Contrat de pigiste : 7 février 2013 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 12/02654

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Contrat de pigiste : 7 février 2013 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 12/02654
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COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 07 FEVRIER 2013

N°2013/123

Rôle N° 12/02654

[P] [H]

C/

SARL AXE EXPANSION

[E] [J]

[K] [Y]

CGEA IDF OUEST

Grosse délivrée le :

à :

Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Aaron Benjamin COHEN, avocat au barreau de PARIS

Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 26 Janvier 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/453.

APPELANT

Monsieur [P] [H], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

SARL AXE EXPANSION, pris en la personne de son représentant légal en exercice Monsieur [J] [W] domicilié au siège social sis, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Aaron Benjamin COHEN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Maître [E] [J], es qualité d’administrateur judiciaire de la société AXE EXPANSION, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Aaron Benjamin COHEN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Maître [K] [Y] es qualité de mandataire liquidateur de la Société AXE EXPANSION, demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Aaron Benjamin COHEN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

CGEA IDF OUEST, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anne CHARRIER, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 29 Novembre 2012, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Michel VANNIER, Président, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2013 prorogé au 07 Février 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Février 2013

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [H], titulaire de manière ininterrompue de la carte de journaliste professionnel depuis le 1er juillet 1989 et bénéficiant d’une ancienneté reconnue par la profession depuis le 1er mars 1988, a travaillé pour la société Axe Expension, qui édite le magazine ‘commerce international’, d’abord en qualité de pigiste depuis le mois de février 2001 puis dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage à compter du 28 septembre 2005.

Il a saisit la juridiction prud’homale le 11 février 2011 aux fins d’obtenir la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, d’indemnités de requalification, de rupture et de résiliation judiciaire produisant les effets d’un .

Par lettre postée le 3 février 2012, monsieur [H] a régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 26 janvier 2012 par le conseil de prud’hommes de Marseille qui l’a débouté de l’intégralité de ses demandes ; il conclut à l’infirmation de la décision déférée et demande à la cour de fixer au passif de la procédure collective de la société les créances suivantes :

– 3.000,00 € nets d’indemnité de requalification,

– 1.223,34 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis et 122,33 € bruts de congés payés afférents,

– 4.407,68 € nets d’indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement, 2.260,35 €,

– 7.340,00 € nets d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.401,13 € bruts de rappel de prime d’ancienneté et 240,11 € bruts de congés payés afférents,

– 2.578,95 € bruts d’indemnité compensatrice de congés payés,

– 2.364,05 € bruts d’indemnité de 13ème mois ;

il demande que le Cgea d’Ile de France soit condamné à garantir le paiement de ces sommes en l’absence de fonds disponibles et que soit ordonné la remise d’un certificat de travail et d’une attestation pôle emploi rectifiés.

La société, désormais représentée par les organes de la procédure désignés à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 juillet 2012 et le Cgea d’Ile de France, concluent à la confirmation du jugement déféré et, pour la première, à la condamnation de monsieur [H] à lui payer 2.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à la décision déférée et aux écritures déposées, oralement reprises à l’audience du 29 novembre 2012.

En raison d’une surcharge de travail, l’arrêt qui devait être rendu le 31 janvier 2013 a vu son délibéré prorogé au 7 février 2013.

MOTIFS DE LA DECISION :

Aux termes de l’article L. 7112-2 du code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail, cette présomption subsistant quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.

Monsieur [H] est un journaliste pigiste et, en tant que tel, il ne bénéficie du statut légal de journaliste qu’à la condition d’exercer sa profession de journaliste à titre principal et d’en tirer le principal de ses ressources – ce qu’il justifie par la production de ses décalarations de revenus depuis 1988 – et les entreprises de presse qui l’emploient ne sont tenues de le considérer comme leur salarié qu’à la condition qu’il collabore avec elles de manière régulière.

Or, entre le mois de février 2001 et le 28 septembre 2005, date de la signature de son premier contrat à durée déterminée, monsieur [H] n’a collaboré que de manière irrégulière au magasine Commerce international – qui était à l’origine un trimestriel faisant paraître également des hors séries – puisqu’en effet il a fourni des piges à ce journal :

– en 2001 : en septembre pour 3 numéros parus dans l’année ;

– en 2002 : en juillet et octobre pour 4 numéros ;

– en 2003 : à 4 numéros + 1 hors série ;

– en 2004 : à 3 numéros sur 6 numéros parus ;

ainsi, monsieur [H] ne peut être considéré comme ayant été le salarié de la socité Axe Expension avant 28 septembre 2005 date de signature de son premier contrat de travail à durée déterminée.

Si l’article L. 1242-2 du code du travail autorise le recours au contrat à durée déterminée dans certains secteurs d’activité où il est d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, parmi lesquels l’article D. 1242-1 du même code vise expressément le secteur de l’information, à laquelle appartient incontestablement la presse écrite, un tel contrat d’usage ne peut être conclu que s’il est démontré que l’emploi pourvu n’est pas un emploi permanent de l’entreprise de presse.

Or, en l’espèce, Axe Expension ne démontre pas qu’il est d’usage constant dans la presse écrite de pourvoir les postes de rédacteur dans le cadre de contrats à durée déterminée – une telle démonstration ne pouvant résulter de sa seule affirmation non étayée ni du seul usage qu’elle-même a fait d’un tel contrat – et elle ne justifie pas de l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère temporaire de l’emploi de rédacteur confié à monsieur [H] alors que les pièces du dossier démontrent tout au contraire que c’est précisément au moment même où il signait ses contrats à durée déterminée que monsieur [H] est devenu un collaborateur régulier du journal puisqu’en effet il a participé à la rédaction de 5 numéros sur 6 en 2006, 8 numéros sur 9 en 2007, 7 numéros sur 11 en 2008, 8 numéros sur 11 en 2009 et 7 numéros sur 11 en 2010, année au cours de laquelle l’intéressé s’est plaint de la baisse de son activité.

Cette analyse est par ailleurs confortée par le courriel que le rédacteur en chef à adresser le 16 décembre 2008 à l’ensemble des ses ‘pigistes réguliers’, message électonique qui démontre en outre que monsieur [H] était bien dans des liens de subordination puisqu’il est demandé avec insistance de diversifier ses sources d’information et de ‘prendre note’ de la nécessité d’élargir ses connaissances dans les domaines étrangers.

La relation contractuelle doit donc être requalifiée en un contrat à durée indéterminée à compter du 28 septembre 2005, d’autant que monsieur [H] soutient sans être utilement démenti qu’un certain nombre de ses contrats à durée déterminée ne lui ont été transmis pour signature que de nombreuses semaines après la commande du travail et la réalisation de celui-ci, cette violation des dispositions de l’article L. 1241-13 du code du travail justifiant également la requalification des contrats en un contrat à durée indéterminée.

Le fait pour l’employeur d’avoir maintenu le salarié dans une situation de précarité en ne lui faisant pas signer sans motif légitime de contrat à durée indéterminée, en ayant cessé de lui fournir régulièrement du travail au cours de l’année 2010 et en ayant ainsi diminué de manière conséquente sa rémunération, constitue une faute grave justifiant que soit prononcée à ses torts la résiliation judiciaire du contrat de travail qui prendra effet, comme le réclame le salarié, au 11 octobre 2010, date de l’échéance de son dernier contrat de travail à durée déterminée.

Monsieur [H], âgé de 52 ans lors de la rupture, avait une ancienneté de 5 ans dans une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés et il ne justifie pas d’une recherche active d’emploi de remplacement depuis le 11 octobre 2010 ; sur la base de ses propres chiffres et calculs non utilement critiqués par l’employeur (une rémunération brute moyenne sur les 24 derniers mois de 452,07 euros ou de 611,67 € sur les trois derniers mois, cette dernière servant de base à sa réclamation de dommages et intérêts), il lui sera alloué les sommes suivantes :

– 2.260,35 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 1.223,34 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 122,33 euros de congés payés afférents,

– 4.000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur [H] sera débouté de ses demandes de rappel de congés payés et de prime de 13ème mois, ses fiches de paie démontrant qu’il a été rempli de ses droits de ces chefs étant rappelé en outre que le salarié avait contractuellement accepté que ces éléments soient inclus dans le tarif global de sa rémunération et alors par ailleurs qu’aucun texte ne s’oppose à une telle pratique qu’il a lui-même cautionnée à de nombreuses reprises pendant ses 5 années d’activités salariales, à condition qu’elle permette au salarié, notamment à la lecture de sa fiche de paie, de vérifier que les sommes auxquelles il est en droit de prétendre lui ont bien été réglées.

Or, tel n’est pas le cas en ce qui concerne la prime d’ancienneté qui n’apparaît pas dans son détail sur ses fiches de paie ce qui interdit à l’intéressé et à la cour de s’assurer que la rémunération globale forfaitaire prévue au contrat de travail l’incluait effectivement ; en réalité, tel n’était pas le cas puisque cette rémunération globale n’a pas augmenté pendant ses 5 années d’activité ce qu’elle aurait du faire s’il l’ancienneté avait bien été prise en compte.

Ainsi, en application de la convention collective qui prévoit une prime de 9 % pour une ancienneté d’exercice de la profession de 15 années – ce que démontre avoir accompli monsieur [H] par la production de sa carte de presse et de ses déclarations de revenus – et de 2 % pour 5 années de présence de l’entreprise – la convention ne distinguant pas entre une activité de pigiste occasionnel et de salarié – et sur la base du montant moyen des piges perçues, monsieur [H] a justement calculé, sans être utilement contredit par l’employeur, qu’il lui était du de ce chef 2.401,13 euros outre 240,11 euros de congés payés afférents.

L’AGS doit subsidiairement garantie du règlement des créances salariales de monsieur [H], dans les limite et plafond prévus par les loi et règlement.

Le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement.

Le mandataire judiciaire, ès qualités, devra remettre au salarié une fiche de paie, un solde de tout compte et une attestation pôle emploi rectifiés.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré,

Requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 septembre 2005,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de monsieur [H] aux torts de l’employeur à compter du 11 octobre 2010,

Fixe la créance de monsieur [H] au passif de la procédure collective de la société Axe Expansion à la somme de 10.247,26 euros,

Dit que le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

Dit que l’AGS doit subsidiairement garantie du règlement des créances salariales de monsieur [H], dans les limite et plafond prévus par les loi et règlement,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses propres dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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