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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 15 Septembre 2010
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 08/12202
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Septembre 2008 par le Conseil de Prud’hommes de PARIS – Section Encadrement – RG n° 07/10212
APPELANTE
Madame [O] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante en personne, assistée de Me Nadège MAGNON, avocate au barreau de PARIS, E 1186
INTIMÉE
S.N.C. PRISMA PRESSE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent KASPEREIT, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, NAN.1701
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Juin 2010, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau code de procédure civile.
– signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 9 septembre 2008 ayant :
* condamné la SNC PRISMA PRESSE à régler à Mme [O] [Z] les sommes suivantes :
‘ 1 392 euros au titre du préavis et 139,20 euros d’incidence congés payés , avec intérêts au taux légal partant du 27 septembre 2007 ;
‘ 4 200 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , avec intérêts au taux légal à compter de son prononcé ;
‘ 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
* ordonné la remise des documents conformes.
* débouté Mme [O] [Z] du surplus de ses demandes.
* condamné la SNC PRISMA PRESSE aux dépens.
Vu la déclaration d’appel de Mme [O] [Z] reçue au greffe de la Cour le 1er décembre 2008.
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l’audience du 15 juin 2010 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens de Mme [O] [G] qui demande à la Cour :
* d’infirmer le jugement entrepris.
* statuant à nouveau,
‘ de fixer son salaire moyen des 12 derniers mois à la somme de 1452,58 euros ;
‘ de juger que la SNC PRISMA PRESSE ne pouvait unilatéralement modifier son contrat de travail, et que la cessation de fourniture de travail en mai 2008 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘de condamner la SNC PRISMA PRESSE à lui régler les sommes suivantes :
’16 531 euros de rappel de salaires (janvier 2007 à avril 2008) et 1 653 euros d’incidence congés payés .
‘2 905,16 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 290,52 euros d’incidence congés payés .
’24 866,87 euros de provision sur les quinze premières années d’ancienneté à valoir sur l’indemnité de licenciement .
‘ 34 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
‘ de renvoyer devant la Commission arbitrale des journalistes la fixation définitive du montant de l’indemnité de licenciement ;
‘ de condamner la SNC PRISMA PRESSE à lui verser la somme complémentaire de 10 499 euros à titre de rappel de la prime conventionnelle d’ancienneté, calculé sur le SMIC depuis octobre 2002, et 1 049 euros d’incidence congés payés ;
‘ d’ordonner la remise des documents conformes à l’arrêt à intervenir ;
‘ de condamner la SNC PRISMA PRESSE à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ de condamner la SNC PRISMA PRESSE aux dépens.
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l’audience du 15 juin 2010 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens de la SNC PRISMA PRESSE qui demande à la Cour :
* d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
* de juger que Mme [O] [G] avait le statut de pigiste.
* de débouter en conséquence Mme [O] [G] de l’intégralité de ses demandes.
* de condamner Mme [O] [G] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA COUR
Mme [O] [Z] a exécuté une prestation de travail de nature journalistique pour le compte de la SNC PRISMA PRESSE en collaborant aux magazines VOICI , CAPITAL et TELE LOISIRS, sur la période du 1er septembre 1989 au 28 mars 2008, en étant rémunérée à la pige d’un montant variable.
La SNC PRISMA PRESSE relève de la Convention Collective Nationale des Journalistes.
Sur la reconnaissance et l’application du statut de journaliste professionnel salarié
Pour revendiquer la qualité de journaliste professionnel (article L.7111-3 du code du travail), et la présomption de salariat (article L.7112-1) renvoyant à l’existence d’un contrat de travail avec la SNC PRISMA PRESSE, Mme [O] [Z] indique que :
‘ elle est journaliste professionnel depuis avril 1990, titulaire d’une carte d’identité professionnelle de journaliste, bénéficiaire en cette qualité d’un contrat de travail à durée indéterminée avec une rémunération à la pige qui reste sans influence sur la qualification revendiquée ;
‘ elle a ainsi régulièrement collaboré avec la SNC PRISMA PRESSE, presque tous les mois depuis 1992 ;
‘ cette régularité dans son activité pour le compte de l’intimée est démontrée , peu important qu’elle ait été rémunérée à la pige de manière variable et qu’il n’y ait pas eu d’exclusivité de leur relation contractuelle ;
‘ le fait qu’un journaliste dispose d’une large liberté d’action renvoie à une approche nécessairement différenciée du lien de subordination, d’autant que le code du travail a édicté une présomption quasi-irréfragable de salariat pour les journalistes professionnels, et ses articles s’inscrivaient bien dans le cadre d’un service organisé dès lors qu’ils étaient soumis à l’approbation des responsables éditoriaux ;
‘ ainsi sa collaboration au magasine CAPITAL dépendait exclusivement de la SNC PRISMA PRESSE qui lui adressait les courriers des lecteurs auxquels elle devait répondre, et concernant TELE LOISIRS la chef de rubrique lui demandait de présenter une liste de sujets soumis ensuite au rédacteur en chef qui décidait des thèmes à traiter sous un angle particulier.
Pour s’opposer à la demande de Mme [O] [Z] et considérer que celle-ci relève du statut de pigiste occasionnel non salarié, la SNC PRISMA PRESSE répond que :
‘ aucun contrat de travail n’a été conclu avec Mme [O] [Z] contrairement aux journalistes professionnels permanents qu’elle emploie pour collaborer à ses différents magazines ;
‘ non tenue à une obligation d’exclusivité, Mme [O] [Z] a toujours bénéficié d’une liberté d’action totale lui permettant de travailler pour toute entreprise de presse de son choix, parallèlement à sa collaboration au sein de ses magasines ;
‘ la possession de la carte de journaliste reste insuffisante pour la reconnaissance du statut de journaliste professionnel salarié ;
‘ Mme [O] [Z] collaborait avec elle en dehors de tout lien de subordination puisqu’elle n’était astreinte à aucun horaire de travail, pas tenue de participer aux conférences de rédaction, ne disposait d’aucun bureau dans l’entreprise, restait libre dans le contenu de ses contributions journalistiques car elle bénéficiait d’une totale indépendance professionnelle ;
‘ les conditions posées par l’article L.7111-3 du code du travail ne sont pas remplies (la collaboration de Mme [O] [Z] n’était pas permanente mais bien fluctuante et totalement irrégulière en ce qu’elle n’avait aucune assurance de se voir attribuer un nombre précis de piges , elle ne démontre pas avoir durant ces années de collaboration tiré de son activité journalistique l’essentiel de ses ressources) ;
‘ elle n’avait en conséquence aucune obligation de fournir de manière constante à Mme [O] [Z], journaliste pigiste, une quantité de travail déterminée en un temps donné, en sorte que la diminution momentanée de commandes d’articles n’a jamais signifié une volonté de l’entreprise de rompre leur collaboration.
Si l’article R.7111-1 du code du travail précise que la carte d’identité des journalistes est seulement délivrée aux journalistes professionnels au sens des dispositions de l’article L.7111-3 du même code, sa détention est en elle-même insuffisante à établir que son titulaire possède bien la qualité de journaliste professionnel au sens du texte légal précité.
Le fait ainsi que Mme [O] [Z] produise une attestation du Président de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, aux termes de laquelle celle-ci lui a été délivrée de 1992 à 2007 inclus, exception faite pour l’année 2004, ne permet donc pas de lui faire application par principe des dispositions de l’article L.7111-3 du code du travail.
Il sera d’ailleurs observé que la commission précitée, dans une décision du 16 octobre 2008, a rejeté la demande de renouvellement de Mme [O] [Z] au titre de l’année 2008 au motif que n’apparaît pas établi la concernant « le caractère principal et régulier de l’exercice de la profession de journaliste », décision qu’elle n’a pas contestée devant la Commission supérieure.
Mais indépendamment du traitement administratif donné à cette demande d’obtention de la carte de journaliste, le code du travail donne une définition du « journaliste professionnel » (article L.7111-3), catégorie soumise aux dispositions dudit code (article L.7111-1) sous réserve de l’application de règles particulières, et comme telle relevant de la présomption de salariat (article L.7112-1).
L’article L.7111-3, alinéa 1er, du code du travail précise qu’ : « est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses revenus ».
L’article L.7112-1 du même code indique que : « toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail . Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention des parties ».
C’est à l’entreprise de presse, à laquelle on oppose cette présomption légale de salariat et qui conteste la qualité de salarié d’un journaliste, et plus précisément d’un journaliste pigiste, de démontrer que celui-ci exerce ses fonctions en dehors de tout lien de subordination, soit en toute indépendance et en toute liberté, même dans la durée.
Des échanges de courriels et de correspondances entre les parties durant leur collaboration aux magasines VOICI , CAPITALet TELE LOISIRS, il ressort que Mme [O] [Z] ne recevait spécialement aucune directive ou instruction précise de la part de la SNC PRISMA PRESSE qui rappelait le cadre de leur relation dans deux courriers adressés à l’appelante les 13 novembre 2006 (« l’irrégularité de la relation est inhérente au statut de journaliste pigiste, et la variation du rythme de celle-ci ne constitue pas en soi une cessation définitive, même si cette collaboration régulière à une époque devient irrégulière à une autre en connaissant quelques césures »), et 27 décembre 2006 (« ce n’est pas le rythme de la rubrique vos droits qui a évolué mais le nombre de courriers qui nous sont adressés par nos lecteurs dans ce domaine »).
Dans l’exercice de son art, plus précisément orienté vers la diffusion d’informations à caractère juridique au sein de rubriques prévues à cet effet sous la forme , soit de réponses aux courriers des lecteurs (CAPITAL), soit d’articles « leader » (TELE LOISIRS), il apparaît bien que Mme [O] [Z] en contrôlait très largement le contenu ainsi que la périodicité, donnant de fait à sa collaboration au sein de cette entreprise de presse un caractère irrégulier même dans la durée.
Mme [O] [Z] apportait ainsi à l’intimée des articles sur des sujets laissés pour une grande part à son initiative, sans avoir réellement reçu de cette dernière des commandes, des ordres ou de simples orientations générales, peu important son mode de rémunération et les conditions dans lesquelles lui avait été remise sa carte de journaliste professionnel.
Journaliste pigiste, elle ne peut, dès lors, revendiquer le statut de journaliste professionnel bénéficiant comme tel de la présomption légale de salariat, et la SNC PRISMA PRESSE n’avait aucune obligation de lui assurer la parution et la rétribution d’un nombre d’articles déterminé dans un temps donné, de sorte que la baisse du nombre de piges puis leur arrêt après avril 2008 ne peut juridiquement s’analyser, d’une part, en une modification d’un contrat de travail et, d’autre part, en un licenciement injustifié.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions, et Mme [O] [Z] déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Aucune circonstance d’équité n’appelle application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [O] [Z] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe.
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
DIT et juge que Mme [O] [Z] ne peut revendiquer le statut de journaliste professionnel et la présomption légale de salariat y étant associée ;
En conséquence,
DÉBOUTE Mme [O] [Z] de l’ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant :
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [O] [Z] aux dépens de première instance et d’appel .
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE