ARRET N°
du 31 janvier 2023
R.G : N° RG 22/00068 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FDOI
[D]
c/
[R]
[N]
Formule exécutoire le :
à :
la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
la SELARL RAFFIN ASSOCIES
la SCP SOLVEL – BARRUE
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 31 JANVIER 2023
APPELANT :
d’un jugement rendu le 26 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE MEZIERES
Monsieur [X] [D]
[Adresse 3]
[Localité 1] (ALGERIE)
Représenté par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant et Me James CHOURAQUI, de la SCP CHOURAQUI – QUATREMAIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMES :
Maître [U] [R]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Jessica RONDOT de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant et la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Monsieur [H] [N]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Christine DOMBEK de la SCP SOLVEL – BARRUE, avocat au barreau des ARDENNES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame MAUSSIRE, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé
DEBATS :
A l’audience publique du 28 novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [X] [D] et Monsieur [H] [N] ont signé un acte sous seing privé le 27 novembre 2014, établi par Maître [U] [R], notaire à [Localité 5].
Cet acte avait pour objet une promesse de vente d’un bien immobilier situé en Algérie appartenant à Monsieur [N], et prévoyait le règlement par Monsieur [D] de la somme totale de 270.000 euros payable au plus tard en 10 mois à compter du premier janvier 2015 par terme de 27.000 euros.
Après paiement total du prix, il était prévu de régulariser un acte authentique devant un notaire algérien, la signature devant intervenir avant le 30 novembre 2015.
Une clause intitulée « difficulté de réalisation » prévoyait qu’après le paiement du prix, si l’une des parties ne devait pas réaliser cet accord par acte authentique dans le délai indiqué, il appartenait à l’autre partie de lui faire sommation par lettre recommandée avec accusé de réception ou acte extra-judiciaire. A défaut de réponse dans les 8 jours, la partie sommée serait contrainte à réaliser par tout moyen de droit. Il était précisé que « si le refus vient de l’acquéreur, le vendeur pourra à sa seule convenance opter pour la poursuite de la régularisation par tous moyens et réclamer en outre, tous dommages et intérêts comme prévu par cette clause « difficulté de réalisation », ou s’approprier le versement de garantie, à titre de dommages et intérêts.
Après le paiement de la somme de 70.000 euros par Monsieur [X] [D] directement à Monsieur [H] [N], les versements ont été suspendus en raison de difficultés rencontrées par l’acquéreur, des échanges de mails s’en sont suivis, aux termes desquels Monsieur [H] [N] a estimé que l’accord était rompu, et qu’il était en droit de conserver par devers lui la somme de 70.000 euros, considérée par lui comme un « versement de garantie à titre de dommages et intérêts. » tel que prévu par l’acte signé par chacune des parties.
Deux mises en demeure d’avoir à restituer cette somme, en date du 15 mai 2017 et du 23 novembre 2017, adressées par Monsieur [D] sont restées vaines.
Par actes d’huissier en date du 25 juillet et du 31 juillet 2019, Monsieur [X] [D] a fait assigner respectivement Monsieur [H] [N] et Maître [U] [R], devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières, aux fins d’obtenir la nullité de l’acte litigieux ainsi que la condamnation des défendeurs à lui restituer la somme de 70.000 euros et lui payer dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 26 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a, avec le bénéfice de l’exécution provisoire’:
– débouté Monsieur [X] [D] de sa demande en nullité du contrat sui generis signé le 27 novembre 2014,
– débouté Monsieur [X] [D] de sa demande de remboursement de la somme de 70.000 euros,
– débouté Monsieur [X] [D] et Monsieur [H] [N] de leurs demandes d’indemnisation à l’encontre de Maître [U] [R],
– débouté Monsieur [X] [D] de sa demande au titre du préjudice moral,
– débouté les parties de leurs plus amples demandes,
– condamné Monsieur [X] [D] à payer à Monsieur [H] [N] et à Maître [U] [R], à chacun, la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.
Par un acte en date du 17 janvier 2022, Monsieur [X] [D] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 28 octobre 2022, Monsieur [X] [D] conclut à l’infirmation du jugement déféré et demande à la cour de’:
– juger que le contrat sui generis en date du 27 novembre 2014 est nul et de nul effet,
– juger que Maître [R] a engagé sa responsabilité civile professionnelle en raison de la rédaction du contrat du 27 novembre 2014 et condamner cette dernière sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil à lui payer la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner Monsieur [H] [N] à lui rembourser la somme de 70.000 euros versée sur le fondement du contrat sui generis en date du 27 novembre 2014 et à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
– condamner Maître [R] à garantir Monsieur [H] des sommes mises à la charge de ce dernier,
– subsidiairement, condamner Monsieur [H] [N] à lui payer les sommes de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts et 10.000 euros en réparation du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2017 avec capitalisation des intérêts, pour ne pas lui avoir fait délivrer de sommation pour régularisation de l’acte chez un notaire algérien.
Il sollicite en outre la condamnation solidaire de Monsieur [H] [N] et de Maître [R] à lui payer la somme de 15.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
A titre liminaire, il soulève l’irrecevabilité de la demande de Maître [R] tendant à l’irrecevabilité de sa demande en paiement formée à l’encontre de cette dernière, s’agissant selon lui d’une demande nouvelle par application de l’article 564 du code de procédure civile.
Il soutient que le contrat du 27 novembre 2014 revêt les caractéristiques d’une promesse synallagmatique de vente de droits immobiliers conformément aux dispositions de l’article 1589 du code civil, de sorte que c’est la loi algérienne (lieu de situation de l’immeuble) qui doit s’appliquer , laquelle prévoit que les promesses de vente de biens immobiliers doivent être rédigés sous forme authentique, ce qui n’a pas été fait, Maître [U] [R] n’étant pas compétente territorialement, son office étant limité au territoire national français.
Subsidiairement, il expose que si un accord de volonté était retenu par la cour l’acte serait nul car il n’existe aucune mention sur la réalité de la propriété par l’acquéreur, ni sur une indemnité d’immobilisation et pas de définition de la garantie visée dans la clause «difficulté de réalisation ». Il souligne également que l’acte prévoit le règlement de l’intégralité du prix de vente avant la réalisation de l’acte authentique et que Monsieur [N] est de mauvaise foi, ne lui ayant pas délivré au préalable de sommation à l’acquéreur, le refus de réalisation de la vente provenant du vendeur.
Il fait valoir que la responsabilité notariale de Maître [R] est engagée pour avoir établi un acte alors qu’elle n’en avait pas la compétence et au surplus contraire à la loi française. Il relève en outre que le notaire avait obligation de sécuriser l’acte en prévoyant la séquestration des sommes versées entre les parties. Il lui reproche de ne pas avoir vérifié les conditions de validité et d’efficacité de l’acte qu’elle a rédigé.
Il soutient que la nullité du contrat sui generis emportera ipso facto la restitution des sommes qu’il a versées à Monsieur [N] et qu’en conséquence, le notaire sera condamné à garantir Monsieur [N] des condamnations mises à sa charge.
Il ajoute que contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges il avait formé une demande de condamnation à paiement de la somme de 70.000 euros à l’encontre de Monsieur [N] et souligne que ce dernier a engagé sa responsabilité quasi-déclituelle en ne respectant pas les engagements de vente, en n’établissant pas de sommation dans les termes de l’acte du 27 novembre 2014 et en refusant de réitérer l’acte authentique en Algérie.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 20 octobre 2022, Monsieur [H] [N] conclut à la confirmation du jugement déféré et subsidiairement demande à la cour de’:
– condamner Monsieur [D] à lui payer la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat,
– subsidiairement, s’il devait restituer la somme de 70.000 euros, condamner le notaire Maître [R] à lui payer ladite somme à titre de dommages et intérêts en raison d’un défaut dans la rédaction de l’acte.
Il sollicite en outre la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 2.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Il soutient que les parties ont conclu un contrat suis generis consistant en une promesse de vente à condition suspensive du paiement préalable, de sorte que ce contrat fait naître des droits personnels et non des droits réels, ce qui implique l’application de la loi française.
Il estime que le contrat respecte les exigences de l’article 1128 du code civil posant les conditions de validité d’un contrat, à savoir le consentement des parties pour vendre et acheter un bien déterminé au prix convenu, et la capacité de chacun de contracter. Il indique que les parties ont choisi de procéder à la signature de l’acte authentique après le paiement complet du prix et que rien n’interdit à ces dernières de conclure ce contrat sous seing privé en France (Monsieur [N] étant né en France, de nationalité française et résidant dans les Ardennes).
Il fait valoir que Monsieur [X] [D] a rompu abusivement le contrat en ne respectant pas ses engagements de paiement des acomptes, repoussant sans cesse les versements en 2015 et 2016.
II soutient que l’acompte de 70.000 euros versé par Monsieur [D] constitue une garantie prévue dans le contrat, à titre de dommages et intérêts, qu’il était parfaitement en droit de conserver par devers lui.
Il précise que si l’acte sous seing privé devait être frappé de nullité, celle-ci découlerait de la faute du notaire qui devra l’indemniser à hauteur de la somme de 70.000 euros s’il était condamné à la restituer. Il insiste sur le fait qu’il a voulu sécuriser cet acte sous seing privé en s’adressant à un professionnel chargé d’une obligation de conseil et de résultat s’agissant de la rédaction d’un acte. Il ajoute qu’il est bien fondé à engager la responsabilité du notaire pour l’avoir privé de recevoir une indemnité en raison de l’impossibilité de signer l’acte authentique.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 22 octobre 2022, Maître [U] [R] conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la cour de déclarer Monsieur [D] irrecevable en sa demande tendant à ce que Monsieur [N] soit garanti par le notaire et de condamner Monsieur [D] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Subsidiairement, elle s’oppose à la condamnation en garantie formée par Monsieur [N] à son encontre.
Elle soutient qu’elle est intervenue pour la rédaction d’un acte sous seing privé constatant un simple accord de vente entre Monsieur [X] [D] et Monsieur [H] [N] et qu’elle n’était pas tenue de procéder à des investigations relatives à l’immeuble dès lors que le bien, situé en Algérie, était situé hors de son domaine de compétence. Elle relève que les obligations faites au notaire dans le cadre d’un acte préalable à l’acte d’authentification d’une vente ne sont pas les mêmes que celles découlant de l’acte authentique. Elle précise qu’elle n’était pas tenue à séquestrer les sommes versées dès lors que seul le notaire algérien était compétent pour régenter la vente du bien immobilier, et que lesdites sommes ont été versées postérieurement à la signature, en dehors de toute intervention de sa part, le versement de la somme de 70.000 euros étant intervenu par virement bancaire entre les parties réalisé le 11 février 2015.
Elle fait valoir que la liberté contractuelle est un principe intangible du droit français.
Elle estime que les demandes de Monsieur [D] à son encontre ne peuvent prospérer, puisque s’il devait obtenir la restitution de la somme de 70.000 euros par Monsieur [H] [N], il n’aura plus de préjudice indemnisable à faire valoir à l’encontre du notaire. Elle rappelle que la demande en restitution du prix de vente formée contre un notaire ne présente pas un caractère indemnitaire. Elle réfute avoir commis une quelconque faute.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
*Sur la compétence
Il résulte du règlement (UE) n° 121 5/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (refonte), chapitre II section 1, que « les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre sont attraites. quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre. Toute personne, quelle que soit sa nationalité. qui est domiciliée sur le territoire d’ un Etat membre, peut, comme les ressortissants de cet Etat membre invoquer dans cet Etat membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur. »
En conséquence, le domicile du défendeur (Monsieur [D]) se situant en France, il convient de constater la compétence du juge français.
*Sur la loi applicable
Le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) prévoit à l’article 4 § 11 c) que « le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d’immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’immeuble ».
L’article 4 § 2 énonce que « le contrat est régi par loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ».
Enfin, l’article 11 § 2 de ce règlement dispose qu’ « Un contrat conclu entre des personnes ou leurs représentants. qui se trouvent dans des pays différents au moment de sa conclusion, est valable quant à la forme s’il satisfait aux conditions de forme de la loi qui le régit au fond en vertu du présent règlement ou de la loi d’un des pays dans lequel se trouve l’une ou l’autre des parties ou son représentant au moment de sa conclusion où de la loi du pays dans lequel l’une ou l’autre des parties avait sa résidence habituelle à ce moment-là ».
En vertu de l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Il convient dès lors de qualifier juridiquement la nature de l’acte signé le 27 novembre 2014 entre les parties devant Maître [R].
Le contrat sui generis est intitulé «’Vente d’un immeuble’» et énonce notamment ‘:
«’Il a été convenu et arrêté ce qui suit directement ente eux’:
Le vendeur (obligeant ses héritiers et ayant droit solidairement entre eux) vend avec garantie de tous troubles, évictions, hypothèques, mais sous réserve de la réalisation des conditions suspensives ci-après exprimées, à l’acquéreur , qui accepte les biens et droits immobiliers dont la désignation suit’:
sur la commune de [Localité 7] (Algérie)’: un appartement à usage d’habitation sis [Adresse 6],comprenant un rez-de-chaussée, deux chambres, cuisine, cour et terrasse d’une superficie de 48 m² (‘)
Prix’: La présente vente est consentie et acceptée moyennant le prix principal, hors frais de 270.000 euros payables au plus tard en 10 mois à compter du 1er janvier 2015 par termes de 27.000 euros. Les frais seront payables en totalité pour le jour de la signature de l’acte authentique par l’acquéreur (‘)’;
Décès’: en cas de décès du vendeur (ou de l’un d’eux) la présente vente sera réalisée par ses héritiers ou ses ayants droits (‘)
Sinistre pendant la validité du contrat’:
Si pendant la validité des présentes, le bien été l’objet d’un sinistre rendant ce dernier impropre à sa destination, l’acquéreur aurait alors la possibilité’:
– soit de renoncer purement et simplement à la réalisation authentique des présentes il se fera alors restituer toutes les sommes éventuellement avancées par lui,
– soit de poursuivre la réalisation des présentes en se faisant verser toutes les indemnités éventuellement versées par la ou les compagnies d’assurances. Le vendeur entendant que dans cette hypothèse, l’acquéreur soit purement et simplement subrogé dans tous ses droits à l’égard des compagnies d’assurances’».
Au vu de ces éléments, la cour à la différence de l’analyse adoptée par les premiers juges, estime que ce contrat porte non pas sur des droits personnels, mais des droits réels immobiliers. En effet, la rédaction du contrat susvisé démontre’:
– qu’il s’agit d’une promesse synallagmatique opérant rencontre des volontés réciproques des parties, transfert de propriété avec un vendeur qui vend et un acquéreur qui accepte,
– que l’objet de la vente est un bien et des droits réels immobiliers situés en Algérie,
– que les clauses du contrat relatives aux sinistres et décès du vendeur confirment que ce contrat opère transfert de la propriété des biens.
Dès lors en vertu des textes précités, le contrat régissant la loi applicable ayant pour objet la vente d’un bien immobilier, c’est la loi de la situation de l’immeuble qui est applicable. Aussi, l’appartement étant situé en Algérie, le contrat est soumis à la loi algérienne.
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu l’application de la loi française.
*Sur la demande de nullité du contrat et ses conséquences
En vertu des articles 324, 324 bis, 71 et 572 du code civil algérien, les promesses de vente de biens immobiliers ou les mandats en vue de cette vente doivent être rédigés sous la forme authentique, sous peine de nullité.
En l’espèce, il y a lieu de constater que le contrat sui generis daté du 27 novembre 2014, lequel a les caractéristiques d’un acte sous seing privé, ne revêt pas la forme d’un acte authentique et est donc entaché d’une nullité absolue affectant sa validité, dans la mesure où Maître [R], notaire à [Localité 5] (comme elle le reconnaît elle-même dans ses écritures) n’a au demeurant pas la compétence pour instrumenter un acte portant mutation d’un immeuble sis en Algérie.
Dans ces conditions, relevant que le contrat daté du 27 novembre 2014 ne remplit pas les conditions requises pour sa validité, il convient de prononcer la nullité de ce dernier.
La nullité implique l’anéantissement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale, et ce, même si le contrat est à exécution successive. Il y a lieu de préciser que la restitution à laquelle un contractant est condamné à la suite de l’annulation du contrat ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable.
Dans ces conditions, il convient d’ordonner la restitution des sommes versées par Monsieur [D] à Monsieur [N], soit la somme totale de 70.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2017 (la restitution incluant les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procuré) et d’ordonner la capitalisation des intérêts.
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement déféré de ce chef.
Si en vertu de l’article 1178 alinéa 4 du code civil, indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra contractuelle, encore faut-il qu’une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice soient démontrés.
Au cas présent, Monsieur [D] n’est pas fondé à invoquer l’indemnisation d’un préjudice moral en raison de la non réalisation de l’acquisition de l’immeuble qu’il convoitait, étant précisé que les dépenses engagés dans le cadre de la présente instance seront réparés au titre des frais irrépétibles.
*Sur les demandes formées à l’encontre de Maître [R]
*Sur les demandes formées par Monsieur [D]
Aux termes de l’article 1382 ancien devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Ainsi, la responsabilité délictuelle du notaire impose de démontrer une faute commise par le notaire, un dommage causé à la victime et un lien de causalité.
Le notaire, en sa qualité d’officier public est investi d’une mission d’authentificateur, d’un devoir de conseil à l’égard de ses clients. Ce professionnel est ainsi tenu de veiller à la sécurité juridique des actes qu’il instrumente ainsi qu’à leur efficacité.
Monsieur [D] reproche à Maître [R] de ne pas avoir vérifié les conditions de validité et d’efficacité du contrat qu’elle a rédigé le 27 novembre 2014. Il ressort des éléments ci-dessus développés que Maître [R] a commis une faute en établissent un acte nul pour un bien situé en Algérie alors qu’elle aurait dû vérifier préalablement si le bien était vendable par son ministère, obligation qui lui incombait dans le cadre de son office.
Monsieur [D] évalue son préjudice à la somme de 70.000 euros, estimant, qu’il a perdu la somme de 70.000 euros ainsi que la possibilité d’acquérir le bien convoité. Or, il y a lieu de souligner que Monsieur [D] par l’effet de la nullité de l’acte passé le 27 novembre 2014 a obtenu condamnation de Monsieur [N] à lui restituer la somme de 70.000 euros de sorte qu’aucun préjudice n’est caractérisé de ce chef. Par ailleurs, rien n’établit qu’il ne pourra pas acquérir ledit bien en Algérie, son préjudice étant par principe hypothétique, de même qu’il ne justifie pas qu’il ne pourra pas obtenir la restitution de la somme de 70.000 euros des mains de Monsieur [N].
Par conséquent, il convient de débouter Monsieur [D] de sa demande en paiement de dommages et intérêts formée à l’encontre de Maître [R] et de confirmer le jugement déféré de ce chef.
La demande de remboursement d’une partie du prix convenu à la suite de la convention établissant ce droit n’ayant pas un caractère indemnitaire, Monsieur [D] ne peut prospérer en son action en garantie contre Maître [R], notaire ayant rédigé le contrat annulé.
Par conséquent, il convient de débouter Monsieur [D] de son action en garantie formée à l’encontre de Maître [R] et de confirmer le jugement déféré de ce chef.
*Sur la demande formée par Monsieur [N]
Sur le fondement de la responsabilité délictuelle, Monsieur [N] reproche au notaire d’avoir commis une légèreté blâmable dans la rédaction de l’acte l’ayant contraint à restituer la somme de 70.000 euros à Monsieur [D] en raison de l’anéantissement rétroactive du contrat passé le 27 novembre 2014′.
Il ressort des éléments ci-dessus développés que le notaire a commis une faute en n’assurant pas la sécurité juridique de l’acte qu’il a rédigé. Cette faute lui a causé un préjudice consistant en l’obligation pour lui de restituer la somme versée avec intérêts au taux légal et anatocisme et l’immobilisation de son bien qu’il convient de réparer par la condamnation du notaire à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement entrepris de ce chef.
*Sur les demandes accessoires
Le notaire en sa qualité de professionnel étant responsable de la nullité de l’acte sous seing privé, il doit supporter les dépens de première instance et d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Les circonstance de l’espèce commandent de condamner Maître [R] à payer à Monsieur [D] et à Monsieur [N], à chacun la somme de 3.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et de rejeter les demandes en paiement sur ce même fondement.
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement déféré de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières le 26 novembre 2021, sauf en ce qu’il a’:
– débouté Monsieur [X] [D] de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice moral formée à l’encontre de Monsieur [H] [N]
– débouté Monsieur [X] [D] de sa demande en paiement de dommages et intérêts formée à l’encontre du notaire Maître [U] [R],
Et statuant à nouveau,
Juge que l’acte sous seing privé rédigé par Maître [U] [R] le 27 novembre 2014 est soumis à la loi algérienne.
Prononce la nullité de l’acte sous seing privé rédigé par Maître [U] [R] le 27 novembre 2014.
Condamne Monsieur [H] [N] à restituer à Monsieur [X] [D] la somme de 70.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2017 et ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une années entière.
Déboute Monsieur [X] [D] de sa demande dirigée à l’encontre de Maître [U] [R] aux fins de garantie des sommes mises à la charge de Monsieur [H] [N].
Condamne Maître [U] [R] à payer à Monsieur [H] [N] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Condamne Maître [U] [R] à payer à Monsieur [H] [N] la somme de 3.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Condamne Maître [U] [R] à payer à Monsieur [X] [D] la somme de 3.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Rejette les demandes des autres parties sur ce même fondement.
Condamne Maître [U] [R] aux dépens de première instance et d’appel et fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE