNT et compromis par son comportement fautif la possibilité pour certains OPL long-courrier de bénéficier de la période transitoire pour pouvoir accéder à un stage CDB directement sur long-courrier.
En l’absence de droit à évolution de carrière et n’ayant pas été programmés, le préjudice subi par les salariés concernés ne peut cependant consister qu’en une perte de chance, dont la société Air-France soutient subsidiairement que la preuve n’en est pas rapportée.
Constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. La perte de chance ne saurait constituer un préjudice indemnisable que si la chance perdue est sérieuse, c’est-à-dire si la probabilité que l’événement se réalise était importante.
M. [U], qui a candidaté pour des campagnes de qualification CDB long-courrier antérieures à la fin de la période transitoire, justifie par la date d’amortissement de sa dernière qualification et son rang de séniorité avoir perdu une chance certaine de pouvoir devenir CDB avant la fin de la période transitoire du fait du non respect par la société Air France des engagements pris dans le cadre de l’accord PNT 2006.
Il lui est dû réparation de son préjudice.
Sur les dommages-intérêts
Le préjudice subi ne peut être réparé en nature mais par l’allocation de dommages-intérêts.
La réparation se mesure à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Cette perte de chance doit être mesurée à l’aune du rang de seniorité du salarié à l’échéance de la période transitoire (1335ème en avril 2016).
Doit aussi être considéré le fait que cette perte de chance de devenir directement CDB long courrier n’a pas hypothéqué toute possibilité de devenir CDB long-courrier dans la suite de sa carrière, sous réserve cependant d’un passage non désiré comme commandant de bord moyen-courrier au prix d’une perte de revenu.
Resté OPL long-courrier sur B777 après avoir vainement candidaté pour un stage CDB tant sur sur B777 que A340/A330 durant la période transitoire, M. [U], né en 1963, n’a plus persisté ensuite et a fait le choix d’adhérer au dispositif de départ volontaire en vue de partir à la retraite organisé par un accord du 24 juin 2020 et a signé une convention de rupture conventionnelle à effet du 31 août 2020.
Aux termes de l’article 3.3 de cette convention, le salarié a reconnu qu’aucune autre somme que celles visées à l’article 3 ne lui est due au titre de la rupture du contrat de travail.
En considération de ces éléments et des pièces produites, le préjudice matériel et moral résultant de sa perte de chance justifie de condamner la société Air France à lui payer une somme de 70.000€ à titre de dommages-intérêts.
Sur le cours des intérêts
En application de l’article 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société Air France sera condamnée aux entiers dépens de l’instance et conservera la charge de ses frais irrépétibles.
Elle sera condamnée à verser à M. [U] une somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ,
Et statuant à nouveau,
DIT que M. [U] est recevable en ses demandes ;
CONDAMNE la société Air France à verser à M. [U] la somme de 70.000€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;
CONDAMNE la société Air France aux dépens ;
CONDAMNE la société Air France à payer à M. [U] la somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Air France de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE