REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRET DU 02 FEVRIER 2023
(n° 29 , 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06549 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYT2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2017038566
APPELANTE
S.A.R.L. MALCA-AMIT FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 394 524 417
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP D’AVOCATS HUVELIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque R285, avocat postulant
Assistée de Me Pierre -Yves GUERIN de l’AARPI LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque P0169, avocat plaidant
INTIMES
Monsieur [M] [L]
Né le 24 Mai 1958 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
S.A.S.U. FERRARI SECURITE FRANCE venant aux droits de la SASU GWINVER FONDS ET VALEURS agissant poursuites et diligences en la personne de gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 533 696 118
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentés par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque PC 427
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 29 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5.5
Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre
Madame Christine SOUDRY, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Annick PRIGENT dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Malca-Amit est spécialisée dans le transport, l’expédition et la fourniture de solutions dans la logistique de fonds et de valeurs.
M. [L] a créé la société Rinkin et sa filiale la société Gwinver Fonds et Valeurs SASU (ci-après » la société Gwinver « ) en 2011.
La société Malca-Amit et la société Gwinver ont noué des relations commerciales, la société Malca-Amit ayant confié à la société Gwinver, pendant plusieurs années, des missions de transport de fonds et de valeurs, de sorte que la société Malca-Amit est devenue le principal client de la société Gwinver.
Souhaitant internaliser l’activité de transports de fonds et de valeurs, la société Malca-Amit en a informé la société Gwinver qui l’a alertée sur le fait qu’une rupture de partenariat pouvait avoir sur elle un impact économique important.
Le 20 juillet 2015, les deux sociétés ont signé un contrat, dont l’objet était notamment l’assistance à la création d’une nouvelle structure pour effectuer du transport de fonds et de valeurs ainsi qu’à l’obtention de l’autorisation de transport de fonds et de valeurs, pour la société Malca-Amit outre l’accompagnement de celle-ci par la société Gwinver dans le cadre de la reprise de l’activité en interne.
La société Malca-Amit a versé la somme de 50.000 euros H.T à la société Gwinver au titre du contrat signé le 20 juillet 2015.
Monsieur [W], nouveau dirigeant de la société Malca-Amit, a constaté à son arrivée au mois de novembre 2015 que l’entreprise ne disposait pas d’autorisation d’exercer le transport de fonds et de valeurs.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 décembre 2015, la société Malca-Amit a mis en demeure la société Gwinver de lui régler la somme de 50.000 euros H.T. au titre, selon elle, d’un » excédant de facturation « .
Monsieur [L] a cédé ses titres de la société Gwinver au groupe Ferrari en septembre 2016, la société Gwinver devenant ainsi Ferrari Sécurité France, filiale du groupe Ferrari.
La société Malca-Amit a assigné la société Gwinver Fonds et Valeurs SASU devant le tribunal de commerce de Paris, par acte d’huissier de justice des 13 et 17 juin 2017, en restitution de la somme de 50 000 € HT soit 60 000€ TTC.
Par jugement du 19 février 2020, le tribunal de commerce de Paris :
-Dit recevable M. [L] dans son intervention volontaire ;
-Dit que le contrat était licite et que la société Malca-Amit a dûment réglé la somme de 50.000 euros H.T et débouté la société Malca-Amit de sa demande d’ordonner la restitution de cette somme ;
-Débouté la société Malca-Amit France de sa demande de voir condamner la société Ferrari pour inexécution contractuelle et de mauvaise foi ;
-Dit le contrat du 20 juillet 2015 résilié aux torts exclusifs de la société Malca-Amit ;
-Débouté la société Ferrari venant aux droits de la société Gwinver Fonds et Valeurs SASU de sa demande au titre de dommages et intérêts ;
-Débouté la société Ferrari venant aux droits de la société Gwinver Fonds et Valeurs SASU de sa demande de procédure abusive,
-Débouté M. [L] de sa demande au titre de dommages et intérêts,
-Condamné la société Malca-Amit à payer à la société Ferrari venant aux droits de la société Gwinver et à M. [L] la somme de 3.000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Ordonné l’exécution provisoire sans constitution de garantie ;
-Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
-Condamné la société Malca-Amit aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 25 mai 2020, la société Malca-Amit a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a : dit recevable Monsieur [M] [L] dans son intervention volontaire, dit que le contrat entre Malca Amit, Gwinver et désormais Monsieur [L] était licite et que SARL Malca-Amit France a dûment réglé la somme de 50 000 euros HT soit 60 000 euros TTC et débouté SARL Malca-Amit France de sa demande d’ordonner la restitution de cette somme majorée des intérêts de droit au taux légal à compter de la première réclamation du 30 décembre 2015 avec capitalisation des intérêts, débouté Malca-Amit France au titre de sa demande de voir condamner la société Ferrari Sécurité France pour inexécution contractuelle et de mauvaise foi, – dit le contrat du 20 juillet 2015 résilié aux torts exclusifs de Sarl Malca-Amit France, – condamné Sarl Malca Amit France à payer à la société Ferrari Sécurité France venant aux droits de SAS Gwinver Fonds et Valeurs SASU la somme de 3 000 euros et à payer à Monsieur [M] [L] la somme de 3 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile, – débouté Malca Amit de ses demandes plus amples ou contraires, condamné SARL Malca-Amit France aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 100,08 € dont 16,47 € de TVA.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 6 février 2021, la société Malca-Amit demande à la cour de :
-Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 19 février 2020 ;
-Et statuant à nouveau :
Vu les demandes de règlement amiables restées vaines,
Vu les demandes de pièces restées vaines à l’encontre des défendeurs
Allouer à la concluante le plus fort de ses précédentes écritures
De manière récapitulative
*Sur l’intervention volontaire de M. [L] :
Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,
*Dire et juger M. [L] irrecevable en son intervention volontaire et infirmer le jugement sur ce point ;
*Subsidiairement et en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu’il déboute M. [L]
*Sur les demandes de la société Malca-Amit :
Infirmer le jugement en ce qu’il déboute la société Malca-Amit de ses demandes
A titre principal,
Vu l’article 1131 du code civil ancien,
*Déclarer le contrat entre la société Malca-Amit et la société Gwinver – et désormais M. [L] – sans cause licite ;
*Déclarer en tout état de cause la somme de 50.000 euros H.T soit 60.000 euros TTC ni payable dès la conclusion du contrat dit de » cessions et de prestations » ni due ;
Vu l’article 1302-1 du Code civil
Déclarer que cette somme a donc à tort et indument été réglée par Malca-Amit
France intégralement le 13 août 2015.
Subsidiairement,
Vu l’article 1134 et 1147 anciens soit les articles 1103, 1193 et 1231-1 (nouveaux) du code civil
Vu l’article 1190 nouveau du code civil,
*Déclarer que la résiliation du contrat dit de » cessions et de prestations » conclu entre la société Malca-Amit et la société Gwinver Fonds Et Valeurs était déjà intervenue dès le 1er décembre et au plus tard le 18 décembre 2015 ;
*La déclarer intervenue aux torts exclusifs de la société Gwinver et non de la société Malca-Amit.
Subsidiairement,
*Juger que la société Gwinver Fonds et Valeurs n’a pas exécuté de bonne foi ses obligations ;
En toute hypothèse,
*Déclarer que la société Gwinver Fonds et Valeurs a engagé sa responsabilité contractuelle pour inexécution fautive et de mauvaise foi des termes de ce contrat dit de » cessions et de prestations « .
*Sur l’appel incident des intimés
*Confirmer le jugement en ce qu’il déboute la société Ferrari Sécurité France et M. [L] de leurs demandes, par ampliation et substitution de motifs. ;
Vu le principe selon lequel nul ne plaide par procureur
Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile
*Déclarer les demandes de la société Ferrari Sécurité France et M. [L] irrecevables ;
En tout état de cause,
Vu l’absence de preuve de faute, comme l’absence de preuve du moindre préjudice comme son lien de causalité
*Débouter les intimés de leur appel incident.
*Et en conséquence de l’un ou l’autre des fondements qui précèdent :
*Ordonner la restitution immédiate et sans plus de délais à la société Malca-Amit, dans les termes du dispositif ci-après, des sommes perçues au titre du contrat léonin ;
*Condamner la société Ferrari Sécurité France à rembourser et payer à la société Malca-Amit de la somme de 60.000 euros en principal majorée des intérêts de droit au taux légal à compter de la première réclamation du 30 décembre 2015 (ou subsidiairement du 13 juin 2017 date de l’assignation) ;
*Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil ;
*Débouter tant la société Ferrari Sécurité France que M. [L] de toutes leurs demandes reconventionnelles ;
*Condamner in solidum la société Ferrari Sécurité France et M. [L] à payer à la société Malca-Amit la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civil et aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 6 novembre 2020, Ferrari et M. [L] demandent à la cour de :
-Débouter la société Malca-Amit France de l’ensemble de ses prétentions et par suite, de son appel ;
-Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
*Dit recevable l’intervention volontaire de M. [L] ;
*Débouté la société Malca-Amit France de l’ensemble de ses prétentions ;
*Et condamné la société Malca-Amit France à payer tant à la société Ferrari Sécurité France qu’à M. [M] [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
-Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau en application notamment des articles 1134 et 1382 anciens du code civil :
*Condamner La société Malca-Amit France à payer à la société Ferrari Sécurité France les sommes de :
*30.000 euros à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice subi par cette dernière du fait de l’inexécution et de l’exécution déloyale du contrat conclu entre les parties le 20 juillet 2015 ;
*10.000 euros pour procédure abusive.
*Condamner la société Malca-Amit France à payer à M. [L] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts réparant les chefs de préjudice personnels que le comportement de l’appelante lui a causé.
-Et y ajoutant,
*Condamner la société Malca-Amit France à payer à la société Ferrari Sécurité France et à M. [L] chacun la somme complémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 juin 2022.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la demande de la société Malca-Amit de nullité du contrat pour dol
L’ancien article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause dispose que » le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. »
La société Malca-Amit reproche à la société Gwinver d’avoir obtenu dès le 10 août 2015 la totalité de la somme de 60.000 euros TTC et a émis le 11 août 2015 une facture qui ne pouvait se justifier sans contrepartie alors que le contrat n’a jamais été exécuté. Elle ajoute que la société Gwinver, au lieu de s’ouvrir loyalement auprès d’elle est restée silencieuse tout en négociant de son côté avec un concurrent, dissimulant ainsi ses réelles intentions.
La société Ferrari venant aux droits de la société Gwinver réplique que la société Malca-Amit qui invoque l’absence de contrepartie ne prouve pas l’existence d’un dol et ses affirmations sont infondées au vu du contrat qui a été signé.
Il est stipulé au contrat signé le 20 Juillet 2015 que les sommes d’argent versées à la société Gwinver sont la contrepartie de prestations d’assistance à accomplir par celle-ci et indemnise l’impact de la perte du marché sur l’ensemble de la structure juridique et sociale de celle-ci.
Dès lors que la société Malca-Amit renonçait à lui confier des opérations de transport de fonds et de valeurs, la société Gwinner devait rechercher de nouveaux clients ou débouchés. La cession des titres de la société était une option qui s’offrait à elle sans que cela constitue une man’uvre frauduleuse. La société Gwinver a cédé ses titres au groupe Ferrari en septembre 2016 soit plus d’un an après la signature du contrat en date du 20 juillet 2015.
Cette obligation pour la société Gwinver de se réorienter sur le plan économique était connue de la société Malca-Amit puisque cela résultait de la cessation des relations entre les parties.
La société Malca-Amit ne caractérise aucune man’uvre frauduleuse de la société Gwinver l’ayant déterminée à contracter.
La demande de la société Malca-Amit de nullité du contrat pour dol sera rejetée.
Sur l’absence de cause du contrat ou la cause illicite
En application de l’article 1131 code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, » L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. »
La société Malca-Amit invoque les manquements et la mauvaise foi de la société Gwinver dans l’exécution du contrat pour en conclure que celui-ci est dépourvu de cause. Cependant l’existence de la cause d’un contrat doit être appréciée au jour de sa conclusion et non au regard de son exécution.
Il résulte du préambule du contrat signé le 20 juillet 2015 que » Malca -Amit souhaite internaliser la prestation confiée à Gwinver par le biais de la création d’une entité juridique dédiée à cette prestation. Compte tenu de l’impact économique et social de la perte de ce contrat par Gwinver, Gwinver et Malca -Amit se sont rapprochées afin de définir les conditions de reprise par le successeur de l’activité aujourd’hui réalisée par Gwinver. »
Il a été prévu à l’article 1 du contrat une assistance à la création du successeur et à l’obtention de l’autorisation de transport de fonds, la reprise du matériel, la reprise du personnel et son coût social et des activités d’accompagnement.
Il est stipulé au contrat qu’en contrepartie de l’assistance à la création du successeur et à l’obtention de l’autorisation de transport de fonds, la société Malca -Amit devra verser à la société Gwinver la somme de 25 000 € hors-taxes.
Le coût de la reprise de trois véhicules a été évalué à 110 000 € à la charge de la société Malca-Amit.
La société Malca-Amit s’engageait à l’article 3 du contrat à reprendre les contrats de travail de six salariés dont l’identité était mentionnée et pour lesquels la société Gwinver garantissait que ces employés soient habilités par le ministre de l’intérieur à effectuer les transports de fonds et de valeurs.
Le transfert de six salariés de la société Gwinver vers la société Malca-Amit pour trois véhicules cédés est conforme à la législation. L’article R 613-30 du code de la sécurité intérieure énonce en effet que : » les bijoux et les métaux précieux sont transportés : 1° soit dans des véhicules blindés dans les conditions prévues au 1° de l’article R. 613-29 ; 2° soit avec un équipage d’au moins deux personnes y compris le conducteur dans des véhicules banalisés dans les conditions prévues aux articles R. 613-39, R. 613-40 et R. 613-41.
Il était stipulé que dans l’hypothèse où les parties convenaient expressément que le transfert de la prestation s’effectuerait sans reprise du personnel par le successeur, aucune indemnisation ne serait versée à la société Gwinver notamment quant au coût de la cessation ou de la modification des contrats de travail.
Il était également prévu dans ce paragraphe lié à la reprise du personnel et à son coût, que la société verserait à la société Gwinver à la signature du contrat la somme de 25 000 € hors-taxes au motif que le transfert de la prestation avait également un impact sur l’ensemble de la structure juridique et sociale de celle-ci.
Le coût des activités d’accompagnement a été fixé pour une période de 24 mois à compter de l’immatriculation du successeur au registre du commerce et des sociétés, à raison de 5000 € hors-taxes par an, payable chaque année d’avance.
Le contrat signé par les parties a un objet qui est l’internalisation au sein de la société Malca -Amit de la prestation de transfert de fonds confiée à la société Gwinver. Ce projet nécessitait de la part de la société Malca -Amit la création d’une nouvelle entité juridique compte tenu de la législation relative aux transferts de fonds et valeurs et l’obtention de la licence l’autorisant à exercer cette activité.
Les parties ont décidé que la société Gwinver accompagnerait dans ses démarches la société Malca -Amit qui reprendrait le personnel et une partie des véhicules de la société Gwinver. Celle-ci serait également indemnisée pour l’impact économique de la perte de ce marché.
Aux termes de l’article 1 du contrat, la société Gwinver s’est engagée à assister la société Malca- Amit quant à la réalisation des dossiers à déposer auprès des autorités administratives compétentes, et des formalités relatives à la création de la structure du successeur. Il était précisé que les parties convenaient que la société Gwinver ne pourrait être tenue pour responsable des éventuels refus de licence et autorisations que pourrait se voir opposer le client. Il était ajouté que la somme de 25 000 € serait due par la société Malca-Amit même si son projet n’aboutissait pas et ce quel qu’en soit la raison.
Cette disposition est régulière dans la mesure où l’obligation de la société Gwinver est de moyen et non de résultat et qu’elle ne peut donc être tenue pour responsable de l’échec des démarches en vue de l’obtention de la licence.
Quant au versement de la seconde somme de 25 000 € dans le paragraphe dédié du transfert de personnel et de son coût, elle doit être analysée comme la contrepartie de la perte de marché de la société Malca-Amit pour la société Gwinver.
La société Malca-Amit s’est engagée à verser à la société Gwinver la somme de 50 000 € HT dès la signature du contrat en contrepartie de prestations d’assistance et à titre d’indemnisation ce qui constitue la cause de la convention, les intérêts de chaque partie étant respectés.
Le contrat a une cause en ce qu’il comporte en faveur de chaque partie des contreparties dont la preuve de leur caractère illicite n’est pas rapportée.
Le fait que les prestations prévues au contrat n’auraient pas été exécutées n’a pas d’effet sur la cause du contrat.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la licéité du contrat.
Sur l’exécution du contrat
L’article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, dispose : » La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ».
Aux termes de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ‘le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.’
Le contrat a été signé le 20 juillet 2015. Le 13 août 2015, un premier point téléphonique avait lieu entre la société Gwinver et la société Malca-Amit ce qui était confirmé par courriel du 14 août 2015 par la société Gwinver qui transmettait à la société Malca-Amit les textes de références correspondant aux problématiques en cours en matière d’exclusivité de l’activité, du stockage des valeurs et du code de déontologie.
La société Gwinver demandait aux termes de ce courriel à la société Malca-Amit de lui transmettre :
– les statuts de la société à créer
– les qualifications des dirigeants
– les conclusions du CNAPS suite au contrôle réalisé en 2014.
Par e-mail du 15 septembre 2015, la société Gwinver détaillait auprès de la société Malca-Amit les différentes étapes pour obtenir l’agrément pour le transport de fonds et de valeurs et demandait la communication de pièces : « Pour déposer le dossier, les documents qui me sont nécessaires sont listés dans le fichier PDF joint (« personne Morale pièces à fournir) ».
Par e-mail du 15 octobre 2015, la société Gwinver indiquait : » suite à notre entretien téléphonique, vous trouverez en pièces jointes des exemples d’agrément, sur trois niveaux, nécessaires pour ouvrir et exploiter une société de transport de fonds en France. »
Par courriel du 30 novembre 2015, la société Gwinver écrivait à la société Malca-Amit : » je fais suite à notre rendez-vous du 25 novembre au cours duquel vous m’avez fait part de la volonté de la société Malka Amit de ne pas créer dans l’immédiat de société pour exercer l’activité de transport de fonds et de valeurs, du fait d’une contrainte de temps et de votre volonté d’acquérir une branche d’activité de Gwinver, voire la société elle-même. »
Il était ensuite exposé les obstacles à cette acquisition.
M. [L], président de la société Gwinver, ajoutait le 01/12 /2015: » je ne suis pas intéressé par la vente de mon entreprise « je préfère en rester au contrat signé fin juillet organisant la fin des prestations de Gwinver pour Malca Amit.
Je vous propose de poursuivre avec vous la constitution du dossier de création de la société de transports de fonds et de valeurs pour lequel je suis en attente des documents administratifs (statuts, kbis, demandes d’agrément auprès du CNAPS). »
Par courriel des 16/12 /2015, M. [L], président de la société Gwinver, rappelait à la société Malca-Amit le projet issu du contrat et l’inertie de celle-ci à fournir les pièces nécessaires à la constitution du dossier pour obtenir l’autorisation administrative de transfert de fonds et valeurs. La société Gwinver rappelait également à la société Malca-Amit les factures de transport demeurées impayées et en sollicitait le paiement. Elle demandait à cette dernière de lui indiquer si elle souhaitait poursuivre son projet d’internaliser les prestations de transport de fonds et de valeurs afin qu’elle puisse s’organiser.
Par courriel du 17/12/2015, M. [L], président de la société Gwinver, en évoquant uniquement le non paiement des factures de transport, s’adressait à M.[W], gérant de la société Malca-Amit et à M.[V] : » je suis donc contraint, compte tenu de vos menaces et dans la mesure où nous n’avons aucune réponse à nos questions et que nos factures échues demeurent impayées, de vous confirmer que nous n’entendons pas poursuivre nos relations commerciales au-delà du 18 décembre prochain. »
M.[W], gérant de la société Malca-Amit répondait par courriel du 18/12/2015 :
« Gwinver est dans les projects de development de MA’. Concernant les factures, elles sont en payement. Comme j’ai déjà dit je suis prêt à vous rencontrer pour discuter des votre doubt et vous rassurer « .
Puis par courrier en date du 29 décembre 2015, la société Malca-Amit adressait à la société Gwinver, une facture de 50.000 euros HT intitulée : « excédent de facturation irrégularité et non respect du contrat du 20.07.2015″.
Par courrier recommandé du 8 janvier 2016, la société Gwinver contestait cette facture et demandait à la société Malca-Amit de l’annuler.
Le contrat du 20 juillet 2015 a été signé par la société Malca-Amit représenté par M. [F] [V], directeur et par la société Gwinver représenté par son président, M. [L].
Il ne peut être reproché à M. [L], qui par l’intermédiaire de la société Gwinver, avait la responsabilité d’accompagner la société Malca-Amit dans ses démarches, d’avoir adressé ses demandes pour la réalisation du contrat à M. [F] [V], directeur. Les courriels, à compter du 30/11/2015, sont également adressés à M.[W], nouveau gérant de la société Malca-Amit.
Les courriels adressés par la société Gwinver à la société Malca-Amit démontrent les différentes propositions qui ont été présentées à cette dernière et les conseils qui lui ont été donnés. Ces courriels font suite à des entretiens téléphoniques ou à des réunions entre les parties.
La société Malca-Amit qui se plaint de n’avoir bénéficié d’aucun accompagnement et d’aucune des prestations prévues au contrat n’en rapporte pas la preuve et notamment des réponses qu’elle a apportées à la société Gwinver quant à ses demandes de pièces. La société Malca-Amit n’établit pas avoir créé une structure pour exercer sa future activité.
Par courriel du 30/11/2015, M.[W], nouveau gérant de la société Malca-Amit indiquait renoncer à créer une nouvelle structure et proposait à M. [L] de racheter les titres de la société Gwinver ce qui ne correspondait plus à l’exécution du contrat signé le 20 juillet 2015.
En renonçant à créer une nouvelle structure et en proposant à M. [L] de racheter les titres de la société Gwinver, la société Malca-Amit notifiait à la société Gwinver sa décision de ne pas exécuter le contrat dans les termes prévus.
Le fait que la société Gwinver ait vendu ses titres à la société Ferrari est sans incidence sur l’exécution du contrat. La société Gwinver, aux termes du contrat, n’a pris aucun engagement de cette nature. La société Malca-Amit, en ne reprenant ni le personnel ni les véhicules de la société Gwinver, dédiés à son activité, contrairement aux engagements pris dans le contrat, a contraint celle-ci à rechercher une autre solution économique.
La société Malca-Amit en ne répondant pas aux demandes réitérées de fourniture de pièces de la société Gwinver afin de permettre l’exécution du contrat, a rendu l’exécution de celui-ci impossible.
Les parties ont prévu à l’article B du contrat intitulé » Investissements de Gwinver » que les sommes versées par la société Malca-Amit à la société Gwinver lui demeuraient acquises même en l’absence de concrétisation du projet pour quelque raison que ce soit.
En l’espèce, le projet n’a pas abouti en raison de l’absence de coopération de la société Malca-Amit et de son incapacité à proposer un interlocuteur à la société Gwinver pour la mise en oeuvre du contrat.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que le contrat était résilié aux torts de la société Malca-Amit et a rejeté la demande de restitution de la somme de 50 000 euros HT soit 60 000€ TTC.
Sur la demande au titre de la répétition de l’indû
L’article 1302-1 du code civil dispose : » Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu. »
Il n’a pas été retenu d’inexécution contractuelle ni de résolution du contrat pour faute imputable à la société Gwinver.
Le contrat a prévu que les sommes versées par la société Malca-Amit à la société Gwinver lui demeuraient acquises.
La demande en restitution de la somme de 60 000 € TTC au titre de la répétition de l’indû sera rejetée.
Sur la demande incidente de la société Ferrari
La société Ferrari qui vient aux droits de la société Gwinver fait valoir que la société Malca-Amit a exécuté, d’une manière particulièrement déloyale, le contrat qui avait été conclu entre les parties, ce qui aurait été pour elle à l’origine d’un manque à gagner, dont il est demandé l’indemnisation à hauteur de la somme de 30.000 euros.
La société Ferrari, qui a acquis les titres de la société Gwinver, ne verse aucune pièce justifiant qu’elle a subi un préjudice du fait de l’inexécution du contrat par la société Malca-Amit. Sa demande sera rejetée.
Sur la demande incidente de M. [L]
Sur la recevabilité de la demande
Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En vertu de l’article 31 du même code, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
M.[L], président de la société Gwinver, a formé une demande de dommages intérêts en invoquant sur le fondement délictuel un préjudice personnel résultant du comportement déloyal de la société Malca-Amit dans l’exécution du contrat du 20 juillet 2015.
M.[L], ayant un intérêt personnel dans l’exécution du contrat du 20 juillet 2015, est recevable à présenter une demande d’indemnisation, étant précisé que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.
Sur le bien-fondé de la demande de dommages intérêts
Pour justifier des difficultés financières de la société Gwinver, il est versé aux débats des courriers adressés par la banque à celle-ci du mois de mars au mois d’octobre 2016 lui notifiant l’impossibilité d’exécuter des prélèvements en l’absence d’une provision suffisante sur le compte.
Le chiffre d’affaires de la société Gwinver, dont les titres ont été acquis par la société Ferrari au mois de septembre 2016, a été le suivant :
2014 : 554.400 euros
2015 : 1 270 800 euros
2016 : 1 378 300 euros
2017 : 2 091 800 euros
M. [L] a fait le choix de vendre en septembre 2016 les titres de la société Gwinver Fonds et Valeurs à la société Ferrari mais ne donne aucun élément sur le prix de la transaction. Il a exercé des fonctions au sein de la société Ferrari jusqu’en avril 2017 afin d’accompagner le transfert de chambre la société qu’il présidait au sein du groupe Ferrari.
Le chiffre d’affaires de la société Gwinver s’est maintenu en 2016 et s’est nettement amélioré en 2017 suite à la cession des titres au groupe Ferrari.
Il n’est donc pas établi que M. [L] a été contraint de céder sa société au groupe Ferrari plutôt que de favoriser la reprise de celle-ci par ses enfants. Il ne démontre pas l’existence de difficultés financières en 2016 résultant de l’inexécution du contrat en date du 20 juillet 2015 ayant généré pour lui un préjudice.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages intérêts.
Sur la demande de dommages-intérêts de la société Ferrari pour procédure abusive
Il résulte de l’article 1240 du code civil, qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.
La société Ferrari qui vient aux droits de la société Gwinver ne caractérise pas le caractère abusif de l’action introduite par la société Malca-Amit. Sa demande de dommages-intérêts de ce chef sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
La société Malca-Amit qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et devra verser à la société Ferrari qui vient aux droits de la société Gwinver Fonds et Valeurs la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Rejette la demande de la société Malca-Amit en restitution de la somme de 60 000 € TTC au titre de la répétition de l’indû,
Rejette la demande de la société Ferrari Securité France en dommages intérêts pour procédure abusive,
Condamne la société Malca-Amit à verser à la société Ferrari Securité France qui vient aux droits de la société Gwinver Fonds et Valeurs la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Malca-Amit aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE