Nullité de contrat : 1 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01106

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Nullité de contrat : 1 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01106

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 01 Février 2023

N° RG 20/01106 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FOE7

VTD

Arrêt rendu le Premier Février deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une décision rendue le 16 juillet 2020 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2020/250)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

La société REAL

SCI immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 440 758 480 00022

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : la SCP CANIS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

La société LE MOULIN MOINE venant aux droits de la SARL LE CRISTAL SARL immatriculée au RCS d’Angers sous le n° 349 483 081 00015

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentants : la SCP ARSAC, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL GAUVIN – ROUBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de LA ROCHE-SUR-YON (plaidant)

INTIMÉE

DEBATS : A l’audience publique du 07 Décembre 2022 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 01 Février 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement le 01 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique reçu le 18 août 2009 par Me [N], notaire à [Localité 5] (49), la SARL Le Cristal a cédé au profit de la SARL LMVD représentée par M. [P] [O], un fonds de commerce de disc-jockey, moyennant le prix de 200 000 euros.

La SARL LMVD s’est obligée à payer à la SARL Le Cristal le prix en 84 mensualités de 2 687,87 euros chacune en principal et intérêts au taux de 3,5 %. Le paiement de la première échéance devait intervenir le 1er novembre 2009, et celui de la dernière échéance au 1er octobre 2016.

Par ce même acte authentique, la SARL LMVD a consenti plusieurs garanties au profit de la SARL Le Cristal, à savoir :

– l’affectation du fonds de commerce par privilège au profit de la SARL Le Cristal ;

– le bénéfice de l’action résolutoire prévue par l’article 1654 du code civil ;

– le gage et nantissement du fonds de commerce au profit de la SARL Le Cristal.

En sus de ces garanties et aux termes d’un acte authentique reçu le même jour par Me [X], notaire à [Localité 6] (63), la SCI REAL représentée par son gérant M. [P] [O], s’est constituée caution simplement hypothécaire à concurrence d’une somme maximum de 150 000 euros en principal, intérêts, frais et accessoires.

La SCI REAL a ainsi consenti une hypothèque au profit de la SARL Le Cristal, sur un immeuble sis à [Localité 6], cadastré section AH n°[Cadastre 3], lieudit ‘[Adresse 2]’.

Par jugement du 3 août 2011, le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon a prononcé le redressement judiciaire de la SARL LMVD.

La SARL Le Cristal a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire le 15 septembre 2011.

Elle a par ailleurs, mis en demeure la SCI REAL en qualité de caution, d’avoir à assurer le règlement des sommes qui lui étaient dues par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 3 janvier 2012.

Puis, par jugement du 13 juillet 2016, le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon a placé la SARL LMVD en liquidation judiciaire sur résolution du plan de redressement.

La SARL Le Cristal a déclaré sa créance qui a été admise au passif de la SARL LMVD à hauteur de 171 889,72 euros.

Par LRAR du 24 octobre 2019, elle a adressé une mise en demeure à la SCI REAL, en vain.

Par acte d’huissier du 10 décembre 2019, la SARL Le Moulin Moine venant aux droits de la SARL Le Cristal a fait assigner la SCI REAL devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, aux fins de voir :

– dire et juger recevables et bien fondées ses demandes ;

– dire et juger que sa créance a été fixée au passif du débiteur principal à la somme de 183 120,51 euros ;

– dire que cette créance fixée définitivement rendait exigible sa créance à l’égard de la SCI REAL en sa qualité de caution ;

– en conséquence, constater qu’elle justifiait à l’encontre de la SCI REAL d’une créance certaine, liquide et exigible à hauteur de :

142 857,14 euros en principal ;

7 142,86 euros au titre des accessoires ;

– dire qu’elle était fondée à poursuivre le recouvrement de ladite somme sur l’immeuble sis à [Localité 6] ;

– condamner la SCI REAL à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 16 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :

– condamné la SCI REAL à verser à la SARL le Moulin Moine la somme de 150 000 euros ;

– autorisé la SARL le Moulin Moine à poursuivre le recouvrement de ladite somme sur l’immeuble sis à [Localité 6] – [Adresse 2] et [Adresse 1] figurant au cadastre AH [Cadastre 3] lieudit ‘[Adresse 2]’, consistant au lot n°3, 4, 6 et 13 appartenant à la SCI REAL ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

– condamné la SCI REAL à verser à la SARL le Moulin Moine la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– condamné la SCI REAL aux dépens.

La SCI REAL a interjeté appel du jugement le 4 septembre 2020.

Par ordonnance du 7 octobre 2021, le conseiller charge de la mise en état, statuant sur incident, a rejeté la demande de radiation de l’affaire formée par la SARL le Moulin Moine, et réservé les dépens de l’incident.

Par conclusions déposées et notifiées le 21 novembre 2022, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1849 et 1235 du code civil, 4, 5 et 564 du code de procédure civile, de :

– dire bien appelé, mal jugé ;

– infirmer le jugement et statuant à nouveau :

à titre principal :

– dire et juger que l’acte authentique régularisé le 18 août 2009 reçu par Me [X], notaire à [Localité 6], entre la SARL Le Cristal et la SCI REAL est un contrat d’hypothèque et non un contrat de cautionnement hypothécaire ;

– constater la nullité de l’acte authentique, car contraire à l’intérêt social ;

– en conséquence, débouter la SARL le Moulin Moine de l’ensemble de ses demandes, plus amples ou contraires ;

à titre subsidiaire :

– constater que les premiers juges ont statué extra petita en la condamnant à verser à la SARL le Moulin Moine la somme de 150 000 euros ;

– en conséquence, annuler le jugement ;

à titre infiniment subsidiaire :

– constater le défaut de qualité à agir de la SARL le Moulin Moine à son égard, compte tenu de la cession de parts en date du 14 septembre 2010 ;

– en conséquence, débouter la SARL le Moulin Moine de l’ensemble de ses demandes, plus amples ou contraires ;

à titre très infiniment subsidiaire :

– dire et juger irrecevables les demandes formées par la SARL le Moulin Moine, l’acte de cautionnement hypothécaire lui étant inopposable, caution de la société Le Palace ;

à titre très très infiniment subsidiaire :

– dire et juger irrecevables les demandes formées par la SARL le Moulin Moine à son égard car engagées postérieurement au 1er octobre 2017 ;

– en conséquence, débouter la SARL le Moulin Moine de l’ensemble de ses demandes, plus amples ou contraires ;

en tout état de cause :

– condamner la SARL le Moulin Moine à lui payer la somme de 10 080 euros au titre des sommes indûment versées, sommes à parfaire en deniers ou quittance pour la période postérieure au 12 octobre 2022 ;

– condamner la SARL le Moulin Moine à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient en premier lieu qu’il ne s’agit pas d’un contrat de cautionnement hypothécaire, mais d’un contrat d’hypothèque, la Cour de cassation considérant qu’une sûreté réelle consentie en garantie de la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire la dette d’autrui, n’est pas un cautionnement lequel ne se présume pas.

Elle fait ensuite valoir qu’elle a consenti une hypothèque sur son seul actif pour garantir une somme de 150 000 euros, bien acquis en 2002 au prix de 147 876 euros financé au moyen d’un prêt dont le solde était de 226 084,43 euros en 2009. Elle invoque une jurisprudence constante selon laquelle la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d’un associé n’est pas valide dès lors, qu’étant de nature à compromettre l’existence même de la société, elle est contraire à l’intérêt social. Elle conteste toute prescription, la demande en nullité étant formée par voie d’exception conformément à l’article 1185 du code civil.

En outre, elle considère que la nullité est encourue sur un autre fondement, à savoir le défaut de consentement éclairé de Mme [A] [Z] épouse [O], associée de M. [O] au sein de la SCI REAL, la délibération de la SCI du 14 août 2009 ayant donné pouvoir à M. [O] d’hypothéquer le bien litigieux, sans que ne soit désigné ni le débiteur, ni la créance garantie.

Elle estime par ailleurs que les premiers juges ont statué ultra petita car il n’a pas été demandé par la SARL le Moulin Moine de prononcer sa condamnation à lui verser la somme de 150 000 euros.

Elle expose de surcroît que par acte du 14 septembre 2010, M. et Mme [O] ont cédé à Mme [I] [J], Mme [U] [K] et M. [M] [W] les parts sociales qui leur appartenaient dans la SARL LMVD. Elle soulève le défaut de qualité de la SARL le Moulin Moine à agir à son encontre compte tenu de la cession de parts. Elle estime qu’il lui appartient de se retourner contre les cessionnaires.

Elle invoque ensuite l’irrecevabilité des demandes de la SARL le Moulin Moine car il ressort de l’acte que la SCI REAL s’est constituée caution simplement hypothécaire de la SARL Le Palace, et non de la SARL LMVD.

Par ailleurs, elle fait valoir qu’il était prévu que l’inscription hypothécaire était prise pour une durée prenant fin le 1er octobre 2017, et qu’il n’était stipulé aucune possibilité de renouvellement. Ainsi aucune poursuite ne pouvait être exercée au-delà de ce délai. Elle n’a jamais eu la volonté de souscrire un contrat d’hypothèque au delà de cette date. S’agissant du renouvellement d’inscription du 28 septembre 2017, elle affirme que ce document n’a pas été signé par le notaire mandataire de la SARL le Moulin Moine, et n’a pas été réceptionné par le Conservateur des hypothèques.

Enfin, elle explique verser tous les mois depuis le mois de juin 2021, la somme de 600 euros à la SARL le Moulin Moine en vertu du jugement, et estime que ces sommes ont été versées indûment.

Par conclusions déposées et notifiées le 8 novembre 2022, la SARL le Moulin Moine venant aux droits de la SARL Le Cristal demande à la cour, au visa des articles L.622-24 et R.622-24 du code de commerce, 1288 et suivants du code civil, 514 et suivants, et 700 du code de procédure civile, de :

à titre principal :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

à titre subsidiaire, si la cour infirmait le jugement, statuant à nouveau :

– dire et juger recevables et bien fondées ses demandes, fins et conclusions ;

– débouter la SCI REAL de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– dire et juger que sa créance a été fixée au passif du débiteur principal à la somme de 183 120,51 euros ;

– dire et juger que cette créance fixée définitivement rend aujourd’hui exigible sa créance à l’égard de la SCI REAL en sa qualité de caution ;

– en conséquence, constater qu’elle justifie à l’encontre de la SCI REAL d’une créance certaine, liquide et exigible à hauteur :

> montant en principal du ‘cautionnement hypothécaire ‘ au taux d’intérêt de 3,5 % l’an : 142 857,14 euros ;

> des intérêts dont la loi conserve le rang : mémoire ;

> de tous les accessoires comprenant la somme dues pour indemnité en cas de paiement après terme, de remboursement anticipé ou d’exigibilité avant terme, frais de poursuites ou de mise à exécution, dommages et intérêts : 7 142,86 euros ;

– condamner la SCI REAL à lui verser la somme de 150 000 euros ;

– dire qu’elle est fondée à poursuivre le recouvrement de ladite somme sur l’immeuble sis à [Localité 6] – [Adresse 2] et [Adresse 1] figurant au cadastre AH [Cadastre 3] lieudit ‘[Adresse 2]’, consistant au lot n°3, 4, 6 et 13 appartenant à la SCI REAL ;

– condamner la SCI REAL à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Elle observe en premier lieu que la SCI REAL ne formule aucune demande de requalification du contrat signé le 18 août 2009 dans son dispositif. Par ailleurs, elle expose que le titre de l’acte authentique ‘Cautionnement Hypothécaire’ ne souffre d’aucune équivocité, cette qualification a été librement décidée par les parties et a fait l’objet d’un acte notarié.

S’agissant de la demande en nullité de l’acte du 18 août 2009, elle se prévaut de l’adage ‘nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude’, en ce sens que la SCI REAL ne peut lui faire porter la responsabilité des imprécisions du procès-verbal de délibération qu’elle a elle-même établi. Elle ajoute que la SCI REAL ne démontre pas que la sûreté qu’elle a accordée en garantie de la dette de son associé était de nature à compromettre son existence, l’intérêt social n’étant pas atteint au seul motif que la garantie ne présente aucun avantage pour la société. Elle invoque en outre la prescription quinquennale de sa demande au visa de l’article 2224 du code civil.

Sur le moyen tiré du fait que le premier juge aurait statué ultra petita, elle fait valoir qu’être fondée à poursuivre le recouvrement de la créance sur l’immeuble implique nécessairement et implicitement la condamnation de la SCI REAL à lui verser la somme de 150 000 euros.

Sur le défaut de qualité à agir compte tenu de la cession de parts du 14 septembre 2010, elle rappelle que seule la SCI REAL est débitrice à son égard du règlement de la créance.

Par ailleurs, elle considère que si l’acte de cautionnement hypothécaire du 18 août 2009 mentionne que la SCI REAL se constitue caution simplement hypothécaire de la SARL Le Palace, et non de la SARL LMVC, il s’agit là d’une simple erreur matérielle. En effet, l’acte comporte en son exposé figurant en page 2, l’identité exacte du débiteur et la désignation de la créance garantie.

Sur l’irrecevabilité des demandes formées postérieurement au 1er octobre 2017, elle fait valoir que cette interdiction de poursuite ne peut être opposée au créancier lorsque l’acte de cautionnement limite uniquement la durée de l’inscription d’hypothèque, et non celle de l’engagement de la caution.

Enfin, elle soutient que dans la mesure où la cour ne pourra que confirmer le jugement, les sommes versées sont parfaitement dues.

Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera rappelé qu’il est acquis qu’une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, n’est pas un cautionnement, lequel ne se présume pas (Cass. Mixte. 2 décembre 2005, n°03-18.210).

En l’espèce, par acte notarié du 18 août 2009 intitulé ‘cautionnement hypothécaire’, la SCI REAL a déclaré se constituer caution simplement hypothécaire de la SARL LMVD envers le créancier la SARL Le Cristal, à concurrence d’une somme de 150 000 euros en principal, intérêts et accessoires (5%), et en conséquence, à la garantie de cette somme maximum de 150 000 euros, la SCI REAL a hypothéqué au profit du créancier l’immeuble situé [Adresse 2] et [Adresse 1] à [Localité 6], bien immobilier cadastré section AH n°[Cadastre 3] lieudit ‘[Adresse 2].

Il s’agissait ainsi d’une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, et non d’un cautionnement malgré l’intitulé de l’acte. Le créancier ne peut ainsi exiger de la ‘caution hypothécaire’ le paiement de la dette, il ne peut que mettre en oeuvre la sûreté constituée à son profit.

– Sur la nullité de la sûreté réelle

sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

La SARL Le Moulin Moine entend opposer la prescription quinquennale à la demande en nullité du contrat du 18 août 2009 formée par la SCI REAL.

La partie qui a perdu, par l’expiration du droit de prescription, le droit d’intenter l’action en nullité d’un acte juridique, peut cependant, à quelque moment que ce soit, se prévaloir de cette nullité contre celui qui prétend tirer un droit de l’acte nul : l’exception de nullité est perpétuelle.

L’exception de nullité d’un acte ne peut être soulevée, par voie d’exception et en défense à une demande d’exécution de cet acte, qu’à compter de l’expiration du délai de prescription de l’action en nullité. Et, à compter de cette date, l’exception n’est recevable que si l’acte n’a pas commencé à être exécuté.

En l’espèce, le délai de prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil de l’action en nullité est incontestablement expiré, l’acte authentique étant en date du 18 août 2009.

Par ailleurs, il n’est pas contesté que l’acte n’a pas commencé à être exécuté.

L’exception de nullité du ‘cautionnement hypothécaire’ soulevée par la SCI REAL étant perpétuelle, la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Le Moulin Moine tirée de la prescription sera nécessairement rejetée.

sur la nullité du ‘cautionnement hypothécaire’ contraire à l’intérêt social

Il résulte de l’article 1849 du code civil que le cautionnement donné par une société n’est valable que s’il entre directement dans son objet social ou s’il existe une communauté d’intérêts entre cette société et la personne cautionnée ou encore s’il résulte du consentement unanime des associés. (Cass.1ère Civ., 8 nov.2007, Bull. Pourvoi n°04-17.893).

Toutefois, à ces trois conditions alternatives, s’ajoute une condition supplémentaire requise pour la validité d’une sûreté accordée par une SCI en garantie de la dette d’un associé ou d’un tiers : l’engagement ne doit pas être contraire à l’intérêt social.

Ainsi, n’est pas valide la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d’un associé certes dans le cadre de son objet social, mais contraire à l’intérêt social comme pouvant compromettre l’existence même de la société (Cass. Com., 23 septembre 2014, pourvoi n°13-17.347).

En outre, si la valeur de l’immeuble donné en garantie par la SCI excédait le montant de son engagement, de telle sorte que la mise en jeu de la garantie ne pourrait pas entraîner la disparition de son entier patrimoine, la SCI pouvant réinvestir les sommes lui revenant après la vente conformément à son objet, cet engagement qui n’était pas de nature à compromettre son existence, n’était pas contraire à son intérêt social. (Cass. Civ.3ème, 21 décembre 2017, pourvoi n°16-26.500).

En l’espèce, la SCI REAL soutient qu’en donnant en garantie l’immeuble d'[Localité 6], son seul élément d’actif, alors même qu’elle était endettée à hauteur de plus de 226 000 euros en 2009, elle ne tirait aucun avantage de son engagement et mettait en jeu son existence même.

La SCI REAL a été créée le 23 janvier 2002, et son seul actif est constitué de l’immeuble situé à [Localité 6] acquis le 20 août 2002 au prix de 147 876 euros. Il résulte du rapport d’évaluation financière produit en pièce n°11 que la valeur de l’immeuble locatif a été estimée en 2020 entre 258 000 et 270 000 euros.

La SCI REAL produit en pièce n°15 un plan de remboursement de prêt immobilier en date du 13 août 2002, prêt soucrit auprès de la BNP Paribas pour un montant de 297 500 euros, faisant apparaître un capital restant dû de 226 084,43 euros au 20 août 2009, soit au moment de l’engagement de ‘cautionnement hypothécaire’ du 18 août 2009.

Contrairement à ce que soutient la SARL Le Moulin Moine, la SCI REAL apporte la démonstration que l’engagement de ‘cautionnement hypothécaire’ signé le 18 août 2009 en garantie de la dette d’un associé était contraire à l’intérêt social comme pouvant compromettre l’existence même de la société car la mise en jeu de la garantie ne pouvait qu’entraîner la disparition de son entier patrimoine.

Ainsi, la sûreté hypothécaire accordée par la SCI REAL en garantie de la dette de la SARL LMVD au profit de la SARL Le Cristal est nulle.

Dans ces circonstances, la SARL Le Moulin Moine doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la SCI REAL et le jugement entièrement infirmé.

Il n’y a pas lieu de statuer sur les sommes à restituer dans le cadre de l’exécution provisoire, l’arrêt se suffisant à lui-même pour obtenir les sommes indûment versées dans le cadre de l’exécution provisoire de la décision de première instance.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Succombant à l’instance, la SARL Le Moulin Moine sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Elle sera en outre condamnée à verser à la SCI REAL une indemnité de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau :

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’exception de nullité du contrat du 18 août 2019 soulevée par la SARL Le Moulin Moine ;

Prononce la nullité du’cautionnement hypothécaire’ résultant de l’acte authentique du 18 août 2009 reçu par Me [X], notaire à [Localité 6], entre la SARL Le Cristal et la SCI REAL ;

Déboute la SARL Le Moulin Moine venant aux droits de la SARL Le Cristal de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la SCI REAL ;

Déclare sans objet la demande de la SCI REAL aux fins d’obtenir restitution des sommes versées dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement dont appel ;

Condamne la SARL Le Moulin Moine à payer à la SCI REAL la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Le Moulin Moine aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente,

 


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