COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
CC/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/01199 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EKLC
Jugement du 23 Mai 2018
Tribunal de Commerce d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 2017 01364
ARRET DU 24 JANVIER 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. STEG
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Patrice HUGEL de la SELARL PATRICE HUGEL AVOCAT, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 170028
INTIMEE :
SELAS C.L.R ET ASSOCIÉS représentée par Maître [D] [W], mandataire judiciaire, agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société THESIS ENTREPRISE,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Aurélien GOGUET de la SELARL ASTROLABE AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 20170015
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 07 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de chambre, qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, Présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, Conseiller
M. BENMIMOUNE, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 24 janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
La SARL Société de terrassement d’électricité et de gaz (la société STEG) utilise pour son exploitation une machine ‘Chaumix’, engin qui mélange les déblais de chantier et traite la chaux pour des travaux de voirie.
A la suite d’une panne de cette machine, la société STEG a sollicité l’intervention de la société Thesis entreprise, exerçant une activité de travaux d’électricité, de maintenance et d’installation de divers matériels.
Suivant devis du 17 mars 2016 accepté le 22 mars 2016, la société STEG a confié à la société Thesis entreprise le remplacement de l’interface Omron, le chargement du programme et des essais de remise en route de cette machine «Chaumix».
Ces travaux ont fait l’objet, le 4 avril 2016, d’une facture n°3776 d’un montant conforme au devis, soit de 5 080,97 euros.
Le 28 avril 2016, la société STEG a demandé à la société Thesis entreprise de lui établir un devis en vue du remplacement d’un appareil Siemens DM280 (démarreur) équipant la machine Chaumix et qui aurait ‘grillé’. Le devis a été réalisé le jour suivant, mais aucune suite ne lui a été donnée.
Après une relance par courriel du 20 juillet 2016 la société STEG a procédé à un règlement de 1 000 euros sur la facture n°3776, le 6 septembre 2016.
Par jugement rendu par le tribunal de commerce d’Angers le 28 septembre 2016, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de la société Thesis entreprise et la société CLR et associés a été désignée, en la personne de Me [W], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par lettres du 18 octobre 2016, 28 novembre 2016 et 12 janvier 2017, la société STEG a été mise en demeure de payer la somme de 4 080,97 euros.
Dans une lettre du 20 janvier 2017 la société STEG a répondu qu’elle n’avait pas réglé la facture n°3776 au motif que les travaux n’étaient pas terminés et que la machine Chaumix, objet des travaux, ne fonctionnait pas.
Le 2 février 2017, Me [W] ès qualités a saisi le juge des référés du tribunal de commerce d’Angers en paiement d’une provision contre la société STEG. Par ordonnance du 4 avril 2017, le juge des référés a rejeté la demande au motif de l’existence de contestations sérieuses soulevées par la société STEG.
Par requête du 28 juin 2017, la société STEG a sollicité le relevé de forclusion auprès du juge commissaire de la liquidation judiciaire et a été déboutée de cette demande par ordonnance du 6 septembre 2017.
Le 27 octobre 2017, la société CLR et associés ès qualités a assigné au fond la société STEG en paiement du solde de la facture.
Par jugement du 23 mai 2018, le tribunal de commerce d’Angers a :
– dit la société CLR et associés, ès qualités, recevable et bien fondée en ses demandes,
– condamné la société STEG à verser à la société CLR et associés, ès qualités, la somme de 4 080,97 euros, outre intérêts au taux contractuel de trois fois le taux d’intérêt légal à compter du 31 mai 2016,
– condamné la société STEG à verser à la société CLR et associés, ès qualités, la somme de 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement,
– condamné la société STEG à payer à la société CLR et associés, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société STEG aux entiers dépens.
Par déclaration du 5 juin 2018, la société STEG a interjeté appel de toutes les dispositions du jugement, sauf en ce qu’il a dit la société CLR et associés recevable et bien fondée, intimant la société CLR et associés prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Thesis entreprise.
Les parties ont conclu.
Une ordonnance du 10 octobre 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société STEG demande à la cour de :
– réformer le jugement du 23 mai 2018,
– à titre principal, rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions dirigées contre la société STEG,
A titre subsidiaire,
– rejeter les demandes au titre des intérêts de retard et des pénalités forfaitaires de recouvrement,
– condamner la société CLR et associés à payer à la société STEG la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La société STEG s’oppose à la demande en paiement de la société CLR et associés en faisant valoir que la société Thesis entreprise a manqué à son obligation de résultat en ce que son intervention n’aurait pas permis de mettre fin aux dysfonctionnements de façon durable. Elle soutient qu’elle a aussi méconnu son obligation d’information en ne l’informant pas du risque de survenance d’une nouvelle panne rapidement après son intervention. Elle affirme avoir subi un préjudice commercial du fait d’une perte d’exploitation et de la perte de contrats.
Elle ajoute que l’exception d’inexécution est opposable à la procédure de liquidation dans la mesure où il s’agit d’une défense au fond ne nécessitant pas de déclaration de créance et pouvant être mise en ‘uvre sans condition dès lors qu’il s’agit d’un mécanisme extrajudiciaire.
À titre subsidiaire, elle s’oppose à la demande relative aux pénalités de retard en prétendant que l’indemnité forfaitaire de recouvrement doit être prévue dans les conditions générales de vente, lesquelles ne lui ont pas été communiquées.
La société CLR et associés, ès qualités, sollicite de la cour qu’elle :
– confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Angers le 23 mai 2018,
– condamne la société STEG à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la société STEG aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle entend voir rejeter l’exception d’inexécution au motif que la société Steg ne rapporte pas la preuve de dysfonctionnements liés à l’intervention de la société Thesis entreprise et donc celle d’une quelconque inexécution de sa part de ses obligations.
Elle ajoute que même si la preuve de l’inexécution et du préjudice était rapportée, elle serait inopposable à la procédure collective à défaut de déclaration de créance par la société STEG dans la mesure où l’exception d’inexécution qu’elle soulève s’appuie sur une demande indemnitaire qui aurait dû faire l’objet d’un relevé de forclusion afin de pouvoir établir une déclaration de créance.
Elle soutient que l’exception d’inexécution ayant un caractère temporaire, la société STEG devait solliciter la résolution du judiciaire du contrat.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe le :
– le 23 février 2022 pour la société CLR et associés,
– le 29 août 2022 pour la société STEG.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en paiement de la société CLR et associés
Le contrat entre les parties ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, celle-ci n’est pas applicable au litige.
L’interdépendance des obligations réciproques résultant d’un contrat synallagmatique permet à l’une des parties de ne pas exécuter son obligation quand l’autre n’exécute pas la sienne en opposant l’exception d’inexécution.
Ainsi, le cocontractant poursuivi en exécution de ses obligations, qui estime que l’autre partie n’a pas exécuté la sienne, a toujours le choix entre la contestation judiciaire et l’exercice à ses risques et périls de l’exception d’inexécution.
La mise en ‘uvre de l’exception d’inexécution suppose une réciprocité des obligations, ce qui est le cas en l’espèce.
Aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
La société CLR et associés, ès qualités, rapporte la preuve de l’obligation dont elle réclame l’exécution, à savoir le paiement de la facture du 4 avril 2016, par le devis accepté du 17 mars 2016 et le paiement partiel de ladite facture qui établit l’exécution des travaux.
Il appartient à celui qui invoque l’exception d’inexécution, en alléguant que son cocontractant n’a rempli que partiellement son obligation, d’établir cette inexécution.
La société CLR et associés ès qualités contestant toute inexécution de ses obligations de la part de la société Thesis entreprise, il incombe à la société STEG d’en rapporter la preuve.
La société STEG soutient, d’abord, que la société Thesis entreprise avait une obligation de résultat de réparer la machine Chaumix, ce qui ne se limitait pas à pourvoir au remplacement de l’interface.
En effet, une entreprise chargée de procéder à la réparation d’une machine est, en principe, tenue, en l’absence d’aléa dans l’exécution de la prestation attendue, à une obligation de résultat quant au dysfonctionnement auquel il lui est demandé de mettre fin, ce que ne conteste pas le liquidateur judiciaire de la société Thesis entreprise.
Elle ne remplit donc pas son obligation si elle ne remet pas la machine en état de fonctionnement normal ou si des désordres résultent de son intervention.
Mais il ne suffit pas que la société STEG se prévalle d’un dysfonctionnement de la machine Chaumix constaté quelques temps après l’intervention de l’entreprise pour établir que celle-ci a manqué à son obligation de résultat, encore faut-il que ce nouveau dysfonctionnement puisse être relié à cette intervention.
Il se déduit du devis du 17 mars 2016 qui précise qu’après les travaux prévus, la société Thesis entreprise devait procéder à la remise en route de la Chaumix ‘sauf découverte d’autres matériels en panne’ et dès lors qu’il n’est pas prétendu qu’elle aurait découvert d’autres matériels en panne au moment de son intervention, que la société Thesis entreprise était chargée de remettre en état de marche la machine Chaumix.
La société STEG ne démontre pas que l’intervention de la société Thesis entreprise n’aurait pas mis fin aux dysfonctionnements de la machine et que la panne du démarreur dont elle fait état dans son courriel du 28 avril 2016 serait en relation avec l’intervention précédente de la société Thesis entreprise et serait ainsi la démonstration de ce que celle-ci n’aurait pas correctement exécuté son obligation.
En effet, le fait que le démarreur ne fonctionnait pas le 28 avril 2016 ne démontre pas, par là-même, un manquement de la société Thesis à son obligation de résultat dès lors que cette panne est survenue plus de vingt jours après, qu’il n’est pas démontré que la défaillance du démarreur existait au jour de la première intervention ni qu’elle aurait été en lien avec la panne à laquelle la société Thesis avait été chargée de remédier.
Il y a lieu de relever, au vu des pièces du dossier, que ce n’est que le 20 janvier 2017, soit plusieurs mois après l’intervention litigieuse que la société STEG reproche, pour la première fois, à la société Thesis de ne pas avoir mis fin aux dysfonctionnements de la machine Chaumix. Elle ne démontre pas, contrairement à ce qu’elle affirme, avoir réclamé plusieurs fois l’intervention de la société Thesis entreprise.
Pour rapporter la preuve de l’inexécution par la société Thesis entreprise de son obligation, la société STEG ne peut utilement se fonder sur un compte rendu d’intervention du constructeur de la machine Chaumix établi le 18 décembre 2019 mentionnant des défauts de fonctionnement des moteurs et de la boucle de sécurité d’arrêt d’urgence, qui a eu lieu plus de trois ans et demi après l’intervention de la société Thesis entreprise et qui ne fait pas apparaître que les dysfonctionnements relevés auraient été en lien avec cette intervention, ne faisant aucunement état du travail effectué par la société Themis entreprise et sans qu’il ne puisse en ressortir de façon certaine que les défauts constatés se seraient rapportés à des éléments sur lesquels la société Thesis entreprise serait intervenue.
La société STEG soutient, ensuite, que la société Thesis entreprise aurait manqué à son devoir d’information et de conseil.
Mais elle n’est pas fondée à soutenir que la société Thesis entreprise aurait dû l’informer de la possibilité de survenance rapide d’une panne après son intervention et la mettre en garde sur l’opportunité de son intervention, dès lors qu’il n’est pas établi que des défauts pouvant affecter le bon fonctionnement de la machine demeuraient après les travaux exécutés par la société Thesis entreprise et pouvaient être détectés à ce moment.
Faute de démontrer une inexécution de ses obligations par la société Themis entreprise, l’exception d’inexécution invoquée ne peut qu’être rejetée.
Il en résulte que la société STEG est tenue au paiement du solde de la facture, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres moyens des parties.
Sur le montant des sommes dues par la société Steg
Il reste dû sur le principal de la facture la somme de 4 080,97 euros, ce que ne conteste pas la société STEG.
Cette facture prévoit qu’à défaut de paiement intégral dans un délai de trente jours, des pénalités de retard seront appliquées sur les sommes dues portant le taux pratiqué à trois fois le taux d’intérêt légal et une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement sera appliquée.
La société STEG conteste cette majoration des intérêts et l’indemnité forfaitaire au motif que les conditions générales de vente ne lui ont pas été transmises.
L’article L.441-6 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, dispose que les conditions générales de vente prévoient les conditions de règlement devant préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigible ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux intérieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret.
Contrairement à ce que soutient l’appelante, il résulte de cette disposition que les pénalités de retard pour non-paiement des factures sont dues de plein droit sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats.
Il n’était donc pas nécessaire pour la société Thesis entreprise de transmettre à la société STEG des conditions générales de vente reprenant la mention des pénalités de retard et de l’indemnité forfaitaire, au demeurant prévues par la facture et en conformité avec l’article L.441-6 du code de commerce, afin de pouvoir les solliciter.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
La société STEG, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l’appel. Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé à l’intimée.
L’équité commande de condamner la société STEG à payer à la société CLR et associés la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’appelante sera déboutée de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Déboute la société STEG de sa demande de condamnation de la société CLR et associés au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Condamne la société STEG à payer à la société CLR et associés, ès qualités, la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société STEG aux dépens de l’appel, lesquels seront recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL