Bon de visite : 22 septembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00793

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Bon de visite : 22 septembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00793
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/00793 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FOY2

Minute n° 22/00319

S.A.R.L. SAFTI

C/

[I], [H], [H] NEE [N]

Jugement Au fond, origine Tribunal de proximité de SAINT-AVOLD / FRANCE, décision attaquée en date du 11 Mars 2021, enregistrée sous le n° 11.20.193

COUR D’APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE – TI

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. SAFTI

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

Monsieur [X] [I]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Marie VOGIN, avocat au barreau de METZ

Monsieur [C] [H]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

Madame [P] [H] née [N]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 12 mai 2022 tenue par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Magistrat rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 22 septembre 2022.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame Sophie GUIMARAE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame BASTIDE, Conseiller

Monsieur MICHEL, Conseiller

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme GUIMARAES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE’:

Par acte sous seing privé du 16 septembre 2018, M. [C] [H] et Mme [P] [H] ont conclu avec la Sarl Safti un mandat de vente portant sur leur maison individuelle située [Adresse 1] à [Localité 5], au prix de 227.000 euros incluant une commission d’agence de 7.000 euros, l’article 10 des conditions générales précisant que le mandant s’interdit dans les 12 mois suivant l’expiration du mandat de traiter directement ou par l’intermédiaire d’un autre mandataire avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui.

Par courrier du 14 décembre 2018, M. et Mme [H] ont résilié le contrat de mandat les liant à la Sarl Safti à effet au 31 décembre 2018 et suivant acte notarié du 21 juin 2019, ils ont vendu sans intermédiaire leur immeuble au prix de 200.000 euros à la Sci Paoline constituée le 18 mars 2019 entre M. [X] [K] [I] et sa fille Mme [Z] [I].

Par actes d’huissier des 18 et 20 février 2020, la Sarl Safti a fait assigner devant le tribunal de proximité de Saint Avold, M. [I] et M. et Mme [H] aux fins de voir condamner solidairement les défendeurs à lui verser les sommes de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts et de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

M. et Mme [H] ont demandé au tribunal de prononcer la nullité du mandat conclu entre les parties pour vice de leur consentement, de déclarer non écrit l’article 10 des conditions générales par application des articles 1171 du code civil et L. 212-1 du code de la consommation et de débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs prétentions, à titre subsidiaire de condamner la Sarl Safti à leur verser la somme de 7.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de conseil avec compensation des éventuelles créances réciproques, à titre plus subsidiaire de réduire les demandes à de plus justes proportions et en tout état de cause de condamner la Sarl Safti aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 mars 2021, le tribunal a’rejeté la demande de nullité du mandat de vente conclu entre M. et Mme [H] et la Sarl Safti, rejeté la demande de M. et Mme [H] tendant à voir déclarer non écrit l’article 10 des conditions générales du mandat de vente, débouté la Sarl Safti de sa demande de dommages et intérêts et l’a condamnée à verser à M. et Mme [H] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le premier juge a considéré que la preuve n’était pas rapportée par M. et Mme [H] d’un vice de leur consentement, que l’article 10 des conditions générales du mandat de vente n’est pas pas une clause abusive dès lors qu’elle est raisonnablement limitée dans sa durée et justifiée par un risque important de fraude et qu’elle ne crée aucun déséquilibre dans les droits et obligations des parties et que la Sarl Safti peut s’en prévaloir. Il a cependant estimé que la violation de cet article 10 par les vendeurs n’est pas établie puisque l’acquéreur de leur maison est la Sci Paoline et non M. [I], le fait que celui-ci détienne la quasi-totalité des parts de la Sci étant indifférent au regard de la rédaction de l’article 10 qui n’interdit pas au mandant de réaliser la vente avec une personne morale ayant un lien avec une personne à qui l’agence immobilière aura présenté le bien, qu’il ne peut pas être reproché une collusion frauduleuse à M. [I] qui n’a pas signé le bon de visite et a rejeté la demande de dommages et intérêts de la Sarl Safti et la demande reconventionnelle subsidiaire des défendeurs.

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 29 mars 2021, la Sarl Safti a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts et condamnée à M. et Mme [H] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 19 avril 2022, elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et l’a condamnée aux dépens et au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de:

– rejeter l’ensemble des demandes de M. et Mme [H] y compris leur appel incident

– les condamner solidairement avec M. [I] à lui payer la somme de 7.000 euros en réparation du préjudice subi ainsi qu’une indemnité de 4.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’appelante expose que la vente de la maison, dans le délai de 12 mois à compter de la résiliation du mandat, à la Sci Pioline dont M. [I] était le dirigeant et le principal associé, est constitutive d’une véritable contournement des dispositions du mandat de vente, que M. et Mme [H] ont engagé leur responsabilité contractuelle en traitant directement avec M. [I] qu’elle leur avait présenté et auquel elle avait fait visiter l’immeuble, violant l’interdiction stipulée à l’article 10 du mandat de vente, que l’agence a été spontanément contactée sur les réseaux sociaux puis par sms par M. [I] et sa compagne le 27 septembre 2018 sans qu’il soit fait état d’une quelconque recommandation de M. et Mme [H], que la preuve n’est pas rapportée d’un lien personnel entre les vendeurs et acquéreurs et que M. [I] a admis qu’il avait visité la maison avec sa compagne par l’entremise de l’agence immobilière, qu’il n’était pas intime avec le fils de M. et Mme [H]’et qu’il ne connaissait pas ces derniers personnellement. Elle fait valoir que l’interposition de la Sci Paoline est constitutive d’une fraude mise en place par les intimés dans le but de faire échec à son droit à rémunération, et qu’indépendamment de l’interprétation de la stipulation contractuelle, les agissements de M. et Mme [H] démontrent un manquement à leur obligation de loyauté, de sorte que leur responsabilité contractuelle est nécessairement engagée.

La Sarl Safti soutient par ailleurs que M. [I] a engagé sa responsabilité délictuelle à son égard en se rendant complice de la violation par M. et Mme [H] de leurs obligations contractuelles, qu’il avait parfaitement connaissance du mandat la liant à M. et Mme [H] puisqu’il était présent lors de la visite avec sa compagne qui a signé le bon de visite pour elle-même et son compagnon, ce bon rappelant expressément que les consorts [T] – [I] s’interdisent de traiter l’acquisition de la maison visitée directement avec les vendeurs et qu’ils seront tenus à défaut de payer à la Sarl Safti une indemnité forfaitaire égale au montant de la rémunération qu’elle aurait perçue si elle avait été appelée à concourir à l’acte de vente, ajoutant que la visite a eu lieu le 19 octobre 2018 et que le compromis a été signé le 8 mars 2019 alors que la Sci Pioline n’était pas encore constituée.

Concernant l’indemnisation de son préjudice, l’appelante expose que les fautes commises par les intimés lui ont causé un préjudice certain, direct, personnel et actuel en la privant illégitimement de son droit à commission, qu’elle évalue à la somme de 7.000 euros par application de la clause pénale figurant à l’article 11 du mandat de vente, soit 3,08 % du prix de vente prévu ce qui n’est pas manifestement excessif au regard des diligences qu’elle a réalisées.

Sur la nullité du mandat, elle fait valoir que le prix stipulé sur le mandat a été fixé à la demande de M. et Mme [H] bien qu’elle les ait avisés, tant antérieurement que postérieurement à la conclusion du mandat, qu’elle le considérait trop élevé, que l’erreur sur la valeur du bien invoquée par les vendeurs est insusceptible d’entraîner la nullité du mandat par application des dispositions de l’article 1136 du code civil, le prix de vente du bien ne concourant pas à la détermination des qualités essentielles des prestations confiées à l’agent immobilier telles que précisées aux articles 3 et 9 du mandat de vente. Elle conteste également tout manquement à son devoir de conseil, les intimés ne justifiant pas du préjudice allégué. Enfin, elle conteste le caractère abusif de l’article 10 du mandat qui n’introduit aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties dans la mesure où il n’est que la juste contrepartie du travail fourni par l’agent immobilier durant la période de validité du mandat et permet d’éviter toute fraude à ses droits.

M. et Mme [H] concluent à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté leurs demandes de nullité du mandat de vente et tendant à déclarer non écrit l’article 10 des conditions générales du mandat de vente et demandent à la cour de :

– prononcer la nullité du contrat conclu avec la Sarl Safti

– réputer non écrit l’article 10 des conditions générales du mandat de vente

– subsidiairement confirmer le jugement

– plus subsidiairement condamner la Sarl Safti à leur payer une somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts avec compensation des éventuelles créances réciproques

– réduire les pénalités prévues par l’article 12 des conditions générales à de plus justes proportions et débouter la Sarl Safti du surplus de sa demande

– en tout état de cause la condamner l’appelante aux entiers frais et dépens d’appel ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les intimés, qui rappellent que la clause de semi-exclusivité du mandat leur donnait le droit de vendre la maison par eux-mêmes sans aucune indemnité pour l’agence immobilière, contestent l’intermédiation de l’agence dans la vente de la maison, en soutenant que c’est par le biais de leur fils qui connaissait M. [I] qu’il a appris que leur maison était mise en vente, produisant des échanges qui selon eux démontrent leurs relations et l’absence de collusion. Ils ajoutent que le bon de visite du 19 octobre 2018 a été signé par Mme [T] seule, laquelle est étrangère à la Sci Paoline, à laquelle le bien a été vendu.

Sur la nullité du mandat pour erreur sur une des qualités essentielles du contrat, ils exposent que leur consentement a été vicié dans la mesure où la Sarl Safti a obtenu le mandat sur la base d’un prix qui ne correspondait pas à la réalité du marché et qui ne lui permettait pas de respecter son engagement ainsi que le démontre les nombreuses visites infructueuses et la vente intervenue en définitive au prix de 200.000 euros.

A titre subsidiaire, ils sollicitent des dommages-intérêts pour défaut de conseil et la compensation des créances réciproques par application de l’article 1217 du code civil, aux motifs que l’agence a engagé sa responsabilité en surévaluant le bien immobilier à 227.000 euros pour emporter le mandat. Ils prétendent également que l’article 10 des conditions générales du mandat de vente crée un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat en ce que le mandat donné pour une durée irrévocable de 3 mois prévoit une interdiction quatre fois plus longue et qu’il permet à l’agence de recevoir une rémunération alors même que le prix qu’elle a fixé est surévalué et n’a pas permis de trouver acquéreur et qu’il s’agit d’une clause abusive au regard des dispositions des articles 1171 du code civil et L. 212-1 du code de la consommation, réputée non écrite. Ils soutiennent qu’en tout état de cause, l’article 10 n’a pas vocation à s’appliquer car, même si M. [I] a un lien avec l’acquéreur, la Sci Paoline, l’article 10 du mandat n’interdit pas au mandant de réaliser la vente avec une personne morale ayant un lien avec une personne à qui l’agence aurait présenté le bien. Enfin, ils demandent à la cour de modérer la clause pénale, sur le fondement de l’article 1231-5 du code civil, la somme réclamée étant manifestement excessive.

M. [I] conclut à la confirmation du jugement et demande à la cour de condamner la Sarl Safti à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

Il expose que n’étant pas partie au contrat de mandat, il ignorait les conditions d’intervention de la Sarl Safti dont il conteste l’intermédiation dans la vente, intervenue plus de six mois après la fin du mandat signé par les vendeurs, que si la visite de la maison organisée par l’agence immobilière a eu lieu en sa présence, cette visite n’a pas abouti, que c’est sa compagne qui a contacté la société Safti pour visiter le bien, signé le bon de visite et finalement informé l’agence qu’elle n’entendait pas y donner suite, qu’il s’est intéressé à la maison parce que le prix avait baissé et qu’il venait lui-même de mettre en vente son immeuble, que la vente a été conclue au profit de la Sci Paoline qu’il a constituée avec sa fille et non avec Mme [T], ajoutant qu’il n’a pas voulu s’épargner les frais d’agence alors que les formalités de constitution de la Sci lui ont coûté les frais d’enregistrement et les honoraires du notaire, soit environ 2.500 euros. Il précise encore qu’il ne connaissait pas personnellement M. et Mme [H] et que leur fils n’était qu’une connaissance et non un intime’et que l’appelante ne rapporte pas la preuve qu’il avait connaissance des termes exacts du mandat de vente liant les vendeurs et l’agence immobilière, ni intentionnellement aidé M. et Mme [H] à enfreindre leurs obligations.

MOTIFS DE LA DECISION :

Vu les conclusions déposées le 19 avril 2022 par la Sarl Saft, le 23 février 2022 par M. et Mme [H] et le 16 mars 2022 par M. [I], auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens’;

Vu l’ordonnance de’ clôture en date du 2 mai 2022′;

Sur la nullité du contrat de mandat

Suivant l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que sans eux l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, le caractère déterminant s’appréciant eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L’article 1132 précise que l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat quand elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du contractant et l’article 1136 que l’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités substantielles de la prestation, un contractant porte seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte n’est pas une cause de nullité.

En l’espèce, l’erreur sur l’estimation de leur maison alléguée par M. et Mme [H] porte sur la rentabilité de l’opération économique, laquelle ne constitue pas un élément substantiel de l’engagement conclu, et est donc sans incidence sur la validité du mandat. En outre, ainsi que l’a relevé le premier juge, ils ne rapportent pas la preuve qu’ils auraient été induits en erreur par l’agence immobilière sur la valeur de leur immeuble, alors qu’il résulte des pièces du dossier que dès le 3 août 2018 la conseillère immobilière de la société Safti, leur a demandé de reconsidérer le prix de vente qu’elle estimait trop élevé compte tenu des défauts révélés par les diagnostics techniques effectués la veille. S’il est exact, comme le font observer M. et Mme [H], que ce courriel ne précise pas le prix de vente, il doit être rapproché de celui du 12 octobre 2018 aux termes duquel Mme [S] rappelle qu’ainsi qu’indiqué à la prise du mandat, le prix fixé se situe dans une fourchette très haute, ainsi que de ses messages des 20 octobre et 30 novembre 2018 leur demandant de baisser le prix de vente en préconisant un prix maximum de 207.000 euros, ce que M. et Mme [H] ont refusé par mail du 4 décembre 2018, avant de résilier le contrat de mandat par courrier du 14 décembre 2018.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du mandat pour vice du consentement.

Sur la validité de l’article 10 des conditions générales du mandat

L’article 10 des conditions générales du contrat de mandat stipule que le mandant s’interdit dans les douze mois suivant l’expiration du mandat, de traiter directement ou par l’intermédiaire d’un autre mandataire avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui, le non respect de cette obligation étant sanctionné, selon l’article 11, par le paiement par le mandant au mandataire, en vertu de l’article 1231-5 du code civil, d’une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération du mandataire telle prévue à l’article 8.

Ainsi que l’a exactement analysé le premier, cette clause qui limite raisonnablement, au regard de la durée du mandat, la durée de l’interdiction, conformément à la recommandation 2003/02 émise le 18 septembre 2003 par la commission des clauses abusives concernant les mandats de vente, de location ou de recherche, et qui se justifie pleinement par le risque de fraude au détriment de l’agence immobilière, ne crée pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Etant observé en outre que si le montant de l’indemnité due par le mandant en cas de non respect est susceptible de réduction par application de l’article 1231-5 du code civil, cette clause ne peut être qualifiée de clause abusive au sens des articles 1171 du code civil et L.212-1 du code de la consommation.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. et Mme [H] tendant à voir dire et juger non écrite la clause litigieuse.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la Sarl Safti

Il résulte de ce qui précède que M. et Mme [H] ont confié à la Sarl Safti, le 16 septembre 2018, un mandat de vendre leur maison située à [Localité 5] pour le prix de 227.000 euros, en s’interdisant pendant la durée du mandat et pendant une période de douze mois suivant son expiration, de traiter directement ou par l’intermédiaire d’un autre mandataire avec un acquéreur leur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui. Ils ont mis fin au contrat de mandat par courrier du 14 décembre 2018 à effet au 31 décembre 2018 et ont vendu l’immeuble, le 21 juin 2019, sans l’intermédiaire de la Sarl Safti, pour le prix de 200.000 euros à la Sci Paoline constituée le 18 mars 2019 entre M. [K] [I] et sa fille, [Z] [I].

Or, il résulte des éléments du dossier que le 19 octobre 2018 M. [I] a visité l’immeuble avec sa compagne, Mme [T], par l’entremise de la Sarl Safti et que son identité en tant qu’acquéreur potentiel a été porté à la connaissance de M. et Mme [H] avant la résiliation du mandat de vente.

Ainsi que l’a rappelé le premier juge, la Sarl Safti justifie que par courriel en date du 27 septembre 2018, Mme [T] a pris attache avec l’agence en indiquant qu’elle recherchait avec son ami une maison de plein pied sur le secteur de [Localité 5] et lui demandant de lui adresser des liens correspondant à leur recherche, que la conseillère immobilière de la société a organisé la visite de la maison de M. et Mme [H] en présence de M. [I]’et que le 22 octobre 2018, Mme [T] a informé l’agence qu’elle n’entendait pas y donner suite et qu’elle ne souhaitait pas en l’état visiter d’autres biens. La présence de M. [I] lors de cette visite ne peut être sérieusement contestée alors que la Sarl Safti verse aux débats le bon de visite établi aux noms de [T]-[I] le 19 octobre 2018 et signé par Mme [T], le courriel adressé le 20 octobre 2018 à M. et Mme [H] les avisant de la visite de la maison la veille par Mme [T] et M. [I], lequel ne paraît pas intéressé, trouvant le prix trop élevé, et la liste des visites de la maison comprenant les noms de Mme [T] et M. [I], laquelle a été contresignée par M. et Mme [H] sans aucune objection. Il sera également rappelé que M. [I] a lui-même reconnu à l’audience de première instance du 19 novembre 2020, qu’il avait visité l’immeuble en compagnie de Mme [T] par l’intermédiaire de la Sarl Safti.

Les allégations des vendeurs selon lesquelles ils auraient eux-mêmes adressé M. [I] à la Sarl Safti ne résistent pas à l’examen au regard des éléments ci-dessus, le fait que leur fils a eu des relations professionnelles avec M. [I] étant insuffisamment probant, celui-ci précisant dans ses conclusions qu’il n’était qu’une connaissance et non un intime. Enfin, le courriel adressé par M. et Mme [H] à leur fils, lui demandant d’avertir [K] ([I]) qu’ils ont une offre de 200;000 euros à laquelle ils doivent répondre rapidement, est daté du 4 février 2019, soit postérieurement à la visite de la maison par M. [I] et à la résiliation du contrat de mandat. Ce moyen est donc inopérant.

S’il est exact que le potentiel acquéreur présenté par la Sarl Safti à M. et Mme [H] est différend de celui qui a finalement acheté la maison, il n’en demeure pas moins que les vendeurs, en concluant directement la vente du bien immobilier avec la Sci Paoline dont le principal associé et le représentant légal est M. [I] dont ils savaient qu’il avait visité la maison par l’entremise de la Sarl Safti, ont manqué à l’obligation de loyauté qui pèse sur tout contractant, en violation des dispositions de l’article 1104 du code civil, l’aménagement ainsi apporté à l’opération étant constitutif d’une fraude destinée à tenir en échec le droit à rémunération de l’agence immobilière. Il est en outre observé que M. et Mme [H] se sont abstenus d’informer la Sarl Safti de la vente intervenue dans les douze mois suivant l’expiration du mandat ainsi qu’ils s’y étaient engagés aux termes de l’article 10 des conditions générales du mandat.

Cette fraude, qui engage la responsabilité contractuelle de M. et Mme [H] sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil, ouvre droit à la Sarl Safti au paiement d’une indemnité compensatrice, à titre de clause pénale, égale au montant de la commission prévue au contrat de mandat.

S’agissant de M. [I], qui a visité l’immeuble avec sa compagne, signataire du bon de visite qui rappelle expressément l’interdiction d’acquérir le bien par entente directe avec le vendeur sous peine de verser une indemnité forfaitaire à l’agence égale à la rémunération qu’elle aurait dû obtenir, il ne pouvait ignorer, même s’il n’a pas lui-même signé ledit bon de visite, qu’en traitant directement avec M. et Mme [H] par l’intermédiaire de la Sci Paoline dont il détenait 99 parts sociales et sa fille une part sociale, il privait l’agence immobilière par l’intermédiaire de laquelle il avait visité l’immeuble, de son droit au paiement à commission. En participant sciemment à la fraude, il a commis une faute, engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Il convient en conséquence de condamner in solidum M. et Mme [H] et M. [I] à verser à la Sarl Safti la somme de 7.000 euros, sans qu’il y ait lieu à réduction de ce montant qui représente 3,5 % du prix de vente effectif de l’immeuble (prix qu’elle avait préconisé par mail du 30 novembre 2018) et n’apparaît pas excessif au regard des diligences accomplies. Le jugement déféré est infirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [H]

Ainsi qu’il a été développé ci-dessus, aucun manquement à son devoir de conseil ne peut être reproché à la Sarl Safti alors qu’elle justifie avoir averti à plusieurs reprises les vendeurs que le prix de la maison était surévalué et ne permettrait pas de trouver un acquéreur. Les intimés sont en conséquence déboutés de leur demande subsidiaire de dommages-intérêts.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il y a lieu en équité, compte tenu de l’issue de la procédure, de condamner in solidum M. et Mme [H] et M. [I] à verser à la Sarl Safti une indemnité de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. M. et Mme [H] de même que M. [I], parties perdantes, seront déboutés de leur demande sur ce même fondement et supporteront les entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

CONFIRME le jugement rendu le 11 mars 2021 par le tribunal de proximité de [Localité 5] en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [C] [H] et Mme [P] [H] tendant à voir déclarer nul le mandat de vente conclu avec la Sarl Safti et déclarer non écrit l’article 10 des conditions générales du manda de vente ;

L’INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,

CONDAMNE in solidum M. [C] [H], Mme [P] [H] et M. [X] [K] [I] à payer à la Sarl Safi la somme de 7.000 euros ;

DEBOUTE M. [C] [H] et Mme [P] [H] de leur demande subsidiaire de dommages-intérêts et de compensation entre les créances ;

CONDAMNE in solidum M. [C] [H], Mme [P] [H] et M. [X] [K] [I] à verser à la Sarl Safti une indemnité de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [C] [H], Mme [P] [H] et M. [I] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [C] [H], Mme [P] [H] et M. [I] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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