Convention de rupture conventionnelle : 12 avril 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 18/00643

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Convention de rupture conventionnelle : 12 avril 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 18/00643

Arrêt n° 23/00264

12 avril 2023

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N° RG 18/00643 – N° Portalis DBVS-V-B7C-EWJZ

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

13 Février 2018

F 17/00678

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Douze avril deux mille vingt trois

APPELANT :

M. [K] [C]

[Adresse 1]

Représenté par Me Bernard PETIT, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 3]

Représentée par Me Cécile CABAILLOT, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Adrien PERROT, avocat plaidant au barreau de NANCY

SARL INIZIO (SARL AMO exploitant sous l’enseigne INIZIO)

[Adresse 5]

Représentée par Me Alexandra DUQUESNE-THEOBALD, avocat au barreau de METZ

SELARL GANGLOFF & [Y] prise en la personne de Me [Y], en qualité de liquidateur de la SARL AMO (exerçant sous l’enseigne INIZIO)

[Adresse 2]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Réputé contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [K] [C] a été embauché à durée indéterminée et à temps complet à compter du 2 août 2016 par la SARL Amo (exerçant sous l’enseigne Inizio), en qualité de pizzaïolo-aide de cuisine.

La convention collective des hôtels, cafés et restaurants était applicable à la relation de travail.

Le 18 avril 2017, les parties ont décidé d’un commun accord d’une rupture conventionnelle du contrat de travail, la date de fin du délai de rétractation étant fixée au 3 mai 2017.

Par jugement du 10 mai 2017, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a placé la société Amo en redressement judiciaire.

M. [C] a été en arrêt de travail pour maladie du 12 au 31 mai 2017.

Estimant que la rupture conventionnelle de son contrat de travail n’était pas valable, M. [C] a saisi, le 19 juin 2017, la juridiction prud’homale.

Par jugement contradictoire du 13 février 2018 assorti de l’exécution provisoire de droit dans les conditions de l’article L. 1454-28 du code du travail, la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud’hommes de Metz a notamment :

– déclaré nulle la convention de rupture conventionnelle ;

– déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– fixé la créance de M. [C] au redressement judiciaire de la société Amo aux montants suivants :

* 2 039,44 euros brut à titre d’indemnité conventionnelle de préavis ;

* 203,94 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

* 1 371,41 euros brut au titre des congés payés ;

* 81,20 euros à titre de maintien de salaire pendant la maladie ;

– débouté M. [C] du surplus ;

– dit que les intérêts légaux ont cessé de courir à compter de l’ouverture de la procédure collective.

Le 7 mars 2018, M. [C] a interjeté appel par voie électronique.

Le 4 juillet 2018, un plan de redressement a été arrêté au profit de la société Amo et Maître [J] [Y] désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Le 4 juin 2019, une première ordonnance de clôture a été rendue par le conseiller de la mise en état.

Le 12 juin 2019, la liquidation judiciaire de la société Amo a été ouverte.

Par arrêt avant-dire-droit du 3 novembre 2021, la cour a :

– ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture ;

– enjoint à M. [C] de faire intervenir à la procédure, par voie d’assignation, le liquidateur de la société Amo ;

– réservé à statuer au fond ;

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état électronique du 8 mars 2022 pour vérification de l’accomplissement des diligences demandées.

Par acte d’huissier signifié à personne morale le 13 décembre 2021 avec la déclaration et les conclusions d’appel, M. [C] a fait assigner en intervention forcée le liquidateur, Me [Y].

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 22 octobre 2018, M. [C] requiert la cour de :

– confirmer le jugement, en ce qu’il a dit nulle la rupture conventionnelle ;

– fixer sa créance aux sommes de :

* 2 039,44 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

* 203,94 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 1 371,41 euros brut au titre des congés payés ;

* 81,20 euros au titre du maintien de salaire pendant la maladie ;

– réformer le jugement pour le surplus ;

– fixer sa créance à la somme de 6 118,32 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Amo à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de son appel, M. [C] expose :

– que sa demande de nullité de la rupture conventionnelle est fondée sur le fait qu’il n’a pas reçu l’original de la convention ;

– qu’il ignorait le montant de l’indemnité de licenciement y figurant ;

– que la rupture conventionnelle n’ayant pas été conclue en public, rien n’explique la présence d’un témoin.

Il affirme, au soutien de la demande de rappel de congés payés, que, contrairement à ce que le bulletin de salaire du mois d’avril 2017 mentionne, il était bien présent pendant la période allant du 3 au 23 avril 2017.

Il fait valoir qu’il lui reste dû le paiement de trois jours de carence correspondant aux trois premiers jours de son arrêt de travail pour maladie du 19 au 31 mai 2017.

Il ajoute :

– que l’annulation de la rupture conventionnelle a pour effet que la rupture du contrat de travail est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

– qu’il justifie de sa situation actuelle et du préjudice qu’il subit en raison de la perte de son emploi ;

– que l’indemnité compensatrice de préavis reste due.

Bien qu’appelé dans la cause par acte d’huissier du 13 décembre 2021, le liquidateur, Maître [Y], n’a pas constitué avocat.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 4 décembre 2018, l’AGS CGEA de [Localité 4], sollicite que la cour :

à titre liminaire,

– dise qu’elle n’est dans la cause qu’à titre d’intervenant forcé ;

– dise que la procédure ne peut en aucun cas conduire à sa condamnation, mais uniquement, le cas échéant, à la condamnation de la société redevenue in bonis par l’effet du plan ;

à titre principal,

– confirme le jugement, en ce qu’il a débouté M. [C] de ses demandes d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamnation de la société Amo sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de condamnation aux dépens ;

– reçoive son appel incident ;

– infirme le jugement, en ce qu’il a annulé la rupture conventionnelle du contrat de travail ;

– déboute M. [C] de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

– minore le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en tout état de cause,

– dise que les sommes dues en application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont pas garanties par elle ;

– dise que sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D. 3253-5 du code du travail ;

– dise qu’elle ne pourra être tenue que dans les limites de sa garantie fixées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;

– dise qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et suivants du code du travail ;

– dise que son obligation de faire l’avance des créances garanties ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé établi par le mandataire judiciaire et justification par ce dernier de l’absence de fonds disponibles entre ses mains ;

– dise qu’en application de l’article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l’ouverture de la procédure collective.

Elle réplique que l’échange de SMS -non daté- produit par M. [C] n’est pas probant quant au bien fondé de la contestation de la rupture conventionnelle, d’autant plus que trois exemplaires de la convention ont été rédigés et que l’interlocutrice de l’appelant proposait de lui en envoyer une copie.

A titre subsidiaire, s’agissant du quantum des dommages-intérêts sollicités par M. [C], elle souligne :

– que le salarié ne justifie d’aucun préjudice particulier ;

– qu’il avait moins d’un an d’ancienneté et ne justifie pas de sa situation postérieurement à la rupture du contrat de travail ;

– qu’il est à l’initiative de la rupture, comme le confirment les échanges de SMS ;

– que la société Amo compte moins de onze salariés.

Par une seconde ordonnance du 8 mars 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour constate que la société Amo a déposé des conclusions le 6 décembre 2018, assistée de son commissaire à l’exécution du plan, la SELARL Gangloff et [Y], prise en la personne de Me [Y], mais qu’après ouverture de la procédure de liquidation judiciaire la concernant le 12 juin 2019 puis appel en la cause du liquidateur par acte d’huissier délivré le 13 décembre 2021, lesdites conclusions n’ont pas été régularisées par le liquidateur qui n’a pas constitué avocat, de sorte qu’il n’y a pas lieu pour la cour de s’y référer, ainsi qu’aux pièces jointes. (Cour de cassation, com. 1er juillet 2020, n° 19-11134)

Il s’ensuit que le liquidateur -qui n’a pas conclu- est réputé, conformément au dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, s’approprier les motifs du jugement.

La cour constate aussi que M. [C] ne sollicite pas l’infirmation du jugement, en ce qu’il a rejeté sa demande d’indemnité de licenciement. Celle-ci ne sera donc pas examinée en cause d’appel.

Sur la nullité de la convention de rupture

Il résulte des articles L. 1237-11 et suivants du code du travail que la convention doit, à peine de nullité, être établie en deux exemplaires dont l’un est remis au salarié.

La remise d’un exemplaire au salarié est en effet nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant ensuite d’exercer son droit de rétractation en connaissance de cause.

En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié d’en rapporter la preuve.

Lorsqu’aucune mention de la remise d’un exemplaire de la convention n’a été portée sur le formulaire et que l’employeur n’apporte aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence de cette remise, la convention de rupture est nulle.

En l’espèce, l’infirmation du jugement en ce qu’il a annulé la convention de rupture est sollicitée par l’AGS CGEA.

L’exemplaire de la rupture conventionnelle produit par M. [C] (sa pièce n° 4-3) ne porte aucune mention de remise d’un exemplaire au salarié.

L’appelant verse aux débats (pièce n° 4-5) un échange de SMS -non daté- avec une personne, Mme [P] [M], dont les fonctions au sein de l’entreprise sont inconnues. A supposer qu’elle ait eu qualité pour représenter l’employeur, il doit être constaté que M. [C] s’inquiétait auprès d’elle de ne pas avoir reçu d’exemplaire de la convention le jour de la signature (‘Pas normal que j ai jamais eu d exemplaire’) et que rien n’établit qu’il a finalement réceptionné la copie promise par son interlocutrice.

L’appelant produit aussi (pièce n° 4-7) une ‘attestation sur l’honneur’ dactylographiée d’un de ses collègues, M. [U] [H], qui confirme que M. [C] et lui n’ont jamais reçu d’exemplaire de la rupture conventionnelle concernant chacun d’eux.

En conséquence, en l’absence de preuve de la remise d’un exemplaire à M. [C], la convention du 18 avril 2017 est déclarée nulle, la rupture de fait du contrat de travail devant dès lors s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’affirmation de l’AGS CGEA selon laquelle l’entreprise comptait moins de onze salariés n’est pas contredite.

M. [C] avait moins de deux années d’ancienneté.

L’appelant ne peut donc prétendre qu’à une indemnité correspondant au préjudice subi, conformément à l’article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.

Eu égard à la faible ancienneté de M. [C] dans l’entreprise, à son âge et à sa rémunération, une juste indemnisation est évaluée à un montant de 1 000 euros à fixer au passif de la société Amo.

Le jugement qui a dénié tout préjudice au salarié est infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes pécuniaires

Le liquidateur étant réputé s’approprier les motifs du jugement et l’AGS CGEA ne présentant aucun moyen d’appel quant aux quantums alloués par le conseil, le jugement est confirmé en ce qu’il a fixé la créance de M. [C] aux montants suivants :

* 2 039,44 euros brut à titre d’indemnité conventionnelle de préavis ;

* 203,94 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

* 1 371,41 euros brut au titre des congés payés ;

* 81,20 euros à titre de maintien de salaire pendant la maladie ;

étant précisé que ces montants ne doivent plus être inscrits, en raison de l’évolution de la procédure collective de la société Amo, au passif d’un redressement judiciaire.

Sur la garantie de l’AGS CGEA

Eu égard à la liquidation judiciaire ouverte le 12 juin 2019, les observations de l’AGS CGEA selon laquelle la société Amo serait in bonis ne sont plus fondées.

Le présent arrêt est déclaré opposable à l’AGS CGEA de [Localité 4] dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 143-11-1 et suivants et D 143-2 devenus L 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail.

Sur les frais

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a omis de statuer sur les dépens de première instance.

Il convient de fixer au passif de la procédure collective de la société Amo les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement, sauf en qu’il a fixé la créance de M. [K] [C] au redressement judiciaire de la SARL Amo (exerçant sous l’enseigne Inizio) et en ce qu’il a rejeté la demande présentée par M. [K] [C] de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe les dommages-intérêts dus à M. [K] [C] pour licenciement abusif à un montant de 1 000 euros ;

Dit que cette créance de M. [K] [C], ainsi que les créances mentionnées dans le jugement, sont à fixer au passif de la SARL Amo (exerçant sous l’enseigne Inizio) ;

Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA de [Localité 4], dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 143-11-1 et suivants et D 143-2 devenus L 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail ;

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Fixe au passif de la procédure collective de la société Amo (exerçant sous l’enseigne Inizio) les dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président de chambre,

 


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