Nullité de contrat : 3 février 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01030

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Nullité de contrat : 3 février 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01030

2ème Chambre

ARRÊT N° 65

N° RG 20/01030 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QPHL

(3)

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

C/

Mme [L] [E]

Mme [F] [T]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Erwan LECLERCQ

-Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme [R] [X], lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Novembre 2022

ARRÊT :

Rendu par défaut, prononcé publiquement le 03 Février 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de BANQUE SOLFEA

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Laure REINHARD, Plaidant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

Madame [L] [E]

née le 05 Septembre 1959 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Madame [F] [T] es qualités de mandataire liquidateur de la société France Solaire Energie

[Adresse 2]

[Localité 6]

N’ayant pas constitué avocat, assignée par acte d’huissier le 19 mai 2020 à domicile

INTERVENANT :

Monsieur [C] [N]

né en à

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 6]

N’ayant pas constitué avocat, assigné par acte d’huissier le 19 mai 2022 à domicile

EXPOSÉ DU LITIGE :

A la suite d’un démarchage à domicile le 4 mars 2013, Mme [L] [E] a passé commande auprès de la société France Solaire Energies de la fourniture et de la pose d’une installation photovoltaïque pour un montant de 21 900 euros.

Cette opération a été financée en totalité par un prêt consenti le même jour par la société Banque Solfea, aux droits de laquelle se trouve désormais la société BNP Paribas Personal Finance, remboursable en 132 mensualités au taux nominal de 5,60 % l’an.

L’installation a été livrée le 10 avril 2013 . La mise en service est intervenue le 29 juin 2015.

Prétendant que le bon de commande était irrégulier, que la rentabilité promise par le fournisseur n’avait pu être atteinte et que le coût du crédit ne pouvait être financé par la revente d’électricité, Mme [E] a, par acte d’huissier en date du 11 avril 2017, fait assigner devant le tribunal d’instance de Dinan, la société France Solaire Energies et la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea, en nullité des contrats de vente et de prêt.

La société France Solaire Energie ayant été mise en liquidation par jugement du tribunal de commerce d’Evry le 20 juillet 2015, une assignation a été délivrée à Maître [T], mandataire judiciaire de la société France Solaire Energies. L’affaire a fait l’objet d’une radiation pour défaut de diligence des parties le 23 novembre 2017 puis a été remise au rôle le 19 juin 2019 et appelée à l’audience du 24 octobre 2019.

Par jugement en date du 31 décembre 2019, le tribunal a :

– déclaré Mme [E] recevable et bien fondée en son action diligentée à l’encontre de la société BNP Paribas Personal Finance et de Maître [T], ès qualités de mandataire liquidateur de la société France Solaire Energies,

– prononcé l’annulation du contrat conclu entre Mme [E] et la société France Solaire Energies le 4 mars 2013 et du contrat de prêt souscrit concomitamment auprès de la société Banque Solféa par cette dernière,

– dit que Mme [E] devra laisser à la disposition de Maître [T], ès qualités de mandataire liquidateur, le matériel installé, si ce dernier en fait la demande, dans le délai de deux mois suivant la signification du jugement,

– dit que dans cette hypothèse les frais de dépose de cette installation seront à la charge de la société France Solaire Energies,

– dit qu’en l’absence de réclamation de la part du mandataire, Mme [E] pourra disposer librement de l’installation,

– débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement des fonds empruntés par Mme [E], versés à la société France Solaire Energies en vue du financement du contrat de fourniture et d’installation de la centrale photovoltaïque signé le 4 mars 2013,

– condamné la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à Mme [E] la somme de 16 322,67 euros correspondant aux 63 mensualités d’un montant de 259,09 euros,

– condamné la société BNP Paribas Personal Finance à verser à Mme [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [E] de ses autres demandes,

– ordonné l’exécution provisoire,

– dit que la société BNP Paribas Personal Finance supportera la charge des dépens de l’instance et de ses frais irrépétibles,

– dit que le jugement est opposable à Maitre [T], ès qualités de mandataire liquidateur de la société France Solaire Energies.

Par déclaration en date du 12 février 2020, la société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de cette décision.

Par assignation en date du 19 mai 2022, la société BNP Paribas Personal Finance a fait appeler à la procédure Maître [C] [N], mandataire ad hoc, désigné par le jugement de clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société France Solaire Energie.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 mai 2022, elle demande à la cour de :

– dire et juger recevable son appel à l’encontre du jugement rendu le 31 décembre 2019 par le tribunal d’instance de Dinan,

– réformer cette décision en ce que le tribunal a prononcé l’annulation des contrats et retenu l’existence d’une faute du prêteur de nature à le priver de son droit à restitution du capital prêté,

Statuant à nouveau,

– dire et juger n’y avoir lieu à prononcer la nullité du contrat principal,

– dire et juger n’y avoir lieu à prononcer la nullité du contrat de crédit affecté,

Par conséquent,

-débouter Mme [E] de l’intégralité de ses demandes,

subsidiairement, dans le cas où la cour prononcerait l’annulation des contrats,

-dire et juger que BNP Paribas Personal Finance n’a commis aucune faute,

– dire et juger que Mme [E] ne justifie pas de l’existence d’un préjudice actuel et certain et d’un lien de causalité à l’égard du prêteur,

Par conséquent,

– condamner Mme [L] [E] à rembourser à BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Banque Solféa à la somme de 21 900 euros correspondant au montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,

– débouter Mme [E] de toute autre demande, fin ou prétention,

– confirmer la décision entreprise pour le surplus,

En tout état de cause,

– condamner Mme [E] à porter et payer à BNP Paribas Personal Finance une indemnité à hauteur de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 7septembre 2022, Mme [E] demande à la cour :

Vu les articles L. 111-1, L. 311-1, L.311-6, L. 311-8, L. 311-13, L. 311-32, L. 311-35, L. 312-2, L. 312-7, L. 312-11, L. 312-33, L.313-1, L. 313-3 à L. 313-5 et D. 311-4-3 do code de la consommation,

Vu les articles L. 121-21, L. 121-23 à L. 121-26 et R. 121-5 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au cas d’espèce,

Vu les articles L. 421-1 à L. 421-5 et L. 480- 4 du code d’urbanisme,

Vu les articles L. 313-5-1, L. 519-1 et L. 546-1 du code monétaire et financier,

Vu l’article 512-1 du code des assurances,

Vu les articles 1109,1116,1710 et 1792 du code civil,

Vu les articles 11,515 et 700 du code de procédure civile,

Rejetant l’appel de la société BNP Paribas Personal Finance, le disant mal fondé,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– déclaré Mme [E] recevable et bien fondée en son action diligentée à l’encontre de la société BNP Paribas Personal Finance et de Maître [T], ès qualités de mandataire liquidateur de la société France Solaire Energies,

prononcé l’annulation du contrat conclu entre Mme [E] et la société France Solaire Energies le 4 mars 2013 et du contrat de prêt souscrit concomitamment auprès de la société Banque Solfea par cette dernière,

– débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement des fonds empruntés par Mme [E], versés à la société France Solaire Energies en vue du financement du contrat de fourniture et d’installation de la centrale photovoltaïque signé le 4 mars 2013,

condamné la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à Mme [E] la somme de 16 322,67 euros correspondant aux 63 mensualités d’un montant de 259,09 euros,

condamné la société BNP Paribas Personal Finance à verser à Mme [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

dit que la société BNP Paribas Personal Finance supportera la charge des dépens de l’instance et de ses frais irrépétibles,

dit que le jugement est opposable à Maitre [T], ès qualités de mandataire liquidateur de la société France Solaire Energies,

Recevant Mme [E] en son appel incident et y faisant droit,

– infirmer le jugement du tribunal d’instance de Dinan en ce qu’il a débouté Mme [E] de sa demande relative à la remise en état de la toiture et de ses demandes de dommages-intérêts,

Et statuant de nouveau de ces chefs,

– condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Solféa à verser à Mme [E] la somme de :

4 554 euros sauf à parfaire, au titre de la remise en état de la toiture,

3 000 euros au titre de son préjudice financier et du trouble de jouissance,

3 000 euros au titre de son préjudice,

à titre subsidiaire,

– condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Solfea à verser à Mme [E], la somme de 10 950 euros à titre de dommages et intérêts, du fait de la négligence fautive de la banque,

– prononcer la déchéance du droit de la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Solféa aux intérêts du crédit affecté,

En tout état de cause,

– condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Solfea à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires.

Ni Mme [T], ès-qualités de liquidateur de la société France Solaire Energies à laquelle la société BNP Paribas Personal Finance a signifié ses premières conclusions d’appel, ni M. [N], ès-qualités de mandataire ad hoc de la société France Solaire Energies, n’ont constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par l’appelante et Mme [E], l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 22 septembre 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la nullité du contrat principal :

Aux termes de l’article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion du contrat litigieux, les ventes et fournitures de services conclues à l’occasion d’un démarchage au domicile d’une personne physique doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

– les noms du fournisseur et du démarcheur,

– la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,

– les conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services,

– le prix global à payer, les modalités de paiement et, en cas de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur ce type de vente,

– la faculté de renonciation ouverte au client ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

En outre, l’article L. 121-24 du code de la consommation précise que le contrat doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de cette faculté de renonciation et contenant les mentions décrites aux articles R. 121-3 à R. 121-6 de ce code, tous les exemplaires du contrat devant être signés et datés de la main même du client.

Enfin, selon l’article R. 121-4, le formulaire détachable de rétractation doit comporter, sur une face, l’adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé, et, sur son autre face, les mentions prévues à l’article R. 121-5 qui impose notamment l’indication de façon très lisible de la mention ‘l’envoyer par lettre recommandée avec avis de réception’ soulignée ou en caractères gras, ainsi que l’indication que le courrier doit être adressé à l’adresse figurant au dos.

En l’occurrence, Mme [E] se plaint à tort de ce que le bon de commande ne mentionne pas le prix de détail de chacun des éléments fournis, le texte précité n’imposant au contraire, à peine de nullité, que la seule mention du prix global.

En outre, si le bon de commande ne mentionne pas complètement les caractéristiques du crédit affecté à la vente puisque font défaut l’indication du taux nominal et du coût global du crédit, il est constant que Mme [E] a régularisé le même jour et au cours d’une opération de démarchage unique, une offre de crédit qui mentionnait ces éléments, de sorte que la nullité n’est pas davantage encourue de ce chef.

Par ailleurs, l’obligation de visibilité des termes du contrat, à savoir la rédaction en caractères dont la taille ne peut être inférieure à celle du corps huit ne concerne que les contrats de prêt de sorte que la taille des caractères utilisée pour la rédaction des conditions générales de vente ne peut entraîner la nullité du contrat.

Enfin, rien ne démontre que, contrairement à ce que Mme [E] soutient, le démarcheur n’ait été identifié que par son prénom ‘[U]’, celui-ci pouvant tout aussi bien être le nom patronymique de celui-ci.

En revanche, il est exact que le bon de commande n’indique pas la marque des panneaux photovoltaïques, caractéristique essentielle du bien vendu. En effet, s’agissant d’une installation à haut niveau de développement technologique destinée à produire de l’énergie, la marque, dont la fonction est de garantir l’origine d’un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix tenant compte de la technologie mise en ‘uvre durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.

De même, les modalités de pose, en intégration au bâti ou en applique à la couverture existante, ne sont pas précisées, alors que le vendeur doit faire connaître à l’acheteur les caractéristiques de la prestation de service accessoire de pose proposée, notamment les procédés mis en oeuvre pour assurer l’étanchéité de la toiture. Il n’y a par contre aucune obligation pour le vendeur d’indiquer l’orientation des panneaux.

Il sera également constaté qu’aucune mention ne figure sur le bon de commande quant au délai de livraison et d’exécution des travaux, l’indication d’un délai butoir de 200 jours stipulé dans les conditions générales ne peut être considérée comme satisfaisant à l’obligation du vendeur ou du prestataire de s’engager sur un délai précis de livraison et d’exécution de la prestation accessoire de pose.

Enfin, il est exact que le bordereau de rétractation figure au verso du document et ne peut être détaché de l’acte sans altérer celui-ci relativement à des éléments essentiels comme la date et les signatures des parties, et, de surcroît, l’indication de la mention ‘l’envoyer par lettre recommandée avec avis de réception’ n’est ni soulignée, ni écrite en caractères gras.

La société BNP Paribas Personal Finance soutient que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que l’emprunteur aurait renoncé à invoquer en acceptant de signer l’attestation de fin de travaux caractérisant sa volonté de les recevoir.

Mais, la confirmation d’une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d’un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l’obligation et l’intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l’époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.

Or, en l’occurrence, si les dispositions de l’article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause étaient reproduites au verso du bon de commande et qu’il était ainsi porté à la connaissance de Mme [E] que celui-ci devait comporter, à peine de nullité, la désignation précise de la nature et des caractéristiques des panneaux photovoltaïques et de la prestation accessoire d’installation du matériel commandé, de même que l’indication du délai de livraison et d’installation, les dispositions de l’article R. 121-3 exigeant que le formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de la faculté de rétractation du consommateur doit faire partie de l’exemplaire du contrat laissé au client et en être aisément séparé n’étaient en revanche pas reproduites.

Dès lors, rien ne démontre que Mme [E] avait connaissance de ce vice du bon de commande lorsqu’elle a laissé la société France Solaires Energies intervenir à son domicile pour y réaliser les travaux et lorsqu’elle a signé le certificat de livraison en attestant que la livraison des biens commandés et la prestation de service avaient été réalisées, puis effectué les diligences nécessaires au raccordement au réseau et régularisé un contrat de rachat de l’électricité produite.

Il n’est donc pas établi qu’elle ait, en pleine connaissance de l’irrégularité de ce contrat de vente affectant le bordereau de rétractation, entendu renoncer à la nullité en résultant et qu’elle aurait de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du bon de commande.

Sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres motifs de nullité invoqués, le tribunal sera donc approuvé pour avoir prononcé l’annulation du contrat conclu entre Mme [E] et la société France Solaires Energies le 4 mars 2013.

Sur la nullité du contrat de prêt :

Aux termes des dispositions de l’article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Il n’est pas contesté que le crédit consenti par la société Solféa est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.

En raison de l’interdépendance des deux contrats, l’annulation du contrat principal conclu avec la société France Solaire Energies emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la société Solféa.

La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu’elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d’autre.

À cet égard, Mme [E] demande à la cour de condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui restituer les mensualités de remboursement honorées et de la dispenser de rembourser le capital prêté, en faisant valoir que le prêteur se serait rendu complice de manoeuvres dolosives de la société France Solaire Energies et fautivement dessaisi des fonds en faveur de la société France Solaires Energies, sans vérifier la régularité formelle du bon de commande et l’exécution complète de l’installation, le raccordement au réseau en vue de la revente de l’électricité produite n’ayant été réalisé que postérieurement.

La société BNP Paribas Personal Finance fait, quant à elle, valoir que la société Solféa s’est, sans commettre de faute, dessaisie des fonds au vue d’un certificat de livraison par lequel l’emprunteur lui donnait l’ordre de le faire, qu’elle n’avait pas à répondre de la faute du vendeur lors de l’établissement d’un bon de commande irrégulier et que, l’installation ayant été mise en service, il ne serait résulter aucun préjudice de ses prétendues fautes.

Mme [E] allègue par de pures conjectures, et sans en rapporter la preuve, que le prêteur aurait été complices de manoeuvres dolosives du fournisseur, la circonstance que la société Solféa faisait placer ses crédits par l’intermédiaire de celui-ci ne suffisant pas à démontrer qu’il ait pu avoir connaissance de ‘mécanismes douteux de conclusions des contrats’ ou de la prétendue insuffisance de performance de ses installations. Il n’est pas davantage établi que la société BNP Paribas Personal Finance ait eu connaissance de la plaquette publicitaire présentée par la société France Solaire Energies ni les moyens de s’assurer de l’exactitude de son contenu.

En revanche, il est de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu’il libère la totalité des fonds, alors qu’à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande conclu avec la société France Solaire Energies, par l’intermédiaire de laquelle la société Solféa faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes et non couvertes par une confirmation intégrale de l’acte nul, qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas libérer les fonds entre les mains du fournisseur.

Au surplus, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu’il libère la totalité des fonds, alors que l’attestation de livraison au vu de laquelle il se libère ne lui permet pas de s’assurer de l’exécution complète du contrat principal.

Or, en l’espèce, il sera observé que l’attestation de fin de travaux dont la société BNP Paribas Personal Finance se prévaut pour justifier le versement des fonds entre les mains du fournisseur présentait un caractère pour le moins équivoque et contradictoire, dans la mesure où, si son signataire attestait que les travaux ‘objets du financement’ ne couvraient pas ‘le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles’, il ressortait pourtant du bon de commande que la société France Solaire Energies s’était engagée à réaliser l’ensemble des démarches administratives et commerciales pour mettre en service l’installation en vue de la revente de l’électricité produite.

Pourtant, au moment du déblocage des fonds en date du 10 avril 2013, le raccordement n’était pas effectué, l’installation n’ayant été mise en service que le 29 juin 2015 sur les démarches de Mme [E] qui a payé une partie des frais de raccordement.

Le prêteur n’avait certes pas à assister l’emprunteur lors de la conclusion et de l’exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d’une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande et les lacunes de l’attestation de fin de travaux avant de se dessaisir du capital prêté.

Il en résulte qu’en versant les fonds entre les mains du fournisseur, au seul vu de cette attestation incomplète et équivoque, et sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle et l’exécution complète du contrat principal, la société Solféa a commis des fautes susceptibles de la priver du droit d’obtenir le remboursement du capital emprunté.

Cependant, Mme [E] ne saurait obtenir une dispense de remboursement du capital emprunté que pour autant que ces fautes lui ont causé un préjudice. Or, l’installation, réalisée en avril 2013, a été raccordée au réseau en juin 2015 et il n’est pas contesté qu’elle produit de l’électricité rachetée par EDF en vertu d’un contrat régularisé le 7 novembre 2015.

Dès lors, rien ne démontre que la seule cause de nullité non ratifiée du bon de commande affectant le bordereau de rétractation et le déblocage prématuré des fonds aient pu causer un préjudice à Mme [E], qui bénéficie en définitive d’une installation mise en service, raccordée au réseau et produisant de l’électricité revendue à EDF depuis plus de sept ans, au-delà de la perte des frais de raccordement promis par la société France Solaire Energies pour un montant de 933,20 euros.

Il n’y a lieu de la dispenser de rembourser le capital emprunté, que dans la limite de 933,20 euros.

Et, pour les mêmes motifs, la demande subsidiaire en paiement de la somme de 10 950 euros à titre de dommages-intérêts et de compensation avec la créance de restitution de la société BNP Paribas Personal Finance sera rejetée.

Il s’en évince que Mme [E] sera condamnée à restituer le capital prêté de 20 966,80 euros (21 900 – 933,20), sauf à déduire les sommes versées au prêteur au cours de l’exécution du contrat de prêt annulé.

Sur les autres demandes :

La demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts est devenue sans objet, dès lors que le contrat de prêt a été annulé et que Mme [E] n’est en conséquence plus tenue qu’au remboursement du seul capital.

En outre, les demandes en paiement de dommages-intérêts formées contre la société BNP Paribas Personal Finance pour préjudices moral, financier et de jouissance seront rejetées, faute de preuve de l’existence de tels préjudices et de leur lien causal avec les fautes du prêteur.

De même, la demande de condamnation de la BNP Paribas Personal Finance au paiement du coût de dépose de l’installation et de remise en état de la toiture sera rejetée, dès lors que, tiers au contrat principal, le prêteur ne saurait se voir imputer les conséquences dommageables de l’exécution de sa prestation par le fournisseur.

Enfin, il n’y a pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 31 décembre 2019 par le tribunal d’instance de Dinan en ce qu’il a débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de restitution du capital emprunter,

Condamne Mme [L] [E] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 20 96,680 euros au titre de la restitution du capital emprunté,

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens d’appel,

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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