Nullité de contrat : 2 février 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02962

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Nullité de contrat : 2 février 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02962

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /23 DU 02 FEVRIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/02962 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E4OC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 18/00845, en date du 08 octobre 2021,

APPELANTE :

Madame [Z] [R]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3], de nationalité française, exerçant la profession de gérante, domiciliée [Adresse 4]

Représentée par Me Julien MARGUET, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Société coopérative de crédit à capital variable et responsabilité limitée CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU VAL DE MEURTHE,

immatriculé au RCS de NANCY sous le n° D 319 472 072 dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Sandrine AUBRY de la SCP AUBRUN-FRANCOIS AUBRY, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 02 Février 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 02 Février 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Le 26 mars 2014, la Caisse de Crédit Mutuel du Val de Meurthe (ci-après la CCM) a accordé à Mme [Z] [R] un prêt immobilier d’un montant de 77 400 euros pour l’achat d’une maison sise à [Adresse 6], et un crédit-relais d’un montant de 105 000 euros, remboursé suite à la vente de sa maison sise à [Localité 7].

Suivant offre en date du 19 octobre 2014, la CCM a consenti à Mme [Z] [R] un prêt immobilier d’un montant de 179 660 euros remboursable sur une durée de 360 mois selon un taux variable et un taux effectif global de 4,530%, ayant pour objet le financement de sa résidence principale sise à [Adresse 4].

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Par acte d’huissier en date du 1er mars 2018, Mme [Z] [R] a fait assigner la CCM devant le tribunal de grande instance de Nancy afin de voir déchoir le prêteur de son droit aux intérêts (pour absence d’envoi et d’acceptation de l’offre par voie postale et manquement à son devoir de conseil et d’information et à son obligation de mise en garde), et en conséquence, de le voir condamné à lui rembourser les sommes trop-perçues résultant de la substitution du taux légal au taux conventionnel, outre la somme de 161 694 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter.

La CCM a conclu au débouté des demandes et a sollicité la condamnation de Mme [Z] [R] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par jugement en date du 8 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :

– débouté Mme [Z] [R] de sa demande en déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

– dit que la CCM a manqué à son devoir de mise en garde,

– débouté Mme [Z] [R] de sa demande d’indemnisation du préjudice résultant du manquement de la CCM à son devoir de mise en garde,

– condamné les parties aux dépens, chacune pour moitié,

– débouté les parties de leurs demandes indemnitaires fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a retenu que les prescriptions de l’article L. 312-1 du code de la consommation avaient été respectées, en ce que l’offre avait été envoyée par la voie postale le 20 octobre 2014 et avait été acceptée le 31 octobre 2014, tel que figurant à l’acte de prêt litigieux non contesté sur ce point. Il a retenu que la situation de Mme [Z] [R] témoignait d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt litigieux, mais que Mme [Z] [R] ne justifiait pas suffisamment de la perte de chance de ne pas contracter, en ce que les échéances du prêt avaient toujours été honorées, et qu’elle n’avait emprunté de l’argent à sa mère qu’en 2016/2017 et donné mandat de vendre son bien immobilier le 28 février 2019, relevant que la vente du bien immobilier sis à [Localité 5] serait de nature à permettre l’apurement du crédit affecté et un remboursement anticipé partiel du prêt litigieux et/ou un réaménagement des mensualités.

-o0o-

Le 17 décembre 2021, Mme [Z] [R] a formé appel du jugement tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués, hormis l’exécution provisoire.

Dans ses dernières conclusions transmises le 31 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [Z] [R], appelante, demande à la cour sur le fondement des articles L. 111-11, L. 311-9, L. 312-10 et L. 312-33 du code de la consommation, 1134 et 1147 du code civil :

– d’infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy en date du 8 octobre 2021 en ce qu’il a :

* débouté Mme [Z] [R] de sa demande en déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

* débouté Mme [Z] [R] de sa demande d’indemnisation du préjudice résultant du manquement de la CCM à son devoir de mise en garde,

* condamné les parties aux dépens, chacune par moitié,

* débouté les parties de leurs demandes indemnitaires fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

– de déchoir la CCM de son droit à perception des intérêts du prêt en date du 30 octobre 2014,

– de condamner en conséquence la CCM à lui verser le trop perçu provenant de la différence résultant de la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel,

– de condamner la CCM à lui verser la somme de 161 694 euros correspondant à la perte de chance de ne pas contracter,

– de débouter la CCM de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– de condamner la CCM à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

– de condamner la CCM à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

– de condamner la CCM aux entiers frais et dépens tant de première instance qu’à hauteur d’appel.

Au soutien de ses demandes, Mme [Z] [R] fait valoir en substance :

– que la CCM ne justifie pas de l’envoi de l’offre de prêt par voie postale ni de la réception de l’acceptation de l’offre par cette même voie ; que la signature par l’emprunteur d’une offre contenant la reconnaissance standardisée de l’acceptation de l’offre par voie postale inverse la charge de la preuve et que l’acte invoqué ne fait pas foi de la date de l’acceptation de l’offre ; que l’offre de prêt mentionne une réception par Mme [Z] [R] le 19 octobre 2014 et une acceptation le 31 octobre 2014, alors que l’exemplaire de Mme [Z] [R] mentionne une acceptation le 30 octobre 2014 ; qu’il existe une incertitude tant sur la date de réception de l’offre de prêt par Mme [Z] [R] que sur les modalités de remise de son acceptation et la date de celle-ci ; qu’il est impossible de s’assurer des modalités de remise de l’acceptation de l’offre de prêt et donc que le délai de 10 jours aurait été respecté ; que la production de l’enveloppe qui aurait contenu l’acceptation de l’offre à hauteur de cour est insuffisante à établir sa réception par la CCM et l’envoi par Mme [Z] [R] ;

– que la CCM n’a pas respecté son devoir de mise en garde, de conseil et d’information en ce qu’elle lui a accordé un prêt alors que son taux d’endettement était supérieur à 30% (soit 67,59%) de ses revenus évalués à 2 302,16 euros, pour faire face à des charges de 729,32 euros (taxes foncières et taxe habitation, eau et électricité, assurance et échéance du prêt du 26 mars 2014 -227,50 euros-), portées à 1 556,26 euros avec la mensualité du prêt litigieux (826,94 euros) ; que le 15 septembre 2014, la CCM a refusé à Mme [Z] [R] un prêt de 17 000 euros ; que la pension d’invalidité de Mme [Z] [R], perçue à compter de juin 2014, n’avait pas à être intégrée dans le montant des revenus au titre de l’année 2013 ; – que la perte de chance de ne pas contracter doit être évaluée à 90% du montant du prêt ; que les échéances de prêt sont honorées avec le soutien financier de sa famille depuis le 20 octobre 2015, s’agissant de sa mère, et du 28 novembre 2014, s’agissant du compagnon de sa mère, et au détriment des autres créanciers ; que la mise en vente de son bien en 2019 pour un prix de 155 000 euros a été motivée par l’impossibilité de ses proches de continuer à supporter ses charges ; que le but de l’emprunt est de pouvoir acquérir sans être contraint de vendre le bien pour rembourser la banque, et que la vente dudit bien a eu lieu postérieurement à l’ordonnance de clôture ;

– que la CCM ne rapporte pas la preuve d’une faute de Mme [Z] [R] dans le droit d’ester en justice.

Dans ses dernières conclusions transmises le 1er juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CCM, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour sur le fondement des articles L. 312-10 et L. 311-48 du code de la consommation et de l’article 1147 du code civil :

– de déclarer Mme [Z] [R] mal fondée en son appel concernant les demandes formulées à son encontre et de l’en débouter,

– de faire droit à son appel incident et de le déclarer recevable et bien fondé,

– d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 8 octobre 2021 en ce qu’il a estimé qu’elle avait manqué à son devoir de mise en garde,

Statuant à nouveau,

– de débouter Mme [Z] [R] de sa demande tendant à dire qu’il doit y avoir déchéance du droit aux intérêts sur le prêt en raison du non-respect de l’article L. 312-10 du code de la consommation,

– de juger qu’elle n’a pas manqué à ses obligations de conseils et de mise en garde à l’égard de Mme [Z] [R],

– de juger que Mme [Z] [R] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice indemnisable,

– de débouter Mme [Z] [R] de sa demande de condamnation au paiement d’une somme de 161 694 euros au titre de la perte de chance,

– de débouter Mme [Z] [R] de sa demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

– de débouter Mme [Z] [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– de condamner Mme [Z] [R] à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,

– de condamner Mme [Z] [R] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner Mme [Z] [R] aux dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ses demandes, la CCM fait valoir en substance :

– que le prêt litigieux ne présente aucun impayé ;

– que le délai légal de 10 jours entre la réception de la lettre et l’acceptation de l’offre visé à l’article L. 310-10 alinéa 2 du code de la consommation a été respecté ; que l’offre a été émise le 19 octobre 2014 et réceptionnée le 20 octobre 2014, puis acceptée par Mme [Z] [R] le 31 octobre 2014 ; que l’offre produite par Mme [Z] [R] n’est pas celle retournée par celle-ci à la banque (indiquant un envoi et une réception le même jour) ; que l’acceptation de l’offre par Mme [Z] [R] a été retournée au moyen d’une enveloppe oblitérée par la poste de [Localité 3] le 31 octobre 2014, s’agissant de la date qui fait foi ; que l’acte de vente notarié indique que l’achat du bien immobilier est financé par un contrat de prêt en date du 19 octobre 2014 ; que le cachet de la poste n’est qu’un moyen de preuve qui n’entraine pas automatiquement les sanctions prévues ;

– que Mme [Z] [R] ne fait état d’aucun risque d’endettement excessif par rapport à ses capacités financières au moment de l’octroi du prêt ; que lors de la souscription du prêt, elle disposait selon la fiche en date du 18 octobre 2014 d’un revenu de 2 720 euros ( soit 1 192,25 euros de revenu moyen mensuel selon l’avis d’imposition 2014 et 1 020 euros de revenus locatifs) ainsi que d’une pension d’invalidité de 1 080,72 euros par mois, de même que d’un patrimoine constitué de la maison de [Localité 5] (valeur estimée à 150 000 euros avec un capital restant dû de 77 400 euros soit une somme capitalisée de 72 600 euros) et qu’elle disposait d’un revenu locatif complémentaire suite à son emménagement à [Localité 3] (résultant du mandat exclusif de vente du bien immobilier sis à [Localité 5]) et d’une épargne de 16 546,70 euros, pour faire face au remboursement d’un crédit de 446,90 euros ; que les charges de la vie courante ne constituent pas de l’endettement ;

– que Mme [Z] [R] ne démontre pas la perte de chance actuelle et certaine présentant une chance sérieuse et réelle de ne pas contracter et l’existence d’un préjudice indemnisable ; que suite à la vente de la maison de [Localité 5], Mme [Z] [R] dispose d’un capital de plus de 75 000 euros ; que très subsidiairement, le capital restant dû au 15 avril 2022 s’élève à 149 051,80 euros et que la réparation partielle ne pourrait être supérieure à 10 000 euros.

-o0o-

La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la déchéance du droit aux intérêts

L’article L. 312-7 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 dispose que pour les prêts mentionnés à l’article L. 312-2, le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée gratuitement par voie postale à l’emprunteur éventuel ainsi qu’aux cautions déclarées par l’emprunteur lorsqu’il s’agit de personnes physiques.

L’article L. 312-10 du même code pris dans la même rédaction énonce que ‘ l’envoi de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur. L’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. L’acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi. ‘

Or, l’article L. 312-33 du code de la consommation, pris dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que l’inobservation du formalisme prévu en matière d’acceptation de l’offre de prêt immobilier est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, la méconnaissance du délai d’acceptation de dix jours l’étant par la nullité du contrat.

Aussi, l’envoi de l’offre par voie postale, ainsi que son acceptation par la même voie, constituent des formalités substantielles dont la méconnaissance est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur en totalité ou en partie.

Au préalable, il y a lieu de constater que Mme [Z] [R] ne se prévaut pas de la nullité du contrat de prêt pour méconnaissance du délai d’acceptation de dix jours mais indique que la date de réception de l’offre et d’envoi de l’acceptation est incertaine, de sorte qu’il n’est pas possible de vérifier qu’elle a effectivement disposé d’un délai de dix jours entre la réception de l’offre et son acceptation.

Or, la déchéance du droit aux intérêts ne peut être prononcée en raison de la seule méconnaissance du délai de dix jours.

Par ailleurs, Mme [Z] [R] invoque une irrégularité de l’offre ayant pour but de rendre certaine la date de son acceptation.

Or, Mme [Z] [R] ne conteste pas avoir signé le 31 octobre 2014 l’acte notarié d’achat du bien financé comportant en annexe l’offre de prêt produite par la CCM, mentionnant une date de réception de l’offre au 20 octobre 2014 et une date d’acceptation de l’offre au 31 octobre 2014.

En outre, la CCM verse aux débats la copie de l’enveloppe adressée au Crédit Mutuel à [Localité 3] portant un cachet d’expédition de la poste au 31 octobre 2014, conformément aux indications mentionnées à l’offre de prêt figurant en annexe de l’acte notarié d’achat du bien financé.

Aussi, l’acceptation de Mme [Z] [R] a bien été donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi.

Dans ces conditions, Mme [Z] [R] ne peut utilement soutenir qu’il est impossible de s’assurer des modalités de remise de l’acceptation de l’offre de prêt.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur le devoir de mise en garde, de conseil et d’information

L’assujettissement du prêteur à une obligation de mise en garde suppose, d’une part, un risque d’endettement excessif et, d’autre part, que l’emprunteur soit non averti, ces deux conditions cumulatives s’appréciant successivement et dans cet ordre.

Il appartient donc à l’emprunteur qui se prévaut du manquement au devoir de mise en garde, d’établir qu’à l’époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l’accomplissement d’un tel devoir.

Le risque d’endettement excessif s’apprécie au jour de l’octroi du crédit et uniquement au regard des informations qu’il déclare au prêteur, sauf à ce que ce dernier dispose d’informations sur les revenus, le patrimoine et les facultés de remboursement de l’emprunteur que lui-même ignorait.

Aussi, si à la date de la conclusion du contrat, il apparaît que le crédit était adapté aux capacités financières de l’emprunteur et au risque d’endettement né de l’octroi du prêt, le banquier n’est tenu d’aucun devoir de mise en garde.

En l’espèce, il ressort du document intitulé ‘demande de prêt’ paraphé et signé par Mme [Z] [R] le 18 octobre 2014, certifiant l’exactitude des renseignements figurant sur la demande de prêt, les éléments suivants :

– revenus professionnels : 1 630 euros (l’avis d’imposition 2014 comportant la perception de revenus annuels de 14 307 euros),

– revenus locatifs : 817,50 euros,

– échéances du prêt consenti le 24 mars 2014 : 446,90 euros (présentant un capital restant dû de 77 275,79 euros ou 77 400 euros pour un bien financé d’une valeur estimée de 150 000 euros),

– épargne : 16 546,70 euros.

Aussi, il en résulte que Mme [Z] [R] percevant des revenus d’un montant total mensuel de 2 447,50 euros devait faire face, après octroi du prêt litigieux prévoyant le versement d’une échéance mensuelle initiale de 826,94 euros, à des mensualités d’emprunt d’un montant total mensuel de 1 273,84 euros, déterminant un taux d’endettement de 52,05%, tel que mentionné à la fiche de renseignements.

En effet, l’endettement du tiers des ressources de Mme [Z] [R] au jour du contrat correspondait à des charges mensuelles d’emprunt d’un montant total de 807,67 euros (33% de 2 447,50 euros), de sorte que l’octroi du prêt litigieux a représenté un surplus d’échéance de 466,17 euros par mois (1 273,84 – 807,67).

Or, il y a lieu de constater que la somme totale dépassant le taux d’endettement de 33%, soit 167 821,20 euros (466,17 euros x 360 mois), ne pouvait être apurée par la liquidation de l’épargne évaluée à 16 546,70 euros ainsi que par la vente du bien immobilier financé le 26 mars 2014 permettant de disposer d’un capital de 72 600 euros à cette date (après déduction du capital restant dû de 77 400 euros de la valeur estimée de 150 000 euros).

Aussi, il en résulte que la situation de Mme [Z] [R] justifiait l’accomplissement par la CCM d’un devoir de mise en garde, au regard au surplus du caractère non averti de Mme [Z] [R], non contesté.

Or, il est constant que la CCM ne justifie pas de l’exécution de son devoir de mise en garde au bénéfice de Mme [Z] [R], tel que justement retenu par le tribunal.

Le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde, d’information et de conseil consiste en la perte de chance réelle et sérieuse de ne pas contracter, définie comme la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, dont la preuve incombe à l’emprunteur.

Aussi, la perte de chance suppose l’existence de la disparition certaine et actuelle d’une éventualité favorable.

En l’espèce, il est constant que les sommes dues au titre du prêt ne sont pas exigibles, en l’absence de déchéance du terme, dans la mesure où Mme [Z] [R] s’acquitte des échéances contractuelles.

Aussi, la disparition d’une éventualité favorable dont se prévaut Mme [Z] [R] est seulement hypothétique, de sorte qu’elle ne saurait prétendre à une indemnisation.

En effet, elle ne peut résulter de ce que seule l’entraide familiale a eu pour effet d’empêcher la réalisation du risque.

Dans ces conditions, Mme [Z] [R] ne peut utilement prétendre à l’allocation de dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son obligation de mise en garde, d’information et de conseil.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La CCM ne rapporte pas la preuve d’une faute commise par Mme [Z] [R] dans l’exercice de son droit d’ester en justice, qui ne peut résulter du seul rejet partiel de ses prétentions.

Dans ces conditions, la CCM ne peut prétendre à l’allocation de dommages et intérêts à ce titre.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Mme [Z] [R] qui succombe à hauteur de cour sera condamnée au paiement des dépens et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE Mme [Z] [R] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [Z] [R] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en dix pages.

 


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