Convention de rupture conventionnelle : 14 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 19/01314

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Convention de rupture conventionnelle : 14 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 19/01314

14 FEVRIER 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 19/01314 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FHXN

[N] [D]

/

SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER venant aux droits de la S.A.S. ENTREPRISE COSTA FERREIRA

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire d’aurillac, décision attaquée en date du 05 juin 2019, enregistrée sous le n° f17/00067

Arrêt rendu ce QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [N] [D]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Laurent LAFON de la SELARL AURIJURIS, avocat au barreau D’AURILLAC

APPELANT

ET :

SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER venant aux droits de la S.A.S. ENTREPRISE COSTA FERREIRA

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Nadia BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY, avocat plaidant

INTIMEE

Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 28 Novembre 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société SOULIER, dont le siège social est situé à [Localité 3] (15), exerce une activité de maçonnerie générale et de gros oeuvre de bâtiment. Elle appartient au groupe LÉON GROSSE.

Monsieur [N] [D], né le 16 janvier 1988, a été embauché du 4 octobre 2010 au 31 octobre 2011 par la société SOULIER, en qualité de technicien de chantier, dans le cadre d’un contrat de professionnalisation. La relation contractuelle s’est ensuite poursuivie entre les parties selon un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié ayant alors exercé les fonctions de chef de chantier, position E, de la convention collective nationale des ETAM du bâtiment du 12 juillet 2006. A compter du 1er juillet 2012, selon avenant au contrat de travail signé le 26 juin 2012, Monsieur [N] [D] a été promu conducteur de travaux, position F de la convention collective nationale.

Le 1er janvier 2014, selon avenant signé par les parties, le contrat de travail de Monsieur [N] [D] a été transféré à la société COSTA FERREIRA (siège social à [Localité 6]) appartenant également au groupe LEON GROSSE, sans modification de ce contrat de travail (reprise d’ancienneté au 4 octobre 2010).

Le 21 décembre 2016, Monsieur [N] [D] a signé une rupture conventionnelle avec son employeur.

Le 19 septembre 2017, Monsieur [N] [D] a saisi le conseil de prud’hommes d’AURILLAC aux fins notamment de voir juger nulle la rupture conventionnelle de son contrat de travail pour vice du consentement, juger qu’elle emporte en conséquence les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaires.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 11 décembre 2017 (convocation présentée au défendeur employeur le 26 septembre 2017) et, comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement rendu contradictoirement le 5 juin 2019 (audience du 11 mars 2019), le conseil de prud’hommes d’AURILLAC a:

– dit n’y avoir lieu à requalification de la rupture conventionnelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté Monsieur [N] [D] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné Monsieur [N] [D] à verser à la société COSTA FERREIRA la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Le 1er juillet 2019, Monsieur [N] [D] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 20 juin 2019.

En 2021, la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER a absorbé la SAS COSTA FERREIRA.

L’affaire a été appelée à l’audience du 22 novembre 2021 de la chambre sociale de la cour d’appel de Riom. Les parties n’étant pas en état de plaider et de déposer leurs dossiers, l’affaire a été renvoyée à la mise en état par arrêt du 22 novembre 2021 avec révocation de l’ordonnance de clôture.

L’affaire a été fixée ensuite à l’audience du 28 novembre 2022.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 16 mars 2022 par la SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION SOULIER venant aux droits de la société COSTA FERREIRA,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 15 avril 2022 par Monsieur [N] [D],

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 31 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [N] [D] conclut à l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– annuler pour vice du consentement la rupture conventionnelle du contrat de travail, celle-ci devant produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence la SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA, à lui payer les sommes de :

* 30.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8.329,92 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 832,99 euros au titre des congés payés afférents,

* 6.574,27 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

– le recevoir en ses demandes de paiement de salaire pour les heures effectuées au-delà de 38 heures par semaine au titre des trois années antérieures à la rupture de son contrat de travail datée du 27 janvier 2017 et condamner la société COSTA FERREIRA, aux droits de laquelle vient désormais la SOCIETE d’EXPLOITATION SOULIER à lui payer les sommes de :

* 49.138,50 euros à titre de rappel de salaires, outre 4.913,85 euros au titre des congés payés afférents,

* 24.989,75 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

– le recevoir en ses demandes de paiement de compléments de salaire au titre des indemnités de repas sur les trois dernières années précédant la rupture de son contrat de travail et condamner l’employeur à lui payer la somme de 5.041,60 euros ;

– ordonner à la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA de lui remettre une attestation Pôle Emploi expurgée de la mention ‘rupture conventionnelle’ et la remplacer par celle de ‘licenciement sans cause réelle et sérieuse’ avec référence aux salaires réellement dûs sur les derniers mois (intégrant le rappel sur heures supplémentaires), un certificat de travail tenant compte de la date effective de rupture et donc du préavis qui aurait dû être respecté, outre un bulletin de salaire établi conformément aux dispositions de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de son prononcé ;

– infirmer le jugement en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens, condamner la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA à lui payer une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL AURIJURIS pour ceux dont elle aurait fait l’avance;

– débouter la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA, de toutes ses demandes

Monsieur [N] [D] conclut à la nullité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail à raison du caractère vicié de son consentement et excipe à cet égard avoir subi des pressions morales l’ayant conduit à ladite régularisation, outre de l’erreur manifeste qu’il a commise dès lors qu’il n’a pas été en mesure d’apprécier convenablement l’étendue de ses droits en sorte que la décision qu’il a prise n’est pas suffisamment éclairée. Il relève en outre le délai d’une journée qui lui a été laissé entre sa convocation à l’entretien destiné à évoquer la rupture conventionnelle de son contrat de travail et la tenue effective de celui-ci, étant considéré qu’il n’a pas été mis en mesure de recourir à l’assistance d’un conseil extérieur en l’absence de toute instance représentative du personnel au sein de l’entreprise.

L’appelant sollicite un rappel de salaire pour heures supplémentaires à raison de 14,30 heures hebdomadaires dont il n’a pas été réglé. Il conteste à cet égard avoir été soumis à un forfait et revendique le paiement des heures accomplies au-delà de 38 heures par semaine. Il considère par ailleurs que l’employeur a volontairement dissimulé une partie de son travail et sollicite subséquemment le paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Monsieur [N] [D] réclame ensuite le paiement des indemnités de repas dont il bénéficiait antérieurement au mois de mai 2012 dès lors que l’employeur ne justifie pas de la dénonciation régulière de cet usage en vigueur au sein de la société SOULIER.

Dans ses dernières écritures, la SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la société COSTA FERREIRA, conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, de débouter Monsieur [D] de toutes ses demandes, de condamner l’appelant à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’intimée conteste le bien fondé de la demande de rappel de salaires présentée par le salarié au motif que celui-ci ne démontre pas objectivement avoir accompli des heures supplémentaires à la demande de l’employeur et pour son compte, étant relevé que celui-ci se contente de produire un calcul global sans décompte précis de ses horaires de travail, duquel s’évince par ailleurs des discordances avec les demandes qu’il formule en cause d’appel.

Elle réfute, eu égard à l’absence de bien fondé du chef de demande afférent aux heures supplémentaires, être coupable du délit de travail dissimulé.

Elle conclut au débouté du salarié du chef du remboursement de sa contribution salariale aux titres restaurant en 2016 dès lors qu’une telle contribution recouvre un caractère obligatoire.

Concernant l’indemnité de repas demandée, elle soutient qu’il n’existe aucun usage au sein de l’entreprise concernant les conducteurs de travaux et administratifs à ce titre et qu’aucune disposition conventionnelle n’en prévoit le bénéfice.

Elle soutient enfin que la rupture conventionnelle régularisée entre les parties est parfaitement valable en l’absence de tout vice du consentement. Elle rappelle qu’il est constant qu’un différend existant entre les parties n’est pas de nature à vicier le consentement de l’une d’entre elles et qu’en tout état de cause, Monsieur [D] ne démontre pas avoir subi de quelconques pressions destinées à influer sur son consentement. Elle souligne enfin l’absence de mise en oeuvre de son droit à rétractation par le salarié.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

– Sur la rupture conventionnelle –

L’employeur et le salarié peuvent décider en commun de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée en signant une convention soumise à homologation administrative, ou à autorisation administrative s’agissant des salariés protégés.

La rupture conventionnelle homologuée est le seul mode de rupture amiable individuelle du contrat de travail à durée indéterminée, sauf dispositions légales contraires, telles que celles prévues en cas de rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat d’apprentissage.

Toute rupture amiable conclue en dehors de la procédure de rupture conventionnelle homologuée (ou autorisée) s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La rupture conventionnelle est une forme de rupture amiable du contrat de travail à durée indéterminée et la convention de rupture ne peut être valablement conclue que si elle manifeste le consentement libre et non équivoque du salarié pour mettre fin au contrat de travail et si elle respecte les droits auxquels il peut prétendre.

La rupture conventionnelle homologuée doit garantir la liberté de consentement des parties. Elle est nulle en cas de fraude ou de vice du consentement, mais aussi lorsque le non-respect d’une formalité requise est de nature à compromettre l’intégrité du consentement du salarié. Elle ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Les parties doivent être mentalement aptes à signer une rupture conventionnelle. Tel n’est pas le cas si les facultés mentales d’une partie sont altérées ou si le salarié était alors dans une situation de fragilité extrême, par exemple en raison d’une maladie, qui a altéré sa capacité à consentir.

Rien ne s’oppose à la signature d’une rupture conventionnelle avec un salarié dont le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie, accident du travail, congé de maternité, congé parental d’éducation ou autre, sauf si l’élément médical ou l’événement peut altérer la liberté de consentement du salarié ou en cas de fraude de l’employeur qui a cherché par ce biais à échapper à ses obligations vis-à-vis du salarié.

Il appartient au salarié qui invoque la nullité de la rupture conventionnelle de démontrer l’existence du vice du consentement qu’il allègue et le lien avec sa signature de la convention de rupture.

L’existence d’un différend entre l’employeur et le salarié n’affecte pas, par elle-même, la validité de la convention de rupture. Toutefois, en cas de rupture signée dans un contexte particulièrement conflictuel, les juges peuvent considérer que le consentement du salarié n’a pas été donné librement.

Une situation de tension ou violence morale entre employeur et salarié, où même de harcèlement, ne prive pas nécessairement le salarié de sa liberté de consentement ou de sa capacité à consentir ou non à la signature d’une convention de rupture.

Il appartient au salarié qui invoque la nullité de la rupture conventionnelle de démontrer que la situation de tension ou de conflit a exercé sur lui une contrainte sans laquelle il n’aurait jamais signé la convention de rupture.

Le juge doit rechercher si la situation de conflit, tension, violence morale, ou même harcèlement, et la dégradation, ou altération, de l’état de santé du salarié qui en résulte a entraîné une contrainte morale telle que qu’elle l’empêchait de disposer d’un consentement libre et éclairé au jour de la signature de la convention de rupture. Toutefois, en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral ou d’un contexte de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture.

Le vice du consentement n’est pas limité aux seuls cas de violences, morales et/ou physiques, exercées sur le salarié, ou de harcèlement moral avéré. Il peut aussi résulter des informations erronées que l’employeur fournit au salarié ou de la dissimulation d’éléments déterminants dans sa prise de décision.

La Cour de cassation laisse en principe aux juges du fond le soin d’apprécier l’existence ou l’absence de vice du consentement.

La convention de rupture est librement négociée au cours d’un ou plusieurs entretiens préalables, pendant lesquelles le salarié peut se faire assister selon les mêmes modalités que celles applicables à l’entretien préalable de la procédure de licenciement. L’assistance de l’employeur est également possible quand le salarié se fait lui-même assister. Dans ce cas, l’employeur doit en informer le salarié.

Le manquement de l’employeur à son obligation d’informer le salarié de la possibilité de se faire assister, ni le fait que l’employeur ait été le seul à être assisté ne justifient pas l’annulation de la convention de rupture, sauf si le salarié prouve avoir subi, du fait de ce déséquilibre, des pressions ou contraintes l’obligeant à signer la convention de rupture.

L’assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable à la signature de la convention de rupture ne peut entraîner la nullité de la rupture conventionnelle que si elle a engendré une contrainte ou une pression pour le salarié qui se présente seul à l’entretien.

Le défaut d’information du salarié d’une entreprise ne disposant pas d’institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister, lors de l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative n’a pas pour effet d’entraîner la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun.

La convention de rupture conventionnelle individuelle peut être signée dès la fin d’un entretien unique, aucun délai de réflexion n’étant imposé par la loi.

Aucun délai n’est imposé par les textes entre, d’une part, l’entretien au cours duquel les parties conviennent de la rupture conventionnelle et, d’autre part, la signature de la convention de rupture. Une convention de rupture ne peut donc être déclarée nulle du seul fait que qu’elle a été signée le jour même, ou le lendemain, de l’entretien préalable.

En l’absence d’entretien préalable à la signature de la convention de rupture, ce qu’il appartient au salarié de prouver, la rupture conventionnelle individuelle est nulle. Si le défaut du ou des entretiens prévus par les textes relatifs à la conclusion d’une convention de rupture entraîne la nullité de la convention, c’est à celui qui invoque cette cause de nullité d’en établir l’existence.

La rupture conventionnelle peut être conclue après un entretien préalable à une sanction disciplinaire, dès lors que les parties en conviennent et négocient la rupture conventionnelle individuelle au cours de cet entretien.

L’employeur n’est pas tenu de convoquer le salarié par écrit aux entretiens préalables, lesquels peuvent avoir lieu dans un endroit extérieur à l’entreprise.

La convention de rupture définit les conditions de cessation du contrat de travail et notamment : – le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 du code du travail ; – la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation (ou de l’autorisation administrative pour un salarié protégé).

Aucun préavis n’est prévu par les textes, mais les parties peuvent librement s’accorder sur la date de rupture du contrat de travail qui leur convient, du moment que celle-ci soit fixée au plus tôt le lendemain du jour de l’homologation (ou de l’autorisation administrative pour un salarié protégé).

La convention de rupture doit, sous peine de nullité, mentionner la date à laquelle elle a été signée, cette date marquant le point de départ du délai de rétractation. Une erreur sur la date de la rupture du contrat de travail ne justifie pas en elle-même l’annulation de la convention, à charge pour le juge de rectifier cette erreur. Lorsque la date de signature de la convention de rupture, non mentionnée sur la convention, est incertaine et qu’il n’est pas possible en conséquence de déterminer le point de départ du délai de rétractation, la convention est nulle. Mais une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d’expiration du délai de quinze jours prévu par l’article L. 1237-13 du code du travail ne peut entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit à rétractation.

A compter de la date de sa signature de la convention de rupture conventionnelle individuelle par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. L’erreur de calcul du délai de rétractation dans la convention de rupture ne justifie pas son annulation, si elle n’a pas eu pour effet de vicier le consentement du salarié et si ce dernier a bien eu la possibilité de se rétracter. La rétractation n’a pas à être motivée.

Sauf autre accord des parties, le contrat de travail continue à s’exécuter normalement jusqu’à la date fixée pour la rupture.

Le contentieux de la rupture conventionnelle relève de la compétence de la juridiction prud’homale. Le recours doit être introduit dans les douze mois de l’homologation ou du refus d’homologation de la convention. La prescription annale est écartée en cas de fraude si celle-ci a eu pour finalité de permettre l’accomplissement de cette prescription ; le point de départ du délai est reporté au jour où celui qui invoque la fraude en a eu connaissance. Ce délai de douze mois s’applique également à l’action en paiement de l’indemnité de rupture conventionnelle. Passé ce délai de douze mois, la convention de rupture devient définitive et toute demande au titre de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée est irrecevable.

En cas d’annulation de la convention de rupture, la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La nullité de la convention de rupture emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention. En conséquence, comme l’annulation de la convention fait produire à la rupture du contrat de travail les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié doit restituer les sommes perçues en exécution de la convention, mais il a droit à l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis (et congés payés afférents), l’indemnité compensatrice de congés payés, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais pas à l’indemnité pour procédure irrégulière.

En l’espèce, Monsieur [N] [D] demande à la cour d’annuler la rupture conventionnelle de son contrat de travail en soutenant que son consentement a été vicié du fait d’une ‘pression morale’ exercée par l’employeur. Il invoque à la fois l’erreur, le dol et la violence.

La cour constate que Monsieur [N] [D], dans ses écritures, avant même la partie ‘discussion’, présente de longs développements pour expliquer que s’il avait su qu’il existait un délai de carence pour la perception des allocations chômage, il n’aurait jamais signé une rupture conventionnelle. Nul n’étant censé ignorer la loi, il ne sera pas développé outre sur cette longue argumentation qui ne saurait correspondre à un vice du consentement au titre d’une erreur manifeste commise par le salarié sur l’étendue de ses droits. En tout état de cause, il ne saurait être reproché à la société COSTA FERREIRA de ne pas avoir donné au salarié des éléments déterminants dans sa prise de décision en ce que l’employeur n’aurait pas expressément avisé Monsieur [N] [D] des conséquences de la signature d’une rupture conventionnelle vis-à-vis de Pôle Emploi.

Monsieur [N] [D] relève également que la preuve de son libre consentement à la signature de rupture conventionnelle n’est pas rapportée. Toutefois, il a déjà été rappelé (cf supra) qu’il appartient au salarié qui invoque la nullité de la rupture conventionnelle de démontrer l’existence du vice du consentement qu’il allègue et le lien avec sa signature de la convention de rupture.

Lors de l’entretien annuel réalisé en date du 17 novembre 2015, vu le procès-verbal établi en conséquence, la direction de la société COSTA FERREIRA a indiqué à Monsieur [N] [D] qu’il était un salarié compétent, dynamique et travailleur, avec un bon esprit, mais qu’il devait veiller à gagner en maturité et à prendre du recul en prenant conscience de l’image qu’il renvoyait. En matière de perspectives d’évolution de carrière, il est indiqué que si Monsieur [N] [D] progresse sur la prise de recul et le sens des responsabilités, il passera cadre pour prendre le poste de directeur de la société à compter du 1er octobre 2016.

Par courrier daté du 26 septembre 2016, remis en main propre au salarié, la société COSTA FERREIRA a notifié une mise en garde à Monsieur [N] [D]. L’employeur reprochait au salarié un comportement inadapté (absence de maîtrise de soi et de retenue, excitabilité, manque de maturité et de recul) à l’égard de la direction et de ses collègues de travail ainsi que le refus de prendre en charge un démarrage de chantier ([Localité 5]) le 15 septembre 2016. L’employeur a mis en demeure Monsieur [N] [D] de modifier son comportement. Dans ce courrier, l’employeur évoque le fait que Monsieur [N] [D] aurait manifesté le souhait de quitter l’entreprise par le biais d’une rupture conventionnelle dès fin mai 2016, l’accord de la société COSTA FERREIRA en ce sens, le délai de réflexion finalement demandé par le salarié.

Par courrier daté du 5 octobre 2016 adressé au directeur de la société COSTA FERREIRA, Monsieur [N] [D] a contesté les griefs évoqués dans la lettre du 5 octobre.

Par courrier daté du 20 octobre 2016, la société COSTA FERREIRA a notifié au salarié qu’elle maintenait la mise en garde explicitée dans son courrier du 5 octobre.

Par courrier en date du 12 décembre 2016, remis en main propre au salarié, la société COSTA FERREIRA a convoqué Monsieur [N] [D] à un entretien préalable (fixé au 20 décembre 2016) à une éventuelle mesure de licenciement, avec notification d’une mise à pied conservatoire. La société COSTA FERREIRA expose qu’elle reprochait alors à Monsieur [N] [D] son attitude vis-à-vis d’un sous-traitant (MEALLET) ainsi que d’avoir détourné des documents d’entreprise ou obtenu indûment des documents d’entreprise.

L’entretien préalable à un éventuel licenciement s’est tenu le 20 décembre 2016 entre Madame [I] [L], représentant l’employeur, et Monsieur [N] [D].

Monsieur [B] [V], chef de chantier dans l’entreprise, atteste avoir été présent pour assister Monsieur [N] [D] lors de l’entretien du 20 décembre 2016 et avoir constaté que l’appelant et Madame [I] [L] s’étaient finalement accordés sur une indemnité de rupture conventionnelle de 20.000 euros.

Par courrier daté du 20 décembre 2016, remis en main propre au salarié, l’employeur a convié Monsieur [N] [D] à un entretien fixé au 21 décembre 2016, vu leur volonté commune de mettre amiablement un terme à la relation de travail. La lettre précise que le salarié a la possibilité de se faire assister par une personne appartenant au personnel de l’entreprise, ou par un conseiller extérieur choisi sur une liste consultable à la mairie de son domicile ou à l’inspection du travail d'[Localité 3].

A l’issue de l’entretien intervenu le 21 décembre 2016, les parties ont régularisé le même jour une rupture conventionnelle du contrat de travail. Ce document, daté du 21 décembre 2016, indique un seul entretien en date du 21 décembre 2016, sans que le représentant de l’employeur et le salarié ne soient assistés. Monsieur [N] [D] a signé (lu et approuvé) la convention de rupture et apposé de façon manuscrite la mention suivante : ‘je reconnais avoir reçu un exemplaire original de la présente convention’.

La convention de rupture mentionne notamment :

– une ancienneté de 6 ans et 3 mois pour le salarié ;

– une rémunération mensuelle brute de référence de 2.800 euros ;

– une indemnité de rupture conventionnelle de 22.500 euros ;

– une date de rupture du contrat de travail envisagée au 27 janvier 2016 (2017):

– un délai de rétractation expirant le 5 janvier 2016 (2017).

Il n’est pas contesté que cette convention de rupture a ensuite été régulièrement homologuée.

Par courrier daté du 21 décembre 2016, l’employeur a indiqué à Monsieur [N] [D] que la mise à pied conservatoire n’avait plus lieu d’être et que les journées du 12 au 15 décembre 2016 lui seraient payées en considération de son arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 16 décembre 2016.

Monsieur [N] [D] a été en arrêt de travail pour cause de maladie (arthroscopie du genou gauche) du 11 janvier 2017 au 12 février 2017. Il a été hospitalisé uniquement le 11 janvier 2017.

L’employeur a établi les documents de fin de contrat de travail en date du 1er février 2017. Ils mentionnent que Monsieur [N] [D] a été employé par la société COSTA FERREIRA du 4 octobre 2010 au 27 janvier 2017, l’existence d’une rupture conventionnelle et une indemnité de rupture de 22.500 euros.

Le 16 février 2017, Monsieur [N] [D] a reçu un solde de tout compte mentionnant la remise d’une somme de 23.045,95 euros par l’employeur.

En février-mars 2017, Monsieur [N] [D] a créé et immatriculé sa propre société, la SARL CB CONSTRUCTION (siège social à [Localité 4] / objet et activité identiques à la société COSTA FERREIRA) dont il est devenu immédiatement le gérant.

Un erreur matérielle affecte la convention de rupture en ce que l’année 2016 est inscrite à la place de l’année 2017 s’agissant de la date de rupture du contrat de travail envisagée au 27 janvier 2016 (2017) et du délai de rétractation expirant le 5 janvier 2016 (2017). Toutefois, Monsieur [N] [D] ne justifie ni même ne soutient qu’il n’était pas informé, au moment de la signature de la convention, d’une date de rupture du contrat de travail envisagée au 27 janvier 2017 et d’un délai de rétractation expirant le 5 janvier 2017. Cette erreur matérielle n’a eu aucune incidence sur le consentement du salarié.

L’indemnité de rupture conventionnelle de 22.500 euros, pour une rémunération mensuelle brute de référence de 2.800 euros, est supérieure au montant de l’indemnité de licenciement (2,5/10 de mois par année d’ancienneté à partir de 2 ans révolus et jusqu’à 15 ans d’ancienneté).

Dès septembre 2016, des tensions sont apparues entre Monsieur [N] [D] et la société COSTA FERREIRA. L’employeur reprochait au salarié un manque de savoir-être (manque de maturité et de recul). Le salarié avait le sentiment de ne pas être reconnu à sa juste valeur par sa hiérarchie et sentait s’éloigner sa promotion comme cadre. Une mise en garde a été notifiée au salarié le 26 septembre 2016, puis, les relations se dégradant, une procédure de de licenciement pour motif disciplinaire a été engagée le 12 décembre 2016.

Il apparaît que Monsieur [N] [D] a envisagé de quitter la société COSTA FERREIRA pour créer sa propre entreprise au moins dès septembre 2016, même s’il n’avait pas encore arrêté définitivement sa décision et n’avait pas formalisé une demande de rupture conventionnelle auprès de l’employeur. La création, en février-mars 2017, et la gérance d’une société à objet et activité identiques à la société COSTA FERREIRA ont été précédées d’une phase de réflexion d’une durée raisonnablement supérieure à quelques jours.

Il est établi que lors de l’entretien du 20 décembre 2016, salarié et représentant de l’employeur ont discuté d’une rupture conventionnelle. En effet, le témoignage de Monsieur [B] [V] n’est pas sérieusement contredit en ce qu’il déclare avoir assisté Monsieur [N] [D] lors de l’entretien du 20 décembre 2016 et avoir constaté que l’appelant et Madame [I] [L] s’étaient accordés sur une indemnité de rupture conventionnelle de 20.000 euros. D’ailleurs, à l’issue de cet entretien, le 20 décembre 2016, par courrier remis en main propre au salarié, l’employeur a convié Monsieur [N] [D] à un entretien fixé au 21 décembre 2016 en mentionnant une volonté commune de mettre un terme à la relation de travail. Le 21 décembre 2016, Monsieur [N] [D] s’est rendu à cette invitation en toute connaissance de cause.

Nonobstant le fait que l’entretien du 20 décembre 2016 avait initialement un objet disciplinaire, il y a bien eu un premier échange sur la rupture conventionnelle à cette date.

Le second entretien du 21 décembre 2016 a permis de finaliser la transaction et de signer la convention de rupture. Monsieur [N] [D] ne conteste pas avoir reçu régulièrement un exemplaire de cette convention au jour de la signature.

Monsieur [N] [D] était assisté lors de l’entretien du 20 décembre 2016. Il ne l’était pas lors de l’entretien du 21 décembre 2016 mais l’employeur l’avait régulièrement avisé de son droit à assistance dans le courrier remis en main propre le 20 décembre 2016. Nonobstant, un défaut d’information sur le droit à assistance ainsi que le court délai entre la convocation et l’entretien du 21 décembre 2016 ne sont pas de nature à vicier le consentement du salarié en l’espèce puisque Monsieur [N] [D] avait déjà envisagé de quitter son employeur pour créer sa propre entreprise et avait échangé le 20 décembre 2016 sur une rupture conventionnelle avec une indemnité d’au moins 20.000 euros.

Monsieur [N] [D] n’a pas exercé son droit de rétractation vis-à-vis de la convention de rupture signée le 21 décembre 2016. Il a créé sa propre entreprise dès février-mars 2017 et n’a saisi le conseil de prud’hommes qu’en septembre 2017.

Il importe peu que les griefs échangés entre employeur et salarié avant la signature de la convention de rupture soient fondés ou non dans la mesure où l’existence d’un différend entre les parties n’a pas empêché en l’espèce Monsieur [N] [D] de disposer d’un consentement libre et éclairé au jour de la signature de la convention de rupture.

Il n’est pas justifié de pressions particulières exercées sur Monsieur [N] [D], une mise en garde et l’engagement d’une procédure de licenciement pour motif disciplinaire ne caractérisant pas à elles-seules, dans le contexte susvisé, l’existence d’un vice du consentement du salarié.

Une arthroscopie du genou réalisée le 11 janvier 2017, avec une seule journée d’hospitalisation, suivie d’un arrêt de travail jusqu’au 12 février pour des difficultés de déplacement, ne sont pas de nature à relever une situation de fragilité pouvant avoir altéré la capacité à consentir, ou à se rétracter, de Monsieur [N] [D] le 21 décembre 2016 et les jours suivants.

Monsieur [N] [D] ne saurait sérieusement reprocher à la société COSTA FERREIRA d’avoir voulu se débarrasser de lui, sans le nommer cadre, et de lui avoir cherché un éventuel remplaçant, alors que l’appelant envisageait à la même époque de quitter son employeur pour créer sa propre entreprise. Dans le cas d’une rupture conventionnelle, il est évident que les parties sont amenées à envisager préalablement leur séparation ainsi que les conséquences de celle-ci.

Comme le premier juge, la cour considère qu’aucun vice de son consentement n’est établi en lien avec la signature de la convention de rupture par Monsieur [N] [D], alors que la situation de conflit et les tensions qui existaient à l’époque considérée entre le salarié et l’employeur n’ont pas empêché Monsieur [N] [D] de disposer d’un consentement libre et éclairé au jour de la signature de la convention de rupture.

Le jugement sera confirmé en ce que Monsieur [N] [D] a été débouté de toutes ses demandes en relation avec sa prétention de voir annuler la convention de rupture pour vice du consentement et les conséquences de la rupture du contrat de travail.

– Sur les heures supplémentaires –

Les heures supplémentaires sont les heures de travail effectif accomplies au-delà de la durée hebdomadaire légale (35 heures selon l’article L. 3121-27du code du travail) ou de la durée considérée comme équivalente si elle existe (article L. 3121-28 , ancien L.3121-22).

La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles (article L. 3121-1 du code du travail).

En matière d’heures supplémentaires, le régime probatoire est fixé par l’article L. 3171-4 du code du travail, en tenant compte des articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail qui déterminent les obligations de l’employeur relatives au décompte du temps de travail.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail : ‘En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.’.

Aux termes de l’article L. 3171-2 du code du travail : ‘Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.’.

En application de l’article L. 3171-3 du code du travail, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

L’employeur doit être en mesure de fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription applicable aux salaires.

Les documents nécessaires au décompte individuel de la durée du travail de chaque salarié doivent être établis par l’employeur. La seule indication de l’amplitude journalière du travail, sans mention des périodes effectives de coupures et de pauses, est insuffisante. L’employeur peut demander au salarié d’effectuer lui-même ce décompte mais sans s’exonérer de sa responsabilité en cas de mauvaise exécution. Aucune forme particulière n’est prescrite pour le décompte individuel, il peut s’agir d’un cahier, d’un registre, d’une fiche, d’un listing, d’un système de badge. En cas de recours à un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. La pratique de l’horaire collectif ne dispense pas l’employeur de tenir un décompte individuel de la durée de travail pour chaque salarié occupé selon cet horaire, notamment en cas de réalisation d’heures supplémentaires. Les documents établissant le temps de travail des salariés doivent être conservés pendant la durée de la prescription des salaires.

Il en résulte qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées. Le salarié qui a accompli pendant une longue période des heures supplémentaires au vu et au su de son employeur qui ne s’y est pas opposé a droit au paiement des heures accomplies. L’appréciation de l’existence d’un accord implicite de l’employeur à la réalisation d’heures supplémentaires relève du pouvoir souverain des juges du fond. Mais dès lors qu’elles ont été effectuées malgré l’interdiction expresse de l’employeur, et sans que la nature ou la quantité des tâches à accomplir ne le justifie, les heures supplémentaires ne peuvent donner lieu à paiement. A l’inverse, les heures supplémentaires accomplies en dépit de l’exigence d’une autorisation préalable mais justifiées par l’importance des tâches à accomplir doivent être payées.

Le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d’heures supplémentaires. Le juge ne peut pas substituer au paiement des heures supplémentaires une condamnation à des dommages-intérêts.

La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile. Constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente. Toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. Les heures supplémentaires se décomptent par semaine. Une convention collective ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche peut fixer une période de sept jours consécutifs constituant la semaine. À défaut d’accord, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.

Une convention collective ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche peut fixer le ou les taux de majoration des heures supplémentaires, qui ne peut pas être inférieur à 10%. À défaut d’accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires (de la 36ème heure à la 43ème heure incluse). Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % (à partir de la 44ème heure). La majoration des heures supplémentaires s’applique au taux horaire des heures normales de travail, ce taux ne pouvant pas être inférieur au quotient résultant de la division du salaire mensuel brut par l’horaire mensuel. Il doit être tenu compte des primes et indemnités versées en contrepartie directe du travail ou inhérentes à la nature du travail fourni et du montant des avantages en nature.

Le juge doit vérifier, au vu du salaire horaire du salarié, si les heures supplémentaires ont été rémunérées en totalité. Le fait pour le salarié de n’avoir formulé aucune réserve lors de la perception de son salaire ni d’avoir protesté contre l’horaire de travail ne vaut pas renonciation au paiement des heures supplémentaires.

En l’espèce, nonobstant quelques erreurs de calcul dans ses écritures, Monsieur [N] [D] soutient que du lundi au jeudi il ne travaillait pas 7 heures 45 minutes par jour, comme prévu contractuellement, mais 10 heures 30 minutes par jour, et que le vendredi il ne travaillait pas 7 heures, comme prévu contractuellement, mais 10 heures 30 minutes, soit une durée de temps de travail effectif de 52 heures et 30 minutes par semaine, au lieu des 38 heures par semaine fixées par le contrat de travail et effectivement rémunérées par l’employeur, soit 14 heures 30 minutes en heures supplémentaires par semaine devant donner lieu à majoration de salaire.

Pour la période de janvier 2014 à janvier 2017, Monsieur [N] [D] réclame le paiement de ces heures supplémentaires au taux majoré de 25% (21,25 euros) de la 39ème à la 43ème heure (5 heures par semaine), et au taux majoré de 50% (25,50 euros) à compter de la 44ème heure (9 heures 30 minutes par semaine), sauf pendant ses périodes d’absence.

Hors les affirmations susvisées, Monsieur [N] [D] ne produit pas de décompte précis de ses heures de travail mais verse plusieurs attestations.

Monsieur [M], se déclarant salarié de la société COSTA FERREIRA jusqu’au 11 octobre 2016, après avoir énuméré rapidement les tâches de l’appelant, atteste que Monsieur [N] [D] était présent dans l’entreprise dès 7 heures du matin, tous les jours ouvrés où il travaillait, afin de donner les directives et le matériel. Il ajoute que le soir, lorsqu’il quittait le dépôt à 19 heures, le véhicule de Monsieur [N] [D] se trouvait toujours garé devant le bureau.

Monsieur [S], chef de chantier, atteste que Monsieur [N] [D] était présent dans l’entreprise (dépôt) dès 7 heures du matin, tous les jours ouvrés où il travaillait, et le soir au bureau vers 18 heures lors de son départ du dépôt.

Monsieur [G], agriculteur client de la société COSTA FERREIRA, atteste que Monsieur [N] [D], dont il loue les compétences, était très présent sur le chantier et lors des réunions de chantier, et ‘m’a établi les devis souvent jusqu’à tard le soir’.

Monsieur [T], maître d’oeuvre ayant travaillé avec la société COSTA FERREIRA, atteste que Monsieur [N] [D], dont il loue les compétences, était très présent sur les chantiers et lors des réunions de chantier.

Monsieur [K], chef de chantier, atteste que Monsieur [N] [D] était présent dans l’entreprise (dépôt) dès 7 heures 15 du matin, tous les jours ouvrés où il travaillait, et le soir au bureau vers 17 heures 15 lors de son départ du dépôt.

Monsieur [P], chef d’équipe de société COSTA FERREIRA ou groupe LEON GROSSE de 1997 à 2021, atteste que Monsieur [N] [D] était présent dans l’entreprise (dépôt) dès 7 heures du matin, afin de donner les directives et le matériel, et que lorsqu’il quittait l’entreprise, parfois tard (entre 18 heures et 19 heures), Monsieur [N] [D] était toujours présent au dépôt, et ce alors que la secrétaire, Madame [W], était déjà partie.

Monsieur [A] [U], se disant collaborateur retraité (ancien directeur d’exploitation de la société COSTA FERREIRA), atteste que Monsieur [N] [D] était présent dans l’entreprise COSTA FERREIRA de 7 heures du matin à 19 heures le soir, avec une pause déjeuner (durée non précisée).

Le contrat de travail à durée indéterminée signé par les parties en date du 28 octobre 2011 mentionne s’agissant de l’emploi de chef de chantier de Monsieur [N] [D] :

– un ‘horaire global hebdomadaire de 38 heures’ ;

– la répartition horaire suivante sur la semaine : du lundi au vendredi de 7 heures 45 à 11 heures 45 et de 13 heures 30 à 16 heures 30 (soit 35 heures), avec l’octroi de six journées de repos récupérateur par année ;

– une rémunération mensuelle forfaitaire sur la base de 164,67 heures de temps de travail effectif par mois, incluant les heures supplémentaires effectuées entre 35 et 38 heures par semaine.

Aucun avenant ou autre document n’a précisé la répartition horaire sur la semaine lorsque Monsieur [N] [D] a été promu conducteur de travaux mais les parties s’accordent pour dire que le salaire mensuel brut de base versé par l’employeur à compter de juillet 2012 correspondait à une rémunération forfaitaire de 38 heures de travail effectif par semaine, majorations comprises pour trois heures supplémentaires effectuées chaque semaine.

Sur la période de janvier 2014 à janvier 2017, les bulletins de paie Monsieur [N] [D] ne mentionnent aucun règlement d’heures supplémentaires.

En matière de durée du travail, Monsieur [N] [D] n’a jamais signé de convention de forfait.

L’employeur ne produit aucun décompte des heures de travail effectuées par Monsieur [N] [D] sur la période de janvier 2014 à janvier 2017, se contentant de critiquer de façon subjective les attestations produites par l’appelant, et d’affirmer que le salarié n’effectuait jamais plus de 38 heures de travail par semaine, et ce tout en relevant que Monsieur [N] [D] était libre de la gestion de son planning et ne rendait compte à personne de ses horaires de travail.

À l’appui de se dires, l’employeur ne produit qu’une attestation. Madame [W], aide comptable de la société COSTA FERREIRA, atteste que Monsieur [N] [D] n’était pas toujours présent lorsqu’elle arrivait au bureau (8 heures 30) et lorsqu’elle le quittait (entre 17 et 18 heures), l’appelant étant libre de la gestion de son planning et ne rendant compte à personne de ses horaires de travail. Monsieur [N] [D] conteste la sincérité de cette attestation en produisant un constat d’huissier concernant des messages téléphoniques échangées avec Madame [W]. Il apparaît que Madame [W] aurait été désolée de témoigner à la demande de la direction mais elle n’indique nullement avoir menti.

Monsieur [N] [D] a été employé en qualité de technicien ou chef de chantier du 4 octobre 2010 au 30 juin 2012, puis en qualité de conducteur de travaux à compter du 1er juillet 2012.

En principe, un chef de chantier se concentre sur un unique projet et doit être quasiment en permanence sur le chantier qu’il dirige. Le conducteur de travaux, supérieur hiérarchique du chef de chantier, gère simultanément plusieurs chantiers.

Le conducteur des travaux est le chef d’orchestre des chantiers, de la phase études à la livraison. Il est responsable de leur bon déroulement, dans des conditions de sécurité, qualité, respect des délais et rentabilité. Le conducteur de travaux est un technicien supérieur qui a plusieurs missions : il s’occupe des démarches administratives, il prévoit le recrutement du personnel, définit les équipes et surveille les factures tout au long de l’exécution des travaux. En conséquence, le conducteur de travaux est amené à travailler à titre principal sur les sites de l’entreprise (bureau, dépôt, etc.), mais également à se déplacer tant sur les différents chantiers de l’entreprise qu’auprès de clients, fournisseurs ou sous-traitants… Le conducteur de travaux n’est, en principe, pas présent en permanence sur le ou les chantiers de l’entreprise.

En l’espèce, Monsieur [N] [D] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA, est dans l’incapacité de justifier des heures de travail effectuées par Monsieur [N] [D] sur la période considérée.

Nonobstant l’absence de production d’un décompte journalier précis, vu les tâches effectuées par l’appelant et les points de concordance entre les attestations précitées, la cour relève que Monsieur [N] [D] effectuait chaque jour ouvré effectivement travaillé un horaire de travail correspondant, en moyenne, à une prise de poste à 7 heures pour une fin de poste à 18 heures, avec une pause de deux heures dans la journée, soit 9 heures de temps de travail effectif par jour, soit 45 heures de temps de travail effectif par semaine.

Monsieur [N] [D] n’a donc pas été rémunéré par l’employeur pour les heures supplémentaires qu’il a effectuées chaque semaine complète de travail effectif entre la 39ème et la 45ème heure (majoration de 25% de la 39ème à la 43ème heure = 5 heures / majoration de 50% pour la 44ème et la 45ème heure = 2 heures).

Le taux horaire à prendre en compte est de 15,68 euros en 2014 (19,6 euros avec majoration de 25% / 23,52 euros avec majoration de 50% ), de 16,40 euros en 2015 (20,5 euros avec majoration de 25% / 24,60 euros avec majoration de 50%), de 17 euros à compter de janvier 2016 (21,25 euros avec majoration de 25% / 25,50 euros avec majoration de 50%).

En déduisant les jours ouvrés non effectivement travaillés par le salarié, l’employeur reste devoir à Monsieur [N] [D] les sommes de 5.801,60 euros pour l’année 2014, 6.068 euros pour l’année 2015, 6.447,25 euros pour la période de janvier 2016 à janvier 2017 inclus, soit un total de 18.316,85 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées effectuées par le salarié de janvier 2014 à janvier 2017 inclus.

La SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA, sera condamné à verser à Monsieur [N] [D] la somme de 18.316,85 euros à titre de rappel de salaire, outre 1.831,69 euros au titre des congés payés y afférents. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

En application des dispositions des articles 1231-6 du code civil (ancien article 1153) et R. 1452-5 du code du travail, les sommes allouées, dont le principe et le montant résultent de la loi, d’un accord collectif ou du contrat portent intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur ou du défendeur devant le bureau de conciliation et d’orientation et, lorsqu’il est directement saisi, devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, valant citation et mise en demeure, ce qui est applicable en l’espèce au rappel de salaires qui produira intérêts au taux légal à compter du le 26 septembre 2017.

La SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA, devra remettre à Monsieur [N] [D] un bulletin de paie récapitulatif conforme aux dispositions du présent arrêt sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires.

– Sur le travail dissimulé –

Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail : ‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’.

Le travail dissimulé suppose un élément intentionnel de l’employeur. Les juges du fond apprécient souverainement l’existence de l’intention de l’employeur.

La dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée, par exemple, que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié ni de la seule conscience des difficultés en résultant ni de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Le délit de travail dissimulé peut être constitué si l’employeur applique à un salarié le système du forfait jours sans accord collectif le prévoyant ou sans conclure de convention individuelle, dès lors que l’existence d’heures supplémentaires est avérée.

En cas de rupture de la relation de travail, il résulte des dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail que le salarié dont l’employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Monsieur [N] [D] demande la condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 24.989,75 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé, sans développer d’argumentation particulière à ce titre, en tout cas dans la partie ‘discussion’ de ses dernières écritures.

Le simple fait pour l’employeur de faire effectuer par un salarié des heures supplémentaires non rémunérées, ou insuffisamment rémunérées compte tenu des majorations dues, ne saurait caractériser à lui seul l’élément intentionnel du travail dissimulé.

Monsieur [N] [D] sera débouté de sa demande au titre du travail dissimulé. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

– Sur les indemnités repas –

Au titre des frais professionnels, un salarié peut se faire rembourser par son employeur ses frais de repas dès lors qu’il est contraint de prendre son repas en dehors de l’entreprise ou dans les locaux de l’entreprise (cantine par exemple). Le remboursement de frais de repas ne peut pas dépasser, par repas, un montant fixé par les pouvoirs publics.

Tous les salariés peuvent avoir droit à une indemnité repas s’ils remplissent les conditions suivantes : – être contraint de prendre son repas sur son lieu de travail ; – ne pas disposer d’une cantine sur son lieu de travail ; – le temps de pause n’est pas assez long pour rentrer prendre son repas à son domicile. Des allocations pour frais de nourriture sont prévues pour les salariés travaillant dans des conditions particulières ou en déplacement.

Un salarié est contraint de se restaurer sur son lieu de travail chaque fois que son temps de pause réservé au repas se situe en dehors de la plage horaire fixée à ce titre pour les autres salariés de l’entreprise.

Bénéficient d’une indemnité de repas les salariés occupés notamment sur des chantiers, des entrepôts, des ateliers extérieurs, ou en déplacement sur un autre site de l’entreprise, lorsqu’ils ne peuvent pas rentrer à leur domicile pour le repas de midi du fait des contraintes d’horaires.

Pour qu’une pratique d’entreprise acquière la valeur contraignante d’un usage, dont les salariés pourront se prévaloir, certaines conditions définies par la jurisprudence doivent être remplies. Il est en effet nécessaire que la pratique soit constante, générale et fixe. La constance, la généralité et la fixité de la pratique doivent permettre d’établir la volonté non équivoque de l’employeur de s’engager envers ses salariés et de leur octroyer un avantage. Ces trois conditions sont cumulatives et si l’une d’entre elles fait défaut, il ne sera pas possible de présumer que l’employeur a souhaité accorder, en pleine connaissance de cause, un droit supplémentaire aux salariés par rapport à la loi, au statut collectif ou au contrat de travail.

Monsieur [N] [D] soutient qu’avant mai 2012, selon un usage d’entreprise, il percevait une indemnité de repas de 9 euros par jour. Il relève que cet usage n’a jamais été dénoncé régulièrement par l’employeur qui a pourtant cessé de lui verser des indemnités de repas à compter de mai 2012. Monsieur [N] [D] réclame un rappel de complément de salaire sur la base d’une indemnité de repas de 9 euros par jour pour les années 2014 et 2015.

Le contrat de travail et les avenants concernant Monsieur [N] [D] ne mentionnent aucun droit à des indemnités de repas. Il est seulement indiqué que ‘les frais professionnels de Monsieur [N] [D] lui seront remboursés mensuellement par le siège social sur présentation des justificatifs correspondants après avoir été contresignés par son directeur’.

À la lecture des bulletins de paie versés aux débats, il apparaît que l’employeur a versé à Monsieur [N] [D] des indemnités de repas jusqu’au début de l’année 2012. À compter de juillet 2012, aucune indemnité de repas n’a été versée à Monsieur [N] [D].

L’employeur reconnaît qu’il versait des indemnités de repas aux salariés travaillant en permanence sur les chantiers, dont les techniciens ou chefs de chantier, mais pas aux salariés qui n’étaient pas tenus de prendre leur repas à l’extérieur de leur domicile, comme les administratifs et les conducteurs de travaux.

Il a été rappelé précédemment qu’en principe les conducteurs de travaux, du fait de tâches très variées, ne sont pas présents en permanence sur le ou les chantiers de l’entreprise.

Monsieur [N] [D], conducteur de travaux à compter de juillet 2012, ne justifie d’aucun usage d’entreprise lui permettant de prétendre en cette seule qualité à des indemnités de repas. Il ne justifie pas plus d’une disposition conventionnelle ou contractuelle lui permettant de prétendre à des indemnités de repas du fait de son emploi de conducteur de travaux. Il ne justifie pas enfin remplir les conditions susvisées pour obtenir le remboursement de frais de repas par l’employeur au titre de frais professionnels. Il ne justifie même pas d’une telle démarche auprès de l’employeur pendant la période d’exécution du contrat de travail.

Le jugement déféré sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a débouté Monsieur [N] [D] de sa demande au titre des indemnités de repas.

– Sur les tickets-restaurant –

Monsieur [N] [D] expose qu’à compter de février 2016, il a bénéficié de tickets restaurants d’une valeur nominale de 9 euros dont 5,20 euros pris en charge par l’employeur et 3,80 euros à la charge du salarié. Il réclame un rappel de complément de salaire sur la base d’une compensation de 3,80 euros par jour en 2016.

Les tickets-restaurant constituent des bons d’achat acquis par l’employeur et mis à la disposition du salarié, moyennant un prix inférieur au coût d’achat. Par ces bons, l’employeur participe donc au financement des frais de repas des salariés puisqu’il acquiert ces tickets-restaurant et les revend à un prix inférieur aux salariés. Lorsque l’entreprise met en place un système de ticket-restaurant, ceux-ci doivent être attribués à tout salarié en poste et ne pas être attribués selon des critères discriminatoires. En effet, l’attribution des titres-restaurant doit respecter le principe d’égalité de traitement (de rémunération) entre salariés. Ces tickets ne sont toutefois pas accordés aux stagiaires, sauf clause contractuelle contraire.

La participation de l’employeur aux titres-restaurant est exonérée des cotisations de sécurité sociale, sous réserve du respect de la réglementation, dans une limite indexée sur la variation de l’indice des prix à la consommation hors tabac. Cette exonération est ouverte aux salariés bénéficiant d’une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (salariés exerçant une profession ouvrant droit à une déduction pour frais professionnels sur la base de calcul des cotisations de sécurité sociale).

Comme la contribution patronale aux titres-restaurant ne peut excéder 60%, ni être inférieure à 50%, de la valeur libératoire des titres-restaurant, la contribution salariale est donc obligatoire.

Le jugement déféré sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a débouté Monsieur [N] [D] de sa demande de compensation ou remboursement par l’employeur de la contribution salariale aux titres-restaurant.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

La SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA, sera condamné aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

En équité, il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance comme en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Infirme le jugement en ce que Monsieur [N] [D] a été débouté de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires et, statuant à nouveau de ce chef, condamne la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA, à verser la somme de 18.316,85 euros à Monsieur [N] [D] à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires non rémunérées effectuées par le salarié de janvier 2014 à janvier 2017 inclus, outre la somme de 1.831,69 euros au titre des congés payés y afférents ;

– Dit que la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA, devra remettre à Monsieur [N] [D] un bulletin de paie récapitulatif conforme aux dispositions du présent arrêt sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

– Dit que cette condamnation à rappel de salaires produira intérêts au taux légal à compter du le 26 septembre 2017 ;

– Infirme le jugement en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance et, statuant à nouveau, condamne la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA, aux dépens de première instance ;

– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;

– Condamne la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION SOULIER, venant aux droits de la SAS COSTA FERREIRA, aux dépens d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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