Contrat de pigiste : 9 juin 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 20/00103

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Contrat de pigiste : 9 juin 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 20/00103
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JN/SB

Numéro 22/2300

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 09/06/2022

Dossier : N° RG 20/00103 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HO2G

Nature affaire :

Demande d’annulation d’une mise en demeure ou d’une contrainte

Affaire :

URSSAF D’AQUITAINE

C/

SARL TVPI- PYRENEENNE DE TELEVISION

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 09 Juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 07 Avril 2022, devant :

Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame NICOLAS, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller

Madame SORONDO, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

URSSAF D’AQUITAINE

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL COULAUD-PILLET, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

SARL TVPI – PYRENEENNE DE TELEVISION

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître ROUSSEL de la SELARL THEMIS – V GUADAGNINO & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 06 DECEMBRE 2019

rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

RG numéro : 17/00305

FAITS ET PROCÉDURE

La S.A.R.L. Pyrénéenne de Télévision (la société contrôlée), a fait l’objet d’un contrôle de l’URSSAF Aquitaine, concernant la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, ayant donné lieu à:

> une lettre d’observations de l’URSSAF Aquitaine du 20 septembre 2016, aboutisssant à un rappel de cotisations de 62 129 €, portant sur six postes de redressement,

> un courrier du 24 octobre 2016, par lequel la société contrôlée a émis des contestations,

> une lettre de l’URSSAF du 6 décembre 2016 maintenant le montant du redressement,

> une mise en demeure du 14 décembre 2016, par laquelle l’URSSAF Aquitaine a réclamé à la société contrôlée la somme de 62 129 € en principal, outre 8 625 € de majorations, soit la somme totale de 70 754 €.

La société contrôlée a contesté le redressement, ainsi qu’il suit :

> le 11 janvier 2017, devant la commission de recours amiable (CRA) de l’URSSAF, laquelle, par décision du 25 avril 2017, a maintenu le redressement et validé la mise en demeure,

> le 8 juillet 2017, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bayonne, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Bayonne.

Par jugement du 6 décembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Bayonne a :

– dit que les redressements opérés par l’URSSAF portant sur :

– l’assiette minimum conventionnelle à hauteur de 2359 €,

– l’assiette minimum de cotisations à hauteur de 9 989 €,

– la réduction générale de cotisations à hauteur de 14 992 €,

ne sont pas justifiés,

– les a déclaré justifiés pour le surplus,

– validant partiellement la décision de la CRA,

– condamné la société contrôlée à payer à l’URSSAF les sommes de :

– 21 860 € au titre du redressement en cotisations pour frais professionnels non justifiés,

– 9 466 € au titre du redressement en cotisations pour frais professionnels non justifiés pour télétravail,

– 3 463 € au titre du redressement en cotisations pour primes diverses,

– rejeté toutes autres demandes,

– dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec accusé de réception . Il n’est pas justifié au dossier de la date à laquelle l’URSSAF en a été rendue destinataire.

Le 7 janvier 2020, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour, l’URSSAF en a interjeté appel dans des conditions de recevabilité qui ne sont pas contestées.

Selon avis du 16 novembre 2021, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l’audience de plaidoiries du 7 avril 2022

à laquelle elles ont comparu.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses conclusions n°2 visées par le greffe le 23 mars 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l’URSSAF Aquitaine, appelante, demande à la cour de :

– la recevoir en ses demandes et l’en déclarer bien fondée,

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que les redressements opérés portant sur l’assiette minimum conventionnelle à hauteur de 2 359 €, l’assiette minimum de cotisations à hauteur de 9 989 € et la réduction générale de cotisations à hauteur de 14 992 € ne sont pas justifiés,

– valider les chefs de redressements sauf à constater que celui portant sur l’assiette minimum conventionnelle a été ramené à la somme de 1 945 € en cotisations,

– valider la mise en demeure pour son nouveau montant de 70 282 €, soit 61 715 € de cotisations et 8 567 € de majorations de retard,

– condamner la société contrôlée à lui la somme de 70 282 € au titre de la mise en demeure,

– confirmer le jugement pour le surplus et débouter la société contrôlée de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société contrôlée au paiement d’une somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Selon ses conclusions visées par le greffe le 16 mars 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la société contrôlée, la société TVPI, intimée, demande à la cour de :

> A titre principal,

– infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu’il a dit que les redressements opérés par l’URSSAF ne sont pas justifiés, à savoir :

– l’assiette minimum conventionnel à hauteur de 2359 €,

– l’assiette minimum de cotisations à hauteur de 9989 €,

– la réduction générale de cotisations à hauteur de 14 992 €,

– annuler la décision de la CRA de l’URSSAF Aquitaine en date du 25 avril 2017, la mise en demeure de l’URSSAF du 14 décembre 2016 et par la même, les redressements suivants :

– 21 860 € au titre du redressement en cotisations pour frais professionnels non justifiés,

– 9466 € au titre du redressement en cotisations pour frais professionnels non justifiés pour télétravail,

– 3463 € au titre du redressement en cotisations pour primes diverses.

– débouter l’URSSAF de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

> A titre subsidiaire,

– confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré,

> En tout état de cause,

– condamner l’URSSAF Aquitaine à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’URSSAF Aquitaine aux entiers dépens, en ce compris les frais d’inscription et de radiation de privilège.

SUR QUOI LA COUR

La régularité du contrôle n’est pas contestée, étant précisé que la demande de nullité de la mise en demeure, formée par la société contrôlée, ne repose que sur la contestation du bien-fondé des chefs de redressement opéré par l’URSSAF.

Le redressement porte sur 6 postes, respectivement numérotés de 1 à 6.

Chacune des parties critique le premier juge :

-l’URSSAF, en ce qu’il a annulé les postes de redressement n° 1, 2, 5,

-la société contrôlée, en ce qu’il a validé les postes n° 3, 4, 6.

Il convient de régler le désaccord des parties sur chacun des postes contestés, puis d’examiner le surplus des demandes.

I/ Sur le poste n° 1, intitulé « assiette minimum conventionnelle », réclamé pour la somme de 2359 €, ramenée à la somme de 1945 €

Il est renvoyé à la lettre d’observations, selon laquelle, au visa de l’article 37 de la convention collective applicable, l’inspecteur de recouvrement a considéré que la prime d’ancienneté prévue par la convention collective, n’avait jamais été payée au bénéfice des deux journalistes professionnels de la société contrôlée, alors même que :

-lorsqu’une convention collective prévoit un salaire minimum, l’assiette des cotisations doit être au moins égale à ce minimum conventionnel, augmenté par tout élément de rémunération prévu par la convention (13e mois, prime d’ancienneté’),

-l’employeur qui, par infraction, ne verse pas le salaire et les primes prévues par la convention collective, ne peut s’en prévaloir pour acquitter les cotisations de sécurité sociale sur la base d’un salaire inférieur, peu importe l’accord des intéressés sur la rémunération.

C’est au visa de ces principes, et des dispositions de l’article R242-1 du code de la sécurité sociale, que l’inspecteur de recouvrement, a procédé pour la période contrôlée, au calcul de cette prime- en fonction des règles applicables relatives à l’ancienneté des journalistes pigistes-, l’a réintégrée dans l’assiette des cotisations, et a procédé au redressement.

En cours de procédure, la société ayant justifié de ce que l’une des journalistes avait obtenu sa carte de presse en 2011, de sorte que la condition d’ancienneté n’était pas remplie pour la période concernée, l’URSSAF a fait abandon du chef de redressement concernant cette journaliste (Mme [J]), pour une somme de 414 € de cotisations.

L’objet du différend porte désormais sur la somme de 1945 €, concernant la réintégration de la prime d’ancienneté du second journaliste(M. [B]), dans l’assiette de cotisations.

L’URSSAF, au soutien de sa contestation, fait valoir que :

-pour les années 2013 et 2014, la société n’a jamais établi que le salaire inclurait la prime d’ancienneté due au salarié, le bulletin de paye ne portant aucune référence à l’ancienneté,

-les pièces 9 et 10 versées aux débats, portent en réalité sur des périodes postérieures au redressement,

-si à compter du mois d’août 2015, l’entreprise a fait figurer la notion « d’ancienneté incluse », sur le bulletin de salaire, il n’est cependant pas indiqué le montant et le calcul de cette prime, alors même que la convention collective prévoit que ces modalités soient détaillées,

-en effet, la prime d’ancienneté s’ajoute au salaire de base, si bien qu’il appartient à l’employeur de démontrer qu’elle a été payée en sus de la rémunération contractuelle.

La société contrôlée, après des explications détaillées, sur ses choix éditoriaux, au vu du salaire minimum applicable aux reportages, à la difficulté d’évaluer en temps de travail le temps d’un reportage, a décidé de standardiser le tournage d’un reportage à 5 heures de travail, quel que soit le statut du salarié, rémunéré sur la base d’un minimum professionnel horaire de 11,70 €, et, pour des motifs pratiques de simplification, d’appliquer des augmentations générales de salaire de ce salaire minimum horaire, incluant la prime d’ancienneté, à savoir :

-au 1er juillet 2014 : augmentation de 13 € à 14 € ( 7,69 %)

-1er juillet 2015 : 15 € (28 % de plus que le salaire conventionnel minimum).

Elle reconnaît que si, par maladresse de forme, s’agissant de la période contrôlée, elle n’a pas fait apparaître cette prime sur les bulletins de salaire, il n’en demeure pas moins qu’elle était versée, et soumise à cotisations sociales.

Sur ce,

Le redressement n’est fondé en son principe, que si le manquement, s’agissant du non paiement de cotisations sur des sommes devant être intégrées à l’assiette de cotisations, est réel.

Or, au cas particulier, conformément à l’analyse du premier juge, les explications de la société contrôlée, permettent de retenir que nonobstant le manque de transparence du versement de cette prime pendant la période contrôlée, cette prime a bien été payée, comme étant incluse dans le taux de rémunération horaire, et ainsi soumise à cotisations sociales.

En effet, ses explications ont été données de façon constante par la société contrôlée, dès la lettre de contestation du 24 octobre 2016, faisant suite à la lettre d’observations du 20 septembre 2016, et sont en outre corroborées par un bulletin de paie du 1er janvier 2016, (et dont la date, antérieure à la lettre d’observations, exclut qu’il puisse avoir été élaboré pour les besoins de la cause), faisant bien apparaître dans l’énoncé du calcul du salaire, la mention « ancienneté incluse ».

De même, la société contrôlée, par sa pièce n° 9, fait la démonstration de ce que le montant de la prime d’ancienneté intégrée au salaire, respectait les conditions de la convention collective, et était même supérieur.

Enfin, elle démontre par un document contractuel que, sans modifier le montant de la rémunération du journaliste, les bulletins de salaire font désormais apparaître que la prime d’ancienneté est bien incluse dans le calcul du salaire par majoration du taux horaire de rémunération.

Il est ainsi jugé que la société contrôlée a intégré au salaire la prime d’ancienneté due au journaliste, et l’a ainsi soumise à cotisations, si bien que le redressement est jugé infondé .

Le premier juge sera confirmé, en ce qu’il a annulé ce poste de redressement.

II/ Sur le poste n° 2, intitulé « assiette minimum des cotisations », réclamé pour la somme de 9989 €

Il est expressément renvoyé à la lettre d’observations, par laquelle, l’inspecteur de recouvrement a constaté la différence de présentation et des compléments de rémunération apparaissant sur la fiche de paye de chacun des 2 journalistes travaillant pour la société contrôlée, et constatant que cette différence qu’il qualifie de « différence de traitement », avait pour conséquence de minorer l’assiette des cotisations de l’un des deux journalistes, a considéré que la méthode employée par l’employeur, consistait à créer une « inégalité de traitement manifeste entre les deux journalistes », ayant pour effet de réduire considérablement l’assiette des cotisations de l’un d’entre eux, créant pour l’URSSAF un préjudice, de même que pour l’ouverture des droits du salarié.

C’est au vu de ces constats, qu’il a considéré que l’employeur, accordait à ce titre un « complément de rémunération soustrait de l’assiette des cotisations, à quelques exceptions près si l’on prend en considération des frais de péage et taxi par exemple qui viennent s’ajouter aux forfaits ».

Il a au vu de ces éléments et analyse, considéré, au vu d’une jurisprudence rendue par la Cour de cassation dans des litiges entre salarié et employeur, sur le caractère occasionnel ou non du travail effectué par un pigiste, et sur la qualification du licenciement, (cassation chambre sociale, 1er février 2000, n° 98-40. 195), qu’il convenait de réintégrer ce « complément », dans les salaires, et de le soumettre à cotisations sociales.

L’URSSAF conteste le premier juge, en ce qu’il a, pour annuler ce chef de redressement, retenu que « le motif de l’URSSAF, de réintégrer des remboursements de frais dans l’assiette de rémunération pour résoudre une inégalité de situation entre ces 2 personnes ne peut être retenu, car la différence de leur fonction, et donc de leurs statuts, n’avait pas à être ainsi corrigée », soutenant que les bases du redressement, tiendraient en réalité à l’absence de toute justification probante de frais professionnels, au visa des mentions suivantes contenues à la lettre d’observations :

« en l’absence de toute justification probante de frais professionnels qui seraient apportée par des relevés précis des kilomètres parcourus, des voitures utilisées ou de tout autre frais inhérent à l’activité, nous ne pouvons pas retenir la qualification d’indemnisation de frais aux sommes forfaitairement attribuées mensuellement qui sont présentées dans un tableau annexé à cette lettre ».

La société contrôlée, conclut à la confirmation du jugement déféré, en ce qu’il a annulé ce poste de redressement, faisant valoir en substance que :

-l’inspecteur de recouvrement, a maintenu son postulat, relatif à une inégalité de traitement, en ignorant délibérément les éléments portés à sa connaissance, et démontrant que les 2 journalistes n’étaient pas du tout dans d’une position identique, qu’il s’agisse de leur secteur de collaboration, du nombre de piges réalisées, du fait que l’un d’entre eux, (note de la cour pour lequel le redressement est opéré, est exclusivement journaliste pigiste, alors que l’autre, ainsi que mentionné expressément sur les bulletins de paye, a non seulement le statut de pigiste, mais également de salarié permanent non-cadre à 35 heures, s’agissant d’une personne employée dans le cadre d’un contrat de professionnalisation, qui s’est pérennisé en contrat à durée indéterminée d’assistante de direction, dont les fonctions ont évolué, puisque s’y sont ajoutées celles de journaliste, alors même qu’elle continue à occuper des fonctions d’assistante de direction, à l’occasion desquelles elle ne se déplace pas, et donc expose moins de frais professionnels,

-en outre, les frais professionnels versés aux salariés, sont parfaitement fondés et explicités.

Sur ce,

Contrairement à ce que soutient l’URSSAF, le fondement juridique de ce poste de redressement, au vu de son intitulé, et des seules dispositions de l’article R242-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale visées par l’inspecteur de recouvrement préalablement au redressement, n’a pas porté sur une régularisation au titre des « frais professionnels » (lesquels font au demeurant l’objet d’un poste de redressement spécifique, s’agissant du poste n° 3 de la lettre d’observations ), mais bien sur « l’assiette des cotisations » des rémunérations déclarées.

Pour ce faire, l’inspecteur de recouvrement a estimé devoir, au vu d’une prétendue situation d’inégalité de traitement, entre 2 salariés dans des situations qu’il a estimées comparables, requalifié en « salaire », des sommes figurant sur les bulletins de salaire de l’un d’entre eux.

Par des explications déjà rappelées, et qui ne font l’objet d’aucune contestation par l’URSSAF, la société contrôlée démontre que la situation des 2 journalistes, n’est pas la même, si bien que l’inspecteur de recouvrement, ne peut être jugé fondé à avoir adossé le redressement litigieux, à une analyse résultant de la correction par ses soins d’une prétendue inégalité de traitement.

L’URSSAF n’est pas fondée, a posteriori du contrôle, à modifier le fondement juridique sur lequel elle a été procédé au redressement.

Le premier juge sera confirmé, en ce qu’il a annulé ce poste de redressement.

III/ Sur le poste n° 3 « intitulé sur les frais professionnels non justifiés », réclamé pour la somme de 21’860 €

Il est expressément renvoyé à la lettre d’observations, par laquelle, l’inspecteur de recouvrement, après avoir visé sans contestation les textes applicables, a rappelé que  :

-en application de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations, à l’exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel,

-les conditions d’exonération des remboursements de frais professionnels sont fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002 modifié par l’arrêté du 25 juillet 2005,

-si la démonstration n’est pas faite que le salarié est exposé à des frais supplémentaires de transport, de repas ou d’hébergement du fait d’une situation de déplacement, les indemnités doivent être réintégrées dans l’assiette des cotisations en application de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale.

L’inspecteur de recouvrement a par ailleurs constaté que :

-Melle [U], cadreuse-monteuse, ne disposant pas de contrat de travail, était rémunérée sur la base d’un taux horaire, selon des horaires variables, et sa rémunération était majorée d’un complément journalier de frais, d’une valeur moyenne de 50 € par jour, payé sans considération du nombre exact de déplacements, de leur durée, de la distance parcourue, et de la puissance du véhicule utilisé, faute pour ces paramètres d’être précisés,

-Mme [J] , journaliste des cartes de presse, rémunéré sur la base de 151,67 heures au SMIC, avec des primes, bénéficiait de remboursements de frais, qui n’étaient pas davantage justifiés par l’utilisation d’un véhicule, ne correspondaient pas des kilomètres réalisés dans l’exercice de sa fonction, les fiches produites n’étant pas suffisamment explicites pour distinguer les déplacements à l’extérieur, de son travail réalisé à la station.

L’inspecteur de recouvrement , au vu de l’analyse de ces éléments, a considéré que, s’agissant de ces remboursements, il ne pouvait s’agir de dédommagements, mais de compléments de rémunération, à soumettre aux charges sociales.

C’est ainsi qu’il a opéré redressement, par réintégration de ces sommes pour la période contrôlée, à l’assiette de cotisations.

La société contrôlée, pour contester le redressement validé par le premier juge, soutient qu’elle a adopté la méthode du remboursement forfaitaire des frais de déplacement, à raison de 30 €( puis 33 € par reportage depuis le 1er janvier 2015), sur les conseils d’un contrôleur de l’URSSAF parisien en charge de son ancienne structure, car une indemnisation au kilométrage réel, outre une gestion très lourde, pourrait conduire à des coûts bien supérieurs ou à des déplacements « prétextes », qu’une entreprise de sa taille ne peut pas supporter.

Elle estime qu’il est anormal que les frais de déplacement, dont il a été justifié à l’inspecteur de recouvrement, par la production des relevés manuscrits établis par les salariés, et précisant bien les lieux de reportage, soient intégrés à l’assiette des cotisations, au seul motif que l’inspecteur de recouvrement n’a pas souhaité faire un calcul détaillé, et s’est contenté d’un calcul global, en, ainsi qu’il l’indique, prenant « au hasard 3 fiches de relevé ».

L’URSSAF, pour solliciter la confirmation du jugement déféré, fait valoir que :

– la société contrôlée, n’a fourni de justificatifs probants, ni auprès de l’inspecteur de recouvrement, ni auprès de la commission de recours amiable,

– la pièce qu’elle produit aux débats sous le n° 13, ne concerne que l’année 2013,

-les fiches produites aux débats, ne permettent ni de discerner les salariés concernés, ni de connaître les kilomètres parcourus ou les frais engagés,

– aucun justificatif de ces frais n’a été trouvé dans la comptabilité de l’entreprise ou n’est à ce jour produit,

-la note de l’employeur émise à l’attention des salariés, relative au remboursement des frais, et justificatifs à apporter, est en date du 30 juin 2017, donc postérieure au contrôle.

Sur ce,

Selon les dispositions de l’article 1er de l’arrêté ministériel du 20 décembre 2002 : « Les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions. »

Il appartient à l’employeur, qui entend les soustraire de l’assiette de cotisations, de démontrer le caractère professionnel des sommes payées aux salariés à titre de « frais professionnels ».

L’URSSAF rappelle sans être contredite, que pour en justifier, il doit être produit :

-s’agissant des indemnités kilométriques, la réalité du déplacement, le moyen de transport utilisé, la puissance du véhicule, le kilométrage effectué, la copie de la carte grise du bénéficiaire,

-s’agissant des indemnités de repas, la réalité de la situation de déplacement professionnel, l’empêchement de regagner sa résidence, la contrainte de prendre son repas au restaurant.

Ainsi, les pièces produites par la société contrôlée, sous les numéros 13, et 14, s’agissant d’un tableau récapitulatif de frais de l’année 2013, et de feuilles mensuelles de frais remplies par les salariés, relatives à l’année 2013, s’ils indiquent le détail des missions (pré enquête, tournage, montage), de leur date et de leur lieu, ne précisent ni le kilométrage parcouru, ni le véhicule ou le moyen de transport utilisé, ni le justificatif d’une quelconque dépense.

Il en résulte que c’est à juste titre que l’inspecteur de recouvrement a considéré que les frais professionnels n’étaient pas à suffisance justifiés pour permettre à l’employeur de les exclure de l’assiette des cotisations.

Le redressement est jugé fondé, conformément à l’analyse du premier juge, dont la décision sera confirmée.

IV/ Sur le poste de redressement n° 4, intitulé « frais professionnels non justifiés : frais inhérents au télétravail », réclamé pour la somme de 9466 €

Toujours au visa des dispositions légales, réglementaires et infra réglementaires applicables, l’inspecteur de recouvrement, dans la lettre d’observations, a rappelé :

-qu’en application de l’article 6 de l’arrêté du 20 décembre 2002, les frais engagés par le salarié en situation de télétravail, sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi, sous réserve que les remboursements effectués par l’employeur soient justifiés par la réalité des dépenses professionnelles supportées par le travailleur salarié ou assimilé,

– les circulaires ( DSS/B n° 2003 /07 du 7 janvier 2003, modifiée par la circulaire DSS/5B n° 2005 /376 du 4 août 2005) précisant les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi, et par conséquent être exonérés de cotisations, sont précisées par l’arrêté du 25 juillet 2005 et par circulaires ministérielles ( DSS/B n° 2003 /07 du 7 janvier 2003, modifié par la circulaire DSS/5B n° 2005 /376 du 4 août 2005), s’agissant de :

-frais fixes liés à la mise à disposition du local privé,

-frais variables liés à la mise à disposition du local privé,

-frais liés à la dépense d’acquisition du mobilier par le salarié,

-frais engendrés par le salarié pour l’adaptation d’un local spécifique,

-frais engagés par le salarié pour l’acquisition de matériel informatique et périphériques (ordinateur, imprimante, modèle’),

-frais de fournitures consommables (ramettes de papier, cartouches d’encre’),

-frais de connexion au réseau téléphonique, frais d’abonnement (téléphone, Internet’).

Il a par ailleurs constaté qu’une technicienne audiovisuelle, sans aucun contrat de travail, avec un statut d’intermittent, percevait une rémunération variable d’un mois sur l’autre, travaillait principalement à domicile, utilisait pour son travail un ordinateur personnel acheté en 2007, et largement amorti, et ne possédait aucune autre facture d’achat de matériel, alors qu’en plus de son salaire, la société contrôlée lui versait sur une base de 33 € par jour travaillé, des « frais forfaitaires exonérés de toutes charges », sans qu’elle ne puisse produire aucun justificatif de frais de déplacement, puisqu’elle travaillait chez elle, et sans qu’elle ne dispose d’aucune facture d’achat de matériel informatique personnel.

La société contrôlée, au soutien de sa contestation de ce chef de redressement, fait valoir que cette salariée travaillerait tantôt chez elle, tantôt au siège de l’entreprise, tantôt par déplacement, et que par un calcul économique « à l’envers », elle a calculé que si la salariée intermittente venait travailler physiquement dans les locaux de l’entreprise, cela représenterait une charge de l’ordre de 50 € par jour de présence,

soit 30 € par jour de travail déclaré.

Elle admet que sa pratique, n’est pas conforme aux règles relatives à la déduction de l’assiette de cotisations, des frais professionnels inhérents au télétravail, et que les modalités de prise en charge des frais engagés par les salariés en situation de télétravail, selon une note de réponse de l’URSSAF en date du 3 août 2017 qu’elle produit sous sa pièce n° 15, sont limitées- selon ses propres calculs- à une base de 100 € par mois pour le travail à domicile, et plafonnés à 250 € pour l’ensemble d’un tournage, et à 150 € pour le montage , soit une limite maximum de remboursement de frais de 2000 € par an .

Elle demande qu’il en soit tenu compte, par des tableaux contenus en page 19 de ses conclusions, pour solliciter que seule la partie excédentaire à cette somme de 2000 € par an, soit soumise à redressement, et qu’ainsi le redressement soit ramené à la somme de 6338 € au lieu de celle de 9466 €.

Au cas particulier, la note visée par la société contrôlée, rappelle qu’en tout état de cause, si l’exclusion d’assiette peut être opérée dans certaines limites de la dépense réelle, c’est en tout état de cause au vu de justificatifs, lesquels font défaut au présent dossier.

Il en résulte que l’employeur ne justifie pas de frais inhérents au télétravail , qu’il aurait remboursés, et qui lui permettraient d’en déduire une partie, de l’assiette des cotisations.

Le redressement est jugé fondé, conformément à l’analyse du premier juge, dont la décision sera confirmée.

V/ Sur le poste de redressement n° 5, intitulé « réductions générales des cotisations : règles générales », réclamé pour 14’992 €

Ce poste de redressement, est la conséquence des postes de redressements précédents, en ce que, par le biais de la requalification de certaines sommes, considérées comme des compléments de salaire, les rémunérations ont été portées à un niveau qui ne permet plus à l’employeur, d’obtenir l’allégement Fillon, mis en place par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, dont l’inspecteur de recouvrement, au visa des dispositions législatives, réglementaires, et infra réglementaires applicables, et auxquelles il est expressément renvoyé, rappelle sans contestation les principes d’application et leur évolution dans le temps, notamment pour les entreprises de moins de 20 salariés, correspondant au cas particulier.

Le premier juge, pour annuler ce poste de redressement, a considéré que « tous les frais professionnels n’ayant pas été réintégrés dans l’assiette de cotisations, le redressement opéré par l’URSSAF à hauteur de 14’992€ en raison de la perte du bénéfice de réductions générales des cotisations » (note de la cour : dites « réductions Fillon »), ne peut être validé.

Cette analyse ne tient pas compte des valeurs prises en compte par l’URSSAF, au titre des calculs opérés pour aboutir à ce poste de redressement.

Or, ainsi qu’il résulte de la lettre d’observations pages 18 et 19, les redressements du poste n° 5 n’ont concerné que les exonérations suivantes :

Année

Mme [J]

Mme [M]

M. [B]

2013

3403 €

1198 €

néant

2014

2975 €

1102 €

néant

2015

4315 €

1394 €

605 €

La réduction générale, a été, année par année, et pour les valeurs retenues ci-dessus pour chacun des salariés, estimée indue à 100 %, si bien que le redressement pour la somme de 14’992 €, est constitué par la somme des valeurs suivantes :

2013

4601 €(3403 €+ 1198 €)

2014

4077 €(2975 €+ 1102 €)

2015

6314 €(4315 €+ 1394 €+ 605 €)

Pour apprécier les conséquences de l’annulation de certains redressements, sur le poste de redressement n° 5, il convient d’observer que :

– concernant Mme [J], le redressement auquel URSSAF a renoncé au titre du poste n° 1, était relatif exclusivement à l’année 2015, et consistait à réintégrer à tort dans l’assiette de cotisations la somme de 886 €,

-aucune annulation de redressement ne concerne Mme [M],

– concernant M. [B], le poste de redressement n° 2 a été invalidé, en ce qu’il a exclu que doivent être réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales, les sommes suivantes :

-2013 : 7331 €,

2014 : 6713 €,

2015 : 7033 € .

Il ressort de ces éléments, que les postes de redressement invalidés, n’interviennent dans le calcul du poste de redressement n° 5, que pour l’année 2015, et seulement pour les valeurs suivantes :

Mme [J] : 886 €,

M. [B] : 7033 €.

Ainsi, l’assiette de calcul du redressement du poste n° 5, doit être minorée de ces sommes ainsi qu’il suit:

-Mme [J] : 4315 € -886 €( intégrée à tort du fait de la renonciation par l’URSSAF du poste n° 1) ramenant l’un des paramètres du redressement du poste n° 5 pour l’année 2015 à la somme de 3429 € (4315 €- 886 €),

-M. [B] : 605 € -7033 €( intégrée à tort du fait de l’annulation par le premier juge comme par la cour, du poste de redressement n° 2, ramenant la base de calcul à la somme de 0€.

Il s’en déduit que le redressement du poste n° 5, doit être non pas annulé, mais minoré à la somme de 13’501 €, résultant du tableau suivant où les valeurs modifiées, sont indiquées en caractères gras :

2013

4601 €(3403 €+ 1198 €)

2014

4077 €(2975 €+ 1102 €)

2015

4823 €(3429 €+ 1394 €+ 0 €)

Le premier juge sera infirmé, ainsi qu’il sera dit au dispositif.

VI/ Sur le poste de redressement n° 6 intitulé « primes diverses », réclamé pour la somme de 3463 €

L’inspecteur de recouvrement, au visa des dispositions législatives et réglementaires applicables, notamment les articles L2 142-1 et L3 112-2 du code de la sécurité sociale, a rappelé que :

-tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations,

-à ce titre, doivent notamment et être intégrés dans l’assiette des cotisations, quel que soit leur appellation, les primes, allocations et tout autre avantage en espèces ou pris en charge, ne présentant pas le caractère de frais professionnels au sens de l’arrêté du 20 décembre 2002, et ne présentant pas le caractère de dommages et intérêts.

Il a par ailleurs constaté que l’intervention de M. [H] [E], pour le compte de la société contrôlée, concernait des prestations en tout genre, et notamment à donner à l’antenne ses pronostics sur des courses à venir, contre rétribution, sur une base forfaitaire de 200 € par mois, enregistrée au compte sous-traitant général, ou frais de déplacement, selon les années.

C’est dans ces conditions que l’inspecteur de recouvrement, a considéré que ces sommes constituaient des rémunérations accordées en contrepartie d’un travail de pronostiqueur profitable à la station, les a réintégrées dans l’assiette de cotisations.

Si la société contrôlée conteste ce poste de redressement, au motif que la somme de 200 €, correspondait à la proposition du pronostiqueur, de participer à ses « frais d’enquête, achat de presse turfique, déplacements sur les champs de courses, déplacements vers la station », elle a mis fin au recours de ce pronostiqueur, dès que le contrôleur de l’URSSAF, a parlé de requalification, et reconnaît que ces « facturations de frais » auraient pu recevoir un formalisme plus détaillé, voire être notifiées sous forme d’honoraires.

À ce titre, ces frais n’étant pas davantage justifiés, c’est à juste titre que l’inspecteur de recouvrement a procédé au redressement, qui ne peut être que confirmé, conformément à la décision du premier juge.

VII/ sur les frais irrépétibles et les dépens

La succombance respective des parties en appel, justifie qu’il ne soit pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour les mêmes motifs, chacune des parties supportera les dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Bayonne en date du 6 décembre 2019, mais seulement en ce qu’il a :

-jugé injustifié le poste de redressement n° 5 intitulé « réductions des cotisations : règles générales », réclamé pour 14’992 €,

-débouté l’Urssaf de ses demandes de paiement de ces sommes,

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Valide ce poste de redressement à concurrence de la somme de 13’501 €, et condamne la société contrôlée, la S.A.R.L. Pyrénéenne de Télévision , à payer cette somme à l’Urssaf Aquitaine,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne chacune des parties à supporter les dépens par elle exposés.

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

 


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