Nullité de contrat : 9 février 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05333

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Nullité de contrat : 9 février 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05333

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 09/02/2023

N° de MINUTE : 23/166

N° RG 21/05333 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T457

Jugement (N° 20-000713) rendu le 13 Septembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Lille

APPELANTS

Monsieur [L] [P]

né le [Date naissance 1] 1956 à Madagascar – de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Madame [X] [T] épouse [P]

née le [Date naissance 3] 1958 à Madagascar – de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Laura Mahieu, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Maître [C] [Z] [K] ès qualité de « Mandataire liquidateur » de la SASU « EC LOG »

de nationalité Française

[Adresse 7]

Défaillant, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 15 décembre 2021 par acte remis à domicile

Sa Bnp Paribas Personal Finance agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 07 décembre 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 février 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 23 novembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

Le 6 décembre 2017, dans le cadre d’un démarchage à domicile M. [L] [P] a contracté auprès de la société ECLOG une prestation relative à l’installation d’un système photovoltaïque pour un montant TTC de 21 000 euros, suivant bon de commande n° 6295, ainsi qu’une prestation relative à l’isolation d’une surface de 50 m2 pour un montant TTC de 3 700 euros suivant bon de commande n° 6459.

Le même jour, M. [P] a souscrit une offre préalable de crédit auprès de la société BNP Paribas Personal Finance, affecté à la réalisation d’une prestation de ‘solaire’ d’un montant de 21 000 euros, ainsi qu’une offre préalable de crédit d’un montant de 3 700 euros affecté à la prestation ‘ISO’, chacune remboursable en 180 mensualités, incluant les intérêts au taux nominal de 4,80 %.

La société ECLOG a été placée en liquidation judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce Bobigny le 24 juin 2020, Me [C] [Z] [K] ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par actes d’huissier délivré 20 et 21 février 2021, M. [P] et Mme [T] ont fait assigner la société ECLOG et la société BNP Paribas Personal Finance en justice aux fins de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté. Par acte d’huissier délivré le 1er juin 2021, M. [P] et Mme [T] ont fait assigner en intervention forcée Me [C] [Z] [K] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ECLOG.

Par jugement réputé contradictoire en date du 13 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :

– ordonné la jonction des dossiers n° 11 20-713 et 11 21-1668 sous le n° 11 20-713,

– débouté M. [P] et Mme [T] de l’ensemble de leurs demandes,

– débouté la société BNP Paribas Personal Finance du surplus de ses demandes,

– condamné in solidum M. [P] et Mme [T] aux dépens,

– condamné in solidum M. [P] et Mme [T] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonne l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 18 octobre 2021, M. [P] et Mme [T] ont relevé appel de l’ensemble des chefs du jugement à l’exception de celui ayant débouté la société BNP Paribas Personal Finance du surplus de ses demandes.

Par actes d’huissier délivrés le 15 décembre 2021 à Me [Z] [K] et le 16 décembre 2021 à la société BNP Paribas Personal Finance, à personne morale, M. [P] et Mme [T] ont signifié leur déclaration d’appel et conclusions d’appelants.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 11 janvier 2022, et signifiées à Me [Z] [K] ès qualité de liquidateur de la société ECLOG par acte d’huissier délivré à personne morale le 14 janvier 2022, ils demandent à la cour de :

Vu les articles L.111-1, L.111-4, L.111-7, L.113-3, L.311-1 9°, L.311-32 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable aux faits d’espèce,

vu les articles 1116 et suivants du code civil dans leur version applicable aux faits d’espèce,

vu l’article 700 du code de procédure civile,

– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 21 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

à titre principal :

– dire et juger nul les contrats principaux en date du 6 décembre 2017 conclus avec la société ECLOG en raison de la nullité des bons de commande,

subsidiairement,

– dire et juger nul le contrat principal en date du 20 août 2015 conclu avec la société ECLOG sur le fondement du dol,

en tout état de cause,

– ordonner la résolution des contrats de crédit affectés conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance,

– dire et juger que la société BNP Paribas Personal finance a commis des fautes la privant de son droit à restitution du capital prêté,

– condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur rembourser les échéances déjà versées du crédit,

– fixer au passif de la société ECLOG la somme de 24 700 euros en principal,

– condamner solidairement la société ECLOG et la société BNP Paribas Personal Finance à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice subi en raison de la perte de chance de ne pas contracter de tels contrats,

– condamner la société BNP Paribas Personal Finance au paiement de la somme de 5 000 euros au titre du préjudice subi en raison de la perte de chance de ne pas contracter de tel contrats ; subsidiairement, dire et juger que les appelants n’ont pas à justifier d’un préjudice en l’état,

– condamner solidairement les intimés à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de première instance, et la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code d’appel, outre les entiers frais et dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2022, et signifiées à Me [Z] [K] ès qualité de liquidateur de la société ECLOG par acte d’huissier délivré à personne morale le 12 avril 2022, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

Vu les articles L.311-32 et L.311-33 du code de la consommation dans leur version applicable à la cause, 1108, 1134, 1338 et 1353 du code civil dans leur version applicable à la cause, 9 du code de procédure civile,

à titre principal,

– confirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille du 13 septembre 2021 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’il a débouté M. [P] et Mme [T] de l’ensemble de leurs demandes,

– débouter M. [P] et Mme [T] de l’intégralité de leurs demandes,

– dire et juger que les deux bons de commande régularisés respectent les dispositions des articles L.221-5 et suivants du code de la consommation,

– à défaut, dire et juger que M. [P] a amplement manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des prétendus vices l’affectant sur le fondement des article L.221-5 et suivants du code de la consommation et ce, en toute connaissances des dispositions applicables,

– constater la carence probatoire de M. [P] et Mme [T],

– dire et juger que les conditions d’annulation des deux contrats principaux sur le fondement d’un prétendu dol ne sont pas réunies et qu’en conséquence les contrats de crédits affectés ne sont pas annulés,

– en conséquence, ordonner à M. [P] de poursuivre le règlement des échéances du prêt conformément aux stipulations des contrats de crédits affectés du 6 décembre 2017 et ce, jusqu’à parfait paiement,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour estimait devoir réformer le jugement entrepris et prononcer l’annulation des contrats principaux de vente conclu le 6 décembre 2017 entraînant l’annulation des contrats de crédits affectés,

– constater, dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l’octroi du crédit,

– par conséquent, condamner M. [P] à lui rembourser le montant du capital prêté au titre des deux contrats de crédits affectés litigieux déduction fait des échéances d’ores et déjà acquittées,

à titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour considérait qu’elle a commis une faute dans le déblocage des fonds,

– dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant la créance de la banque,

– constater que M. [P] et Mme [T] ne contestent absolument pas dans le corps de leurs conclusions que les panneaux photovoltaïques commandés ont bien été livrés et installés à leur domicile par la société ECLOG, que l’installation a été dûment mise en service et que l’installation est parfaitement opérationnelle,

– constater, dire et juger que M. [P] et Mme [T] conserveront l’installation des biens qui ont été livrés et posés à leur domicile par la société ECLOG (puisque ladite société est désormais en liquidation judiciaire de sorte qu’elle ne se présentera jamais au domicile de M. [P] pour récupérer les produits qui lui ont été livrés et installés) et que les époux [P] ne justifient absolument pas d’un quelconque dysfonctionnement qui affecterait les matériels livrés et installés à leur domicile et qui serait de nature à les rendre impropres à leur destination,

– par conséquent, dire et juger que l’établissement financier prêteur ne saurait être privé de la totalité sa créance de restitution, compte tenu de l’absence de préjudice avéré,

– par conséquent, dire et juge qu’elle ne saurait être privée de sa créance de restitution, compte tenu de l’absence de préjudice avéré pour M. [P] et Mme [T],

– par conséquent, condamner M. [P] à rembourser le montant du capital prêté au titre des contrats de crédits affectés, déduction faite des échéances d’ores et déjà acquittées,

– à défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par M. [P] et Mme [T] et condamner à tout le moins M. [P] à restituer une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté,

en tout état de cause, débouter M. [P] et Mme [T] de leur demande en paiement de dommages et intérêts tels que formulée à son encontre en l’absence de faute imputable au prêteur et à défaut de justifier de la réalité du sérieux d’un quelconque préjudice,

– condamner solidairement M. [P] et Mme [T] à lui payer la somme de 1 500 euros en application au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum, M. [P] et Mme [T] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d’appel dont distraction profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure

Me [C] [Z] [K] ès qualité de liquidateur n’a pas constitué avocat, ni conclu.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2022, et l’affaire fixée pour être plaidé au 7 décembre 2022.

MOTIFS

Sur la nullité des bons de commande

Le contrat de vente ayant été conclu le 6 décembre 2017, il sera fait application des dispositions du code de la consommation dans leur version issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

En vertu des articles L.221-9 et L.221-29 du code de la consommation, les contrats hors établissement doivent faire l’objet d’un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat. Il comprend toutes les informations prévues par l’article L.221-5. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L.221-5.

Selon l’article L.221-5 du code de la consommation ‘Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L.221-25 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat. (…)’

Selon l’article L.111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,

2° le prix du bien ou du service en application de l’article L.112-1 à L.112-4,

3° en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;

5° s’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique, et le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles ;

6° la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre 1er du livre VI. (…)’

En vertu de l’article L.242-1du code de la consommation, les dispositions de l’article L.221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l’espèce, le contrat de vente litigieux n° 6295 porte sur la fourniture et la pose de 15 panneaux solaires de marque Soluxtec d’une puissance unitaire de 300 Wc. et d’une puissance globale de 4 500 Wc pour la revente à EDF, et prévoit que l’ensemble des démarches administratives auprès de la société ENDIS et de raccordement sont à la charge de la société ECLOG. Le second bon de commande n° 6459 porte sur une prestation d’isolation de 50 m2.

La nature complexe des opérations contractuelles en question implique que soient précisées les caractéristiques essentielles des biens et prestations offerts à la vente. Faute de telles précisions, le consommateur ne sera pas en mesure de procéder – comme il peut légitimement en ressentir la nécessité – à une comparaison entre diverses offres de même nature proposées sur le marché.

Or, le bon de commande n° 6295 est manifestement entâché d’irrégularités en ce que, comme l’a relevé le premier juge, seul figure le coût global de l’installation sans distinguer le coût des divers matériels et de la main d’oeuvre, empêchant le consommateur de faire des comparaisons entre diverses offres de même nature, et alors que des emplacements ‘Fourniture’, et ‘Pose’ sont pourtant expressément prévus au contrat, mais n’ont pas été complétés par la société venderesse.

S’agissant du bon de commande relatif à la prestation d’isolation de 50 m2 n° 6459, il ne contient strictement aucune précision sur les caractéristiques essentielles de l’isolation, à savoir sur le type d’isolation (isolation au sol, sous toiture, en toiture par l’extérieur, Thermique ITE, sur la méthode d’isolation (laine de verre, laine de roche, ouate de cellulose, mousse de Polyuréthane, isolant mince réfléchissant), ni sur sa résistance thermique, alors que des emplacements pour ces descriptifs sont prévus au contrat.

En outre, pour les deux contrats de vente, les délais de livraison ne sont pas mentionnés de manière claire puisqu’il est indiqué un délai de 120 jours à compter de la signature du bon de commande au recto des bons de commande et de 60 jours au verso, aucun calendrier précis d’exécution des travaux et des démarches à accomplir jusqu’à la mise sa service de l’installation n’étant précisé au consommateur.

Il suit que celui-ci n’a pas été suffisamment informé sur les prestations qu’il entendait obtenir dans le cadre des contrats litigieux, en sorte que les bons de commande ne satisfont pas aux exigences protectrices du consommateur résultant des dispositions précitées du code de la consommation.

Il apparaît ainsi que le contrats principaux étaient affectés d’irrégularités que le prêteur ne pouvait ignorer en sa qualité professionnel dispensateur de crédits affectés dans le domaine des installations photovoltaïques.

Le premier juge a toutefois retenu que M. [P] avait confirmé la nullité des contrats en les exécutant sans réserve, en application de l’article 1182 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l’acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l’article 1182 du code civil que la confirmation tacite d’un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l’affectant et qu’il ait eu l’intention de le réparer.

La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit, dès lors que la confirmation d’une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d’un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l’obligation et l’intention de le réparer, être caractérisée par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.

Il ressort de l’examen des bons de commande versé aux débats que si les dispositions de l’article 111-1 du code de la consommation sont reproduites, elles figurent parmi de longues conditions générales écrites en tout petits caractères pratiquement illisibles, et les autres dispositions mentionnés ne sont pas celles issues de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 applicable à la date de conclusion des contrats.

En tout état de cause, le rappel de ces dispositions ne sauraient suffire à établir que l’acquéreur a agi en toute connaissance de cause et renoncé à invoquer les vices de forme du contrat de vente alors que, pour que la confirmation soit valable, il faut que son auteur ait pris conscience de la cause de nullité qui affecte l’acte et que la connaissance certaine de ce vice ne peut résulter, pour un consommateur profane, du seul rappel des dispositions du code de la consommation.

Il en résulte que faute pour M. [P] d’avoir eu connaissance des vices affectant le bon de commande, aucun de ses agissements postérieurs ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de l’obligation entâchée de nullité.

Dès lors, ni l’écoulement du délai de rétractation, ni l’absence de protestation lors de la livraison et de la pose des matériels commandés, ni la signature par le consommateur d’une attestation de fin de travaux, ni le versement des fonds par le prêteur, ni l’acceptation des démarches de raccordement, ni la signature du contrat d’énergie, ni le paiement des échéances du crédit, ne sauraient constituer à cet égard des circonstances de nature à caractériser une telle connaissance et une telle intention de la part de l’acquéreur et ne peuvent donc couvrir la nullité relative encourue, ce d’autant plus qu’en l’espèce, le consommateurs a entamé des démarches pour dénoncer les contrats de vente et de crédit affectés en saisissant l’association UFC Que choisir.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a estimé que M. [P] a confirmé la nullité du contrat de vente.

La nullité des contrats de vente litigieux est en conséquence prononcée.

Après avoir été relevé de la forclusion par ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Bobigny en date du 15 décembre 2020, M. [P] a déclaré sa créance au passif de la société ECLOG entre les mains de Me [Z] [K] le 3 janvier 2020 à hauteur de 24 700 euros en principal.

Il y a donc lieu de fixer la créance de restitution de M. [P] à hauteur de 24 700 euros au passif de la société ECLOG.

Sur la nullité du contrat de crédit accessoire

En application de l’article L.312-55 du code de la consommation, qui dispose que le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé, il convient de constater la nullité du contrat de crédit.

Sur les conséquence de l’annulation du contrat de crédit

Les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, l’annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de prestations de services qu’il finançait emporte, pour l’emprunteur, l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au prestataire de services par le prêteur. Elle emporte pour le prêteur l’obligation de restituer les sommes déjà versées par l’emprunteur.

M. [P] soutient que la banque doit être purement et simplement privée de son droit à restitution du capital emprunté dans la mesure où elle a libéré les fonds sans avoir vérifié la validité des bons de commande et sans s’être assurée de l’exécution complète des contrats, la facture de 21 000 euros ayant été acquittée avant même qu’il n’ait reçu l’accord de financement qui n’est intervenu que courant janvier 2018. Il fait également valoir que la banque doit être privée de sa créance de restitution au motif qu’elle a manqué à son devoir de mise en garde à son égard. Les appelants sollicitent par ailleurs la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié à la perte de chance de ne pas contracter un crédit affecté désavantageux.

Il est rappelé que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution dès lors que l’emprunteur prouve avoir subi un préjudice en lien avec cette faute, qu’il lui appartient de démontrer en application de l’article 9 du code de procédure civile.

En l’espèce, le prêteur qui a versé les fonds au vendeur sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal, alors que les irrégularités du bon de commande précédemment retenues étaient manifestes et que les vérifications qui lui incombent lui auraient permis de constater que le contrat principal était affecté de nullité, a commis une faute.

Par ailleurs, en vertu de l’article L.312-48 du code de la consommation, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.

Si la banque produit une attestation de fins de travaux en date du 19 janvier 2018 concernant l’isolation de la toiture signée par M. [P] aux termes de laquelle ce dernier prononce la réception sans réserve des travaux et demande à Cetelem d’adresser à l’entreprise le règlement de la somme de 3 700 euros (pièce n° 18), force est de constater qu’elle ne produit pas d’attestation de fin de travaux datée et signée par l’emprunteur concernant les travaux et prestations afférents aux panneaux photovoltaïques, les attestation de fins de travaux versées (pièces n° 8 et 19 visées dans ses conclusions) ne mentionnant aucune description du bien ou de la prestation de services, et n’ayant pas été complétées, ni signées par l’emprunteur.

La banque a ainsi manifestement commis une faute en débloquant la somme de 21 000 le 16 janvier 2018, sans s’assurer de l’exécution de la prestation afférente aux panneaux photovoltaïques.

Alors qu’elle n’aurait pas dû prêter son concours à une opération irrégulière, il est manifeste que la banque a conduit M. [P] à devoir rembourser deux crédits sur la base de contrat de vente nuls pour non-respect du code de la consommation. Compte tenu de l’absence de vérification de la validité du contrat de vente par la banque, M. [P] a perdu une chance de ne pas contracté l’emprunt, qu’il convient d’évaluer à la somme de 5 000 euros, telle que sollicitée par l’emprunteur.

Pour le surplus, la cour constate que M. [P] n’allègue dans le corps de ses conclusions, ni ne justifie d’aucun préjudice en lien avec les fautes de la banque, susceptible de la priver intégralement de son droit à restitution du capital.

S’agissant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde, il résulte des dispositions de l’article 1147 du code civil sans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que l’établissement de crédit est tenu à un tel devoir à l’égard de l’emprunteur non averti lors de la conclusion du contrat de prêt ; ce devoir consiste à consentir un prêt adapté aux capacités financières de l’emprunteur et, le cas échéant, à l’alerter sur les risques de l’endettement né de l’octroi du prêt ; il implique l’obligation pour la banque de se renseigner sur les capacités financières de l’emprunteur pour l’alerter, si nécessaire, sur un risque d’endettement. Il incombe à l’emprunteur qui invoque un devoir de mise en garde de la banque à son égard de démontrer que les prêts n’étaient pas adaptés à sa situation financière et créaient un risque d’endettement contre lequel il devait être mis en garde.

Il n’est pas discuté en l’espèce que M. [P] était un emprunteur non-averti.

Aux termes de la fiche de dialogue produite aux débats, l’emprunteur a déclaré qu’il percevait un salaire mensuel de 2 293 euros, cependant que son épouse percevait un salaire de 1 052 euros, soit un revenu global mensuel de 3 345 euros. Il a également déclaré être propriétaire de son logement depuis décembre 2001 et avoir un enfant à charge. Il a déclaré 260 euros de charges mensuelles correspondant au remboursement d’un crédit pour un véhicule. Il est versé aux débats par la banque les pièces justificatives remises par l’emprunteur, à savoir l’avis d’impôt 2017, et les bulletins de salaires de M. et Mme [P] conformes aux déclarations. L’emprunteur a certifié sur l’honneur l’exhaustivité et l’exactitude des renseignements et informations données, ainsi que la véracité des pièces justificatives fournies au prêteur.

Il résulte de ces éléments que les crédits affectés souscrits le 5 décembre 2017, dont les échéances étaient de 181,52 euros et 31,98 euros, laissant un reste à vivre mensuel de 2 871,50 euros, n’était manifestement pas inadapté à la situation financière de l’emprunteur et ne créait pas un risque d’endettement sur lequel la banque aurait dû le mettre en garde, observation étant faite qu’il n’est pas allégué, ni justifié de l’existence d’incidents de paiement lors du remboursement de l’emprunt.

La banque n’était donc pas tenue à un devoir spécifique de mise en garde et il convient en conséquence de débouter M. [P] de sa demande tendant à voir priver la banque de sa créance de restitution de ce chef.

M. [P], seul engagé à l’égard de la banque Mme [T] n’étant pas co-emprunteur, sera en conséquence condamné à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 21 000 euros en restitution du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté à l’achat des panneaux photovoltaïques et celle de 3 700 euros au titre du contrat de crédit affecté au travaux d’isolation.

La banque sera condamnée à restituer à M. [P] l’ensemble des sommes versées par lui à quelque titre que ce soit au titre de ces deux contrats de crédit affectés, ainsi qu’à payer à M. [P] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. La compensation entre les sommes dues par les parties sera ordonnée. Le jugement sera en conséquence infirmé.

Sur les demandes accessoires

L’action de M. [P] prospérant partiellement, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

La société BNP Paribas Personal Finance qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à M. [P], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Prononce la nullité des contrat de vente n° 6295 et 6459 conclus le 6 décembre 2017 entre M. [P] et la société ECLOG ;

Constate la nullité des contrats de crédits affectés conclus entre M. [P] et la société BNP Paribas Personal Finance le 6 décembre 2017 ;

Fixe au passif de la société ECLOG la créance de M. [P] à hauteur de la somme de 24 700 euros ;

Condamne M. [P] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 21 000 euros au titre du contrat de crédit affecté à l’achat des panneaux photovoltaïques, dont à déduire l’ensemble des sommes versées par M. [P] à quelque titre que ce soit au titre de ce contrat, augmentée des intérêts légaux à compter de l’arrêt à intervenir ;

Condamne M. [P] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 3 700 euros au titre du contrat de crédit affecté aux travaux d’isolation, dont à déduire l’ensemble des sommes versées par M. [P] à quelque titre que ce soit au titre de ce contrat, augmentée des intérêts légaux à compter de l’arrêt à intervenir ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [P] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Ordonne la compensation entre les sommes dues entre les parties ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier

Gaëlle Przedlacki

Le président

Yves Benhamou

 


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