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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 04 Janvier 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 09/08739
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2009 par le conseil de prud’hommes de PARIS RG n° 04/05315
APPELANT
Monsieur [D] [V]
[Adresse 3]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Armand AVIGÈS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0569
INTIMEE
SOCIETE DES EDITIONS EN DIRECT
[Adresse 2]
[Adresse 6]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Jocelyne CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T11 et Me Basile ADER, avocat au barreau de PARIS, toque : T11
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 16 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Denise JAFFUEL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
– signé par Madame Charlotte DINTILHAC, président et par Mademoiselle Sandrine CAYRE, greffier présent lors du prononcé.
La cour est saisie de l’appel interjeté par M. [V] du jugement du Conseil de Prud’hommes de Paris section encadrement chambre 4 statuant en départage du 10 septembre 2009 qui a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Editions en Direct et a débouté M. [V] de ses demandes.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
M. [V] a été engagé le 1er mars 1989 en qualité de photographe-labo par la société Edi 7 et affecté auprès de la rédaction du magazine Week-end et ensuite reporter photographe, titulaire d’une carte de presse, chargé de couvrir les principaux événements du domaine hippique ;
Le 1er juillet 2001 il est transféré de la société Hachette Filipachi Associés à la société Nouvelle Week-End au sein du groupe Socpresse ;
Le 2 septembre 2003 il est désigné délégué syndical Cfdt au sein de la société Nouvelle Week-End et le 24 février 2005 désigné délégué et représentant syndical au sein de l’unité économique et sociale constituée par les sociétés Snc Efl, société Nouvelle Week-End, Sarl Agence Tip, L’Aurore et Snc Franpresse, (reconnue selon jugement du tribunal d’instance du 20 janvier 2005 ensuite d’un premier protocole électoral de 2002).
Il a saisi le 15 avril 2004 le Conseil des Prud’hommes en indemnisation par son employeur de l’exploitation de ses photos à compter de l’année 2001 dans le journal Paris-Turf et des publicités pour ce journal édité par la société Editions France Libre, et sur le site internet du même nom.
Le 1er juin 2007 M. [V] est transféré à la société des Editions en Direct, locataire-gérant du titre Week-End.
Le Conseil, par jugement précédent du 22 novembre 2007 a dit que le droit d’auteur de M. [V] a été reconnu par le versement de l’indemnité photo de 140 € par mois et a ordonné une expertise. Le jugement déféré a été rendu après le dépôt du rapport d’expertise ;
M. [V] a été licencié le 17 octobre 2008 pour motif économique, ce qui fait litige dans une autre procédure.
M. [V] demande par voie d’infirmation, de juger qu’il a uniquement cédé à la société Editions en Direct un droit d’accès à son fonds photographique en contrepartie d’un versement mensuel de 140 €, que la société Editions en Direct a commis une contrefaçon en autorisant la reproduction de photos à des tiers entre le 10 octobre 2001 et le 14 mars 2006, de lui interdire d’exploiter les photos dans un délai de 15 jours après l’arrêt sous astreinte de 1000 € par infraction constatée, de la condamner à payer la somme de 2 182 470.70 € de dommages-intérêts, subsidiairement au titre d’avantages acquis et plus subsidiairement à titre d’usage, de lui faire interdiction dans les mêmes conditions et de la condamner à payer la somme de 1 309 047.85 € de dommages-intérêts, plus subsidiairement d’ordonner une expertise, de la condamner en tout état de cause à payer la somme de 10 000 € pour préjudice moral et 10 000 € pour frais irrépétibles.
La société des Editions en Direct demande de confirmer le jugement et de débouter M. [V] de ses demandes.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l’audience ;
Sur le fondement de l’action
La qualité d’auteur de M. [V] a été reconnue par jugement définitif du Conseil des Prud’hommes du 29 novembre 2007 de nature mixte, qui a été notifié le 3 décembre 2007 à la société Editions en Direct et n’a pas fait l’objet de recours et qui a autorité de chose jugée entre les parties ainsi qu’opposé par M. [V]; Les développements de l’intimée déniant aux photos hippiques faites par M [V] le caractère d’une oeuvre de l’esprit sont donc sans portée comme irrecevables ;
L’article L 761-9 du code du travail ancien tel qu’applicable à l’époque dispose que le droit de faire paraître dans plus d’un journal ou périodique, des articles ou autres oeuvres littéraires ou artistiques dont les journalistes sont les auteurs est obligatoirement subordonné à une convention expresse qui devra indiquer les conditions dans lesquelles la reproduction est autorisée.
L’accord intervenu le 11 mars 2002 évoqué en comité d’entreprise d’Ues du 13 février 2006 selon lequel les photographes de Paris-Turf, Week-end et Ag Tip acceptent que leurs photos pourraient paraître dans les deux titres et sur internet en contrepartie d’une indemnité de 140 € par mois à dater du 1er janvier 2002 mentionne les noms des salariés [O] et [W], (de la société Editions France-Libre), [F], (de la société Nouvelle Turf Inter Press) et [T] (pigiste pour les deux journaux) et porte des signatures non identifiables, dont une attribuée à M. [M] représentant l’employeur ainsi qu’indiqué lors de la réunion du comité d’entreprise; MM. [T] et [O] interrogés par l’expert, ont dénié avoir signé ce document ;
Le fait que cet accord a été mis en pratique à partir d’avril 2002 avec rappel à compter de janvier 2002 sur les bulletins de salaire de M. [V] n’emporte pas d’assentiment opposable à l’égard de M. [V] qui n’est pas représenté par les photographes susnommés figurant dans l’accord et appartenant pour trois d’entre eux à d’autres sociétés et être pigiste pour le quatrième ;
L’employeur ne justifie ainsi pas de convention expresse signée par M. [V] indiquant les conditions dans lesquelles sera autorisée la reproduction de ses photos dans un autre journal, sur le site internet et les publicités de celui-ci, et alors que les correspondances échangées depuis 2004 avec le salarié ne peuvent valoir un échange d’accord comme soutenu par la société alors que toutes les correspondances du salarié dénient tout accord d’exploitation de ses photos, de telle sorte que celui-ci est fondé dans le principe en son action en contestation de la reproduction de ses photos dans le journal Paris-Turf, sur son site internet et dans des publicités ;
Sur les demandes de dommages-intérêts
M. [V] soutient que l’indemnité mensuelle de 140 € constitue un accord sur l’indemnisation d’un droit de regard consenti à son employeur pour la présentation de ses photos à la société Editions France Libre éditant le journal hippique Paris Turf, qui ressort du droit de divulgation, attribut de son droit moral et indépendant du droit d’exploitation comprenant le droit de reproduction;
M. [V] revendique à titre principal, l’application du barème de cession des droits d’auteur pour les photographies préexistantes tels que fixés par l’union des photographes créateurs dite Upc et retenus par l’expert pour une somme de 1 746 845€ pour les reproductions faites entre 2001 et mars 2006 dans le journal Paris-Turf au nombre de 2 324, sur le site internet au nombre de 767 et dans des publicités, outre celle de 435 625 € pour l’économie faite par la société, soit une somme totale de 2 182 470.70 €;
Il revendique à titre subsidiaire à titre d’avantage acquis l’accord d’entreprise du 23 avril 1992 à l’intérieur de la société Edi 7 qui n’a pas été remplacé ensuite du transfert à la société Nouvelle Week-End stipulant :au cas de revente extérieure, le reversement à l’auteur de 50% des droits d’auteur perçus et en matière de contrat d’abonnement, selon le tarif d’agence Upc et au cas de réutilisation dans le Groupe, une rémunération selon les tarifs pratiqués par la publication utilisatrice ;
La société Editions en direct oppose l’inaliénabilité du droit moral et soutient que la rémunération de 140 € par mois recouvre le paiement suffisant du droit d’exploitation des photos dans le journal Paris-Turf et son site internet ;
La société Editions en Direct oppose également la règle de la lésion des 7/12ème de l’article L 131-5 du code de la propriété intellectuelle relatif à la contestation de la rémunération forfaitaire ;
M. [V] n’établit pas l’accord oral des parties sur la rémunération d’un droit de regard qui a toujours été dénié par l’employeur ; En effet, l’employeur par le biais du contrat de travail est titulaire du droit de regard sur toutes les photographies remises par le salarié et prises dans le cadre de son contrat de travail ;
Le paiement de la somme mensuelle de 140 € correspond donc à l’évaluation faite par l’employeur sans négociation individuelle préalable avec son salarié du droit d’exploitation de M. [V] relatif à la cession de la reproduction de certaines de ses photos dans le journal Paris Turf et son site internet et publicités, lequel a manifesté son désaccord sur le montant et l’affectation de cette somme à compter du 6 février 2004 tout en demandant la poursuite de publications dans le journal Paris Turf ;
Le barème Upc de l’Union des Photographes créateurs ne peut être opposé à la société Editions en Direct qui n’en est pas membre ;
La référence subsidiaire à l’accord d’entreprise de 1992 est sans application utile pour la constitution d’un fonds commun de photographies entre les deux titres Week-end et Turf Magazine relevant du même groupe depuis la reprise de juillet 2001 et sans preuve de contrat d’abonnement entre les sociétés; L’application de cet accord d’entreprise par la société Hfa à M. [V] et un autre salarié [I] de paiement de droits d’auteur est donc sans portée dans le présent litige et ne constitue pas un usage ;
Il ne peut être opposé les règles de la lésion s’agissant d’une rémunération forfaitaire imposée qui n’a pas fait l’accord du salarié par convention expresse;
Il convient donc de déterminer la valeur marchande des reventes de photos dans le domaine hippique comportant un nombre restreint de groupes de presse concurrents pour déterminer le préjudice de M. [V] ;
M. [F], suscité, a cédé forfaitairement lors de son départ de la société Nouvelle Turf International Press tous ses droits au titre de la revente des photographies prises pendant son contrat de travail au nombre de 42 610 pour la somme de 1 700 € brut;
MM. [G], [N], [L], [Z], journalistes salariés de la société des Editions France Libre ont cédé des droits annuels d’exploitation sur l’ensemble de leurs photographies pour la somme de 200 € de 2001 à 2004 et 175€ pour les années 2005/2006 selon des contrats rétroactifs de cession signés en été 2006 ;
M. [A] a consenti une cession de ses articles dans le journal Week-End et internet à raison de 360 € par an en 2006/2007. Il a attesté le 27 juin 2008 avoir accepté cette cession pour conserver son travail ;
Les forfaits mensuels d’achats de photographies à des agences pour tout leur fonds photographiques pour les deux titres et site internet Week-end et Paris Turf s’élèvent de 4 750 € à 5 500 € selon une moyenne de 2.61 € à 6.61 € par photo;
Dans ces conditions la cour a les éléments pour fixer le préjudice subi par M. [V], sans avoir lieu à nouvelle expertise, pour la reproduction de ses photos dans le journal, le site internet et les publicités de Paris Turf entre octobre 2001 et mars 2006 à la somme de 9000 € de dommages-intérêts, compte tenu de la rémunération mensuelle de 140€ par mois déjà perçue sur cette période ;
Il y a eu également atteinte au droit moral de M. [V] du fait du défaut d’indication de son nom en marge de certaines photos reproduites qui sera indemnisée par l’allocation d’une somme de 2000 € de dommages-intérêts ;
Il n’est pas constitué de contrefaçon en raison du paiement partiel des droits de M. [V] qui a par ailleurs exigé à l’époque, à la fois la poursuite de l’exploitation et sa rémunération ;
Il sera fait interdiction pour l’avenir de toute exploitation en l’absence de toute convention expresse ;
Il n’y a pas lieu à distraction de dépens au profit de Me [J] dans une procédure sans représentation obligatoire.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Condamne la société Editions en Direct à payer à M. [V] la somme de 9 000 € en réparation de l’exploitation de ses photographies et atteinte à ses droits patrimoniaux pour la période du 10 octobre 2001 au 14 mars 2006 et la somme de 2000 € de dommages-intérêts pour son préjudice moral ;
Fait interdiction à la société Editions en Direct d’exploiter les photographies de M. [V] 15 jours après la signification de l’arrêt sous astreinte de 100 € par infraction constatée ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la société Editions en Direct aux entiers dépens y compris ceux d’expertise et à payer à M. [V] la somme de 3000 € pour frais irrépétibles.
LE GREFFIER LE PRESIDENT