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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 21 Février 2023
N° RG 20/01536 – N° Portalis DBVY-V-B7E-GSNM
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 09 Novembre 2020
Appelant
M. [N], [Z], [V] [W]
né le 03 Septembre 1948 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
Représenté par la SELARL CABINET ALCALEX, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représenté par la SELARL A-LEXO, avocats plaidants au barreau de VALENCE
Intimée
S.A.S. VUILLERMET – AGENCE LAFORET, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SELARL LAMOTTE & AVOCATS, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS
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Date de l’ordonnance de clôture : 24 Octobre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 novembre 2022
Date de mise à disposition : 21 février 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
– Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,
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Faits et Procédure
L’activité de l’agence immobilière Laforêt, à [Localité 4], a été exercée en nom personnel par M. [F] [K] puis par la société Vuillermet Immo (SAS) au cours de l’année 2015.
Dans le cadre de son activité, l’agence a été mise en relation d’affaires avec M. [N] [W] à partir de l’été 2014. Celui-ci et son épouse, selon mandat de vente sans exclusivité en date du 3 juillet 2014, lui ont confié la vente de leur maison d’habitation et du terrain attenant situés sur le territoire de la commune de [Localité 3] pour un prix de 610 000 euros, dont rémunération du mandataire de 30 000 euros TTC à la charge du mandant.
Le 23 septembre 2014, le mandat de vente a fait l’objet d’un avenant, fixant un prix de 589 000 euros incluant une commission d’agence de 4 % TTC.
L’agence Laforêt, en la personne de M. [K], a fait visiter la propriété de M. et Mme [W] à Mme [D] et M. [E] le 13 novembre 2014 selon bon de visite n° 592 puis le 2 décembre 2014.
Par courrier le 3 décembre 2014, M. [W] a remercié M. [K] pour ces deux visites et a procédé à la résiliation du mandat de vente du 3 juillet 2014 et de son avenant du 23 septembre 2014 proposant la signature d’un nouveau mandat sur la base d’un prix net vendeur de 580 000 euros.
Le 23 décembre 2014, le nouveau mandat a été signé pour un prix de 610 000 euros, dont 30 000 euros TTC de rémunération du mandataire.
Le 20 mars 2015, Mme [D] et M. [E] ont régularisé auprès de l’agence Laforêt, par l’intermédiaire de leurs notaires respectifs, une offre d’achat de bien immobilier de M. et Mme [W] au prix de 550 000 euros, rémunération du mandataire immobilier comprise, soit un prix net vendeur de 530 000 euros. Les conditions financières ont été acceptées le jour même par M. et Mme [W].
Le 2 avril 2015, M. et Mme [W], Mme [D] et M. [E] ont signé un compromis de vente pour un prix de 550 000 euros dont 20 000 euros TTC de rémunération du mandataire immobilier, une clause de négociation immobilière et d’entremise de l’agence Laforêt figurant en page 14 dudit compromis.
Ce compromis a été régularisé notamment sous les conditions suspensives suivantes au profit des acquéreurs:
– Obtention d’un prêt d’un montant maximum de 385 000 euros d’une durée maximale de 15 ans au taux d’intérêt maximal hors frais de dossier, assurance et de garanties de 2,30%, d’ici le 23 mai 2015,
– Vente d’ici le 15 juillet 2015, par M. [E] de biens immobiliers lui appartenant, situés à [Localité 4] ayant fait l’objet d’une promesse de vente du 18 mars 2015.
Le 22 octobre 2015, par l’intermédiaire de leurs notaires respectifs, les parties ont régularisé un second compromis de vente au même prix stipulant que ce dernier serait versé pour partie au moyen d’un prêt consenti par la Banque populaire des Alpes ayant fait l’objet d’une offre en date du 8 octobre 2015 acceptée le 20 octobre 2015 et pour le surplus au moyen de leurs deniers personnels.
Cet acte comportait également une clause de négociation immobilière et d’entremise au profit de l’agence Laforêt figurant en page 12.
Par acte authentique reçu par les notaires le 10 novembre 2015, M et Mme [W] ont vendu à Mme [D] et M. [E] leur propriété du [Localité 3] pour la somme de 550 000 euros convenue avec en page 25 de cet acte authentique sous l’intitulé « Négociation » : « les parties reconnaissent que les termes, prix et conditions de la présente vente ont été négociés par l’agence Laforêt, titulaire d’un mandat donné par le vendeur (‘). En conséquence, le vendeur qui en a seul la charge aux termes du mandat, doit à l’agence une rémunération de vingt mille euros (20 000, 00 euros), taxe sur la valeur ajoutée incluse. Cette rémunération est réglée par la comptabilité de maître [O] [I], notaire sus-nommé, représentant le vendeur ».
La société Vuillermet, successeur de M. [K], a établi le même jour, sa facture d’intervention d’un montant de 20 000 euros TTC à l’attention de M. [W], qui, pour refuser le déblocage des fonds détenus par le notaire, a d’abord invoqué une caducité du mandat de vente confié à l’agence Laforêt et dans un second temps un changement dans la situation juridique de l’agence.
Divers courriers ont été échangés entre les parties et M. [W] a sollicité l’intervention de M. [H] conciliateur de justice près le tribunal d’instance de Romans. Un accord est intervenu en mars 2016 et en contrepartie du versement effectif et de l’encaissement de la somme de 20 000 euros, la société Vuillermet s’est engagée à renoncer pour le surplus à toutes autres réclamations quelles qu’elles soient à l’encontre de M. et Mme [W], et la somme de 20 000 euros convenue a été réglée par le notaire à l’agence.
Par acte en date du 7 février 2017, M. [N] [W] a fait assigner la société Vuillermet devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains aux fins d’obtenir la restitution des sommes versées, selon lui, indûment.
Par jugement rendu le 9 novembre 2020 le tribunal de Thonon-les-Bains a :
– déclaré irrecevable l’action engagée par M. [N] [W] à l’encontre de la SAS Vuillermet Immo,
– condamné M. [N] [W] à verser à la SAS Vuillermet Immo la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [N] [W] aux dépens.
Le tribunal a retenu que :
‘ l’accord de conciliation a été conclu entre M. [W], qui agissait tant pour lui-même que pour son épouse, et l’agence Laforêt gérée par la SAS Vuillermet immo, qui avait succédé à l’entreprise [F] [K] à la tête de ladite agence en 2015, pour ce qui a été convenu et à l’égard de la même cause,
‘ l’accord de conciliation est un contrat ayant force obligatoire, sa contestation est alors soumise au régime du droit commun des obligations et peut être annulé ou rescindé s’il ne répond pas aux conditions requises pour sa formation par l’article 1108 du code civil. Or, les conditions de capacité, de consentement, d’objet et la cause contestées par M. [W] sont remplies, par conséquent, il n’est pas recevable à agir à l’encontre de la SAS Vuillermet immo
Par déclaration au greffe en date du 16 décembre 2020, M. [W] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 9 septembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [N] [W] sollicite l’infirmation du jugement déférée et demande à la cour de :
En vertu des dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et de son décret d’application n° 72-678 du 20 juillet 1972, des articles 1376 et 1382 du code civil,
de la jurisprudence,
– réformer la décision rendue le 9 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains,
Par conséquent,
– déclarer recevable l’action intentée par M. [W], sur le fond,
– ordonner la restitution des sommes indûment versées à la société Vuillermet Immo au profit de M. [W],
– condamner la société Vuillermet immo à verser à M. [W] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier,
– condamner la société Vuillermet Immo à verser à M. [W] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, M. [N] [W] expose essentiellement que :
l’action est recevable puisque :
‘ dès lors que la conciliation et la teneur de l’accord n’ont pas respecté les dispositions législatives, il ne peut y avoir d’accord de conciliation possédant l’autorité de la chose contractée,
‘ or, le conciliateur n’a jamais réuni les deux parties, il n’est pas intervenu dans le cadre d’une procédure contentieuse et aucune mission de conciliation ne lui a été déléguée par quelques juridictions,
‘ le conciliateur n’a établi aucun constat d’accord, signé par les deux parties, qui aurait pu être homologué par le juge afin d’acquérir l’autorité de la chose jugée,
‘ un contrat n’a d’effet qu’entre les parties. Or, Mme [W] n’a jamais signé le mandat et le tribunal ne justifie pas que M. [W] aurait représenté son épouse lors de l’accord de conciliation,
‘ en délivrant les fonds, M. [W] n’a pas renoncé à faire valoir ses droits,
‘ une confusion apparaît quant à l’identité des parties puisque M. [W] n’a jamais eu de litige avec l’agence Laforêt, mais uniquement avec l’agence Vuillermet immo, qui constitue une entreprise différente et dont le seul point commun est l’adhésion à un réseau de franchise,
‘ il n’entretient aucune relation contractuelle avec la société Vuillermet immo puisque :
– les relations contractuelles l’ont lié à la société [F] [K] qui a cessé son activité le 1er juillet 2015 et ne pouvait donc négocier aucune transaction passée cette date,
– aucun mandat n’a été signé avec la société SAS Vuillermet immo, qui est une entité juridique distincte de la société [F] [K],
– la délégation de mandat, dont il n’a pas eu connaissance, ne peut constituer une cession de créance régulière telle que prévu par l’ancien article 1690 du code civil alors applicable,
‘ la société Vuillermet immo ne peut avoir accompli des diligences en amont de la signature du compromis de vente du mois d’avril 2015 dans la mesure où elle n’a commencé son activité qu’au mois de juillet 2015,
‘ il n’avait plus de contact avec M. [F] [K] en raison du renoncement des candidats à l’acquisition de la maison, de l’absence de mandat avec M. [F] [K] et la volonté de ce dernier de ne plus entretenir de contact avec les vendeurs,
‘ le notaire a fourni à la société Vuillermet immo des documents auxquels cette dernière n’a pas participé, alors même qu’il ne pouvait ignorer la distinction entre raison sociale et enseigne commerciale qui excluait l’hypothèse de la transmission d’entreprise,
‘ la société Vuillermet immo a obtenu le paiement d’une prestation qu’elle n’a jamais effectuée et n’ayant fait l’objet d’aucun contrat,
‘ le second mandat signé le 21 mars 2015 ne porte pas la mention manuscrite « bon pour mandat » ni la signature de Mme [W] pourtant propriétaire du bien.
Par dernières écritures en date du 22 octobre 2021 régulièrement notifiées par voie de communication électronique la SAS Vuillermet Immobilier demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action engagée par M. [N] [W],
A titre principal,
Vu l’article 1134 du code civil,
Vu les articles 129-2 à 129-4, 130 et 131 du code de procédure civile,
Vu la conciliation intervenue les 28 et 30 mars 2016 par l’entremise de M. [A] [H], conciliateur de justice près le tribunal d’instance de Romans,
vu l’exécution sans réserve de cet accord de conciliation par M. [N] [W],
– déclarer irrecevable l’action engagée par ce dernier,
A titre subsidiaire,
– débouter M. [N] [W] de ses demandes,
A titre encore plus subsidiaire et dans tous les cas,
Vu l’article 1271-3 ancien du code civil, 1329 et 1333 nouveaux du code civil,
Vu dans tous les cas la novation intervenue par changement de créancier consacrée par l’accord de conciliation des 28 et 30 mars 2016 par l’entremise de M. [A] [H], conciliateur de justice près le tribunal d’instance de Romans avec la participation active de M. [N] [W],
– débouter de plus fort M. [N] [W] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– le condamner au paiement d’une somme de 5 000 euros pour procédure abusive et injustifiée,
– le condamner encore :
– au paiement d’une somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses prétentions, la société Vuillermet immobilier fait valoir, en substance, que :
‘ le conciliateur de justice peut parfaitement établir un accord à distance lorsque, sans avoir rencontré l’ensemble des parties au différend, il aura pu s’assurer que celles-ci sont parvenues à un accord,
‘ la conciliation intervenue par l’intermédiaire de M. [H], conciliateur de justice, a été formalisée par l’échange des 29 et 30 mars 2016, et a été exécutée de telle sorte qu’elle constitue un accord mettant fin au litige,
‘ le défaut d’homologation judiciaire de l’accord intervenu n’a pas d’incidence sur sa valeur juridique, mais uniquement sur sa force exécutoire en cas d’inexécution,
‘ M. [W] ne rapporte pas la preuve d’un quelconque vice du consentement ou que son accord à la conciliation qu’il a lui-même initiée aurait été surpris. Son accord de volonté a d’ailleurs été confirmé par son exécution,
‘ dans l’acte de vente, M. [W] a reconnu que les termes, prix et conditions de la vente ont été négociés par l’agence Laforet et la note d’honoraires du 10 novembre 2015 est bien sur papier en tête de l’agence Laforet SAS Vuillermet immo,
‘ la vente du bien immobilier de M. [W] s’est faite par l’entremise de l’agence Laforet immobilier, ce qui a été précisé dans l’ensemble des actes notariés,
‘ lors de la régularisation de l’offre d’achat du 20 mars 2015 le mandat de vente signé le 16 décembre 2014 était toujours en cours de validité puisqu’il n’a pas été dénoncé 15 jours avant la période irrévocable de 3 mois, et qu’il prévoyait que, sauf dénonciation, il serait prorogé pour une durée maximale de 12 mois supplémentaires,
‘ M. [W] avait connaissance de la reprise de l’agence Laforet par la SAS Vuillermet immo,
‘ il y a dans l’acceptation et l’exécution de la conciliation de justice par M. [W] une novation par changement de créancier qui s’est opérée,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 24 octobre 2022 clôture l’instruction de la procédure.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la conciliation conventionnelle régularisée entre les parties
La conciliation querellée, qui est intervenue en dehors de toute instance judiciaire, est une conciliation conventionnelle prévue au chapitre II du livre V du code de procédure civile « La résolution amiable des différents » et régie par les articles1536 à 1541 dudit code.
Il est constant que l’accord de conciliation, convention informelle, est un accord de volonté auquel les parties peuvent donner la forme qu’elles souhaitent. Aucune forme n’étant exigée, l’accord peut être simplement verbal. Cet accord consiste en un engagement oral de la part des parties à exécuter de bonne foi la solution à laquelle elles sont parvenues, qui met fin à leur différend.
Cet accord existe par lui-même et produit des effets juridiques dès l’échange des consentements des parties, sans avoir besoin d’être constaté dans un écrit et sa valeur intrinsèque n’est pas conditionnée par l’établissement d’un procès-verbal par le juge dont l’objet est de conférer force exécutoire à l’accord.
Dès lors et ainsi que l’a relevé le premier juge, par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, en l’absence d’élément nouveau :
La conciliation est, à l’instar de la médiation, un des modes alternatifs de règlement des conflits.
Il s’agit d’un accord par lequel par deux personnes en litige mettent fin à celui-ci, la solution du différend résultant non d’une décision de justice mais de l’accord des parties elles-mêmes.
Avant d’être constaté par l’autorité judiciaire, l’accord de conciliation est une simple convention, soumise au droit commun des obligations. Son autorité est donc, en principe, celle reconnue à tout contrat : l’autorité de la chose convenue.
Comme toute convention, l’accord amiable a entre les parties l’autorité de la chose contractée, autrement dit, il a force obligatoire ou, pour reprendre les termes employés par l’ancien article 1134 du code civil, applicable aux faits de l’espèce, il tient lieu de loi à ceux qui l’ont conclu, ne peut être révoqué que du consentement mutuel des parties et doit être exécuté de bonne foi. Cette autorité est relative, c’est-à-dire que l’accord de conciliation n’a d’effet qu’entre les parties contractantes et ne saurait engager les tiers, conformément aux dispositions de l’ancien article 1165 du code civil.
L’accord de conciliation des parties étant un contrat, sa contestation est soumise au régime du droit commun des obligations. Il peut donc être annulé ou rescindé s’il ne répond pas aux conditions requises pour sa formation par l’ancien article 1108 du code civil, autrement dit, s’il ne remplit pas les conditions de capacité, de consentement, d’objet ou de cause.
En l’espèce, il convient tout d’abord de se référer au courrier du 17 mars 2016 de Me [R] notaire des consorts [E]/[D], adressé à la société Vuillermet, agence Laforêt, reprenant et explicitant le déroulement du dossier :
« Un compromis de vente a été régularisé en l’étude de Me [I], mon confrère notaire à Thonon les bains le 2 avril 2015 entre M. et Mme [W] et M. [E] et Mme [D] pour la vente d’une maison située au [Localité 3].
Les acquéreurs que je représentais, ont eu les pires difficultés pour obtenir leur prêt. Notamment des problèmes d’assurance ont passablement retardé le dossier.
Le prêt a été accordé au mois d’août 2015 mais les acquéreurs n’ont pu accepter que le 20 octobre suivant après obtention des assurances.
Le compromis restait pour moi valable tant qu’aucune des parties ne l’avait dénoncé.
Les acquéreurs n’ont donc jamais interrompu leurs démarches et ont maintenu leur intention d’acquérir.
A la demande des vendeurs, c’est un nouveau compromis qui a été fait.
J’ai dans un premier temps refusé de signer un nouveau compromis. Je n’en saisissais par l’intérêt. Un simple avenant suffisait.
Cependant, les vendeurs par l’intermédiaire de leur conseil ont expliqué qu’il était préférable pour eux, de signer un nouveau compromis par rapport à leur propre vendeur qui attendait lui aussi de régulariser sa vente.
J’ai lourdement insisté auprès de mon confrère pour que cette man’uvre ne soit pas dilatoire et ne permette pas à M. et Mme [W] d’éluder justement le paiement de commission d’agence. En effet ces derniers contestaient apparemment déjà leur obligation de paiement.
Ainsi, dans le compromis de vente signé le 22 octobre 2015, mon confrère a tout naturellement porté la mention d’une commission d’agence de 20 000 euros au profit de votre établissement.
M. et Mme [W] en ont validé le principe et le montant en signant le compromis.
Dans cet acte la renonciation à la condition suspensive de prêt a été précisée, le prêt ayant été accordé et l’offre signée en date du 20 octobre. Ce nouveau compromis était à même de rassurer les vendeurs de M. et Mme [W].
Lors de la signature de la vente, le montant de la commission a de nouveau été précisé et accepté par toutes les parties.
Je suis donc excessivement surpris qu’à ce jour M. et Mme [W] refusent le paiement de cette commission.
Je ne vois pas ce que l’on pourrait reprocher à votre agence dans la mesure où le retard est totalement imputable au montage du dossier de prêt pour lequel les acquéreurs ont même reçu une lettre d’excuse de leur banque. »
Les échanges entre les parties par l’intermédiaire de M. [H] conciliateur au tribunal d’instance de Romans saisi par M. [W] et du conseil de l’agence Laforêt, ont été les suivants :
Pour contester le versement de la somme de 20 000 euros, M [W] considérait, qu’une rupture totale et définitive était intervenue avec l’agence à la suite du courriel du 27 juin 2015 de l’agence Laforêt l’avisant de ce que les consorts [E]/[D] renonçaient à l’acquisition du bien pour défaut d’obtention du prêt, et lorsque la situation des acquéreurs a évolué les formalités ont été accomplies entre les parties sans l’intervention de l’agence Laforêt.
(Lettre du conciliateur en date du 28 janvier 2016)
En réponse le conseil de l’agence indiquait que :
Il ne pouvait être considéré sur le plan factuel et juridique que les relations contractuelles entre les époux [W] avaient cessé à l’été 2015 alors que tant le compromis de vente du 22 octobre 2015 que l’acte authentique de vente ont mentionné l’intervention de l’agence.
L’acte authentique faisait état du montant de la commission et de son règlement par la comptabilité du notaire, sans qu’une convention de séquestre n’ait été convenue ce qui aurait nécessairement été le cas s’il avait existé une difficulté (Courrier RAR de Me [S] du 19 février 2016).
Par courrier du 29 février 2016, le conciliateur indiquait que M. [W] maintenait sa position faisant valoir les arguments suivants :
– absence de contrat avec l’agence ayant succédé à celle avec laquelle il avait initialement contracté
– rappel de la lettre de résiliation du 8 juin 2015 adressée à l’agence,
– aucune action à imputer à l’agence du 25 juin au 30 novembre 2015.
Précisant cependant :
« M [W] ne nie pas, qu’à l’origine, c’est l’agence qui a présenté le futur acquéreur de la maison. Néanmoins, en raison notamment des arguments précités, il estime que la somme est nettement trop importante. Il accepterait de verser 5 000 euros pour solde de tout compte. »
Cette proposition faisait l’objet d’un refus de l’agence Laforêt.
C’est dans ces conditions que par courrier du 28 mars 2016, le conciliateur précisait à l’attention du conseil de l’agence Laforêt :
« M [W] a décidé qu’il avisera le notaire, Me [I], afin que les fonds prévus (20 000 euros) soient libérés. Toutefois auparavant, M. [W] demande à ce que vous lui adressiez un courrier ou couriel lui précisant :
que vous avez pris acte du présent fax que je vous adresse,
que le versement des fonds prévus le sera pour solde de tout compte et que vous précisez qu’aucune poursuite sera mise en route contre lui, notamment concernant le retard pris pour conclusion de ce dossier. »
Par courrier du 30 mars 2016, le conseil de l’agence Laforêt confirmait qu’en contrepartie du versement et de l’encaissement de la somme de 20 000 euros, sa cliente renoncerait pour le surplus à toutes réclamations quelles qu’elles soient à l’encontre des époux [W], le règlement de ladite somme étant accepté pour solde de tout compte.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il y a bien eu un accord contractuel pour le paiement au profit de l’agence Laforêt d’une commission de 20 000 euros TTC au titre de la vente du bien immobilier des époux [W], accord qui, au demeurant, a été exécuté.
Sur le pouvoir de M. [W] d’engager la communauté
M [W] fait valoir que l’accord de conciliation est intervenu en l’absence de l’accord de son conjoint.
Selon l’article 1421 du code civil, traitant de l’administration de la communauté et des biens, « chacun des époux à le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer, sauf à répondre des fautes qu’il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l’autre. »
Ainsi en matière mobilière, chaque époux peut disposer librement des biens communs. Ce pouvoir d’agir seul recouvre tout d’abord les deniers communs c’est-à-dire ses gains et salaires, les revenus des biens communs, l’épargne constituée sur les revenus des époux ou le prix de la disposition d’un bien. Plus généralement, chaque époux est habilité à disposer seul des biens meubles corporels quelconques qui composent la communauté.
En l’espèce, il résulte des termes de l’acte notarié de vente du 10 novembre 2015, que les époux [W] sont mariés sous le régime de la communauté légale d’acquêts et que le bien vendu dépendait de cette communauté.
La commission de 20 000 euros que M. [W] a accepté de verser selon l’accord intervenu entre les parties, provenait de la vente du bien, et constituait donc un bien commun, de sorte que M. [W] non seulement avait la capacité et le pouvoir de représenter son épouse, mais encore avait le pouvoir seul de faire régler ladite somme par le notaire au profit de l’agence Laforêt.
Au surplus, tant M. [W] que son épouse ont reconnu à trois reprises, l’entremise de l’agence Laforêt dans l’opération et être redevables de cette commission : lors de la signature des deux compromis de vente des 2 avril et 22 octobre 2015 et lors de la signature de l’acte authentique du 10 novembre 2015, lequel stipule :
Négociation
« Les parties reconnaissent que les termes, prix et conditions de la présente vente ont été négociés par l’agence Laforêt, titulaire d’un mandat donné par le vendeur.
L’Acquéreur reconnaît que l’annonce immobilière comportait l’indication de la performance énergétique, et qu’il a pu ainsi en prendre connaissance lors de sa consultation.
En conséquence le Vendeur qui en a seul la charge aux termes du mandat, doit à l’agence une rémunération de VINGT MILLE EUROS (20 000 €), taxe sur la valeur ajoutée incluse.
Cette rémunération est réglée par la comptabilité de Me [O] [I], notaire sus-nommé représentant le vendeur. »
Dès lors, le moyen invoqué par M. [W] est inopérant.
M. [W] fait valoir par ailleurs en vain que le mandat du 21 mars 2015 n’a pas été signé par son épouse, alors que cette dernière a, d’une part signé l’annexe audit mandat, d’autre part entériné ce dernier dans les compromis des 2 avril et 22 octobre 2015 et qu’enfin faute de dénonciation du mandat signé le 16 décembre 2014, ce dernier était toujours en cours de validité.
Sur les effets de l’accord intervenu
Le jour de la signature de l’acte de vente authentique, le représentant de cette société a remis à M. [W], qui le reconnaît dans ses conclusions, une facture à son en-tête, d’un montant de 20 000 euros TTC correspondant à la commission due par les époux [W] au titre de la vente intervenue par l’entremise de l’agence Laforêt.
Les époux [W] étaient ainsi parfaitement avisé du changement de propriétaire de l’agence Laforêt, et M. [W] ne saurait se retrancher derrière ce changement pour faire valoir un paiement indû de sa part.
En tout état de cause, ainsi que l’a retenu à bon droit le premier juge, l’accord de conciliation a bien eu effet entre les parties contractantes pour ce qui a été convenu et à l’égard de la même cause.
Cet accord amiable a entre les parties l’autorité de la chose contractée et sa contestation est soumise au régime de droit commun des obligations, dont la validité peut être contestée par une action en nullité ou en rescision, c’est à dire en application de l’ancien article 1108 du code civil, s’il ne remplit pas les conditions de capacité, de consentement d’objet et de cause.
Il sera observé, à cet égard, que M. [W] ne sollicite pas la nullité de l’accord intervenu.
Les dites conditions étant remplies, M. [W] se verra débouté de sa demande en restitution de la somme de 20 000 euros et le jugement qui a retenu une irrecevabilité de la demande sera infirmé en ce sens.
Sur la demande indemnitaire de la société Vuillermet Immo
L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute, et l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action ne dégénère en abus que lorsqu’elle révèle une faute ou une erreur grave dont la commission a entraîné un préjudice pour le défendeur, ce qui n’est pas établi en l’espèce.
La demande indemnitaire de la société Vuillermet Immo pour procédure abusive, sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
En revanche, l’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Vuillermet Immo en cause d’appel et M. [W] qui échoue en son appel est tenu aux dépens exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré la demande de M. [W] irrecevable,
Déboute M. [W] de sa demande en restitution de la somme de 20 000 euros,
Y ajoutant,
Rejette la demande indemnitaire de la société Vuillermet Immo,
Condamne M. [N] [W] à verser à la société Vuillermet Immo la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [N] [W] aux dépens exposé en appel.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 21 Février 2023
à
la SELARL CABINET ALCALEX
la SELARL LAMOTTE & AVOCATS
Copie exécutoire délivrée le 21 Février 2023
à
la SELARL LAMOTTE & AVOCATS