Retrait de contrefaçon : demandez une astreinte

Retrait de contrefaçon : demandez une astreinte

L’astreinte est une arme juridique redoutable en matière de contrefaçon. La mauvaise exécution d’une décision de retrait de contrefaçons, sous astreinte peut emporter une sévère  condamnation du fautif (plus de 100 000 euros dans cette affaire).

 

Montant de l’astreinte provisoire 

Selon l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée, et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.

Contrefaçon de la boite à repas Mon Bento 

En l’espèce, une ordonnance de référé a prononcé l’interdiction faite à la SASU DAG Import de commercialiser une contrefaçon de la boite à repas « Mon Bento ». 

L’interdiction prononcée par le juge des référés visait la poursuite d’une commercialisation, d’une vente et de publicités réalisées par la SASU DAG Import elle-même, au moyen de ses propres catalogues, sites internet et « autres supports papier et information pour ce produit ». 

Périmètre de l’interdiction des actes de commercialisation

Toutefois, ne doivent être considérées comme des infractions à la dite ordonnance que des actes personnels de commercialisation, poursuivis ou réalisés sur des modes de communication ou des points de vente dont elle avait la maîtrise personnelle, ainsi le cas échéant que les actes nouveaux de commercialisation réalisés par des tiers, pendant la période d’interdiction. 

Ces actes de commercialisation incluent cependant les publicités effectuées au moyen d’un réseau social : l’ordonnance, en interdisant les « publicités sur ses catalogues, sites internet autres supports papier et information », a inclus par ce dernier terme tous les modes de communication possibles, dès lors que cette société en avait la maîtrise personnelle.

Un calcul pour chaque infraction constatée 

D’autre part, l’expression « par jour de retard et par infraction constatée » doit s’entendre en ce sens que l’astreinte s’applique cumulativement, pour chaque retard d’exécution, et pour chaque infraction constatée : chaque action de vente ou de commercialisation donne lieu à l’application de l’astreinte, pour chacun des jours lors duquel cette action s’est prolongée, pendant la période fixée dans l’ordonnance. 

Si le juge avait entendu ne fixer qu’une astreinte unique et globale par jour de retard, pour l’ensemble des infractions constatées, il aurait simplement prononcé que l’astreinte devait s’appliquer « par jour de retard », sans autre précision.

Astreinte liquidée 

La juridiction a constaté que la SASU DAG Import a enfreint l’interdiction qui lui était faite, en maintenant ou mentionnant la boîte à repas en litige i) sur sa page du réseau Linkedin ; ii) sur des sites internet ; iii) au sein de magasins Leclerc. 


COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 26 Avril 2023

N° RG 22/01931 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F4ON

FK

Arrêt rendu le vingt six Avril deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 20 septembre 2022 par le Président du tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2022/002087)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

La société D.A.G. IMPORT

SAS à associé unique immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 399 005 446

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(postulant) et la SCP POTEJOIE & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (plaidant)

APPELANTE

ET :

La société MON BENTO

SAS à associé unique immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 511 239 444 00066

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentants : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELAS CABINET ESTRAMON, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (plaidant)

INTIMÉE

DEBATS : A l’audience publique du 15 Février 2023 Monsieur [U] a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 26 Avril 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement le 26 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Exposé du litige :

La SAS Mon Bento, ayant son siège à [Localité 2], vend divers objets relatifs à la cuisine et à la restauration, parmi lesquels des boîtes à repas dénommées MB Original.

Elle confie la distribution de ces articles à différentes entreprises, entre autres depuis l’année 2016 à la SASU DAG Import, dont le siège est situé à [Localité 5] (Rhône).

En juin 2016, la SASU DAG Import a fait enregistrer la marque « Good Jour », pour désigner des boîtes à repas qu’elle commercialise pour son propre compte.

La SAS Mon Bento, estimant que ces boîtes à repas vendues par la SASU DAG Import sous sa propre marque constituaient une copie servile de celles qu’elle vend sous sa marque MB Original, a fait dresser des constats d’huissier, puis a fait assigner le 8 décembre 2021 la SASU DAG Import devant le président du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, en demandant à titre principal qu’il soit mis fin à ce qu’elle considérait comme un trouble manifestement illicite.

Le président du tribunal de commerce, par une ordonnance du 22 décembre 2021, a partiellement fait droit aux demandes de la SAS Mon Bento, en faisant interdiction à la SASU DAG Import de poursuivre la commercialisation, la vente et la publicité de sa boîte à repas « Good Jour », à peine d’une astreinte de 2 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, dans la limite de trente jours à compter du surlendemain de la signification de l’ordonnance. Le juge des référés s’est en outre réservé la liquidation de l’astreinte. Sur l’appel formé par la SASU DAG Import, la cour d’appel de Riom a confirmé cette ordonnance, suivant arrêt du 23 mars 2022.

Le 6 mai 2022, la SAS Mon Bento a fait de nouveau assigner la SASU DAG Import devant le juge des référés, pour demander en principal que l’astreinte soit liquidée à la somme de 1 048 000 euros, et qu’elle soit reconduite au montant de 2 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, pour une période de soixante jours.

La SAS Mon Bento a fait valoir, au soutien de ces demandes, que malgré l’ordonnance du 22 décembre 2021, la SASU DAG Import a continué de diffuser des publicités pour sa boîte à repas « Good Jour », ainsi qu’il résultait notamment de nouveaux constats d’huissier qu’elle avait fait établir, et qui révélaient que le 28 mars 2022, onze sites internet étaient encore actifs.

La SASU DAG Import a contesté ces demandes, en exposant que les constats produits par la SAS Mon Bento ne démontrent pas qu’elle ait commis d’infraction chacun des jours de la période indiquée par la société adverse ; qu’elle a mis fin à la commercialisation de la boîte à repas litigieuse dès le jour du prononcé de l’ordonnance du 22 décembre 2021, comme elle l’a fait constater par un huissier qui a examiné son catalogue 2022, et qu’elle n’administre pas elle-même les sites en ligne, de sorte qu’elle n’était pas en mesure d’agir sur le contenu de ces sites pour les faire modifier. Cette société affirmait avoir réalisé toutes les diligences possibles pour se conformer à l’interdiction qui lui était faite, et reprochait à la société adverse de tenter d’obtenir un enrichissement indu.

Le juge des référés, suivant une ordonnance du 20 septembre 2022, a liquidé l’astreinte à la somme de 238 000 euros, condamné la SASU DAG Import à payer cette somme à la SAS Mon Bento, condamné la SASU DAG Import aux dépens et au paiement d’une somme de 6 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et rejeté le surplus des demandes.

Le juge a rappelé, dans les motifs de l’ordonnance, les dispositions de l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, selon lequel le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée, et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. Il a énoncé que l’astreinte avait commencé de courir le 25 décembre 2021 surlendemain de la signification de la première ordonnance, et ce jusqu’au terme de la période de trente jours, le 23 janvier 2022 ; que la SASU DAG Import justifiait certes avoir mis fin à la commercialisation de la boîte à repas litigieuse dès le 25 décembre 2021, et qu’elle avait demandé à ses correspondants de cesser de vendre les boîtes à repas qu’ils détenaient, mais que la SAS Mon Bento rapportait la preuve que ces boîtes ont continué d’être vendues par d’autres sociétés au-delà de cette date, en magasin ou sur site internet, et que la SASU DAG Import ne pouvait soutenir qu’elle était totalement étrangère à ces sociétés. Le juge a encore énoncé que l’astreinte devait être fixée sur la base des seules infractions dûment constatées, et non pas pour l’ensemble des jours écoulés entre deux constats d’infraction ; que, sur la base des infractions constatées, l’astreinte devait être fixée à la somme de 238 000 euros.

La SASU DAG Import, suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 3 octobre 2022, a interjeté appel de cette ordonnance.

Moyens

La société appelante demande à la cour de réformer l’ordonnance et de débouter la SAS Mon Bento de ses demandes, notamment de liquidation de l’astreinte. Elle critique l’ordonnance déférée, au motif que le premier juge a mal interprété l’arrêt du 22 mars 2022, qui a rejeté une demande de la SAS Mon Bento de lui faire retirer de la vente les boîtes figurant sur les sites internet, ou se trouvant en magasin, et qui d’autre part lui a fait interdiction de commercialiser non pas tous les produits de la marque Good Jour, mais seulement les boîtes à repas désignées par cette marque. La SASU DAG Import affirme qu’elle a pris toutes les mesures possibles et nécessaires pour se conformer à la décision initiale, ainsi qu’elle l’a fait constater par un huissier, et qu’elle n’a pas le pouvoir de « déréférencer » les produits de la marque Good Jour sur certains sites en ligne ; elle ajoute qu’elle n’avait pas l’interdiction de faire de la publicité sur les réseaux sociaux, et elle critique en outre le montant auquel l’astreinte a été liquidée, montant qui ne se fonde sur aucun calcul explicite. Elle reproche de nouveau à la société intimée de rechercher, sous couvert de l’astreinte, un enrichissement indu. Elle demande la condamnation de cette société à lui verser 20 000 euros de dommages et intérêts.

La SAS Mon Bento forme appel incident, et demande à la cour de porter l’astreinte liquidée à la somme de 1 100 000 euros, ainsi que d’ordonner la reconduction de l’astreinte courante pour une nouvelle période de soixante jours.

Elle relève que la SASU DAG Import n’a pas exécuté l’ordonnance déférée, et a organisé son insolvabilité. Elle soutient que cette société s’est volontairement soustraite à ses obligations, comme l’a relevé le premier juge, qui n’a pas dénaturé les termes de l’ordonnance initiale et de l’arrêt confirmatif, interdisant sans équivoque à la SASU DAG Import de poursuivre la commercialisation et la publicité pour les articles en cause sur ses catalogues, sur des supports papier ou des sites en ligne. Elle souligne enfin que seule la preuve d’une cause étrangère pourrait justifier la suppression de l’astreinte.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées au greffe le 8 et le 13 février 2023.

Motivation

Motifs de la décision :

Selon l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée, et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.

L’ordonnance de référé du 22 décembre 2021, entièrement confirmée par la cour le 23 mars 2022, a prononcé l’interdiction suivante :

« Interdisons, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à la SASU DAG Import, la poursuite de la commercialisation et de la vente de sa boîte de repas GOODJOUR de dimensions 18,5 x 10,7 x 10 cm et des publicités sur ses catalogues, sites internet autres supports papier et information pour ce produit, ceci à compter du surlendemain du jour de la signification de la présente ordonnance et dans la limite de 30 jours ; »

Le juge des référés a rejeté, en revanche, une autre demande de la SAS Mon Bento, qui tendait à « voir ordonner sous la même astreinte le retrait immédiat des produits lunchbox Good Jour de tous sites internet, de tous magasins et de tous points de vente, aux frais de la SASU DAG Import » (page 2 de l’ordonnance du 22 décembre 2021) : le juge a énoncé, au soutien de ce refus, que « le retrait des boîtes à repas Good Jour incriminées de tous sites internet et de tous magasins, au-delà d’une réalisation impossible auprès des tiers et à bref délai, présenterait […] un caractère irréversible incompatible avec le caractère provisoire des mesures qui peuvent être ordonnées en référé » (page 8 de l’ordonnance).

Il s’ensuit que l’interdiction prononcée par le juge des référés ne vise que la poursuite d’une commercialisation, d’une vente et de publicités réalisées par la SASU DAG Import elle-même, au moyen de ses propres catalogues, sites internet et « autres supports papier et information pour ce produit » : l’interdiction ne porte pas sur la poursuite de mises en vente et de publicités réalisées par des tiers, que ce soit par la présence matérielle de la boîte à repas en cause dans des magasins ouverts au public, ou par des publicités diffusées sur divers supports, pour ce même article.

Dès lors, ne doivent être considérées comme des infractions à la dite ordonnance que des actes personnels de commercialisation, poursuivis ou réalisés sur des modes de communication ou des points de vente dont elle avait la maîtrise personnelle, ainsi le cas échéant que les actes nouveaux de commercialisation qu’elle aurait fait réaliser par des tiers, pendant la période d’interdiction. Ces actes de commercialisation incluent cependant, au contraire de ce que soutient la SASU DAG Import, les publicités effectuées au moyen d’un réseau social : l’ordonnance, en interdisant les « publicités sur ses catalogues, sites internet autres supports papier et information », a inclus par ce dernier terme tous les modes de communication possibles, dès lors que cette société en avait la maîtrise personnelle.

D’autre part, ainsi que le fait valoir la SAS Mon Bento, l’expression « par jour de retard et par infraction constatée » doit s’entendre en ce sens que l’astreinte s’applique cumulativement, pour chaque retard d’exécution, et pour chaque infraction constatée : chaque action de vente ou de commercialisation donne lieu à l’application de l’astreinte, pour chacun des jours lors duquel cette action s’est prolongée, pendant la période fixée dans l’ordonnance. Si le juge avait entendu ne fixer qu’une astreinte unique et globale par jour de retard, pour l’ensemble des infractions constatées, il aurait simplement prononcé que l’astreinte devait s’appliquer « par jour de retard », sans autre précision.

La période d’application de l’astreinte s’est déroulée du 25 décembre 2021, surlendemain de la signification à la SASU DAG Import de l’ordonnance du 22 décembre 2021, jusqu’au 23 janvier 2022, terme des trente jours fixés dans l’ordonnance.

La SAS Mon Bento produit entre autres quatorze procès-verbaux de constat dressés pendant cette période par Me [Y] [S], huissier de justice associé à [Localité 2], le 27 décembre 2021 pour le premier, et pour le dernier le 22 mars 2022 ; dans le premier de ces procès-verbaux, l’huissier mentionne qu’il a relevé, sur la page de la SASU DAG Import dans la réseau social Linkedin, la présence de six « posts » consacrés à la boîte à repas de la marque Good Jour, « posts » dont il a pris des captures d’écran, qui comportent des photographies de cette boîte, avec des textes publicitaires (« Jour 2 ‘ Lunchbox#Goodjour / Tout nouveau tout beau ! Avec cette lunchbox double compartiment 100 % française, vous serez équipé en toute circonstance [‘] . On ne vous a pas encore présenté notre dernière nouveauté 100 % Made in France ! Notre lunchbox # Goodjour pour vos repas du quotidien », etc.). Me [S] a encore constaté le 27 décembre 2021 que la même boîte était proposée sur dix-neuf sites de vente en ligne, énumérés en page 21 de son procès-verbal, et il a reproduit dans son procès-verbal les captures d’écran correspondantes.

Me [S] a fait des constatations similaires le 28 décembre 2021 : publicités pour la boîte à repas Good Jour sur six « posts » visibles sur la page Linkedin de la SASU DAG Import, et sur dix-neuf sites de vente en ligne accessibles au public ; il a encore fait les mêmes constatations les 29 et 31 décembre 2021, mais sur la seule page Linkedin de cette société (il ne mentionne à ces dernières dates aucune recherche sur des sites de vente en ligne d’accès libre). Le 3 janvier 2022, il a de nouveau relevé des publicités pour la même boîte sur six « posts » dans le réseau Linkedin, et aussi des publicités en ligne sur vingt-quatre sites de vente ouverts au public (pièce n°10 de la SAS Mon Bento).

D’autres procès-verbaux établis par le même huissier les 4, 6, 7, 10 et 12 janvier 2022 révèlent la persistance des six « posts » déjà mentionnés sur la page Linkedin de la SASU DAG Import, et des publicités pour la boîte à repas litigieuse sur le site de vente en ligne « www.gamme-select.fr », présenté par Me [S] comme le « site des ventes de la SASU DAG Import » ; ce denier site qui ne figurait pas parmi ceux énumérés dans les constats précédents.

Le 14 janvier 2022, Me [S] a constaté sur neuf autres sites de vente en lignes des mentions de la marque Good Jour, avec des images de la boîte à repas ; il a constaté, sur le site désigné comme appartenant à la SASU DAG Import, la présence de la marque et d’un texte de présentation de la boîte ; et enfin, de nouveau les six « posts » sur le réseau Linkedin.

Dans un autre procès-verbal, Me [S] a constaté le 3 février 2022, donc après le terme fixé pour l’astreinte, que la boîte à repas litigieuse était en vente dans le magasin Leclerc situé à [Adresse 4].

Le dernier procès-verbal que produit la SAS Mon Bento, dressé le 28 mars 2022, mentionne que la boîte à repas de marque Good Jour était à cette date toujours proposée à la vente sur dix sites en ligne, dont le site « www.gamme-select.fr », et qu’elle figurait toujours sur deux « posts » de la page Linkedin de la société DAG Import.

La SASU DAG Import produit pour sa part plusieurs procès-verbaux de constat, tous établis le 5 mai 2022 par Me [M] [O] huissier de justice à [Localité 6] (Rhône), qui font état de constatations faites au siège de cette société, et qui tendent à prouver d’une part que la SASU DAG Import a fait diligence pour retirer, de son site « gamme-select », les produits Good Jour dès le 23 décembre 2021 (courriels envoyés ce jour entre des collaborateurs de cette société, pour « décocher » ou « déréférencer » « les produits Good Jour de la gamme select »), et d’autre part que les autres sites diffusant des publicités pour la boîte à repas en cause ne sont pas administrés par la SASU DAG Import (l’huissier a relevé les mentions légales des éditeurs de ces sites) ; dans d’autres de ces procès-verbaux, l’huissier a constaté, sur la page Linkedin de cette société, qu’il n’apparaissait « aucune publication mentionnant le produit Good Jour entre les dates du 25 décembre 2021 et du 23 janvier 2022 » (pièce n° 6) ; que le catalogue papier ne comportait pas davantage de mention de cette marque, et que les plaquettes de présentation du produit Good Jour avait été modifiées, entre les versions du 24 août 2021, du 2 février et du 1er avril 2022 (pièces n° 7 et 8).

Ces éléments de preuve, considérés dans leur ensemble, permettent de constater que la SASU DAG Import a enfreint l’interdiction qui lui était faite, en maintenant sur sa page du réseau Lindekin, pendant toute la période d’application de l’astreinte et au-delà (jusqu’au 28 mars 2022), plusieurs « posts » mentionnant la boîte à repas en litige : le fait que cette société ait fait constater par huissier qu’il n’apparaissait « aucune publication » mentionnant le ou les produits Good Jour entre le 25 décembre 2021 et le 23 janvier 2022, ne prouve que l’absence d’acte positif de publication pendant cette période : il n’empêche que les publications déjà faites auparavant ont persisté, et il n’est pas douteux, vu les constatations répétées de Me [S], attestant de l’existence des mentions litigieuses, que celles-ci ont été maintenues sans interruption jusqu’au terme de la période d’application de l’astreinte. La SASU DAG Import, qui ne justifie d’aucune action pour mettre fin à cette publication illicite, alors qu’elle avait la maîtrise de sa page sur le réseau Linkedin, est redevable de ce chef de l’astreinte, pour chacun des trente jours fixés par le juge des référés, soit une somme de 2 000 x 30 = 60 000 euros.

L’infraction apparaît encore établie pour la publication faite sur le site personnel de la SASU DAG Import, dénommé « www.gamme-select.fr » : les messages dont cette société justifie pour supprimer la publicité interdite n’ont pas été suivis d’effet durable, puisque l’huissier désigné par la SAS Mon Bento, s’il n’a pas constaté la mention des boîtes en litige sur ce site lors de ses premières opérations, l’a constatée en revanche, pour la première fois, le 3 janvier 2022 (pièce n° 10 de la SAS Mon Bento) ; l’infraction est caractérisée à cette date, et elle s’est poursuivie jusqu’au terme de la période de trente jours, puisqu’elle a été vérifiée constamment à plusieurs reprises au cours du mois de janvier 2022 jusqu’au 14 de ce mois, puis de nouveau le 24 mars 2022 : il est certain que la SASU DAG Import, qui ne fait état d’aucun acte pour mettre fin à cette publication, depuis qu’elle est apparue à l’huissier le 3 janvier 2022, est restée constamment en infraction depuis ce jour jusqu’au terme de la période le 23 janvier 2022, soit pendant vint-et-un jours. Elle doit l’astreinte de ce chef, pour cette durée, à hauteur de 2 000 x 21 = 42 000 euros.

L’astreinte ne serait applicable en revanche, pour les mises en ligne sur d’autres sites que celui géré par la SASU DAG Import, que s’il apparaissait que celle-ci a réalisé cette mise en ligne à son initiative, pendant la période de l’astreinte. Il est rappelé que dans son premier constat du 27 décembre 2021, Me [S] a relevé la présence de publicités interdites sur dix-neuf sites, et rien n’établit que cette mise en ligne ait été faite depuis le 25 décembre 2021, la SASU DAG Import justifiant d’ailleurs de démarches effectuées dès le 23 décembre 2021 auprès de deux sociétés gérant des moteurs de recherche en ligne, pour faire retirer les publicités en cause (pièces n° 23 et 24) : la mise et le maintien en ligne de publicités sur ces dix-neuf sites n’est donc pas passible d’astreinte. Me [S] a constaté ensuite, le 3 janvier 2022, que vingt-quatre sites présentaient la boîte à repas de marque Good Jour ; le nombre de ces sites n’était cependant plus que de neuf le 14 janvier 2022, et de dix le 28 mars suivant. Ces seuls éléments ne permettent pas de constater que la SASU DAG Import ait diffusé elle-même, pendant la période d’astreinte, ces publicités sur d’autres sites que ceux déjà énumérés dans le constat du 27 décembre 2021 : aucune infraction volontaire n’est établie à son encontre de ce chef.

La SASU DAG Import n’est pas davantage redevable de l’astreinte pour la présence de boîtes incriminées dans le magasin Leclerc de [Localité 2], constatée le 3 février 2022 : cette date se situe après le terme de la période de trente jours, il n’est pas établi que les dites boîtes aient été livrées pendant cette période par la SASU DAG Import, et celle-ci n’avait pas l’obligation retirer de la vente celles qu’elle avait vendues avant cette période, à des tiers détaillants.

En l’absence d’autre infraction prouvée à l’interdiction contenue dans l’ordonnance du 22 décembre 2021, l’astreinte sera liquidée à la somme de 60 000 + 42 000 = 102 000 euros, somme qui n’apparaît pas disproportionnée à l’enjeu du litige ; l’ordonnance sera réformée en ce sens.

La SAS Mon Bento demande que l’astreinte soit ordonnée pour une nouvelle période de soixante jours, mais elle ne rapporte pas la preuve d’infractions récentes, le dernier constat qu’elle présente étant celui du 22 mars 2022 ; faute de preuve ou d’indice que les publicités ou mises en vente illicites se poursuivraient actuellement, il n’y a pas lieu de prononcer de nouvelle astreinte.

La SASU DAG Import demande condamnation de la société adverse à lui verser une somme de 20 000 euros de dommages et intérêts, et fait état de la mauvaise foi de cette société ; elle ne précise cependant pas le préjudice dont elle prétend obtenir réparation, alors que l’allocation de dommages et intérêts vise non à sanctionner une faute, mais à compenser un préjudice ; cette demande doit être rejetée.

Chacune des parties obtenant satisfaction partielle devant la cour, il convient de laisser à chacune la charge des frais de procédure qu’elle a exposés en appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition des parties au greffe de la cour ;

Infirme l’ordonnance déférée, en ce qu’elle a liquidé l’astreinte à la somme de 238 000 euros, et condamné la SASU DAG Import à payer cette somme à la SAS Mon Bento ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Liquide l’astreinte à la somme de 102 000 euros, et condamne la SASU DAG Import à payer cette somme à la SAS Mon Bento ;

Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses autres dispositions ;

Rejette les autres demandes ;

Laisse à chacune des parties la charge des frais et dépens qu’elle a exposés en cause d’appel.

Le greffier, La présidente,


Chat Icon