Your cart is currently empty!
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 19 AVRIL 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/07581 – N° Portalis DBVK-V-B7D-ONAI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 14 OCTOBRE 2019
TRIBUNAL DE COMMERCE DE CARCASSONNE
N° RG 2017/00367
APPELANTE :
Madame [M] [N]
née le 22 Mars 1964 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Corinne FERRER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Sabrina PAILLER, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
INTIMES :
Monsieur [Z] [X]
né le 05 Octobre 1957 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Julie LOLA, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représenté par Me Gérard BOUISSINET, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant
Madame [P] [X]
née le 11 Avril 1959 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Julie LOLA, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représenté par Me Gérard BOUISSINET, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant
Maître [J] [K] pris en sa qualité de Liquidateur amiable de la SARL AFACOM MD, domicilié en cette qualité
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Frédéric BENOIT-PALAYSI, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
SARL AFACOM MD, devenue MD, société en liquidation amiable
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Frédéric BENOIT-PALAYSI, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 01 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 FEVRIER 2022, en audience publique, Madame Anne-Claire BOURDON, Conseiller ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
*
**
FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Suite à une promesse de cession sous conditions suspensives en date du 19 décembre 2016, par acte sous seing privé en date du 1er avril 2017, [Z] [X] et [P] [U], son épouse, ont cédé à [M] [T] épouse [N] un fonds de commerce de tabac presse, loto, situé [Adresse 4] (11) pour un prix de 282 000 euros.
Cette vente a fait suite à une annonce publiée par la SARL Afacom MD, à laquelle Mme [X] avait confié un mandat de vente.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 août 2017, Mme [N] a sollicité, par le biais de son conseil, auprès des cédants l’annulation de l’acte de cession signé le 1er avril 2017 et le remboursement du prix, des honoraires de rédaction d’acte, des honoraires de la société Afacom et des frais d’aménagement du commerce arguant d’un ‘consentement vicié par le dol au regard des informations portées à sa connaissance pour l’obliger à acheter, qui ne correspondaient en rien à la réalité.’
Par courriers en réponse en date des 8 septembre et 12 octobre 2017, le conseil de M. et Mme [X] indiquait le refus de ces derniers d’accepter toute remise en cause de la vente.
Saisi par acte d’huissier en date du 27 octobre 2017 délivré par Mme [N] afin que soit prononcée la nullité pour dol de la vente, le tribunal de commerce de Carcassonne a, par jugement du 14 octobre 2019 :
‘- débouté Mme [N] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté Mme [X] ainsi que la société MD Afacom de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamné Mme [N] aux dépens ;
– condamné Mme [N] au paiement de la somme de 2 000 euros à M. et Mme [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [N] au paiement de la somme de 2 000 euros à la société MD Afacom au titre de l’article 700 du code de procédure civile.’
Par procès-verbal d’assemblée générale du 28 février 2019, la société MD a décidé sa dissolution anticipée et sa liquidation amiable, désignant [K] [J] comme liquidateur amiable.
Par déclaration reçue le 21 novembre 2019, Mme [N] a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Elle demande à la cour, en l’état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 18 janvier 2022, de :
«- (…) juger l’appel recevable,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et l’a condamnée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,
– vu les articles 1137 et suivants du code civil, l’article 1240 du code civil, les articles 1104 et 1194 du code civil, vu l’article 403 du code de procédure civile,
– juger que son consentement a été vicié par dol du fait du comportement de Monsieur et Madame [X] et de la société MD Afacom prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [J],
– constater son désistement quant à sa demande de nullité de l’acte de cession,
– juger que Monsieur et Madame [X] et la société MD Afacom prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [J] se sont rendus coupables de man’uvres dolosives à son encontre,
– juger que la société MD Afacom, prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [J], s’est rendue coupable de man’uvres dolosives à son encontre,
– juger que la société MD Afacom, prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [J], a manqué à ses obligations en qualité de mandataire et de rédacteur d’acte,
– juger que Monsieur et Madame [X] ainsi que la société MD Afacom, prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [J], ont manqué à leur obligation de loyauté et de bonne foi,
– en conséquence, condamner Monsieur et Madame [X] et la société MD Afacom, prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [J], solidairement, à lui payer la somme de 191 676 euros à titre de dommages et intérêts,
– debouter les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles,
– en toutes hypothèses, condamner solidairement Monsieur et Madame [X] et la SARL MD Afacom, prise en la personne de son liquidateur amiable M. [J], à lui payer une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, dont distraction (…). »
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
– la vente a été conclue très rapidement,
– les vendeurs ont commis des man’uvres dolosives ; description du bien dans l’annonce mensongère, dissimulation de la suppression de stationnements, pourtant évoquée dans la presse en octobre 2016 et fausses explications données quant au chiffre d’affaires,
– le chiffre d’affaires n’était pas habituel, mais exceptionnel ; elle n’a accès aux tickets Z de caisse qu’après la vente,
– ni l’existence d’un mandataire, ni sa qualité de professionnelle n’exonère les vendeurs de leur responsabilité,
– la négociation du prix de vente est indifférente ne s’agissant pas de l’objet du litige,
– le comportement de l’acquéreur postérieurement à la cession ne peut avoir une influence sur le dol, concomitant à la formation du contrat,
– les erreurs d’exploitations qui lui sont reprochées ne sont pas établies (suppression des confiseries, suppression des cartes postales sur le trottoir, existence de travaux, manque d’amabilité…),
– le mandataire engage sa responsabilité en qualité de ‘mandataire-rédacteur d’acte’, n’ayant pas vérifié les informations données par le vendeur, il lui a présenté une fausse annonce, il s’est chargé du plan de financement et du dossier prévisionnel, il l’a convaincue de renoncer à son propre avocat,
– vendeurs et intermédiaire sont soumis à l’obligation de bonne foi contractuelle,
– au regard de la situation économique de ses adversaires, elle choisit de renoncer à sa demande de nullité de la cession maintenant uniquement sa demande de condamnation à des dommages et intérêts,
– son préjudice est caractérisé par une perte de chance consistant dans la différence entre le chiffre d’affaires effectivement réalisé (149 279 euros) et celui annoncé (262 000 euros), soit 4 000 euros par mois.
Formant appel incident, la société Afacom MD (devenue MD) et M. [J] en qualité de liquidateur amiable, sollicitent de voir, aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 31 janvier 2022 :
«- Y venir Madame [N] en présence de Monsieur et Madame [X],
– Débouter Madame [N] et Monsieur et Madame [X] de l’ensemble de leurs demandes (…),
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement (…),
– Condamner Madame [N] à payer à la SARL MD Afacom à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire et en réparation du préjudice financier et moral subi par la société MD 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
– Condamner Madame [N] à payer à la SARL MD une juste et équitable indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 15 000 euros, outre les entiers dépens d’appel.’
Ils exposent en substance que :
– la baisse de chiffre d’affaires n’est pas un préjudice indemnisable et n’est pas significative, elle résulte du manque d’implication du cessionnaire à la reprise de l’activité, et d’une augmentation des charges sur le fonds (services extérieurs et salaires),
– le cessionnaire a été informé des chiffres d’affaires et résultats du fonds avant la promesse et la cession définitive,
– le dernier exercice 2020 montre que les chiffres du cessionnaire sont plus élevés que ceux du cédant, le début de l’activité ayant été affecté par de mauvais choix de gestion,
– le fonds de commerce a été cédé en dessous du prix du marché,
– la société Afacom MD n’est pas le rédacteur de l’acte, celui-ci ayant été rédigé par l’avocat choisi par le cessionnaire, qui était également assisté de son expert-compatble,
– le cessionnaire, qui exploitait déjà un même fonds de commerce, souhaitait quitter [Localité 8] pour se rapprocher de ses enfants et Mme [X] a mis en vente son fonds compte tenu de l’état de santé de son époux,
– l’annonce commerciale ne comprend pas la mention ‘proche de [Localité 7]’, mais seulement le département par souci de confidentialité, le cessionnaire a été informé de l’adresse exacte du fonds avant de le visiter,
– le cessionnaire a reçu le dernier bilan au 30 septembre 2015, le 9 novembre 2016, lendemain de sa prise de contact ainsi que lors de l’acte réitératif le dernier bilan clos au 30 septembre 2016 et le chiffre d’affaires du 1er octobre 2016 au 28 février 2017,
– il a effectué sa première visite le 11 novembre 2016, date à laquelle il a reçu les tickets Z de caisse pour les exercices 2014, 2015 et 2016, étant ainsi informé de la baisse du chiffre d’affaires entre 2016 et 2015 et a formé une première offre d’achat ce jour-là,
– le plan de financement a été édité le 20 décembre 2016 sur la base des directives du cessionnaire, installé à [Localité 6] dès janvier 2017,
– le fonds de commerce est situé dans ‘la rue commerçante par excellence’ de [Localité 6], celle-ci étant sur le parcours du carnaval et des fêtes estivales,
– le fonds de commerce fermé en 2015 (les Ch’tis), situé au nord de [Localité 6] sur une rue pénétrante à 1,5 kilomètre du centre ville, n’est en réalité accessible qu’en voiture depuis le fonds de commerce acquis et sa fermeture en 2014 et 2015 n’a pu avoir d’incidence,
– les travaux effectuées début avril 2017 en centre ville en ont amélioré l’accessibilité,
– aucune faute dans l’exécution de son mandat avec M. et Mme [X] n’est rapportée, la société Afacom n’ayant fait que transmettre les informations reçues du vendeur.
Formant appel incident, M. et Mme [X] sollicitent de voir, aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 31 janvier 2022 :
«- Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,
– vu les articles 1137 et suivants du code civil, les articles 515, 699 et 700 du code de procédure civile,
– A titre principal, confirmer le jugement (…) en ce qu’il a débouté Mme [N] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros sur lefondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer ledit jugement en ce qu’il a débouté Mme [X] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
– Statuant à nouveau sur ce chef, condamner reconventionnellement Madame [N] à leur verser la somme de 20 000 euros en reparation du préjudice subi moral du fait de la procédure manifestement abusive engagée à leur encontre,
– A titre subsidiaire, condamner la SARL MD Afacom prise en la personne de M. [K] [J], en sa qualité de liquidateur amiable de ladite société à les relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre,
-En tout etat de cause, condamner Madame [N] à leur payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procedure civile et aux entiers depens de l’instance.’
Ils exposent en substance que :
– la modification de la demande principale démontre son caractère fantasque,
– la vente a été confiée à la société Afacom, Mme [X] n’ayant eu de contact avec le cessionnaire que lors de la visite et de la signature et accepté la cession 15 % en dessous du prix de vente initial compte tenu de la situation délicate de son époux,
– l’ensemble des informations a été transmis, le cessionnaire était un professionnel averti, le prix était justifié,
– l’annonce critiquée a été passée par la société Afacom, le fait que l’Espagne et l’Andorre étaient proches étaient parfaitement vérifiables, le cessionnaire ayant lui-même exercé pendant 14 ans à [Localité 8],
– la fermeture temporaire d’un concurrent était sans incidence, puisqu’il existe six tabacs-presse à [Localité 6] et que celui fermé n’est pas sur la même zone géographique,
– de 2011 à 2015, le chiffre d’affaires était en augmentation et a baissé en 2016 du fait de l’indisponibilité de l’époux et de l’embauche d’un salarié,
– leur chiffre d’affaires reflétait leur gestion avec une présence continue et une amabilité permanente,
– le cessionnaire a eu connaissance des tickets Z de caisse le jour de la visite,
– ils n’avaient pas connaissance de suppression de places de stationnements,
– la demande d’annulation de la vente seulement après quatre mois d’exploitation était hâtive, le couple était dans une situation difficile, l’action est abusive,
– l’absence du chiffre d’affaires attendu était le fruit de la gestion (modification horaires, embauche d’un salarié, vitrines dépourvues de magazine de presse, absence de cartes potsales sur le trottoir, travaux en début d’exercice, non nécessaires, ayant entraîné dix jours de fermeture…) et d’une absence de disponibilité et d’amabilité certaine.
Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 1er février 2022.
Par trois jeux conclusions notifiées et déposées les 1er février, 2 février et 14 février 2022, Mme [N] sollicite ‘in limine litis, que la demande de report de la clôture soit rejetée, que la demande de rejet de ses écritures du 17 (sic) janvier 2022 soit rejetée et que les conclusions responsives d’intimé signifiées le 31 janvier 2022 dans l’intérêt de la société Afacom et de Monsieur [J], ainsi que les conclusions récapitulatives de Monsieur et Madame [X] signifiées le 1er février 2022 (sic) soient rejetées.’
Au fond, elle reprend l’intégralité de ses prétentions et moyens, précisant qu’elle a limité ses demandes en se désistant de sa demande principale et que les dernières pièces communiquées ne modifient pas le litige, et que la notification des conclusions des intimés la veille de la clôture porte atteinte au principe de la contradiction, ne pouvant répondre ‘à de nouveaux arguments’ (celles-ci n’ayant, au surplus pas respecté les dispositions de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile).
Par conclusions notifiées et déposés le 9 février 2022, M. et Mme [X] sollicitent à titre principal, que si la cour venait à rejeter les conclusions et pièces produites le 31 janvier 2022, elle procéderait également au rejet des conclusions et pièces produites par1’appelante le 18 janvier 2022 pour violation du principe de la contradiction et à titre subsidiaire, le rabat de l’ordonnance de clôture au 21 février 2022, veille de l’audience de plaidoiries, et que soit accueilli l’ensemble des pièces et conclusions produites par les parties jusqu’a cette date.
Sur le fond, ils reprennent l’intégralité de leurs prétentions et moyens, ajoutant que la demande de rejet de leurs dernières conclusions par l’appelante relève d’une attitude déloyale, celle-ci ayant changé ses demandes quinze jours avant la clôture et plus d’un mois après l’avis de fixation.
MOTIFS de la DECISION :
Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture et de rejet des conclusions tardives :
Selon les articles 15 et 16 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense et le juge, doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement (…).
En application des articles 802 et 803 du même code, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, à l’exception des conclusions par lesquelles une partie demande la révocation de l’ordonnance de clôture ou le rejet des débats des conclusions ou production tardives et l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue (…).
L’appel a été formé le 21 novembre 2019, les parties, qui ont échangé des conclusions courant mars, avril et mai 2020, ont été avisées de la date de fixation et de clôture le 13 décembre 2021.
Les dernières conclusions de l’appelante, déposées et notifiées le 18 janvier 2022, soit treize jours avant l’ordonnance de clôture, comportent de nouvelles prétentions et quinze nouvelles pièces (ces dernières étant dépourvues de tout caractère récent), auxquelles les intimés ont répondu, ayant déposé et notifié des conclusions, qui ne modifiaient pas leurs propres demandes, dans le bref délai restant avant la clôture, soit la veille.
Seule la modification des demandes de l’appelante, à l’appui de pièces nouvellement communiquées, a conduit les intimés à conclure in extremis avant la clôture sans, pour autant former de nouvelles prétentions ou développer de nouveaux moyens, de sorte que les conclusions déposées et notifiées le 31 janvier 2022 par ceux-ci ne seront pas considérées comme tardives et écartées des débats tandis que la demande de révocation de l’ordonnance de clôture sera rejetée, aucune cause grave au sens de l’article 803 n’étant de nature à justifier un tel rabat ; il y a donc lieu de déclarer irrecevables les conclusions déposées les 1er, 2, 9 et 14 février 2022 par l’appelante et l’un des intimés après clôture de l’instruction, sauf en ce qu’elles sollicitent le rabat de ladite clôture ou le rejet des conclusions tardives.
La cour est ainsi saisie des dernières conclusions déposées et notifiée par les parties les 18 (Mme [N]) et 31 (la société Afacom MD ainsi que M. et Mme [X]) janvier 2022 auxquelles il est renvoyé.
Sur la demande d’indemnisation pour dol et violation de l’obligation de bonne foi :
Selon les articles 1104 et 1194 du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicables en l’espèce, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d’ordre public et ils obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi.
Les articles 1130 et 1131 du même code prévoient que l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné et les vices du consentement sont une cause de nullité du contrat.
Selon l’article 1137 suivant, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre.
L’article 1138 prévoit que le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence.
La victime de manoeuvres dolosives peut solliciter la nullité du contrat, et le cas échéant, des dommages-intérêts s’il y a faute ou son maintien et réclamer uniquement des dommages-intérêts, la responsabilité du cocontractant fautif étant alors de nature délictuelle.
Il sera constaté que Mme [N] a fait le choix de ne pas (plus) demander l’annulation du contrat de cession, sollicitant la réparation d’un préjudice tenant à la perte d’une chance de n’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.
Elle reproche à M. et Mme [X], vendeurs et à la société Afacom MD, mandataire, d’avoir commis des man’uvres dolosives tendant à dissimuler la rentabilité réelle du fonds de commerce acquis dans le cadre d’une description mensongère du bien dans l’annonce publiée sur le portail cessionPME (le carnaval, sans notoriété nationale, n’ayant lieu que pendant les week-ends pendant trois mois, la proximité de l’Espagne étant source de problème et celle des plages très relative), de la rétention d’information concernant la suppression de stationnements à proximité, notamment, gratuits et de fausses explications quant au chiffre d’affaires de l’exercice 2014-2015, émanant des vendeurs, que le mandataire n’a pas vérifiées.
Il lui appartient de démontrer que ces manoeuvres dolosives ont été la cause déterminante de son engagement.
Les critiques formées à l’encontre de l’annonce, présentant l’offre de cession du fonds de commerce de M. et Mme [X] concernent, en réalité, un courriel en date du 8 novembre 2016 adressé à Mme [N] par le représentant de la société Afacom MD, accompagnant le bon de visite-engagement de confidentialité qu’il lui adressait. Aucun des éléments présentés tant par cette annonce que ledit courriel, relatifs à la localisation géographique du fonds de commerce et à l’existence d’un carnaval à [Localité 6] ne caractérisent une omission ou une réticence dolosive, s’agissant d’une présentation par essence succincte, nécessitant que le futur acquéreur se renseigne à partir desdits éléments afin de déterminer si l’offre répond à ses critères et à ses choix. Mme [N] a manifestement effectué cette recherche, puisqu’elle répondait à la société Afacom MD, dans un courriel daté du même jour : ‘assez séduits par l’extérieur et la région, à 1 h 25 de nos enfants…prêts à nous déplacer rapidement’.
Mme [N] ne démontre pas davantage que la facilité d’accès au commerce, mise en avant, notamment dans le document prévisionnel à destination des établissements bancaires, a disparu du fait de la suppression de places de stationnement dans le cadre de travaux effectués par la municipalité début 2017 sur la place proche du fonds et que, le sachant, les vendeurs et la société Afacom MD lui ont dissimulé l’information, puisqu’en réalité, si lesdits travaux, dont la date à laquelle le public en a eu connaissance n’est pas rapportée (l’article de presse en date du 7 octobre 2016 produit par lecessionnaire ne mentionne pas ces travaux), ont diminué les possibilités de stationner à proximité, celles-ci demeurent et dans les mêmes conditions de gratuité.
Mme [N] soutient qu’au regard des chiffres d’affaires qu’elle a réalisés depuis l’acquisition, la présentation des chiffres d’affaires a été falsifiée, celui de l’année 2014-2015 étant en réalité élevé compte tenu de la fermeture sur cette période d’un même fonds de commerce, dénommé les Ch’tis, situé à proximité et ne correspondait pas au chiffre d’affaires habituel du fonds de commerce acquis.
Toutefois, l’analyse du chiffre d’affaires qu’elle a réalisé pendant deux jours en septembre 2018 (qui correspond à la période de fête de la ville) alors que le même fonds de commerce les Ch’tis était fermé ne peut suffire pour démontrer que le chiffre d’affaires du fonds de commerce cédé sur l’exercice 2014-2015 est la conséquence directe de la fermeture de cet autre fonds de commerce.
Il est établi que la ville de [Localité 6] comprend six fonds de commerce de tabac-presse et que le fonds de commerce les Ch’tis, effectivement fermé du 12 juin au 23 juin 2014 et du 21 mars au 21 septembre 2015 (avant sa cession), ne se situe pas dans le coeur de la vieille ville comme le fonds de commerce acquis, mais dans une zone commerciale, longée par la route départementale 118 en direction de [Localité 5] et s’en trouve éloigné d’environ un kilomètre, ne constituant pas, dès lors, le seul et unique concurrent du fonds vendu et sa fermeture n’a pu avoir l’incidence alléguée sur le chiffre d’affaires du fonds acquis pendant l’exercice 2014-2015.
Au demeurant, Mme [N] a été destinataire de l’ensemble des éléments comptables requis lors de la cession d’un fonds de commerce. Elle a, contrairement à ses dires, reçu les tickets Z de caisse lors de sa visite le 11 novembre 2016 (ceux-ci ayant été édités ce jour-là afin de lui être remis). Le prix a fait l’objet d’une discussion entre les parties, son offre, qu’elle a formée dès le lendemain de la visite, qu’elle avait elle-même fixée un jour férié, ayant été acceptée pour un prix moindre que celui annoncé. Pareillement, elle a exprimé très rapidement après la vente (trois mois) sa déception quant aux résultats alors que ceux-ci sont éminemment variables en fonction de divers critères et que la reprise du fonds de commerce nécessitait compte tenu de son caractère de proximité, un certain délai avant que les modifications inhérentes à tout changement de direction et à ceux qu’elle a effectués (travaux, changement des rayonnages…) coïncident avec les souhaits et habitudes de la clientèle.
Pour leur part, M. et Mme [X] justifient que le chiffre d’affaires pour l’année 2016 a été moindre que celui de l’année 2015 compte tenu de l’état de santé de l’époux, ayant notamment entraîné des fermetures ponctuelles et l’embauche d’un salarié à mi-temps.
Ainsi, l’ensemble de ces éléments contredit toute présentation emphatique et trompeuse, relevant de manoeuvres dolosives, de l’activité du fonds de commerce de M. et Mme [X] et de sa rentabilité.
Mme [N] reproche également, et plus précisément, à la société Afacom MD, en sa qualité de ‘mandataire-rédacteur d’acte’ (sic) de l’avoir manipulée pour parvenir à la signature de l’acte au titre d’actes préparatoires, tels que la fausse annonce et une présentation erronée du fonds (existence de deux buralistes seulement sur [Localité 6] et d’un prix inférieur au marché), une attitude ‘proche de la camaraderie’ (sic) et une offre de services tant pour la recherche d’un logement personnel que la rédaction du dossier de financement, ayant, ainsi, eu seule contact avec les banques et l’avocat rédacteur, qui lui a été imposé.
La société Afacom MD n’est pas le rédacteur des actes de cession, ceux-ci ayant été rédigés par un avocat, proposé par la société Afacom MD, que Mme [N] a agréé après avoir eu connaissance de ses honoraires, celle-ci étant elle-même assistée d’un cabinet comptable.
La société Afacom MD établit que le dossier de financement a été réalisé par le cessionnaire tout comme l’essentiel du contenu de la promesse de vente (notamment courriel du 10 décembre 2016). Elle a, par ailleurs, proposé ses services à Mme [N], qui les a acceptés sans que la moindre contrainte ou pression ne soit étayée.
Les éléments précédemment analysés montrent qu’aucune des prétendues fausses informations concernant la présentation du fonds de commerce n’est rapportée, le représentant de la société Afacom MD ayant seulement indiqué, après la vente et à l’occasion de l’expression par Mme [N] de sa déception, qu’il ne connaissait personnellement que deux fonds de commerce similaires sur la ville de [Localité 6] tandis que le prix de vente a fait l’objet d’une libre négociation entre les parties, étant rappelé que Mme [N] présentait une expérience certaine dans l’exploitation d’un tel type de commerce et venait de céder le sien.
Ainsi, Mme [N] ne rapporte pas la matérialité de manoeuvres dolosives, visant à lui dissimuler la rentabilité réelle du fonds de commerce acquis, imputables tant aux vendeurs qu’à leur mandataire, ni a fortiori leur caractère déterminant sur son consentement, qu’elle a exprimé avec célérité en toute connaissance de cause.
En tout état de cause, le préjudice subi ne peut être une perte de chiffre d’affaires, mais une perte de marge que Mme [N] ne chiffre pas.
Par ailleurs, l’ensemble des échanges entre les parties, avant et entre les deux actes, permet de retenir que les vendeurs et leur mandataire ont contracté dans le respect du principe de bonne foi gouvernant la négociation et la formation de tout contrat et les demandes de Mme [N] ne pourront davantage prospérer sur ce fondement.
En conséquence, les demandes d’indemnisation de Mme [N] seront rejetées et il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire formée par M. et Mme [X].
Sur les autres demandes :
L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol. En l’espèce, même si Mme [N] s’est désistée de sa demande principale en nullité de l’acte de cession, ni M. et Mme [X], ni la société Afacom MD ne rapportent que son action, même modifiée au dernier moment (ayant maintenu sa demande, initialement subsidiaire, au titre de demande principale), constitue une telle faute et leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive seront en conséquence rejetées.
La société Afacom MD ne justifie pas davantage avoir subi un ‘préjudice financier et moral’ (sic) du fait de la présente procédure, initiée par Mme [N], et aucune indemnisation ne pourra lui être allouée à ce titre.
Par ces motifs, le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions.
Succombant sur son appel, Mme [N] sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer respectivement la somme de 3 000 euros à M. et Mme [X] et à la société MD, sa demande sur ce fondement étant rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture en date du 1er février 2022,
Déclare irrecevables les conclusions déposées et notifiées les 1er, 2, 9 et 14 février 2022 par Mme [N], d’une part, et M. et Mme [X], d’autre part,
Rejette la demande tendant à écarter des débats les conclusions déposées et notifiées le 31 janvier 2022 par la société MD et M. [J] ès qualités, d’une part, ainsi que par M. et Mme [X], d’autre part,
Constate que Mme [N] ne sollicite plus la nullité de l’acte de cession du fonds de commerce en date du 1er avril 2017,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Carcassonne en date du 14 octobre 2019,
Condamne Mme [N] à payer à M. et Mme [X] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [N] à payer à la société MD, représentée par M. [J], liquidateur amiable, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de Mme [N] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [N] aux dépens d’appel.
le greffier, le président,