ARRÊT N°167
N° RG 22/02618
N° Portalis DBV5-V-B7G-GU5S
S.A.S. PIXITY
C/
S.A.S.U. ABR CONSEIL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 04 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 octobre 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON
APPELANTE :
S.A.S. PIXITY
N° SIRET : 519 717 789
[Adresse 1]
[Localité 5]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Philippe CHALOPIN de la SELARL ATLANTIC-JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMÉE :
S.A.S.U. ABR CONSEIL
N° SIRET : 833 741 283
[Adresse 3]
[Localité 4]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me François RAYNAUD, avocat au barreau de LORIENT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 30 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
Le 12 décembre 2019, la société ABR Conseils a conclu avec la société Pixity un contrat d’affichage publicitaire.
Par acte du 16 septembre 2021, la société Pixity a attrait la société ABR Conseils devant le tribunal de commerce de La Roche sur Yon aux fins de condamnation à lui payer au principal la somme de 12 013 euros.
La société ABR Conseils a soulevé une exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce de Lorient.
Par jugement du 11 octobre 2022 , le tribunal de commerce de La Roche sur Yon a statué comme suit :
‘
-dit et juge la clause attributive de juridiction désignant le Tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON inopposable à la société ABR CONSEILS car réputée non écrite ;
-se déclare incompétent ;
-renvoie l’entier litige devant le Tribunal de commerce de LORIENT suivant les dispositions de l’article 82 du Code de procédure civile ;
-dit que le dossier de l’affaire sera transmis par les soins du Greffier au Tribunal de commerce de LORIENT situé [Adresse 2] à [Localité 4], avec copie de la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai;
-laisse le soin à la juridiction compétente de trancher au fond du litige ainsi que les demandes indemnitaires sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
-condamne la société PIXITY aux entiers frais et dépens de l’instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux du Greffe liquidés à la somme de 69,59 euros ‘
Le premier juge a notamment retenu que :
La partie à qui l’on oppose une clause attributive de juridiction doit pouvoir en prendre connaissance aisément et l’avoir acceptée de façon non équivoque.
Aucune mention de la clause attributive de juridiction n’est inscrite au recto des feuillets signés par la société ABR Conseils.
Il n’est pas non plus renvoyé au verso avec référence à une telle clause.
La société Pixity ne démontre pas que la société ABR Conseils a accepté la clause attributive de juridiction de sorte que la clause lui est inopposable car réputée non écrite.
LA COUR
Vu l’appel en date du 19 octobre 2022 interjeté par la société Pixity
Vu l’ordonnance en date du 25 octobre 2022 du délégué du Premier Président autorisant la société Pixity à assigner à jour fixe la société ABR Conseils pour le 30 janvier 2023 et l’assignation du 3 novembre 2022
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 18 janvier 2023, la société Pixity a présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 83, 84 et 85 du Code de procédure civile,
Vu l’article 1119 du Code civil,
Vu l’article 48 du Code de procédure civile,
Vu l’article L.110-3 du Code de commerce,
Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil,
Il est demandé à la Cour d’appel de POITIERS de :
– INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON en date du 11 octobre 2022 [RG N°2021003679] qui :
-dit et juge la clause attributive de juridiction désignant le Tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON inopposable à la société ABR CONSEILS car réputée non écrite ;
-se déclare incompétent ;
-renvoie l’entier litige devant le Tribunal de commerce de LORIENT suivant les dispositions de l’article 82 du Code de procédure civile ;
-dit que le dossier de l’affaire sera transmis par les soins du Greffier au Tribunal de commerce de LORIENT avec copie de la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai ;
-laisse le soin à la juridiction compétente de trancher au fond du litige ainsi que les demandes indemnitaires sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-condamne la société PIXITY aux entiers frais et dépens de l’instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux du Greffe liquidés à la somme de 69,59 euros.
Et statuant de nouveau,
– JUGER que le Tribunal territorialement compétent pour connaître du litige est le Tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON.
En tout état de cause,
-DEBOUTER la SASU ABR Conseils de l’intégralité de ses demandes, fins, et conclusions, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– CONDAMNER la SASU ABR CONSEILS au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.
A l’appui de ses prétentions, la société Pixity soutient en substance que :
-L’article 5 des conditions générales de vente prévoit la compétence du tribunal de commerce de La Roche sur Yon.
-En signant le contrat, la société ABR Conseils a déclaré avoir pris connaissance des conditions générales de vente sises au verso et les accepter sans réserve.
-Elles sont reportées au verso du feuillet remis au client.
Le document est clair. Il importe peu que l’intimée ait ou non conservé un exemplaire.
Rien n’oblige en matière commerciale que les deux parties aient exactement le même document. L’important est qu’il existe un original signé par l’intimée.
Du fait de l’existence d’un document signé, les conditions sont opposables.
La société ABR Conseils ne peut ensuite alléguer ne jamais en avoir eu connaissance.
-La preuve est libre en matière commerciale.
-Elle a versé aux débats l’ exemplaire du contrat qu’elle a conservé sur lequel il est écrit que la société ABR Conseils déclare avoir pris connaissance des conditions générales de vente sises au verso et les accepter sans réserve. mention rédigée en gros caractères
-La société ABR Conseils ne produit pas son exemplaire original.
-La signature du contrat s’effectue sur 3 feuillets (blanc, rose, vert): un feuillet remis au client, un feuillet destiné à être conservé par le prestataire, un autre destiné à être conservé par la comptabilité du prestataire.
Sur les feuillets rose et blanc revenant au client et au prestataire, les conditions générales de vente sont reportées au verso.
-Elle dispose d’un original signé.
Il n’existe aucune raison que l’intimée n’ait pas réceptionné le second feuillet original identique.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 23 décembre 2022 , la société ABR Conseils a présenté les demandes suivantes :
Vu l’articles 1119 du Code civil
Vu les articles 46, 48 et 700 du Code de procédure civile,
Il est demandé à la Cour de :
– DECLARER la société PIXITY mal fondée en son appel,
– CONFIRMER en tous points le jugement du Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON en date du 11 octobre 2022,
-DEBOUTER la société PIXITY de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-CONDAMNER la société PIXITY à payer à la société ABR CONSEILS une somme de 4.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens,
– JUGER QUE dans l’hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans l’arrêt à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application Décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice et de l’arrêté du 27 février 2018 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice devront être supportés par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
A l’appui de ses prétentions, la société ABR Conseils soutient en substance que:
-Son siège social est à [Localité 4]. Les prestations de la société Pixity ont été réalisées sur le territoire Lorientais.
-La société Pixity n’a pas valablement communiqué ses conditions générales de vente avant conclusion du contrat.
Elle ne lui a remis que la première page d’un feuillet autocopiant sans conditions générales de vente au verso.
-Les conditions qui sont produites ne sont ni signées, ni paraphées par la société ABR Conseils.
Elles ne lui sont pas opposables.
-Mme [D] atteste le 5 janvier 2022 lui avoir remis le 12 décembre 2019 un exemplaire carbone de couleur bleu du bon de commande sans conditions générales de vente, l’exemplaire rose étant inutilisable.
-Les sociétés n’avaient pas eu de relations d’affaires antérieurement.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
SUR CE
– sur l’opposabilité de la clause d’attribution de juridiction
L’article 46 du code de procédure civile dispose que le demandeur peut saisir à son choix , outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu d’exécution de la prestation de service.
L’article 48 du code de procédure civile dispose que toute clause qui, directement ou indirectement , déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
L’article 1119 du code civil dispose que les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.
L’action a été initiée par la société Pixity qui a assigné la société ABR Conseils devant le tribunal de commerce de la Roche sur Yon sur le fondement de l’article 5 de ses conditions générales de vente intitulé élection de domicile de juridiction.
Elles prévoient :
‘-en cas de poursuite judiciaire, attribution sera faite devant le tribunal de commerce de la Roche sur Yon qui sera seul compétent même en cas de pluralité de défendeurs
-en cas de contestation , quelle qu’elle soit, seul le tribunal de commerce dans le ressort duquel est situé la SAS Pixity est compétent, même en cas de pluralité de défendeurs, de connexité ou d’appel en garantie.’
La société ABR Conseils conteste avoir eu connaissance des conditions générales de vente et donc les avoir acceptées.
Elle assure avoir été destinataire d’un bon de commande dépourvu de conditions générales de vente.
Il appartient à la société Pixity de démontrer que la clause d’attribution a été portée à la connaissance de son cocontractant et qu’elle l’a acceptée.
Elle produit un original signé qui correspond au feuillet blanc, feuillet qu’elle a conservé.
Il comprend une page recto-verso.
La page recto comprend des emplacements réservés aux coordonnées du client, à la commande, une rubrique observations, un encart ‘conditions de règlement ‘, un encart ‘bon pour accord’ pré-imprimé.
Il est daté du 12 décembre 2009 et signé.
Immédiatement sous la signature, il est imprimé la mention suivante: déclare avoir pris connaissance des conditions générales de vente sises au verso et les accepter sans réserve.
CONDITIONS GENERALES de VENTE au verso.
La page verso décline les conditions générales de vente annoncées et notamment un article 5 éléction du domicile de juridiction (en caractères gras et souligné).
Il est indiqué au verso : ‘sauf conventions générales et écrites de la SAS Pixity, l’acceptation de la commande comporte de plein droit, de la part de l’annonceur ou de son agent, son adhésion à nos conditions générales de vente nonobstant toute stipulation contraire figurant à ses propres conditions d’achat. Un simple accusé de réception n’implique pas l’accord de la SAS Pixity, ou du régisseur sur lesdites conditions d’achat.’
La société ABR Conseils produit un feuillet vert , feuillet destiné à la comptabilité, feuillet qui est dépourvu de verso. Il ne reprend pas les conditions générales qui figurent sur les seuls feuillets rose et blanc.
Mme [D] indique quant à elle avoir remis au client un feuillet ‘bleu’, et non ‘vert’, précise que le feuillet rose était inutilisable.
Le feuillet bleu évoqué par le témoin doit être en fait le feuillet blanc, feuillet sur lequel les conditions générales sont indiquées au verso.
Force est de constater que la société ABR Conseils ne produit pas le feuillet bleu qui aurait été remis par Mme [D], mais seulement le feuillet vert sans s’expliquer sur cette carence.
Le feuillet blanc produit par la société Pixity démontre contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges que le renvoi aux conditions générales de vente incluant la clause dérogatoire de compétence territoriale est spécifié de manière très apparente dans le bon de commande qui a été signé par la société ABR Conseils.
Il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société ABR Conseils.
– sur les autres demandes
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d’appel seront fixés à la charge de la société ABR Conseils.
Il est équitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS :
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
-infirme l’ordonnance
Statuant de nouveau
-dit que le tribunal compétent pour connaître du litige est le tribunal de commerce de La Roche sur Yon
Y ajoutant :
-déboute les parties de leurs autres demandes
-condamne la société ABR Conseils aux dépens de première instance et d’appel
-laisse à la charge des parties les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,