Convention de rupture conventionnelle : 23 novembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/01508

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Convention de rupture conventionnelle : 23 novembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/01508

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/01508 – N° Portalis DBVK-V-B7E-ORUF

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 13 FEVRIER 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN N° RG 18/00356

APPELANT :

Monsieur [G] [C]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me IQBAL avocat pour Me Matthieu BRAZES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMES :

Maître [H] [N] Es qualité de mandataire liquidateur de la SARL ANTOM,

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES – PY – MOLINA – BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Association CGEA DE [Localité 4] UNEDIC

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me CHATEL avocat de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 19 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 OCTOBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

– contradictoire;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

M. [C] a été embauché par la société ANTOM le 3 novembre 2014 en qualité d’aide cuisinier niveau 1 échelon 1 selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à raison de 20 heures par semaine moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 086,08 €.

Le 1er juin 2015, par avenant, la durée du travail est portée à 25 heures par semaine moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 357,55 €.

Le 16 mars 2018, une convention de rupture conventionnelle est homologuée par l’inspection du travail, avec effet au 6 avril 2018.

Le 5 septembre 2018, la société ANTOM est placée en redressement judiciaire.

M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Perpignan le 1er octobre 2018, contestant la rupture du contrat de travail et sollicitant le versement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts et indemnités.

Le 3 avril 2019, le tribunal de commerce de Perpignan prononce la liquidation judiciaire de la société ANTOM, désignant Me [N] en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement rendu le 13 février 2020, le conseil de prud’hommes de Perpignan a :

Constaté que M. [C] n’apporte aucun élément de preuve permettant d’étayer sa demande d’heures supplémentaires pour un montant de 31 558 € ;

Débouté M. [C] de sa demande d’heures supplémentaires comme étant infondée et injustifiée ;

Débouté les parties de l’ensemble de leurs autres demandes;

Condamné M. [C] aux entiers dépens de l’instance.

*******

M. [C] a interjeté appel de ce jugement le 13 mars 2020.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 12 septembre 2022, il demande à la cour de :

Requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein du 6 avril 2015 au 6 avril 2018 ;

Dire et juger que la moyenne des trois derniers mois de salaire est d’un montant de 2 139,61 € par mois ;

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ANTOM les sommes suivantes :

28 254,18 € à titre de rappel de salaire pour la période du 6 avril 2015 au 6 avril 2018, outre la somme de 2 825,42 € au titre des congés payés afférents ;

12 837,65 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

589,37 € au titre de la revalorisation de l’indemnité de rupture conventionnelle ;

3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonner à Me [N], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société ANTOM, de lui remettre les bulletins de salaire d’avril 2015 à avril 2018 ainsi que les documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir ;

Déclarer le jugement à intervenir opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 4] ;

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

*******

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 29 septembre 2020, Me [N], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société ANTOM, demande à la cour de :

Rejeter la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

Rejeter la demande de rappel de salaire consécutif à la requalification du contrat de travail ;

Subsidiairement, vu les dispositions de l’article L.3245-1 du Code du travail,

Constater que la demande d’heures supplémentaires formulées antérieurement au 26 février 2016 est prescrite ;

Rejeter la demande d’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé au motif qu’elle est prescrite et qu’il s’agit d’une demande nouvelle devant la Cour d’appel ;

Subsidiairement, rejeter la demande en l’absence de travail dissimulé,

Infiniment plus subsidiairement, rejeter la demande en l’absence d’intention frauduleuse de l’employeur ;

Rejeter la demande de revalorisation de l’indemnité de rupture conventionnelle au motif qu’il s’agit d’une demande nouvelle devant la cour d’appel ;

Subsidiairement, la rejeter en l’absence de rappel de salaire;

Condamner M. [C] au paiement de la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

*******

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 29 juin 2020, l’UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :

Débouter M. [C] de ses demandes de rappel de salaires antérieures au 26 février 2016 et de travail dissimulé car étant prescrites ;

Débouter M. [C] de ses demandes nouvelles développées pour la première fois en cause d’appel ;

Constater qu’en tout état de cause la garantie est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à l’un des trois plafonds définis par l’article D.3253-5 du Code du travail et qu’en l’espèce c’est le plafond 6 qui s’applique ;

Exclure de la garantie AGS les sommes éventuellement fixées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, dépens et astreinte ;

Dire que toute créance sera fixée en brut et sous réserve de cotisations sociales et contributions éventuellement applicables, conformément aux dispositions de l’article L.3253-8 in fine du Code du travail ;

Lui donner acte de ce qu’il revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan des conditions de la mise en ‘uvre du régime d’assurance de créances des salariés que de l’étendue de ladite garantie.

*******

Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 19 septembre 2022 fixant la date d’audience au 10 octobre 2022.

*******

MOTIFS :

Sur la recevabilité des demandes nouvelles :

L’article 564 du Code de procédure civile dispose que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. ».

L’article 566 du Code de procédure civile ajoute que « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. ».

En l’espèce, Me [N], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société ANTOM, soutient que M. [C] soulève pour la première fois en appel deux demandes nouvelles qui sont par conséquent irrecevables : l’indemnité de travail dissimulé et la revalorisation de l’indemnité de rupture conventionnelle.

Or, la demande d’indemnité de travail dissimulé est la conséquence nécessaire de la demande de rappel d’heures supplémentaires présentée devant les premiers juges, l’acceptation de cette demande constituant d’ailleurs l’élément matériel du délit de travail dissimulé.

En outre, la demande de revalorisation de l’indemnité de rupture conventionnelle est la conséquence nécessaire de la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet qui est elle-même la conséquence nécessaire de la demande d’heures supplémentaires. Effectivement, il convient de vérifier le respect de du montant minimum de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle en raison de l’augmentation de la rémunération mensuelle de référence.

Par conséquent, les demandes nouvellement présentées pour la première fois en cause d’appel sont recevables.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein :

Sur la prescription :

L’article L.3245-1 du Code du travail dispose que « l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. ».

L’action en requalification du contrat de travail en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire soumise au délai de prescription prévu par l’article L.3245-1 du Code du travail.

En l’espèce, M. [C] sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du 6 avril 2015.

M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Perpignan le 1er octobre 2018, alors que le contrat de travail était rompu depuis le 6 avril 2018.

Dès lors, en vertu de l’article L.3245-1 in fine du Code du travail, M. [C] est fondé à solliciter la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet jusqu’à 3 ans avant la date de la rupture du contrat de travail, soit à compter du 6 avril 2015.

Sur le fond :

L’article 13 de l’avenant n°2 du 5 février 2007 de la convention collective applicable relatif à l’aménagement du temps de travail dispose que « le nombre d’heures complémentaires effectuées au cours de la même semaine ou d’un mois ne peut être supérieur au 1/3 de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue au contrat. ».

L’article L.3123-9 du Code du travail dispose que « les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement. ».

En cas de litige, l’employeur doit prouver, d’une part, la durée exacte de travail, mensuelle ou hebdomadaire, convenue et sa répartition, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

En l’espèce, M. [C] sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet au motif que dès son embauche il réalisait des semaines de travail de 39 heures et parfois davantage. Au soutien de sa prétention, il produit aux débats un décompte manuscrit mensuel des heures complémentaires qu’il prétend avoir réalisées du 1er novembre 2014 au 31 décembre 2017 dont il résulte qu’il effectuait en moyenne 44 heures complémentaires par mois, soit une moyenne de 10 heures par semaine.

Me [N], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société ANTOM, conteste le fait que M. [C] ait réalisé des heures complémentaires. Elle produit aux débats le contrat de travail initial prévoyant la réalisation de 20 heures par semaine à raison de 4 heures par jour du lundi au vendredi ainsi que l’avenant du 1er juin 2015 portant la durée du travail à 25 heures à raison de 5 heures par jour du lundi au vendredi. Ces deux conventions prévoient que « il sera remis au salarié lors de sa prise de fonction un planning précisant les horaires de travail pour chaque journée travaillée. A la demande de l’employeur, Monsieur [G] [C] pourra être amené à effectuer des heures complémentaires dans la limite de 10% de sa durée de travail hebdomadaire. ».

Elle produit également quatre attestations.

Dans son attestation datée du 24 juin 2020, M. [X], ancien associé de la société ANTOM, témoigne de ce qu’il n’a pas eu connaissance d’heures supplémentaires non payées à M. [C] et de ce que le cabinet comptable et ses associés, MM. [U] et [V] ne lui ont pas transmis d’informations à ce sujet sur la période de travail concernée.

Toutefois, le fait que M. [X] n’en ait pas été informé ne démontre pas l’absence de réalisation d’heures complémentaires.

Dans leurs attestations, M. [W], ami d’enfance du gérant, ainsi que Mme [S] et M. [U], parents du gérant, attestent de ce qu’il n’est pas possible que M. [C] ait effectué des heures complémentaires dans la mesure où il arrivait en retard, était souvent absent et compte tenu de la faible activité du restaurant.

Toutefois, ces attestations n’ont aucune valeur probante dans la mesure où les attestants n’étaient pas présents sur le lieu de travail pour constater personnellement les faits dont ils témoignent.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur, qui ne produit aucun planning ou relevé des heures effectuées, n’apporte pas d’élément suffisant permettant de justifier que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition, ni que le salarié réalisait uniquement les heures contractuellement prévues.

Par conséquent, le contrat de travail de M. [C] sera requalifié en contrat de travail à temps complet à compter du 6 avril 2015.

M. [C] est fondé à percevoir un rappel de salaire sur la base d’une rémunération brute horaire de 12,5314 € jusqu’au 30 septembre 2016 puis 12,5319 € au-delà. Le salarié était rémunéré à hauteur de 108,33 heures par mois, de sorte qu’il est fondé à percevoir un complément de salaire à hauteur de 43,34 heures par mois à compter du 6 avril 2015.

Par conséquent, M. [C] est fondé à percevoir la somme de (18×43,34×12,5314)+(18×43,34×12,5319), soit 19 552,80 € à titre de rappel de salaire consécutif à la requalification du contrat de travail, outre la somme de 1 952,28 € au titre des congés payés afférents. Ces sommes seront fixées au passif de la société ANTOM par Me [N], ès-qualités de mandataire liquidateur.

Sur les heures supplémentaires :

Il ressort des termes de l’article L.3171-4 du Code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties. Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [C] soutient avoir réalisé en moyenne 39 heures de travail par semaine. Il sollicite le versement d’un rappel de salaire à hauteur de 4 heures supplémentaires majorées à 10%. Au soutien de son affirmation, il produit un décompte manuscrit mensuel sur la période de novembre 2014 à décembre 2017 des heures qu’il prétend avoir réalisées en sus des 25 heures hebdomadaires contractuellement convenues.

M. [C] produit également quatre attestations.

Dans son attestation datée du 7 mars 2020, M. [B] témoigne de ce qu’il a vu M. [C] effectuer les services du midi et du soir du mardi au samedi.

Toutefois, d’une part, M. [B] ne précise pas en quelle qualité il a pu personnellement constater ces faits. D’autre part, cette attestation ne permet pas de justifier des horaires effectivement réalisés.

Dans son attestation datée du 7 mars 2020, M. [V], témoigne de ce que durant la période où il était co-gérant du restaurant où travaillait M. [C] (du 23 juin 2014 au mois de mars 2017), ils devaient lui proposer et lui faire signer un contrat de 39 heures « car il effectuait bien plus d’heures que notées sur son contrat ». Il précise que la mauvaise gestion financière de la société les a empêché de faire ce qu’ils avaient prévu mais que ces heures auraient dû lui être réglées lors de son départ.

Dans sa première attestation datée du 21 mai 2020, Mme [P] témoigne de ce qu’elle a travaillé pour la société ANTOM « durant une période d’un an de 2016 à 2018 » (sic) et qu’elle a constaté que M. [C] faisait « des heures bien plus importantes que celles stipulées sur son contrat de travail », qui auraient dû lui être payées à son départ, ce qui n’a pas été le cas.

Enfin, dans sa seconde attestation datée du 9 septembre 2022, Mme [P] témoigne de ce qu’elle a travaillé dans le restaurant d’avril 2016 au mois de juin ou mai 2018 et de ce qu’elle faisait avec M. [C] les horaires suivants : « du lundi au samedi de 10h à 15h et les soirs de 18h00 à 01h00 ». Elle précise qu’ils ouvraient souvent le restaurant à deux avec M. [C], qu’il faisait plus d’heures que celles stipulées sur son contrat et qu’ils effectuaient entre 40 et 60 heures par semaine.

Il résulte de ces différents éléments que le salarié présente, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Me [N], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société ANTOM, conteste le fait que M. [C] ait réalisé des heures supplémentaires. Elle produit aux débats les quatre mêmes attestations que pour la contestation de la demande de requalification du contrat de travail.

Dans son attestation datée du 24 juin 2020, M. [X], ancien associé de la société ANTOM, témoigne de ce qu’il n’a pas eu connaissance d’heures supplémentaires non payées à M. [C] et de ce que le cabinet comptable et ses associés, MM. [U] et [V] ne lui ont pas transmis d’informations à ce sujet sur la période de travail concernée.

Toutefois, le fait que M. [X] n’en ai pas été informé ne démontre pas l’absence de réalisation d’heures supplémentaires.

Dans leurs attestations, M. [W], ami d’enfance du gérant, ainsi que Mme [S] et M. [U], parents du gérant, attestent de ce qu’il n’est pas possible que M. [C] ait effectué des heures complémentaires dans la mesure où il arrivait en retard, était souvent absent et compte tenu de la faible activité du restaurant.

Toutefois, ces attestations n’ont aucune valeur probante dans la mesure où les attestants n’étaient pas présents sur le lieu de travail pour constater personnellement les faits dont ils témoignent.

Enfin, Me [N], ès-qualité de mandataire liquidateur de la société ANTOM, souligne le fait que durant la relation contractuelle M. [C] n’a pas formulé de réclamation pour le paiement d’heures supplémentaires. Or, cela n’a pas pour effet de faire perdre au salarié son droit d’ester en justice à ce titre.

Toutefois, dans la mesure où, d’une part, le décompte produit aux débats ne permet pas d’identifier les semaines durant lesquelles M. [C] aurait effectué des heures supplémentaires, et où, d’autre part, celui-ci fait ressortir une moyenne de 10 heures réalisées par semaine en sus des 25 heures, il n’est pas démontré que la salarié a effectué plus de 35 heures de travail par semaine, de sorte qu’il a déjà été rempli de ses droits lors de la requalification du contrat de travail et de la fixation du rappel de salaire correspondant.

Par conséquent, M. [C] sera débouté de sa demande de rappel d’heures supplémentaires ainsi que de congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé :

L’article L 8221-5 du Code du travail dispose que « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

« 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

« 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

« 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. »

L’article L 8223-1 du Code du travail dispose que « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. ».

En l’espèce, M. [C] sollicite la fixation au passif de la somme de 12 837,65 € à titre d’indemnité de travail dissimulé au motif que la société ANTOM a intentionnellement dissimulé le fait qu’il était employé à temps complet.

A titre liminaire, Me [N], ès-qualité de mandataire liquidateur de la société ANTOM, soutient que la demande est prescrite dans la mesure où elle n’a pas été formulée dans le délai d’un an requis par l’article L.1471-1 du Code du travail pour les actions portant sur la rupture du contrat de travail.

Or, le contrat de travail a été rompu le 6 avril 2018 et M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes le 1er octobre 2018, ce qui a eu pour effet d’interrompre la prescription, de sorte que la demande de travail dissimulé n’est pas prescrite.

L’élément matériel du délit de travail dissimulé est caractérisé par le fait que M. [C] a réalisé des heures complémentaires qui ont donné lieu à la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet.

L’élément intentionnel du délit de travail dissimulé est caractérisé par le fait que l’employeur avait nécessairement connaissance de ce que son salarié effectuait le travail d’un employé à temps complet alors même qu’il était déclaré comme travaillant à temps partiel à raison de 20 puis 25 heures hebdomadaires et ce pendant au moins 3 ans.

Par conséquent, les éléments constitutifs du délit de travail dissimulé sont rapportés. Le salaire horaire brut de référence s’élève à la somme de 12,5319 €, de sorte que son salaire mensuel brut se porte à la somme de 1 900,71 €. Me [N], ès-qualité de mandataire liquidateur de la société ANTOM, sera condamnée à fixer au passif de ladite société la somme de 11 404,26 € à titre d’indemnité de travail dissimulé.

Sur la revalorisation de l’indemnité de rupture conventionnelle:

L’article L.1237,13 du Code du travail dispose que le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle ne peut être inférieur à celui de l’indemnité de licenciement, laquelle est égale à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté en vertu de l’article R.1234-2 du même code.

En l’espèce, M. [C] avait une ancienneté de 3,42 années au jour de la rupture avec un salaire mensuel brut de référence de 1 900,71 €. Il a perçu la somme de 1 240 € à titre d’indemnité de rupture conventionnelle alors qu’il aurait dû percevoir la somme de (1 900,71/4×3,42), soit 1 625,10 €.

Par conséquent, Me [N], ès-qualité de mandataire liquidateur de la société ANTOM, sera condamnée à fixer au passif de ladite société la somme de 385,10 € à titre de solde d’indemnité de rupture conventionnelle.

Sur les autres demandes :

Me [N], ès-qualité de mandataire liquidateur de la société ANTOM, qui succombe principalement, sera tenue aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement rendu le 13 février 2020 par le conseil de prud’hommes de Perpignan en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande d’heures supplémentaires, et l’infirme pour le surplus ;

Déclare recevables les demandes nouvellement présentées en cause d’appel relatives à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, au travail dissimulé et à la revalorisation de l’indemnité de rupture conventionnelle ;

Statuant à nouveau ;

Constate que les demandes salariales de M. [C] antérieures au 6 avril 2015 sont prescrites ;

Y ajoutant ;

Requalifie le contrat de travail à temps partiel de M. [C] en contrat de travail à temps complet à compter du 6 avril 2015 ;

Fixe les créances de M. [C] au passif de la société ANTOM aux sommes suivantes :

– 19 552,80 € à titre de rappel de salaire consécutif à la requalification du contrat de travail, outre la somme de 1 952,28 € au titre des congés payés afférents ;

– 11 404,26 € à titre d’indemnité de travail dissimulé ;

– 385,10 € à titre de solde d’indemnité de rupture conventionnelle ;

Dit n’y avoir pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Me [N], ès-qualité de mandataire liquidateur de la société ANTOM, à fixer les condamnations ainsi que les dépens au passif de ladite société ;

Constate qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à l’un des trois plafonds définis par l’article D 3253-5 du Code du travail et qu’en l’espèce c’est le plafond 6 qui s’applique ;

Donne acte au CGEA de ce qu’il revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan des conditions de la mise en ‘uvre du régime d’assurance de créances des salariés que de l’étendue de ladite garantie.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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