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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRÊT DU 06 mai 2016
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/00568
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Novembre 2012 par le Conseil de prud’hommes de PARIS – RG n° 10/13959
APPELANT
Monsieur [X] [S] né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]
[Adresse 1]
non comparant, représenté par Me Zoran ILIC, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137 substitué par Me Mandy COUZINIÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : K 137
INTIMEE
SA AGENCE FRANCE PRESSE N° SIRET : 775 658 354 00011
[Adresse 2]
représentée par Me Grégory CHASTAGNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107
PARTIE INTERVENANTE :
LE SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES CGT (SNJ-CGT)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Zoran ILIC, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137 substitué par Me Mandy COUZINIÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : K 137
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 Janvier 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Valérie AMAND, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Jacqueline LESBROS, Conseiller
Monsieur Christophe BACONNIER, Conseiller
Qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Valérie AMAND, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Ulkem YIALR, Greffier stagiaire, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [X] [S] né le [Date naissance 1] 1957 travaille régulièrement comme reporter photographe au profit de l’AGENCE FRANCE PRESSE; sa carte de journaliste titulaire obtenue le 1er décembre 1989 a été renouvelée jusqu’en 2010 inclus.
Depuis le 1er décembre 2002, le salarié est déclaré auprès des organismes sociaux en qualité de salarié rémunéré à la pige l’AFP qui établissait des bulletins de paye sur lequel étaient mentionnées la convention collective nationale applicable, à savoir la convention des journalistes, les charges salariales et patronales, le paiement du 13e mois au mois de janvier et les congés payés.
Sa rémunération annuelle (indemnité de congés payés et prime de 13e mois comprise) a été la suivante:
– au titre de l’année 2004′: 10 182 euros soit 848, 50 euros par mois,
– au titre de l’année 2005′: 12’939, 25 euros soit 1078, 27 euros,
– au titre de l’année 2006′: 15’549, 44 euros, soit 1295,79 euros,
– au titre de l’année 2007′: 16’608, 41 euros, soit 1’384,03 euros,
– au titre de l’année 2008 : 21’172,02 euros soit 1’764,34 euros par mois,
– au titre de l’année 2009 : 20’906 ,36 euros, soit 1’742, 20 euros par mois,
– au titre de l’année 2010 : 18 464 euros soit 1’538,66 euros par mois,
– au titre de l’année 2011: 19’257 euros soit 1604, 75 euros par mois,
– au titre de l’année 2012 : 21 563 euros soit 1’796, 91 euros par mois,
– au titre de l’année 2013 : 20 506 euros, soit 1708, 88 euros par mois,
– au titre de l’année 2014 : 19 933 euros, soit 1 661 euros par mois,
au titre de l’année 2015 : 18 233 euros, soit 1’657, 54 euros par mois.
A la suite de la saisine de l’inspection du travail par les organisations syndicales de l’AGENCE FRANCE PRESSE, des discussions sont intervenues entre ces dernières et la direction de la société afin de régulariser la situation de journalistes employés depuis longtemps par la société mais sous statut précaire (contrat à durée déterminée, pige) afin que soit envisagée leur titularisation et leur emploi sous contrat à durée indéterminée.
Le 4 novembre 2010, Monsieur [X] [S] qui n’a pas obtenu sa régularisation a saisi le conseil de prud’hommes de Paris aux fins notamment de voir requalifier son contrat en contrat de journaliste permanent sur le fondement des articles L. 7111-1, L.7111-2 et L. 7111-3 du code du travail, obtenir des dommages intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles sur le fondement de l’article L.2262-12 du code du travail, et voir ordonner à l’AGENCE FRANCE PRESSE d’appliquer au salarié les conventions et accords collectifs en vigueur chez elle.
Par jugement en date du 30 novembre 2012, le conseil de prud’hommes de Paris, en sa formation de départage, a:
– Constaté que l’AGENCE FRANCE PRESSE ne conteste pas que les parties sont liées par un contrat à durée indéterminée depuis le 1er décembre 2002,
– Dit que Monsieur [X] [S] a le statut de journaliste pigiste employé comme collaborateur régulier,
– Dit que les accords et conventions d’entreprise existant au sein de l’AGENCE FRANCE PRESSE que n’exclut pas son statut de journaliste pigiste employé comme collaborateur régulier sont applicables à Monsieur [X] [S],
– Débouté Monsieur [X] [S] du surplus de ses demandes,
– Débouté le syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) de l’ensemble de ses demandes
– Condamné Monsieur [X] [S] à payer à l’AGENCE FRANCE PRESSE la somme de 300 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné Monsieur [X] [S] aux dépens.
Monsieur [X] [S] et le syndicat national des journalistes CGT ont interjeté appel de ce jugement notifié le 29 décembre 2012.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions visées par le greffe le 14 janvier 2016, Monsieur [X] [S] et le syndicat national des journalistes CGT demandent à la cour:
Vu les articles L.1222-1, L.2132-3, L.2262-10, L. 7111-1, L. 4121-1, L. 3132-1, L.3132-2, L.3141-1, L. 6111-1, L.6321-1, L. 4624- 16 du code du travail et la Convention collective nationale des journalistes,
– Dire et juger Monsieur [X] [S] et le SNJ CGT recevables et bien fondés en leur appel et leurs demandes,
– Infirmer le jugement déféré ,
– Dire et juger frauduleux le recours à la rémunération sous forme de pige,
– Dire et juger que Monsieur [X] [S] est titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er décembre 2002 au sein de l’AGENCE FRANCE PRESSE en qualité de reporter-photographe,
– Dire et juger que Monsieur [X] [S] doit être titularisé et intégré en qualité de journaliste permanent au sein de l’AGENCE FRANCE PRESSE,
– Dire et juger que l’AGENCE FRANCE PRESSE a violé ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles,
– Dire et juger que les accords et conventions d’entreprises existant au sein de l’AGENCE FRANCE PRESSE sont entièrement applicables à Monsieur [X] [S]
– Dire et juger que Monsieur [X] [S] a fait et continue de faire l’objet d’une inégalité illicite et non justifiée de traitement,
En conséquence,
A titre principal,
– Ordonner sous astreinte de 100 euros par jour que la cour se réservera le droit de liquider, à l’AGENCE FRANCE PRESSE de titulariser et d’intégrer Monsieur [X] [S] en qualité de journaliste permanent ‘ reporter photographe 2ème échelon coefficient 184
– Ordonner à l’AGENCE FRANCE PRESSE d’appliquer conventions et accords collectifs existant au sein de la société à Monsieur [X] [S],
– Ordonner à l’AGENCE FRANCE PRESSE d’appliquer les accords d’entreprise régissant les plans de carrière et les rémunérations minimales conventionnelles «barême’des salaires mensuels» des journalistes permanents à Monsieur [X] [S],
– Condamner l’AGENCE FRANCE PRESSE à payer à Monsieur [X] [S] les sommes suivantes:
228.011 euros à titre de rappel de salaires,
22.801euros à titre de congés payés y afférents,
19.000 euros à titre de rappel de 13 ème mois,
10.000 euros à titre de dommages intérêts au titre de la violation de l’article R.4624-16 du code du travail,
30.000 euros de dommages intérêts au titre de la violation des obligations légales et conventionnelles en matière de santé et de repos,
25.000 euros de dommages intérêts au titre de la violation de l’obligation conventionnelle et légale de formation,
A titre subsidiaire
– Désigner tel expert qu’il plaira à la Cour et l’investir de la mission de:
– Se rendre sur place au siège de l’AGENCE FRANCE PRESSE,
– Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,
– Ordonner à l’AGENCE FRANCE PRESSE de produire les grilles de salaires applicables au sein de l’entreprise pour la période 2006-2015,
– Ordonner à l’AGENCE FRANCE PRESSE de produire les bilans sociaux et grilles de salaires/documents de travail remis aux organisations syndicales à l’occasion des négociations annuelles obligatoires pour la période 2006-2015,
– Ordonner à l’AGENCE FRANCE PRESSE de remettre les bulletins de salaires de tous les journalistes reporter photographes 2ème et 3éme échelon justifiant d’une ancienneté comparable ( + ¿ ans) à celle de Monsieur [X] [S],
– Comparer leur situation par rapport à celle de Monsieur [X] [S],
– Déterminer et calculer l’étendue des différences constatées en matière de rémunération
– Dire que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, et que sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au greffe dans les 4 mois de sa saisine,
– Fixer le montant de la provision à consigner au greffe à titre d’avances sur les honoraires de l’expert et le délai dans lequel il faudra procéder,
– Dire et juger que l’avance des frais d’expertise sera à la charge de l’AGENCE FRANCE PRESSE,
En tout état de cause,
– Condamner l’AGENCE FRANCE PRESSE à payer à Monsieur [X] [S] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– Condamner l’AGENCE FRANCE PRESSE à payer au Syndicat National des Journalistes CGT la somme de 5.000 euros au titre de dommages intérêts,
– Condamner l’AGENCE FRANCE PRESSE à payer au Syndicat National des Journalistes CGT la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– Condamner l’AGENCE FRANCE PRESSE aux intérêts légaux sur toutes les demandes en paiement des sommes d’argent ainsi qu’aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution de l’arrêt à intervenir.
Par conclusions visées par le greffe le 14 janvier 2016, l’AGENCE FRANCE PRESSE demande à la cour de confirmer le jugement déféré et en conséquence, de:
– Constater le statut de journaliste pigiste de Monsieur [X] [S] au sein de l’AFP,
– Constater que Monsieur [X] [S] n’est pas éligible aux minima conventionnels fixés pour les journalistes permanents,
– Constater que l’AFP n’a commis aucun manquement en matière de formation continue pouvant bénéficier à Monsieur [X] [S],
– Constater que Monsieur [X] [S] a pu bénéficier du repos hebdomadaire et de congés payés sans qu’aucun manquement ne puisse être imputé à l’AFP,
– Constater que l’AFP n’a commis aucun manquement en matière de visite médicale pour Monsieur [X] [S],
– Débouter Monsieur [X] [S] de l’ensemble de ses demandes,
– Débouter le SNJ-CGT de l’ensemble de ses demandes,
– Constater que Monsieur [X] [S] n’est pas l’objet d’une inégalité de traitement illicite ou injustifiée,
En conséquence,
– Débouter Monsieur [X] [S] de l’ensemble de ses demandes à ce titre,
– Constater que l’AFP n’a commis aucun manquement en matière de formation continue pouvant bénéficier à Monsieur [X] [S],
– Constater que Monsieur [X] [S] a pu bénéficier du repos hebdomadaire et de congés payés sans qu’aucun manquement ne puisse être imputé à l’AFP,
– Débouter Monsieur [X] [S] de l’ensemble de ses demandes,
– Débouter le SNJ-CGT de l’ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
– Condamner solidairement Monsieur [X] [S] et le SNJ-CGT à 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner Monsieur [X] [S] aux entiers dépens de l’instance.
A l’audience des débats, les parties ont soutenu oralement les écritures susvisées auxquelles la cour fait expressément référence pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
MOTIVATION
Sur la qualification de la relation contractuelle
Monsieur [X] [S] demande à la cour de juger qu’il est titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er décembre 2002 en qualité de reporter photographe au sein de l’AGENCE FRANCE PRESSE et qu’il doit être titularisé et intégré en qualité de journaliste permanent au sein de cette société.
Il fait valoir qu’il est un journaliste professionnel exerçant en cette qualité comme reporter photographe, lié par un contrat de travail à durée indéterminée sous la subordination juridique de son employeur l’AGENCE FRANCE PRESSE; il soutient qu’il exerce cette tâche dans les mêmes conditions que les reporters photographes employés à titre permanent et considère que c’est de manière frauduleuse que l’AGENCE FRANCE PRESSE a eu recours à la rémunération sous forme de pige en vue de lui reconnaître le statut de journaliste pigiste et non celui de salarié permanent.
À titre subsidiaire, au cas où le recours à la fraude serait écarté, Monsieur [X] [S] fonde sa demande de titularisation et d’intégration en qualité de journaliste permanent sur le principe général d’égalité de traitement. Il considère qu’il exerce sa profession dans les mêmes conditions que les salariés permanents et que son employeur ne justifie pas des conditions objectives de recours à la rémunération sous forme de pige.
L’AGENCE FRANCE PRESSE s’oppose à ces demandes et fait valoir que c’est de manière opportuniste que l’appelant revendique le statut de journaliste permanent qui n’est pas fondé en l’espèce; elle rappelle que le recours au système de pige est licite et qu’il existe une différence organisée par la loi et la convention collective entre les journalistes pigistes même réguliers et les journalistes permanents.
Elle en déduit qu’il ne peut y avoir de recours frauduleux au système de pige dès lors que l’appelant exerçait en fait son activité de journaliste reporter photographe dans les conditions prévues par l’accord collectif du 7 novembre 2008 relatif aux journalistes rémunérés à la pige, et non pas dans les conditions des journalistes permanents en sorte que le salarié ne pourrait revendiquer une égalité de traitement entre les deux statuts.
La cour observe qu’en application de l’article L. 7112-1 du code du travail’:
«Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties».
Les parties admettent que M. [S] avait la qualité de journaliste professionnel mais la société AFP estime que même employé régulièrement et donc titulaire d’un contrat à durée indéterminée, il restait un journaliste pigiste ne pouvant revendiquer le statut et les avantages conventionnels des journalistes permanents tandis que M. [S] soutient l’existence d’une relation contractuelle régulière exercée dans les mêmes conditions qu’un journaliste permanent et revendique un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de journaliste permanent avec les avantages conventionnels y afférents.
Au soutien de sa demande de requalification de la relation en contrat de travail à durée indéterminée de journaliste permanent M. [S] produit notamment:
– relevés de piges de décembre 2002, les relevés de piges mensuelles sur les années 2003 à septembre 2014 et les bulletins de paie de décembre 2014 à novembre 2015,
– des mails adressés par l’AGENCE FRANCE PRESSE (pièces 13-1 à 13-9) par lesquels elle lui passait commande régulièrement de sujets de piges.
Ces éléments mettent en évidence, quelle que soit la modalité de la rémunération, en l’espèce la pige, l’existence d’une collaboration continue entre l’AGENCE FRANCE PRESSE et Monsieur [X] [S]; si la pige a été effectivement retenue par les parties, il ne peut s’en déduire nécessairement que Monsieur [X] [S] n’était pas un salarié permanent; toutefois Monsieur [X] [S] ne démontre pas que le recours à la pige avait pour seul but d’éluder les dispositions impératives de la loi et de l’accord collectif applicable à l’entreprise et l’élément intentionnel de recours à la fraude n’est pas suffisamment établi’en l’espèce; le premier moyen ne parait pas fondé; en revanche, sur le fondement du second moyen relatif au principe d’égalité de traitement, il convient de vérifier si les conditions d’exercice effectives et concrètes de ses fonctions par l’appelant étaient celles d’un salarié permanent, en sorte qu’il pourrait bénéficier des même avantages’conventionnels que le salarié permanent.
Il résulte du principe ‘à travail égal, salaire égal’, dont s’inspirent les articles’L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Sont considérés comme ayant une valeur égale par l’article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
En application de l’article’1315 du code civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe ‘à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
La seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence.
En l’espèce, Monsieur [X] [S] soutient qu’à l’identique des salariés permanents:
– il a collaboré de manière permanente et régulière avec l’AGENCE FRANCE PRESSE dans un lien de subordination,
– il était soumis à la même liberté de collaborer avec d’autres publications, liberté dont il n’a au demeurant pas usé ayant travaillé exclusivement pour l’AGENCE FRANCE PRESSE,
– que l’absence d’astreinte à une durée de travail ou à l’obligation de respecter des horaires ne peut lui être reproché et qu’il en revendique l’application,
– qu’il a toujours réalisé le travail confié qu’il n’a jamais refusé aucune tâche suivant les directives fixées par l’employeur,
– qu’il était comme les autres reporters photographes permanents ou pigiste soumis aux mêmes contraintes en termes de nombre de photos à réaliser,
– que l’absence de clause de mobilité imposée aux journalistes permanents ne peut lui être reprochée puisqu’il n’a jamais bénéficié par le fait de l’employeur d’un contrat de travail écrit.
L’AGENCE FRANCE PRESSE rétorque que les conditions de travail de Monsieur [X] [S] sont celles d’un pigiste, à savoir une rémunération mensuelle non fixe variant en fonction du nombre de piges réalisées, une collaboration avec d’autres employeurs que l’AFP, l’absence de pouvoir de direction et de pouvoir disciplinaire caractérisant le lien de subordination permanente entre l’AFP et Monsieur [X] [S].
Elle ajoute que Monsieur [X] [S] jouissait d’une grande liberté d’organisation de son activité professionnelle et de réalisation des piges, qu’il réalisait selon sa disponibilité et qu’il pouvait les refuser qu’il n’était astreint à aucune obligation de niveau de production, de respect d’emploi du temps, de planning, même de présence au sein des locaux de l’AFP; que cette liberté d’organisation lui a permis d’exercer des activités concurrentes à celle de l’AFP en réalisant des photos pour d’autres organismes; que le salarié n’est astreint à aucune obligation contractuelle de mobilité similaire à celle des permanents, qu’il ne lui affectait personnellement aucun matériel et qu’il est titulaire d’une carte de journaliste mention pigiste délivrée après examen par la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels statuant sur pièces attestant de sa qualité de pigiste et non de salarié permanent.
La cour observe que contrairement à ce qu’indique l’employeur les rémunérations versées pendant toute la durée de la collaboration sont d’un montant relativement stable, peu important les quelques écarts faibles observés sur certaines années; comme le reconnaît l’AGENCE FRANCE PRESSE, et ainsi que cela résulte des bulletins de paie le salarié perçoit une rémunération forfaitaire chaque mois ne correspondant pas nécessairement au nombre de piges dès lors que même en l’absence de piges, il bénéficie de primes de treizième mois, de primes d’ancienneté et de prime exceptionnelle et depuis 2011 un montant minimal garanti versé même en l’absence de réalisation de piges; il se déduit de ces éléments qui traduisent à tout le moins un commencement d’alignement au sein d’AFP du statut des pigistes sur celui des journalistes permanents que les rémunérations perçues par Monsieur [X] [S] n’étaient pas véritablement variables.
Monsieur [X] [S] justifie également avoir travaillé exclusivement pour l’AFP: la comparaison de ses bulletins de salaire annuel avec ses avis d’imposition et déclarations de revenus sur la période 2002 à 2014 montrent que ses revenus sont tirés essentiellement de son activité au sein de l’AFP; certes, les revenus déclarés par le salarié ne comportent pas la déduction de l’allocation pour frais d’emploi dont il bénéficie en tant que pigiste; les tableaux produits par l’AFP récapitulant les sommes qu’elle a versées au salarié montrent en toute hypothèse qu’elles représentent un taux avoisinant les 94 % des rémunérations déclarées par le salarié, voire plus certaines années et aux alentours de 85 % sur l’ année 2006, ce dont il se déduit que le salarié a travaillé de manière permanente exclusivement avec l’AFP; à cet égard, les pièces produites par l’employeur (2-1 et 2-2) relatives à des collaborations avec le Figaro et France Info sont insuffisantes à démontrer qu’il a travaillé et été rémunéré par ces publications, les photos utilisées reprenant celles de l’AFP; l’attestation fiscale de la société Parisien produite par l’employeur (pièce 8) n’est pas davantage probante dans la mesure où elle ne concerne pas Monsieur [X] [S].
S’agissant de l’organisation du travail de Monsieur [X] [S], celui-ci justifie n’avoir jamais refusé une tâche confiée par son employeur et fait preuve d’une constante disponibilité; contrairement à ce qu’indique l’AFP les nombreux courriels produits ( pièces 13-1à 13-9) montrent que le salarié n’avait pas le choix de ses reportages, qu’il était passé des commandes à Monsieur [S] qui devait réaliser les reportages selon diverses consignes qu’il devait suivre, et qu’à défaut il ne pouvait recevoir aucune rémunération; le courriel adressé le 1er juillet 2011 par le rédacteur en chef à l’ensemble des photographes de l’agence quel que soit leur statut montre que les pigistes étaient également mis à contribution pour assurer un minimum de photos exigées dans le cadre d’une commande particulière.
Les avis d’expédition des 20 février et 28 mars 2007 montrent en outre que le salarié travaillait avec du matériel envoyé par l’AFP.
Par ailleurs, l’employeur ne peut opposer au salarié le fait qu’il n’était astreint à aucune obligation contractuelle de mobilité similaire à celle des permanents, ni interdiction de concurrence et qu’il est titulaire d’une carte de journaliste mention pigiste délivrée après examen par la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels statuant sur pièces attestant de sa qualité de pigiste; en effet, d’une part, la cour n’est pas liée par la mention portée sur la carte de journaliste délivrée; d’autre part, l’employeur ne peut se prévaloir qu’il n’a pas imposé à son salarié de clause de mobilité et d’interdiction de concurrence pour conclure à l’existence du seul statut de pigiste, sa carence ne pouvant porter préjudice au salarié dont les conditions d’exercice effectif du travail sont en fait et in concreto similaires à celles d’un reporter permanent justifiant l’application de ce statut.
La cour observe enfin que le salarié, même non lié par une clause de mobilité, s’est montré mobile et disponible ainsi que le montre sa candidature à des postes permanents à laquelle il n’a pas été fait droit (lettre de refus du 9 décembre 2015).
Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il est établi que Monsieur [X] [S] exerçait son activité de journaliste photographe dans un lien de subordination dans des conditions similaires à celles d’un reporter photographe permanent et que l’employeur ne justifie pas des raisons objectives de l’application du statut conventionnel de pigiste au lieu de celui des permanents.
Par infirmation du jugement, il est fait droit à la demande de requalification du contrat de travail de Monsieur [X] [S] en contrat de journaliste permanent à durée indéterminée, depuis le 1er décembre 2002.
Sur les conséquences de l’application du statut de journaliste permanent
En conséquence de la décision de requalification, il est ordonné à l’AGENCE FRANCE PRESSE de titulariser et d’intégrer Monsieur [X] [S] en qualité de journaliste permanent’et de lui appliquer les accords d’entreprise régissant les plans de carrière et les rémunérations conventionnelles «barême des salaires mensuels» des journalistes permanents. La demande d’astreinte non justifiée est rejetée.
Sur le rappel de salaires
Il n’est pas contesté que Monsieur [X] [S] a été classé reporter 2ème échelon coefficient 184 à compter du 1er décembre 2009’et qu’eu égard aux barèmes des salaires mensuels applicables au sein de l’AFP, Monsieur [X] [S] aurait dû être classé à compter du 1er décembre 2015 reporter 3ème échelon coefficient 200. Le salarié est bien-fondé à obtenir un rappel de salaires sur la période de 2006 à 2015 correspondant au différentiel entre les rémunérations effectivement perçues et celles garanties par le plan de carrière et les grilles de salaire produites.
L’AGENCE FRANCE PRESSE se bornant à considérer que le salarié ne peut revendiquer le statut de journaliste permanent ne critique aucunement même à titre subsidiaire le montant de rappel de salaire revendiqué en application des accords applicables aux journalistes permanents tel qu’il résulte du tableau produit dans les conclusions de l’appelant.
La cour fait donc droit à la demande du salarié et condamne l’AGENCE FRANCE PRESSE à lui payer la somme de 228 011 euros à titre de rappel de salaires outre la somme de 22 801 euros à titre de congés payés y afférents, et celle de 19 000 euros à titre de rappel de 13ème mois dont le principe et le montant ne sont pas contestés; conformément à l’article 1153 du code civil, ces sommes portent intérêts au taux légal à compter à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes saisi.
Sur la réparation indemnitaire pour absence de repos hebdomadaire et de congés annuels
Le salarié sollicite la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de ses congés annuels ni des conges hebdomadaires.
Estimant démontrer avoir dû travailler les week-ends et les tous les mois de l’année, y compris pendant les mois d’été, il considère que son droit à repos hebdomadaire et à congés annuels a été méconnu et nécessite une réparation.
L’AGENCE FRANCE PRESSE rétorque que compte tenu de l’autonomie d’organisation du travail conféré au pigiste, elle n’a jamais imposé à Monsieur [X] [S] de travailler plus de six jours par semaine ni aucun horaire de travail particulier; elle ajoute qu’en tout état de cause au vu des relevés de piges, Monsieur [X] [S] ne démontre pas avoir jamais travaillé plus de six jours d’affilée à l’exception de courtes périodes; elle précise également que le salarié a toujours bénéficié de son droit au repos qu’il a exercé ainsi qu’en témoignent les périodes pendant lesquelles il n’a pas travaillé.
La cour considère que l’appelant ne produit pas d’éléments suffisants pour démontrer qu’il n’aurait pas bénéficié des repos hebdomadaires sur toute la période de son contrat de travail; en effet le fait que le salarié ait été amené à participer à des événements sportifs ayant lieu le week-end tous les 15 jours de ne permet pas d’en déduire qu’il a été systématiquement privé de ses repos hebdomadaires pendant toute la période revendiquée, alors qu’au surplus des relevés de piges produits montrent que le salarié n’a jamais travaillé plus de six jours d’affilée entre 2012 et 2015, sauf pour de courtes périodes; s’agissant de la privation des congés annuels, c’est vainement que l’AGENCE FRANCE PRESSE invoque des périodes non travaillées d’une dizaine de jours en moyenne réparties en 2012 2013’2014 et 2015 pour considérer ipso facto qu’elles correspondaient à des congés payés; faute de démontrer qu’il a rempli le salarié de ses congés payés dus à ce salarié dans les mêmes conditions qu’un salarié permanent, le manquement est établi; en réparation du préjudice subi pour non-respect sur une courte période des congés hebdomadaires et pour non-respect des congés annuels, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 4.000 euros le montant des dommages intérêts en réparation de ces manquements, outre les intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.
Sur la réparation du préjudice pour absence de visite médicale périodique
L’appelant revendique le bénéfice des dispositions de l’article R.4624-16 du code du travail qui impose une visite médicale tous les deux ans et n’avoir fait l’objet d’aucune visite médicale ; l’AGENCE FRANCE PRESSE reconnait que cette disposition est applicable aux journalistes pigistes et permanents mais fait valoir que par accord d’entreprise du 7 novembre 2008 il était prévu que la prise en charge devait être faite par un organisme tiers le SIST-CMB auquel elle transmettait la liste des journalistes concernés’et que les visites devaient être organisées par l’organisme délégataire’; qu’elle a ainsi rempli ses obligations et qu’en toute hypothèse, Monsieur [X] [S] ne prouve pas l’existence d’un préjudice.
Mais dans la mesure où la cour a retenu que Monsieur [X] [S] relevait du statut du journaliste permanent, la disposition légale s’imposait à lui’et l’employeur était tenu d’organiser la visite périodique tous les deux ans prévue également par l’article 21 de la convention collective des journalistes; l’accord de délégation du 7 novembre 2008 applicable aux pigistes ne s’applique pas à Monsieur [X] [S]; en tout état de cause, à le supposer applicable à l’appelant, l’AGENCE FRANCE PRESSE ne démontre pas qu’elle a transmis à l’organisme délégataire la liste des salariés devant faire l’objet d’une visite périodique ; le manquement est avéré et crée un préjudice; celui-ci sera intégralement réparé par l’allocation d’une somme de 500 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.
Sur l’obligation de formation
Le salarié soutient qu’il n’a bénéficié pendant ses 14 années de collaboration d’aucune action de formation prévue par l’article L.6321-1 du code du travail et par l’article 12 de la convention collective des journalistes; il réclame une indemnisation à hauteur de 25.000 euros.
Vainement l’employeur oppose-t-il l’avenant du 30 janvier 2009 à l’accord national du 17 mars 2005 pour prétendre que faute pour le salarié d’avoir apporté tous éléments à Médiafor afin que celui-ci détermine ses droits acquis au titre du droit individuel de formation, il ne peut se plaindre de n’avoir pas bénéficié de formation; en effet, cet accord qui ne vise que les journalistes pigistes ne s’applique pas à Monsieur [X] [S]’qui est fondé à se plaindre de ne pas avoir bénéficié d’action de formation comme les journalistes permanents; en outre, et en toute hypothèse, l’accord susvisé prévoit expressément qu’il a été pris pour permettre aux pigistes un accès effectif à la formation tout au long de la vie et son article 4 incite les entreprises à intégrer les pigistes aux actions de formation qu’elles sont amenées à développer. Or indépendamment de toute initiative de la part du salarié il appartenait à l’AGENCE FRANCE PRESSE de proposer des formations à Monsieur [X] [S].
Le manquement invoqué est avéré et cause un préjudice au salarié; au vu de la durée du manquement, la cour alloue au salarié une somme de 6.000 euros de dommages intérêts de nature à réparer intégralement son préjudice, outre les intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.
Sur l’inexécution des engagements conventionnels
Le salarié réclame une somme de 5.000 euros pour non-respect des accords collectifs applicables au sein de l’AFP.
Mais l’appelant ayant déjà été indemnisé des préjudices occasionnés par le non-respect de diverses dispositions conventionnelles applicables au journaliste permanent et ayant obtenu le rappel de salaire sollicité en application des dispositions conventionnelles dont il relève ainsi qu’il a été jugé plus haut, ne démontre pas le préjudice distinct dont il sollicite la réparation de manière générale.
Il est donc débouté de sa demande sur ce point.
Sur l’intervention du Syndicat National des Journalistes CGT
Conformément aux articles L. 2132-3 et L.2262-10 du code du travail, le syndicat national des journalistes CGT qui défend l’intérêt collectif de la profession est recevable et bien fondé à intervenir dans la présente procédure ; dans la mesure où la cour a décidé que le salarié bien qu’engagé en tant que pigiste relevait en réalité du statut de journaliste permanent, et qu’il avait été privé indûment des avantages conventionnels attachés à ce statut de permanent, le syndicat est fondé à obtenir la somme de 2.000 euros de dommages intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
Sur les autres demandes
L’issue du litige conduit à condamner l’AGENCE FRANCE PRESSE à payer à Monsieur [X] [S] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la somme de 1.500 euros au syndicat national des journalistes CGT.
L’AGENCE FRANCE PRESSE qui succombe largement en ses prétentions est condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel, y compris les éventuels frais d’exécution de l’arrêt à intervenir et est déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que la relation contractuelle ayant existé entre Monsieur [X] [S] et l’AGENCE FRANCE PRESSE constitue un contrat à durée indéterminée depuis le 1er décembre 2002,
Ordonne à L’AGENCE FRANCE PRESSE de titulariser et d’intégrer Monsieur [X] [S] en qualité de journaliste permanent à l’emploi conventionnel de «reporter photographe» 2ème échelon, au coefficient 184 au 1er décembre 2009,
Ordonna à l’AGENCE FRANCE PRESSE d’appliquer les conventions et accords collectifs dont relève Monsieur [X] [S] en qualité de journaliste permanent et les accords d’entreprise régissant les plans de carrière et rémunérations minimales conventionnelles «barême’des salaires mensuels» des journalistes permanents à Monsieur [X] [S],
Condamne l’AGENCE FRANCE PRESSE à payer à Monsieur [X] [S] les sommes suivantes:
228 011 euros à titre de rappel de salaires,
22 801 euros à titre de congés payés y afférents,
19 000 euros à titre de rappel de 13 ème mois, ces trois sommes portant intérêts au taux légal à compter à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes saisi,
4.000 euros de dommages intérêts au titre de la violation des obligations légales et conventionnelles en matière de santé et de repos, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,
6.000 euros de dommages intérêts au titre de la violation de l’obligation conventionnelle et légale de formation, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt
500 euros de dommages intérêts au titre de la violation de l’article R.4624-16 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,
2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit recevable et bien fondée l’intervention volontaire du syndicat national des journalistes CGT,
Condamne l’AGENCE FRANCE PRESSE à payer au syndicat national des journalistes CGT la somme de 2.000 euros au titre du préjudice porté à l’intérêt collectif des journalistes,
Condamne l’AGENCE FRANCE PRESSE à payer au syndicat national des journalistes CGT la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toute autre demande,
Condamne l’AGENCE FRANCE PRESSE aux entiers dépens en ce compris les frais éventuels d’exécution forcée de l’arrêt.
Le greffier,Le conseiller faisant fonction de président,