Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 26 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/07560 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OM66
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 07 NOVEMBRE 2019
TRIBUNAL D’INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 1119000106
APPELANTE :
SAS [Localité 6] Espace Loisirs
exerçant sous l’enseigne Loisireo [Localité 6],
immatriculée au RCS de Montpellier ; prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié ès qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-Claude ALLE de la SCP 91 Degrés, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMES :
Monsieur [O] [F]
né le 10 Mai 1943 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-Baptiste ROYER, avocat au barreau de MONTPELLIER, , avocat postulant et plaidant
Madame [C] [F]
née le 24 Juillet 1945 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-Baptiste ROYER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 DECEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller, magistrat de permanence
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par arrêt en date du 14 septembre 2022, la cour a :
– ordonné la réouverture des débats,
– invité les parties à présenter leurs observations éventuelles sur le caractère abusif ou illicite de la clause imposant une procédure de médiation préalablement à l’engagement d’une action portant sur la conclusion ou l’exécution du bon de commande ayant valeur contractuelle,
– dit que l’appelant devra conclure sur ce point au plus tard le 12 octobre 2022 et l’intimé, au plus tard le 14 novembre 2022.
L’appelante faisait en effet valoir que les demandes des intimés se heurtaient à une fin de non recevoir fondée sur l’article 12 des conditions générales de vente qui soumettait à un préalable de médiation ‘toute réclamation, tout litige portant sur la conclusion, l’exécution du bon de commande’, tandis que les intimés objectaient que leur demande indemnitaire était liée à des dysfonctionnements ayant affecté le véhicule et nécessitant des réparations et n’avait pas trait à la ‘conclusion (ou) l’exécution du bon de commande’.
La cour a invité les parties à s’expliquer sur le caractère abusif ou illicite de la clause imposant une procédure de médiation préalablement à l’engagement d’une action portant sur la conclusion ou l’exécution du bon de commande ayant valeur contractuelle,cela après avoir constaté que la demande de dommages et intérêts s’inscrivait bien dans le cadre d’une action en responsabilité contractuelle supposant une mauvaise exécution du bon de commande, mais au vu :
– de la jurisprudence selon laquelle « la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire» (Cass. Civ. 1ère, 16 mai 2018, n°17-16.197),
– ainsi que des dispositions de l’article L.612-4 du code de la consommation applicables en l’espèce et prohibant désormais ‘toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge’,
sur lesquelles les parties s’étaient abstenues de conclure mais dont la cour entendait faire application d’office.
Les parties n’ont pas déposé de nouvelles conclusions.
Ayant par ailleurs relevé une erreur matérielle dans la composition de la cour dans cet arrêt avant dire droit, une demande d’observations a été adressée aux parties le 6 janvier 2023 avec invitation de répondre avant le 13 suivant.
Vu le message électronique reçu de Maître Jean-Baptiste Royer, conseil des intimés, le 11 janvier 2023 déclarant que la rectification de l’erreur matérielle soulevée d’office ne posait aucune difficulté pour ce qui le concernait,
Vu l’absence d’observations à ce jour de la part du conseil de l’appelante ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement, à l’arrêt avant dire droit ainsi qu’aux conclusions écrites intiales visées dans cette dernière décision.
MOTIFS
Sur la rectification d’erreur matérielle
Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. Le juge est saisi par simple requête de l’une ou l’autre des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d’office.
Le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. Toutefois, lorsqu’il est saisi par requête, il statue sans audience, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties.
En l’espèce, l’arrêt du 14 septembre 2022 comporte effectivement une erreur matérielle et les parties ont été invitées à présenter leurs observations pendant le cours du délibéré.
En effet, après avoir indiqué que l’affaire avait été débattue devant Madame Marianne FEBVRE, conseillère, chargée du rapport, il mentionne que ce magistrat a rapporté à une collégialité dont elle ne faisait pas partie, alors qu’en réalité, elle avait rapporté au président ainsi qu’à l’un des autres conseillers de la chambre, la formation étant en effet composée comme précisé au dispositif.
Sur la fin de non recevoir
Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société [Localité 6] Espace Loisirs, le tribunal a rappelé les dispositions de l’article 122 du code de procédure civile puis s’est fondé sur les motifs suivants :
‘ L’article 1530 du code de procédure civile dispose que la médiation et la conciliation conventionnelles régies par le présent titre s’entendent, en application des articles 21 et 21-2 de la loi du 8 février 1995 susmentionnée, de tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence.
En l’espèce, l’article 12 des conditions générales de vente du bon de commande du véhicule en date du 2 novembre 2017 signé par les parties instaure en son article 12 une procédure de médiation préalable à la saisine du juge obligatoire en cas de litige portant sur « la conclusion, l’exécution du bon de commande, ainsi que sur la conclusion de la reprise du véhicule ancien ».
Les demandeurs sollicitent auprès de la présente juridiction l’allocation de dommages et intérêts liés aux dysfonctionnements ayant affecté leur véhicule et nécessitant des réparations.’
Et il a estimé que le litige n’entrait pas dans les prévisions de cette clause contractuelle.
La cour estime cependant que la demande de dommages et intérêts présentée par Monsieur et Madame [F] s’inscrit dans le cadre d’une action en responsabilité contractuelle supposant une mauvaise exécution du bon de commande, lequel a acquis force contractuelle par la signature du vendeur et des acquéreurs du véhicule sujet à des dysfonctionnements.
En revanche, la société [Localité 6] Espace Loisirs ne peut se prévaloir de la clause contractuelle imposant une procédure de médiation préalable obligatoire à l’encontre des intimés qui ont la qualité de consommateurs.
Le jugement qui a déclaré l’action de Monsieur et Madame [F] recevable sera donc confirmé par ces motifs substitués à ceux des premiers juges.
Sur le fond
La société [Localité 6] Espace Loisirs reproche au tribunal d’avoir retenu sa responsabilité et de l’avoir condamnée pour préjudice de jouissance, cela en invoquant la jurisprudence selon laquelle ‘les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation’, notamment ‘lorsque l’exécution de l’obligation requiert le concours du créancier’, et en faisant valoir qu’en l’occurrence, elle n’a été informée des problèmes liés au lit du camping car que le 2 mai 2018 et elle n’a pu intervenir sur le véhicule que le 25 suivant, lorsque Monsieur et Madame [F] sont rentrés en France. Par ailleurs, dès qu’elle a pu examiner le véhicule, elle a déterminé la pièce qui faisait défaut et elle en a commandé une nouvelle auprès du constructeur qui a annoncé un délai de quatre semaines. Or ce délai était parfaitement raisonnable au sens des dispositions de l’article 1231 du code civil et elle a agi avec diligence et bonne foi, ajoutant que le véhicule a été réparé dès le 11 juillet 2018.
La cour estime cependant que la responsabilité de la société [Localité 6] Espace Loisirs repose sur le défaut de conformité du bien vendu – un camping-car neuf – à l’usage auquel il était destiné. En effet, il est établi et non discuté que, dès le premier voyage effectué après l’achat de ce véhicule le 24 janvier 2018, les époux [F] ont été confronté à un dysfonctionnement du lit électrique et que – comme constaté en première instance au vu des pièces versées aux débats (expertise diligentée par la protection juridique des demandeurs, courriers échangés avec le constructeur et le vendeur) – ce dysfonctionnement en empêchait l’utilisation et a imposé des réparations qui ont été prises en charge par la garantie constructeur.
Or la commande d’une chose neuve s’entend normalement d’une chose sans défaut, de sorte que le vendeur a immédiatement engagé sa responsabilité à la survenance de la défaillance de l’engrenage du lit électrique, sans qu’il puisse utilement invoquer la nécessité d’une mise en demeure préalable. Sa responsabilité est en effet engagée indépendamment de la manière dont les réparations ont ensuite été effectuées.
En revanche, le préjudice subi par les acheteurs est bien fonction du temps d’immobilisation du véhicule et des dommages accessoires qu’ils ont subis du fait de la survenance de la défaillance.
Le jugement qui a condamné la société [Localité 6] Espace Loisirs à réparer le préjudice de jouissance causé à Monsieur et Madame [F] sera donc confirmé sur le principe.
S’agissant de la détermination de l’étendue de ce préjudice, dont la preuve revient également aux demandeurs, la cour constate qu’ils réclament une indemnisation sur la base de 71 jours d’immobilisation, par des conclusions visant la période du 25 avril au 11 juillet 2018 (ce qui correspondrait à 87 jours) et faisant état de nouvelles difficultés apparues le 31 juillet 2018 ce qui les avait obligé à renoncer à un départ en Grèce prévu le 25 août suivant (ce dont il n’est pas justifié).
En l’état de ces éléments et au vu de la première demande d’indemnisation transmise par l’intermédiaire de la Matmut le 27 juin 2018 sur la base d’un trouble de jouissance estimé à 14.200 € pour une immobilisation du 25 avril au 11 juillet 2018 (71 jours x 200 €), la cour rejettera la demande présentée par les intimés dans le cadre de leur appel incident et confirmera purement et simplement le jugement.
S’agissant des frais d’hébergement et au vu des factures produites, la cour estime que le jugement mérite également confirmation en ce qu’il a réduit à 85,87 € les prétentions des époux [F] (qui réclamaient 300 €).
En revanche, ils ne justifient pas de ce que les frais de réservation d’un emplacement de parking à Palavas-Les-Flots – commune de leur lieu de résidence – soient en relation avec les défaillances reprochées à la société [Localité 6] Espace Loisirs. Le jugement sera donc infirmé mais uniquement de ce chef.
Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la société [Localité 6] Espace Loisirs supportera les dépens d’appel et sera condamnée à payer à Monsieur et Madame [F] une indemnité au titre des frais par elle exposés dans le cadre de la présente procédure en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, et mis à la disposition des parties au greffe,
Rectifie l’arrêt rendu le 14 septembre 2022 en ce sens que la cour était composée de M. Philippe Soubeyran, président de chambre, Mme Cécile Youl-Pailhès, conseillère, et Mme Marianne Febvre, conseillère ;
Dit qu’il sera fait mention de la présente rectification d’erreur matérielle en marge de la minute et sur l’expédition de l’arrêt.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la société [Localité 6] Espace Loisirs à payer à Monsieur et Madame [F] la somme de 62 € au titre des frais de gardiennage ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déboute Monsieur et Madame [F] de leur demande au titre des frais de gardiennage ;
condamne la société [Localité 6] Espace Loisirs à payer à Monsieur et Madame [F] la somme de 2.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [Localité 6] Espace Loisirs aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT