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COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N° 3 DU NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
AFFAIRE N° : N° RG 21/00636 – N° Portalis DBV7-V-B7F-DKNY
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de POINTE A PITRE du 12 mai 2020 – Section Encadrement –
APPELANTE
Madame [R] [B]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Maître Charles NATHEY de la SELARL JURINAT, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (Toque 42)
INTIMÉE
S.A.S. RCI NEWS GUADELOUPE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 5 septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,
Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 novembre 2022, date à laquelle le prononcé de l’arrêt a été prorogé au 9 janvier 2023.
GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
*********
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [R] [B] a été embauchée dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée non daté par la société RCI Guadeloupe en qualité de journaliste, reporter, rédacteur à compter du 1er avril 2009.
Le contrat de travail était soumis aux dispositions de la Convention Collective nationale des journalistes en date du 27 octobre 1987 étendue par arrêté du 2 février 1988.
Par une lettre signifiée par ministère d’huissier le 20 décembre 2018, Mme [R] [B] était licenciée pour faute grave.
Par requête en date du 22 janvier 2019, Mme [R] [B] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre à l’effet de contester la mesure de licenciement prise à son encontre et former un certain nombre de demandes indemnitaires.
Par procès-verbal en date du 10 décembre 2019, le Conseil de Prud’hommes a notifié que ses membres n’avaient pu se départager en sorte que le dossier était envoyé en audience de départage.
Par jugement contradictoire de départage en date du 7 juillet 2020, le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre a dit que la procédure de licenciement dont avait fait l’objet Mme [R] [B] était régulière et que le licenciement pour faute grave de Mme [R] [B] était fondé.
Il a rejeté les demandes de Mme [R] [B] visant au prononcé de la nullité de la mesure de licenciement et à dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les demandes indemnitaires subséquentes.
Il a, enfin, condamné Mme [R] [B] à payer à la société RCI Guadeloupe la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Mme [R] [B] a relevé appel de la décision par déclaration en date du 20 juillet 2020.
Par celle-ci, Mme [R] [B] précisait que son appel portait expressément sur chacun des chefs du jugement.
La SAS RCI Guadeloupe a constitué avocat le 13 août 2020 par voie électronique.
Mme [R] [B] a signifié via le réseau privé virtuel des avocats le 25 septembre 2020, ses conclusions d’appelante.
La SAS RCI Guadeloupe a, le 19 novembre 2020, notifié par la voie électronique des conclusions d’incident au visa des dispositions de l’article 526 du Code de Procédure Civile aux fins de radiation de l’appel pour défaut d’exécution de la décision assortie de l’exécution provisoire s’agissant des frais irrépétibles à elle alloués.
Par ordonnance en date du 8 février 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l’appel.
Par une lettre en date du 7 juin 2021, le conseil de Mme [R] [B] a justifié du règlement des frais irrépétibles et a sollicité la réinscription de son dossier au rôle des affaires en cours.
Le magistrat en charge de la mise en état rendait une ordonnance de clôture le 19 mai 2022, la cause étant renvoyée à l’audience de plaidoiries du 5 septembre 2022.
L’affaire a été mise en délibéré au 7 novembre 2022, le délibéré étant prorogé au 9 janvier 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.
En l’état des dernières conclusions en date du 3 novembre 2020 notifiées via le réseau privé virtuel des avocats à la SAS RCI Guadeloupe le 6 novembre 2021, Mme [R] [B] sollicite de la Cour qu’elle dise le licenciement intervenu à son encontre sans cause réelle et sérieuse après avoir constaté qu’il a été prononcé en violation d’une liberté fondamentale, d’une part, et d’autre part, consécutivement à une action en justice qui a fait constater l’existence d’un harcèlement moral et sexuel.
En conséquence, elle appelle à la condamnation de la SAS RCI Guadeloupe à lui payer :
La somme de 10 696,45 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.
La somme de 10 667,67 euros à titre de préavis.
La somme de 1 066,76 euros à titre de congés payés sur préavis.
La somme de 111 186,87 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du harcèlement subi.
Mme [R] [B], enfin, sollicite la condamnation de la SAS RCI Guadeloupe au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens.
Mme [R] [B] expose qu’elle a collaboré avec la société RCI Guadeloupe en qualité de journaliste courant 2003 dans la cadre de piges avant d’être embauchée par contrat à durée indéterminée ; elle poursuit en indiquant qu’elle a été l’objet de harcèlement sexuel et moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques en sorte qu’elle a dû saisir la juridiction prud’homale de ces faits en suite de l’inaction de son employeur pour les faire cesser.
Elle précise qu’un jugement du Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre a été rendu le 24 mai 2016 admettant le harcèlement moral mais non le harcèlement sexuel mais que, sur appel de l’employeur, la Cour d’Appel de Basse-Terre a reconnu non seulement le harcèlement moral mais encore le harcèlement sexuel par un arrêt en date du 18 juin 2018 rectifié ‘ sur erreur matérielle ‘ le 19 novembre 2018.
Mme [R] [B] souligne qu’elle a alors été licenciée un mois après la décision rectificative de la Cour et alors qu’elle se trouvait en arrêt maladie.
Mme [R] [B] conteste la régularité de la procédure de licenciement motif pris que M. [O] [I], Directeur général de la SAS RCI Guadeloupe, aurait eu à son encontre des propos injurieux et diffamatoires, propos pour lesquels elle aurait déposé plainte entre les mains du Procureur de la République de Pointe à Pitre le 25 juin 2018.
Mme [R] [B] enchaîne en faisant plaider que son licenciement est nul et s’apparenterait à une vengeance en suite des décisions judiciaires rendues et que les griefs articulés à son encontre seraient infondés.
Subsidiairement, Mme [R] [B] sollicite de la Cour qu’elle dise que son licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse après avoir constaté qu’il a été prononcé en violation d’une liberté fondamentale, d’une part, et consécutivement à une action en justice qui a fait constater l’existence d’un harcèlement moral et sexuel, d’autre part.
Elle réfute les griefs articulés à son encontre que ce soit les faits de harcèlement à l’encontre de la personne de Mme [E], sa collègue, l’emploi de termes inconvenants à l’encontre de M. [Y] [C], son collègue, ou les faits d’insubordination.
S’agissant de Mme [E], Mme [R] [B] au visa des dispositions des articles L 1152-1 à L 1152-3 du Code du travail, estime que les faits de harcèlement qu’on lui reproche ne sont pas caractérisés et argumente sur les attestations produites tardivement, selon elle, par l’employeur.
Elle réfute pareillement les autres griefs d’usage de propos inconvenants et d’actes d’insubordination.
La société RCI Guadeloupe a pris ses dernières écritures le 18 novembre 2020 régulièrement notifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 19 novembre 2020.
L’intimée sollicite de la Cour qu’elle statue ce que de droit sur la recevabilité et la régularité de l’appel et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Elle lui demande conséquemment de dire que c’est à bon droit que Mme [B] a été licenciée pour faute grave et, en conséquence, de la débouter au titre de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés et de son indemnité conventionnelle de licenciement, de la débouter de l’intégralité de ses demandes indemnitaires après avoir constaté qu’elle ne rapporte pas la preuve de quelque préjudice que ce soit lui ouvrant droit à indemnisation et de constater que Mme [B] ne rapporte pas la preuve de l’existence du harcèlement moral allégué ni d’un quelconque préjudice.
En conséquence de quoi, la société RCI Guadeloupe demande à la Cour de débouter Mme [B] de sa demande de nullité du licenciement et de dommages et intérêts de ce chef et de la débouter de l’intégralité de ses demandes indemnitaires après avoir constaté qu’elle ne rapporte pas la preuve de quelque préjudice que ce soit lui ouvrant droit à une quelconque indemnisation.
La société RCI Guadeloupe demande à la Cour de faire application en tout état de cause des dispositions de l’article L 1235-3 du Code du travail et de condamner Mme [R] [B] à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
La société RCI Guadeloupe expose que Mme [B] après une collaboration de pigiste a été employée dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de journaliste, reporter, rédacteur à compter du 1er avril 2009 et que courant 2013 elle se serait plainte de faits de harcèlement moral au sein de l’entreprise en sorte qu’elle aurait intenté une action à l’encontre de son employeur laquelle se serait soldée par un jugement de condamnation du Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre confirmé par un arrêt de la Cour d’Appel de Basse-Terre.
La société RCI Guadeloupe fait plaider qu’à compter de ce moment-là, Mme [R] [B] aurait adopté une attitude d’opposition systématique à l’égard de ses collègues et d’insubordination caractérisée à l’encontre de sa direction.
Elle ajoute que cela lui aurait permis d’instaurer au sein de la rédaction une atmosphère tendue et anxiogène.
Elle poursuit en indiquant qu’elle aurait pris en grippe Mme [M] [E], sa collègue de travail, alors enceinte de quatre mois, laquelle aurait saisi formellement la direction de la situation qu’elle subissait par un courriel du 5 octobre 2018.
La société RCI Guadeloupe détaille les faits qui se seraient produits le 2 octobre 2018 ‘ matin et après-midi ‘ selon Mme [E].
Elle indique qu’au regard de la gravité potentielle de la situation, Mme [B], Mme [E] et M. [L] ‘ témoins des faits – auraient été reçus par la Responsable des Ressources Humaines et le Rédacteur en chef.
Elle affirme qu’en suite de cela plusieurs salariés auraient confirmé les faits portés à la connaissance de la direction par Mme [M] [E] laquelle aurait précisé ne pas se sentir en sécurité et redouter des « représailles » de la part de Mme [B].
Elle indique que Mme [E] s’était vue prescrire un arrêt de travail par son gynécologue le 12 octobre suivant.
Elle poursuit en disant que Mme [M] [E] aurait dans un courrier du 29 octobre 2018 signalé d’autres faits qui se seraient déroulés les 24 et 26 octobre 2018 s’agissant du comportement de Mme [B] à son égard et que le 8 novembre suivant Mme [B] aurait élevé le ton lors de la conférence de rédaction de l’après-midi et aurait eu des propos inconvenants à l’égard d’un autre collègue [Y] [C].
La société RCI Guadeloupe indique qu’au regard de la gravité des faits elle aurait convoqué Mme [R] [B] à un entretien préalable à une mesure disciplinaire le 15 novembre 2018 auquel ne se serait pas présentée Mme [B]. Mme [B] aurait poursuivi ses actes de harcèlement à l’égard de Mme [M] [E], notamment le 3 décembre 2018 en conférence de rédaction, en suite de quoi Mme [M] [E] aurait de nouveau été placée en arrêt de travail le 4 décembre 2018.
La société RCI Guadeloupe fait aussi valoir que Mme [R] [B] aurait exercé une pression psychologique sur Mme [M] [E] en fredonnant certaines chansons, en lui adressant des phrases narquoises et en accrochant des affiches provocatrices sur la cloison vitrée séparant leurs espaces de travail. Elle poursuit qu’en suite de l’enlèvement de ces affiches par une représentante du personnel un nouvel échange houleux s’en serait suivi avec celle qui avait enlevé les affiches en suite de quoi Mme [R] [B] avait été placée en arrêt maladie.
La société RCI Guadeloupe ajoute que Mme [R] [B] n’aurait, par ailleurs, pas épargné sa hiérarchie, aurait commis des actes d’insubordination et refusé de saluer le Directeur qui lui tendait la main.
La société RCI Guadeloupe soutient que l’attitude répétée de Mme [B] aurait été constitutive de harcèlement moral et qu’il a pu ou aurait pu avoir pour conséquence d’altérer la santé physique ou mentale de Mme [M] [E].
Elle ajoute que les représentants du personnel de l’unité économique et sociale de la société RCI auraient alerté la direction et la présidence de manière à faire cesser les agissements de Mme [B] et que les instances représentatives du personnel auraient partagé ce constat.
La société RCI souligne que le comportement de Mme [B] aurait mis en cause la bonne marche de l’entreprise en sorte qu’elle aurait été amenée à, de nouveau, convoquer Mme [R] [B] à un entretien le 12 décembre 2018 auquel l’intéressée ne se serait pas présentée.
En suite de quoi, la société RCI Guadeloupe aurait prononcé le licenciement de Mme [R] [B] pour faute grave.
La société RCI réfute l’argument de l’appelante selon lequel sa procédure de licenciement aurait été menée de manière irrégulière et conteste que le licenciement soit nul.
Elle argumente dans la continuité sur la réalité de la faute grave en raison du harcèlement moral exercé par Mme [R] [B] à l’encontre de Mme [M] [E], de l’attitude déplacée de cette dernière ayant conduit à une dégradation des conditions de travail à la rédaction et de l’insubordination dont elle a fait preuve.
Elle discute, enfin, l’ensemble des demandes indemnitaires articulées par Mme [M] [E].
Pour le surplus des explications des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE L’ARRÊT.
Sur la recevabilité de l’appel.
L’appel relevé par Mme [B] conformément aux dispositions des articles L 1462-1 et R 1461-1 du Code du Travail est recevable.
Sur la régularité de la procédure de licenciement pour faute grave.
Mme [R] [B] reconnait que la procédure de licenciement initiée à son encontre a été menée conformément aux textes en vigueur s’agissant de sa convocation à l’entretien préalable et de la notification de la mesure qui lui a été faite par exploit d’huissier.
En revanche, elle soulève le moyen tiré de la nullité de la procédure menée motif pris que celle-ci aurait été conduite par M. [O] [I], Directeur Général de la société RCI Guadeloupe à l’encontre duquel elle aurait déposé plainte entre les mains du Procureur de la République de Pointe à Pitre en suite de propos injurieux et diffamatoires qu’il aurait tenus à son égard lors de l’interview qu’il aurait donnée au journal en ligne Médiapart le 25 juin 2018.
Mme [R] [B] fait donc plaider que la procédure de licenciement serait nulle dès lors que M. [O] [I], sous le coup d’une plainte pénale, se serait trouvé empêché, au moins moralement, de diligenter une procédure de licenciement à l’encontre de celle qui se trouvait à l’origine de ladite plainte.
Or, la régularité de la procédure s’apprécie à l’aune des dispositions des articles L 1232-2 et suivants et des articles L 1332-1 et suivants du même Code s’agissant, comme au cas de l’espèce, d’un licenciement disciplinaire.
M. [O] [I], alors Directeur général de la société employeur, société par actions simplifiée, disposait incontestablement de la qualité pour mener la procédure de licenciement, signer la première lettre de convocation à l’entretien préalable à la mesure en date du 15 novembre 2018 et la lettre de licenciement.
La circonstance que Mme [B] ait initié à l’encontre de M. [I] une procédure pénale pour des propos qu’il aurait eus à son encontre dans le cadre d’une interview qu’il aurait donnée antérieurement à la mise en ‘uvre de la procédure de licenciement est indifférente aux débats et n’entache pas la qualité de M. [I] à agir.
Par ailleurs, Mme [B] excipe de ce qu’elle n’aurait pas fait l’objet d’une mise à pied conservatoire avant le prononcé de son licenciement ; la Cour rappelle que la procédure de licenciement pour faute grave n’exige nullement pour sa régularité que le salarié soit mis à pied de manière conservatoire en sorte que le moyen est inopérant.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la procédure menée était régulière.
Sur le licenciement pour faute grave.
Dès lors que la lettre de licenciement circonscrit le litige qui est soumis, elle sera ci-après reproduite :
« Mme [R] [B],
Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d’une faute grave.
Le mardi 2 octobre 2018 aux alentours de 11 h 30 vous avez agressé verbalement votre collègue Mme [M] [E] en présence de plusieurs témoins.
Peu après ce même jour, vous l’avez menacée en créole alors même que vous savez que sa compréhension dans cette langue est limitée.
Toutefois ce même jour, après avoir appris que Mme [E] avait transmis une information strictement professionnelle à notre collaborateur, M. [U] [L], une rage folle vous a envahie. Vous vous êtes ruée vers Mme [E], vociférant des propos déplacés et humiliants à son égard. Vous avez affirmé que sa voix était « niaise » et vous l’avez accusée de « tortiller du cul devant la direction ».
Vous lui avez notamment dit qu’elle n’avait pas à se mêler de ce qui ne la regardait pas.
Votre agression fut si violente que M. [U] [L] a cru que vous alliez en venir aux mains.
Après un court instant de répit, vous êtes revenue à la charge dans le but de provoquer Mme [M] [E], toujours en tenant des propos ineptes.
Lorsque cette dernière a tenté de communiquer avec vous, calmement, vous vous êtes alors bouché les oreilles en chantant, puis vous êtes repartie comme vous êtes venue, à la stupéfaction générale’
Après cette scène brutale et surréaliste, un de vos collègues a pu constater que Mme [M] [E] était en état de choc.
Pour rappel, Mme [M] [E] est enceinte de plusieurs mois.
Il ne s’agit malheureusement pas des seuls actes qui vous sont reprochés.
En effet, le 2 octobre 2018 lors d’une conférence de rédaction à 16 h 00, Mme [M] [E] a tenté de prendre la parole afin de porter des observations sur un sujet relevant indéniablement de son périmètre de compétences.
Manifestement décidée à en découdre avec elle, vous avez empêché Mme [E] de prendre la parole et vous lui avez rappelé sur un ton menaçant que « vous aviez eu une explication ce matin » afin qu’elle n’intervienne plus dans ce qui ne la « regardait pas ».
Le vendredi 5 octobre 2018, vous avez à nouveau jeté votre dévolu sur votre collègue [M] [E]. Vous vous êtes à nouveau publiquement moquée d’elle en conférence de rédaction en imitant à nouveau sa voix et en lui prêtant un ton niais « oui chef ! Oui chef ! » répétiez-vous en boucle.
Vous avez en outre réitéré les propos ineptes tenus précédemment, concernant notamment sa prétendue attitude à l’égard de la direction.
Les 24 et 26 octobre 2018, vous avez à nouveau haussé le ton à l’égard de Mme [E] l’empêchant à nouveau de s’exprimer.
Il en résulte que vous n’autorisez plus votre collègue à s’adresser à vous et lorsqu’elle le fait, dans le cadre du travail, vous lui répondez par personne interposée, en l’occurrence votre Rédacteur en chef.
Le 8 novembre dernier, vous avez encore élevé la voix à plusieurs reprises contre Mme [E] lors d’une conférence de rédaction à 16 h 00.
Vous lui avez, notamment, reproché d’avoir placé dans son journal un sujet sur la route du Rhum avant un colloque sur l’esclavage alors que le point de départ de la route du Rhum est selon vos propos un port de traite négrière.
Face à ces propos ubuesques, Mme [M] [E] vous a posément demandé de vous calmer à plusieurs reprises.
En vain.
Le Rédacteur en Chef a dû intervenir pour mettre un terme à votre comportement à nouveau déplacé.
Lors de cette réunion, vous avez, de surcroit, employé des termes inconvenants à l’égard de votre collègue M. [Y] [C].
Celui-ci a dû aussi faire les frais de votre vindicte.
Le Rédacteur en Chef a dû, là encore, intervenir afin d’y mettre un terme.
Toujours lors d’une conférence de la rédaction, vous avez à nouveau élevé le ton à l’encontre de votre collègue Mme [M] [E], sans raison apparente.
Lors d’une longue tirade, vous lui avez reproché de rédiger trop d’emails. Vous lui avez fait grief d’être trop « susceptible ».
Vous lui avez par ailleurs déclaré ne plus vouloir lui adresser la parole, même dans le cadre professionnel.
Le Rédacteur en Chef a dû à nouveau intervenir afin de mettre un terme à votre vindicte qui prenait à nouveau un tour personnel.
Mme [M] [E] nous a par ailleurs informés que vous preniez un malin plaisir à lui conter régulièrement des faits divers sordides impliquant de jeunes enfants. Ce comportement aussi abject qu’inepte nous a laissés pantois.
Par ailleurs, vous exercez une pression psychologique constante sur votre souffre-douleurs, Mme [M] [E]. Vous fredonnez ainsi très régulièrement des refrains du type « si tu t’en vas’ si tu t’en vas », « sensible à la gâchette ».
Vous lâchez aussi de petites phrases narquoises à son endroit en présence de collègues.
Non contente de faire usage de chansonnettes provocatrices à l’endroit de Mme [M] [E], vous avez récemment accroché des affiches aussi provocatrices sur la petite cloison vitrée qui sépare vos espaces de travail situées dans un open space (espace ouvert) et orientées vers vos collègues, Mme [E] en particulier.
Une affiche, notamment, présentait un employé à quatre pattes léchant une semelle et sur laquelle on pouvait lire : « le secret de la réussite de beaucoup de personnes’ ».
Aussi choqués par ces affiches qu’apeurés par votre réaction potentielle, vos collègues ont prévenu une représentante du personnel.
Stupéfaite par ce spectacle affligeant, celle-ci a pris l’initiative de décrocher vos affiches, susceptibles de porter atteinte à la dignité de Mme [M] [E] et jetant un trouble certain au sein de l’open space.
Sans vergogne, après avoir constaté le retrait de vos affiches, vous vous êtes ruée dans le bureau de la représentante du personnel afin de protester de manière véhémente contre le retrait de vos affiches.
Le même jour vous avez rédigé un email éhonté à l’attention de votre direction prétextant cyniquement que votre bureau aurait été « vandalisé », vous inscrivant ainsi faussement dans une posture de victime.
Pourtant interrogée par écrit sur la nature de ces prétendus actes de vandalisme, vous vous êtes abstenue de toute réponse.
Hormis l’absence d’affiche honteuse, nous n’avons pu constater aucune dégradation de votre poste de travail.
Il s’avère de surcroît que votre hiérarchie n’est pas épargnée.
Ainsi, sollicitée par votre rédacteur en chef pour l’accomplissement d’une tâche, vous n’avez pas hésité à le rabrouer sèchement en refusant d’exécuter le travail qu’il vous demandait.
De la même manière, vous n’avez pas hésité à quitter une conférence de rédaction comme bon vous semblait et sans l’accord de votre rédacteur en chef.
Effrontée, vous avez même refusé de saluer votre Directeur, M. [V] [G], alors qu’il vous tendait la main en présence de vos collègues.
Si les échanges avec la Responsable RH du groupe ont parfois pu permettre une apparente accalmie, vous n’avez manifestement jamais cessé de persévérer dans une posture inepte, plus singulièrement à l’égard de votre collègue de travail, Mme [M] [E], enceinte de surcroît.
Terrorisée par votre attitude à son endroit, il nous apparaît désormais que Mme [M] [E] n’ose même plus s’exprimer librement et redoutait la simple idée de se rendre sur son lieu de travail.
A ce stade, le doute n’est donc plus permis.
Votre attitude répétée, constitutive d’un harcèlement moral, a pu ou aurait pu avoir pour conséquence d’altérer la santé physique ou mentale de Mme [M] [E], ses conditions de travail, sa dignité.
Plus généralement votre odieux comportement a dégradé les conditions de travail de nos collaborateurs à la rédaction et fait peser sur eux un risque pour leur santé.
Votre attitude abjecte, suscitant l’indignation, a même conduit les représentants du personnel de l’unité économique et sociale de RCI à alerter la Direction en vue de faire cesser vos agissements néfastes.
Les témoignages que nous recueillons sur votre abominable comportement sont aussi accablants que concordants.
Par ailleurs, vos esclandres réguliers nuisent au bon fonctionnement de notre entreprise, et plus particulièrement à la Rédaction.
Enfin, le refus d’exécuter des tâches relevant de vos attributions à la demande de votre hiérarchie est constitutif d’une insubordination répréhensible.
Cette conduite met en cause la bonne marche du service. Nous vous avons convoquée à un entretien le 28 novembre 2018 afin d’entendre vos explications.
Vous ne vous y êtes pas présentée.
Nous vous avons donc immédiatement reconvoquée à un entretien le 12 décembre 2018.
Là encore, vous ne vous y êtes pas présentée.
Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la première présentation de la présente, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
Nous vous rappelons qu’à la fin de votre contrat de travail, vous pourrez conserver le bénéfice des régimes de prévoyance et de couverture des frais médicaux en vigueur au sein de notre entreprise, aux conditions suivantes :
Vous bénéficierez de la portabilité de la prévoyance au titre des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité et au titre des risques liés au décès, à l’incapacité de travail et à l’invalidité.
Le maintien de ces garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail, pour une durée égale à la période d’indemnisation par l’assurance chômage, et dans la limite d’un durée maximale égale à la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail successifs dans notre entreprise.
Cette durée maximale est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder 12 mois.
Le bénéfice de ces dispositions s’entend sous réserve pour vous de justifier auprès de l’organisme assureur, à l’ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions requises par l’article L 911-8 du Code de la Sécurité sociale.
Les garanties maintenues sont celles en vigueur dans l’entreprise.
Le maintien des garanties est applicable dans les mêmes conditions pour ceux de vos ayants droit qui bénéficient des garanties ci-dessus mentionnées à la date de cessation du contrat de travail.
Les sommes vous restant dues ainsi que votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi seront tenus à votre disposition auprès de l’Assistante de Direction.
Nous vous prions bien vouloir agréer, Mme [R] [B], l’expression de notre considération la meilleure. »
*
Mme [B] estime que son licenciement doit être déclaré nul.
Se prévalant des dispositions des articles L 1152-3 et L 1153-2 à L 1153-4 du Code du travail, Mme [B] indique qu’est nul le licenciement d’un salarié s’il est consécutif à des actes de harcèlement sexuel ou moral ou au refus de subir de tels actes de même que le licenciement d’un salarié qui a témoigné sur de tels actes ou qui les a relatés.
Elle poursuit en indiquant qu’est nul également le licenciement prononcé en violation d’une liberté fondamentale et que le droit d’agir en justice est une liberté fondamentale.
Mme [B] affirme que la société RCI Guadeloupe n’a initié une procédure de licenciement à son encontre qu’en représailles et que parce qu’elle avait dénoncé des faits de harcèlement moral et sexuel au sein de l’entreprise sur sa personne pour lesquels elle a obtenu réparation au travers de deux décisions judiciaires.
Elle ajoute que la société RCI Guadeloupe n’a en réalité cherché que des prétextes pour mettre fin à son contrat de travail.
Il est constant que Mme [B] a été l’objet d’un harcèlement moral et sexuel dans le cadre de ses fonctions au sein de la société RCI Guadeloupe, faits pour lesquels son employeur a fait l’objet d’une condamnation d’abord par le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre puis par la Cour d’Appel de Basse-Terre.
Toutefois, cette circonstance ne saurait, à elle seule, rendre le licenciement dont elle a été l’objet, nul.
En effet, il n’est pas reproché à l’intéressée d’avoir initié à l’encontre de son employeur une procédure visant à établir des faits de harcèlement ; il est reproché à Mme [B] une faute grave totalement étrangère aux faits de harcèlement moral dont elle a été victime.
Le jugement du Conseil de Prud’hommes entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du jugement.
Sur la faute grave articulée par la société RCI Guadeloupe.
Il est constant que la faute grave est définie comme celle qui rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise.
Il est aussi constant que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations du travail.
Il est encore constant que l’employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve, précision faite que les modalités probatoires prévues aux dispositions de l’article L 1154-1 du Code du Travail ne sont pas applicables dans le cadre d’un litige relatif à la mise en cause d’un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral.
Il est toujours constant que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés et qu’il doit donc réagir avec rapidité lorsque des faits qui peuvent la compromettre sont portés à sa connaissance
*
Au cas de l’espèce, la société RCI Guadeloupe a excipé, en premier lieu, s’agissant de Mme [B], d’un comportement constitutif d’un harcèlement moral envers Mme [E].
Les faits d’agressions verbales et de menaces du mardi 2 octobre 2018 dans la matinée à l’encontre de Mme [M] [E] au terme desquels Mme [E] s’est trouvée en état de choc, l’incident avec Mme [M] [E] en conférence de rédaction le même 2 octobre 2018 dans l’après-midi et les faits de moquerie le 5 octobre 2018 en conférence de rédaction par lesquels Mme [B] aurait répété en boucle « oui chef ! oui chef ! » en imitant la voix de Mme [E] sont établis.
Ces premiers faits reprochés à Mme [B] ont été dénoncés dans le cadre du courriel en date du 5 octobre 2018 adressé par Mme [M] [E] à sa Direction (p 2); Entendue le 9 octobre 2018, Mme [E] ajoutait à son courriel du 5 octobre en disant ne pas se sentir en sécurité seule avec Mme [B] à la rédaction et qu’elle aurait peur de représailles.
Ces faits ont été corroborés par M. [U] [L] à l’occasion de son audition le 9 octobre 2018 par le Rédacteur en chef et la Responsable des Ressources Humaines ; si M. [U] [L] dira que c’est la première fois qu’il voyait Mme [B] aussi furieuse il ajoutera, cependant, que cette attitude de moquerie de la part de Mme [B] à l’égard de Mme [E] était récurrente (p.3).
Mme [B] entendue le 9 octobre 2018 justifiera ses propos en affirmant que les accrochages au sein d’une rédaction sont quotidiens ; elle ajoutera vouloir surtout que Mme [E] change d’attitude et ne se mêle pas des conversations des autres (p 6) ;
Le Chef d’édition, [N] [D], entendu le 11 octobre 2018 dira, toutefois, avoir été témoin de la réflexion de Mme [B] « oui chef ! oui chef ! » en imitant la voix de Mme [E] (p 5). Et interrogé spécifiquement sur ces points, M. [N] [D] dira que Mme [E] avait un comportement normal, qu’elle ne minaudait pas et qu’elle n’avait pas d’attitude méprisante.
Même si l’arrêt de travail intervenu le 12 octobre 2018 et le certificat de l’ostéopathe du 12 octobre 2018 dont se prévaut Mme [E] ne peuvent être mis en relation de causalité certaine avec les faits du 5 octobre 2018 survenus une semaine auparavant, il n’en demeure pas moins que Mme [B] a eu avec Mme [E] un comportement fautif en se moquant d’elle, en adoptant un comportement agressif et méprisant et en suggérant qu’elle était affidée à la Direction.
S’agissant des faits des 24 et 26 octobre 2018, ils sont relatés par un nouveau courriel de Mme [E] du 29 octobre 2018.
S’agissant des faits du 8 novembre 2018, ils se sont produits lors de la conférence de rédaction au cours de laquelle Mme [B] aurait reproché à Mme [E] d’avoir placé dans son journal un sujet sur la route du Rhum avant un colloque sur l’esclavage alors que le port de départ de la compétition était un port de traite négrière. Au cours de la même après midi, Mme [B] a eu des propos inconvenants à l’égard d’un autre journalise, M. [Y] [C] ; et un peu plus tard, Mme [B] a de nouveau élevé le ton à l’encontre de Mme [E], sans raison apparente. Le rédacteur en chef a dû une nouvelle fois intervenir.
Ces faits sont rapportés par M. [X] [P], chef de rédaction, dans le rapport détaillé qu’il établira de la conférence de rédaction (p 11).
Le même évoquera également dans l’attestation qu’il établira plus tard les prises à partie de Mme [E] par Mme [B] et la véhémence de son ton ; il ajoutera que Mme [B] avait élevé la voix à plusieurs reprises, Mme [E] lui demandant de se calmer. M. [P] ajoutera avoir dû calmer plus tard Mme [B] qui se disputait avec son collègue [Y] [C] (p 23).
M. [P] précisera que Mme [B] a pris à partie une nouvelle fois Mme [E] le 4 décembre 2018, en élevant la voix, en lui disant qu’elle faisait des emails pour tout et qu’elle ne voulait plus lui parler même dans le cadre du travail (p.23).
Il est également fait grief à Mme [B] d’avoir pris un malin plaisir à raconter à Mme [E] des faits divers sordides impliquant de jeunes enfants, d’avoir fredonné des refrains de type « si tu t’en vas’ si tu t’en vas » ou « sensible à la gâchette », d’avoir affiché sur la cloison vitrée séparant les espaces de travail de l’open space des affiches provocatrices dont l’enlèvement par une représentante du personnel aurait généré un nouvel incident, Mme [B] estimant que son bureau avait été vandalisé.
Ces faits là encore sont attestés notamment par Mme [W] [A] (p 26) et M. [Z] [J] (p 25) s’agissant des affiches ayant créé un malaise au sein de la rédaction, par M. [D] dans son entretien du 11 octobre 2018 s’agissant des chansons invoquées et par M. [U] [L] à l’occasion de son audition le 9 octobre 2018 par le Rédacteur en chef et la Responsable des Ressources Humaines pour ce qui est des faits divers sordides.
Ces agissements répétitifs ayant consisté à l’égard de Mme [E] à lui couper la parole, à hausser le ton, à se montrer menaçante, à s’abstenir de lui dire bonjour ou au revoir, à refuser toute communication avec elle spécialement dans une rédaction, à critiquer sa voix, ses expressions, à la fragiliser par l’envoi de messages subliminaux en fredonnant certains refrains ou en collant des affiches provocatrices, sont constitutifs d’un harcèlement moral et donc d’une faute grave.
Au demeurant, les instances représentatives du personnel ont adressé une motion à la Direction le 5 décembre 2018 en signalant les incidents du 2 octobre 2018, 9 novembre 2018, 3 décembre 2018 et 5 décembre 2018 prémices, selon elles, à de sérieux risques psycho-sociaux et en demandant que des mesures soient prises pour assurer la sécurité et la protection de la santé physique et mentale de l’ensemble des collaborateurs et plus particulièrement de Mme [E] (p 20).
Il est constant que l’employeur a proposé la mise en place d’une commission d’enquête en accord avec le C.H.S.T.C.
Il est toujours constant que le C.H.S.C.T. a accepté la mise en place de la commission d’enquête.
Le compte rendu de ladite commission est produit aux débats ; il a confirmé l’existence d’actes de harcèlement de la part de Mme [B] se traduisant par la répétition de menaces, de cris, de moqueries, de dégradations des échanges professionnels ayant pour but de nuire aux conditions de travail de certains collègues, d’humilier Mme [E] et de porter atteinte à sa santé physique et mentale. (p 28).
C’est donc fort justement que la société RCI Guadeloupe a estimé que l’attitude répétée de Mme [B] était constitutive d’un harcèlement moral à l’égard de Mme [E] qui avait pu ou aurait pu avoir pour conséquence d’altérer la santé physique ou mentale de cette dernière, ses conditions de travail et sa dignité et plus généralement aurait dégradé les conditions de travail des collaborateurs de la rédaction et fait peser sur eux un risque pour leur santé.
Il est encore reproché à Mme [B] un acte d’insubordination, un mouvement d’humeur l’ayant fait quitter la rédaction sans l’accord du Rédacteur en Chef et un refus de saluer le Directeur, M. [V] [G] ; tous faits qui sont également établis, notamment par le témoignage de M. [X] [P] ; ces agissements participent également de la faute grave.
Mme [B] ne produit aucun élément significatif de nature à combattre les faits articulés à son égard. Elle se contente de les nier ou d’en minimiser la portée. L’essentiel des pièces qu’elle a produites a trait à la procédure de harcèlement dont elle a été la victime et à ses suites sur les réseaux sociaux et dans la presse en particulier.
Une seule attestation est produite aux débats par Mme [B]; elle émane d’une dame [K] [S], ancienne salariée de la société RCI Guadeloupe ayant quitté l’entreprise au mois de juillet 2011 qui aurait alerté Mme [R] [B] sur le « petit côté agaçant » de Mme [E].
Il s’évince de ce qui précède que c’est à bon droit que le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre a jugé qu’étaient établis à l’encontre de Mme [B] des faits constituant une violation des obligations du contrat de travail d’une gravité telle qu’ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise y compris durant la période du préavis ; le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave de Mme [B] était fondé et en ce qu’il a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes visant au prononcé de la nullité du licenciement et subsidiairement à le dire sans cause réelle et sérieuse ; c’est encore à juste titre qu’il a débouté Mme [B] de ses demandes indemnitaires subséquentes.
Le jugement du Conseil de Prud’hommes sera également confirmé en ce qu’il a condamné Mme [B] au paiement de la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens de première instance.
Y ajoutant, la Cour condamne Mme [B] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel et aux dépens de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Confirme le jugement du Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre du 7 juillet 2020 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [R] [B] à payer à la société RCI Guadeloupe la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne Mme [R] [B] aux dépens de l’instance d’appel.
Le greffier, La présidente,