Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 09 FÉVRIER 2023
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03159 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEG2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 décembre 2020 – Juge des contentieux de la protection de MELUN – RG n° 20/02033
APPELANTE
La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
N° SIRET : 394 352 272 00022
[Adresse 5]
[Adresse 9]
[Localité 7]
représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉES
Madame [X] [P] épouse [M], prise en sa qualité d’héritière de M. [J] [P]
née le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 12]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Claire PATRUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2420
Madame [E] [P], prise en sa qualité d’héritière de M. [J] [P]
née le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 12]
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Me Claire PATRUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2420
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon offre préalable dont l’acceptation est datée du 11 mars 2014, la société Sogefinancement a consenti à M. [J] [P] un crédit personnel d’un montant en capital de 12 300 euros remboursable en 84 mensualités de 188,05 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 7,40 %, le TAEG s’élevant à 7,98 %, soit une mensualité avec assurance de 206,50 euros.
Par acte séparé du 13 mars 2014 Mme [X] [P] épouse [M], sa fille, s’est portée caution personnelle et solidaire de M. [J] [P] à hauteur d’une somme de 15 916 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, pénalités et accessoires.
Par jugement du juge des tutelles de Pontoise du 17 octobre 2014, M. [J] [P] a été placé sous sauvegarde de justice. Il est décédé le [Date décès 4] 2017 laissant pour héritières Mme [X] [P] épouse [M] et Mme [E] [P] ainsi qu’il résulte d’un certificat d’hérédité du maire de la commune de [Localité 8], en date du 31 janvier 2017.
Par actes du 11 avril 2018, la société Sogefinancement a fait assigner Mme [M] et Mme [P] devant le tribunal judiciaire de Melun en paiement du solde du prêt, lequel par jugement contradictoire du 22 décembre 2020, a prononcé la nullité du contrat de prêt signé par M. [J] [P], rejeté les demandes de la société Sogefinancement ainsi que les demandes reconventionnelles de Mme [M] et de Mme [P] et condamné la société Sogefinancement à leur payer la somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Le premier juge a retenu que rien ne permettait de considérer que la date de signature du prêt était fausse mais que l’avis du médecin établi le 21 mars 2014 soit 10 jours après la signature du contrat de prêt en vue de la mise sous protection judiciaire démontrait que M.'[J] [P] présentait une altération de ses facultés mentales et corporelles limitant l’expression de sa volonté et qu’en application des articles 414-1 et 1129 du code civil, le contrat devait en conséquence être annulé. Il a ensuite retenu que du fait de l’annulation du contrat de prêt, Mme [M] et Mme [P] n’avaient pas subi de préjudice financier et qu’elles ne démontraient pas l’existence d’un solde débiteur au compte de dépôt de M. [J] [P] si bien que leur demande de dommages et intérêts d’un montant équivalent au débit de ce compte ne pouvait qu’être rejetée.
Par déclaration réalisée par voie électronique le 15 février 2021, la société Sogefinancement a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 2 novembre 2021, la société Sogefinancement demande à la cour :
– d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [M] et Mme [P] de leurs demandes,
– de les débouter de leur demande d’annulation du contrat de crédit,
– de constater que la déchéance du terme a été prononcée et subsidiairement de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l’emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit et de fixer la date des effets de la résiliation au 30 octobre 2017, et en conséquence de les condamner solidairement en leur qualité d’héritières à lui payer la somme de 9 195,07 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,40 % l’an à compter du 31 octobre 2017 sur la somme de 8 507,44 euros et au taux légal pour le surplus, sur les biens de la succession pour la totalité de la somme et de les condamner solidairement au paiement de cette même somme sur leurs biens personnels, pour la totalité de la somme s’agissant de Mme [M] en sa qualité d’héritière et de caution solidaire, et proportionnellement à ses droits dans la succession pour Mme [P] en sa qualité d’héritière,
– subsidiairement, en cas de nullité du contrat de crédit, de les condamner solidairement en leur qualité d’héritières à lui payer la somme de 12 300 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2014, date de déblocage des fonds, sur les biens de la succession pour la totalité de la somme et de les condamner solidairement au paiement de cette même somme sur leurs biens personnels, pour la totalité de la somme s’agissant de Mme [M] en sa qualité d’héritière et de caution solidaire, et proportionnellement à ses droits dans la succession pour Mme [P] en sa qualité d’héritière,
– en tout état de cause, de débouter Mme [M] et Mme [P] de leurs demandes de dommages et intérêts et de toutes autres demandes, fins et conclusions et très subsidiairement de limiter la condamnation qui serait prononcée à son encontre à stricte concurrence du préjudice subi, et d’ordonner le cas échéant, la compensation des créances réciproques à due concurrence,
– en tout état de cause, de condamner in solidum Mme [M] et Mme [P] en qualité d’héritières à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que les filles de M. [J] [P] étaient parfaitement informées du crédit souscrit en vue de solder le découvert en compte, puisque l’une d’entre elles a accepté de se porter caution et a donc concouru à l’opération, qu’il a été remboursé sans difficulté pendant près de 3 ans, sans que ni l’emprunteur, ni ses filles ne songent à le contester, et ce nonobstant la mesure de sauvegarde. Elle souligne que le certificat médical qui a permis la mise sous sauvegarde indique clairement que M. [J] [P] présentait des phases lors desquelles il pouvait donner un consentement valable, que le crédit a été contracté de manière réfléchie avec l’assistance de ses deux filles, ce afin de résoudre une situation liée à un découvert à résorber et permettant d’étaler le paiement du découvert en compte et qu’il a sollicité, par l’intermédiaire de ses filles, que son conseiller se déplace à domicile pour lui faire signer l’offre de prêt. Elle ajoute que le crédit contracté n’a nullement aggravé l’endettement de M. [J] [P] et ne peut être assimilé à une dépense inconsidérée qui aurait été faite dans un épisode d’alcoolisme, puisqu’au contraire il permettait d’étaler le règlement d’une dette déjà existante.
Elle soutient que le contrat de crédit n’étant pas nul, le cautionnement ne l’est pas non plus et qu’il résulte de l’article L. 311-11 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de l’offre que la caution se voit adresser un exemplaire de l’offre émise, tout comme l’emprunteur ou le co-emprunteur, si bien qu’il s’agit nécessairement d’un exemplaire non encore signé par l’emprunteur, ce que Mme [M] qui travaille dans le milieu bancaire et le revendique dans ses mails ne peut ignorer.
Elle se prévaut d’une déchéance du terme régulière et demande à défaut le prononcé de la résiliation avec effet au 30 octobre 2017, date du constat des manquements.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que l’annulation du contrat de prêt entraîne obligation de restitution du capital prêté.
S’agissant des demandes reconventionnelles en dommages et intérêts, elle indique que le paraphe n’est pas une condition de validité du contrat et que M. [J] [P] a reconnu rester en possession d’un exemplaire si bien qu’il est indifférent que les intimées n’aient pas été en mesure de le retrouver dans les affaires de leur père et qu’à supposer que l’offre ait été signée le 14 et non le 11 mars, il ne s’agirait que d’une erreur de date ne remettant pas en cause l’effectivité de l’engagement. Elle souligne qu’elle n’est pas tenue d’un devoir de conseil, mais seulement d’un devoir de mise en garde au regard des capacités financières de l’emprunteur, et ce uniquement en cas de risque d’endettement et que l’opération n’aggravait pas ce risque. Elle ajoute que les intimées n’explicitent pas en quoi le questionnaire n’aurait pas été adapté.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 juillet 2021, Mme [M] et Mme [P] demandent à la cour :
– de déclarer mal fondé l’appel principal interjeté par la société Sogefinancement,
– de déclarer recevable et fondé leur appel incident,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de prêt signé par M. [J] [P],
– de débouter la société Sogefinancement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– d’infirmer le jugement en ce qu’il les a déboutées de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts et statuant à nouveau de dire et que la responsabilité extracontractuelle de la société Sogefinancement est engagée en raison des manquements qu’elle a commis et de la condamner à verser à Mme [M] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, et à Mme [P] la somme de 5 000 euros,
– en tout état de cause de condamner la société Sogefinancement à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure et aux entiers dépens.
Elles font valoir que leur père était très gravement malade car il souffrait d’un cancer du poumon, qu’il présentait un état de détresse psychologique et était suivi pour un état anxio-dépressif, que le certificat médical rédigé une semaine avant la signature du contrat mentionne expressément qu’il « présente une altération de ses facultés mentales et corporelles limitant l’expression de sa volonté », que le directeur de l’agence de [Localité 11] [Localité 10] savait parfaitement qu’il présentait un état de santé très précaire puisque c’est ce pourquoi il lui a été demandé de venir à domicile. Elles soutiennent qu’il est démontré qu’il ne pouvait donner un consentement éclairé à l’acte. Elles soulignent qu’il a souscrit une assurance DIT « Décès, perte totale et irréversible d’autonomie, incapacité, invalidité » et une assurance perte d’emploi alors qu’il était âgé de 67 ans et à la retraite.
A titre subsidiaire, elles soutiennent que Mme [M] n’a jamais eu connaissance de la nature et de l’étendue de son obligation car elle n’a jamais eu la possibilité de vérifier les documents signés par son père en sa qualité de caution et que ce n’est qu’après avoir reçu les deux jeux séparément adressés que la société Sogefinancement les a regroupés pour n’en produire qu’un seul.
Elles soulignent que la société Sogefinancement a fait preuve d’une légèreté blâmable qui a contribué à l’aggravation du découvert du compte bancaire de leur père qui n’avait pour seule ressource qu’une retraite s’élevant à la somme de 1 700 euros et aucune épargne et que le plafond de la carte bancaire s’élevait à une somme disproportionnée supérieure à 5 000 euros en débit différé et qu’elle a laissé son découvert atteindre la somme de 7 000 euros. Elles observent que le contrat signé par M. [J] [P] comporte de nombreuses irrégularités matérielles puisqu’ils ne sont pas correctement paraphés / signés par l’emprunteur et la caution, que la copie de l’offre de prêt et la synthèse des garanties souscrites n’ont été remises aux contractants que suite à l’intervention de leur protection juridique et à la saisine du médiateur des assurances, que la fiche conseil en assurance emprunteur signée, les conditions générales assurance emprunteurs signées et le questionnaire détaillé complété et signé n’ont jamais été remis aux emprunteurs, que l’offre de prêt contient des erreurs grossières, les dates figurant sur l’offre de prêt ne coïncidant pas avec la réalité et le contrat ayant été antidaté. Elles ajoutent que la société Sogefinancement a manqué à son devoir de conseil en lui faisant signer un questionnaire de santé simplifié et pas un questionnaire de santé détaillé comme cela aurait dû être le cas. Elles indiquent qu’au titre du contrat souscrit par son père, Mme [M] a été inscrite au FICP le 6 février 2019 ce qui lui interdit de contracter un prêt et de se porter caution pour un tiers et que ce n’est que plusieurs mois après le prononcé du jugement du 22 décembre 2020 et après plusieurs relances que l’inscription FICP a finalement été levée. Elles soutiennent subir un préjudice, indépendamment de l’annulation du contrat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 13 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la validité du contrat
Il résulte de l’article 1108 du code civil dans sa rédaction applicable au contrat que le consentement d’une partie et sa capacité à contracter sont nécessaires à la validité d’un contrat et de l’article 414-1 alinéa 1 du code civil que pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit.
Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Au moment de la signature du contrat de crédit M. [J] [P] n’avait pas été placé sous un régime d’incapacité.
Il a été vu une semaine après par un médecin dans le cadre de la demande de mise sous sauvegarde judiciaire qui a été prononcée par jugement du juge des tutelles de Pontoise du 17 octobre 2014. Celui-ci note que M. [J] [P] présente des épisodes d’intoxications éthyliques massives, par périodes de 3 semaines à 1 mois entrecoupées par de longues périodes d’abstinence totale, qu’il a été une première fois hospitalisé 5 ans plus tôt pour une cure de sevrage sans traitement psychotrope à la sortie et que depuis il a été retrouvé à deux reprises inanimé en état d’ivresse aigüe à Prague après plusieurs semaines d’intoxication éthylique massive. Au titre de l’examen, il note que M. [J] [P] ne présente pas d’altération de la conscience ; pas de désorientation temporo-spatiale, pas d’onirisme, pas de ralentissement psychique notable, que l’examen ne retrouve pas d’altération significative des fonctions mnésiques pas d’aphasie, d’apraxie ou d’acalculie et que le jugement et le raisonnement ne sont pas altérés, qu’il n’y a pas de troubles dissociatifs ou délirant ni actuellement ni dans ses antécédents, qu’il n’est pas noté de troubles anxieux actuellement, ni chroniques et pas d’antécédent psychiatrique familial. Le médecin indique qu’il est signalé dans ses antécédents des épisodes de dépenses excessives l’ayant conduit par le passé à être interdit bancaire et que plus récemment il a constitué des dettes importantes (30 000 euros) essentiellement dues à des factures téléphoniques considérables causées par une addiction à des sites de jeux et qu’il se décrit dans ces moments-là comme sub-excité, dormant peu ne ressentant pas la fatigue. Le médecin conclut que M. [J] [P] présente un probable trouble bi-polaire de l’humeur non soigné et que les variations thymiques sont responsables de dépenses inconsidérées et probablement d’alcoolisation massives et que pour le reste il ne retrouve pas de détérioration intellectuelle. Il considère qu’une mesure de protection de type curatelle renforcée est nécessaire tant que l’équilibre thymique qui nécessite une prise en charge spécialisée n’aura pas été obtenu.
Il en résulte que M. [J] [P] ne présentait pas d’altération de ses facultés mentales de manière continue mais seulement lors de périodes particulières et dès lors, c’est à Mme [M] et Mme [P] de démontrer qu’il n’était pas sain d’esprit au moment de la signature du contrat ce qu’elles ne font pas et ce d’autant qu’il résulte des pièces produites et notamment des mails par elles échangés avec le directeur de l’agence bancaire de la Société Générale par l’intermédiaire duquel le prêt de la société Sogefinancement a été conclu, qu’elles étaient toutes deux parfaitement au courant de l’existence de ce prêt et de son détail, Mme [P] ayant même écrit au directeur le 14 mars 2014 à 10h21 qu’elle avait lu l’offre de prêt et l’engagement de caution, que sa s’ur ne comprenait pas le système du cautionnement qu’il fallait lui expliquer et lui a posé des questions sur ce que couvrait l’assurance. Ce mail faisait suite à un mail du directeur de l’agence envoyé le 12 mars 2014 à Mme [M] et à Mme [P] par lequel il indiquait recevoir à l’instant l’accord pour éditer les offres et leur proposait de leur téléphoner le lendemain dans la journée pour leur adresser les documents par mail.
Le 14 mars 2014, Mme [P] a répondu au directeur de l’agence qu’il pouvait passer chez son père.
Mme [M] qui a signé l’engagement de caution ne se serait pas engagée si elle avait pensé que son père n’était pas en capacité de signer l’acte.
Enfin Mme [P] a été désignée comme mandataire judiciaire par le jugement de placement sous sauvegarde du 17 octobre 2014, à charge pour elle de percevoir seule les revenus de M. [J] [P] et de payer ses dépenses et le crédit a été remboursé sous son mandat sans qu’elle émette la moindre objection.
Aucune annulation pour insanité d’esprit ne peut donc être prononcée.
Il résulte des échanges de mail que le contrat ne peut avoir été signé le 11 mars 2014, les offres n’ayant été éditées que le 12 mars 2014 et la visite ayant eu lieu le 14 mars 2014. Toutefois cette simple erreur de date n’est pas invoquée comme cause de nullité par les intimées et ne saurait en tout état de cause en constituer une.
L’assurance a été débattue avec elles et en tout état de cause, aucune annulation du contrat de crédit ne pourrait être encourue au seul motif que l’assurance souscrite aurait présenté une couverture trop importante, ce qui n’est en tout état de cause pas le cas puisqu’il est expressément précisé que pour les personnes de 65 à 80 ans seul le risque décès est assuré.
Le paraphe n’est pas exigé à peine de nullité.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a annulé le contrat de prêt.
Sur la validité de l’engagement de caution
Mme [M] soutient ne jamais avoir eu connaissance de la nature et de l’étendue de son obligation car elle n’a jamais eu la possibilité de vérifier les documents signés par son père en sa qualité de caution.
Il résulte des pièces produites et notamment des échanges de mails qu’elle a disposé des actes avant même que son père ne les ait et des conseils de sa s’ur qui travaille dans le secteur bancaire. Aucun texte n’oblige la banque à produire à la caution l’exemplaire signé par l’emprunteur ni n’oblige à peine de nullité que l’engagement de caution soit porté sur l’exemplaire signé par l’emprunteur. Mme [M] produit en pièce 19 ce qu’elle qualifie d’offre vierge qui est la stricte reproduction de ce qui a été signé par son père, comprend toutes les mentions sauf la signature de son père et démontre qu’elle avait donc une parfaite connaissance des engagements qu’il allait prendre. Mme [M] a signé de sa main et a reproduit de manière manuscrite l’étendue de son obligation conformément aux dispositions de l’article L. 313-7 du code de la consommation dans sa formulation applicable au litige. Le paraphe n’est pas exigé à peine de nullité.
Le cautionnement est parfaitement valable.
Sur la faute de la banque
Les intimées reprochent à la société Sogefinancement d’avoir laissé le découvert du compte augmenter. Le compte n’était pas tenu par la société Sogefinancement mais par la Société Générale qui est une société distincte. Elles ne produisent pas les relevés de compte et il ne peut dès lors être fait droit à aucune de leurs demandes de ce chef.
L’erreur de date sur le contrat de crédit n’a été à l’origine d’aucun préjudice et le contrat n’ayant pas été annulé, les intimées ne peuvent qu’être déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts aux motifs que le contrat aurait été nul.
Aucun préjudice n’est en lien avec l’absence de paraphe dès lors qu’il est largement établi que les intimées ont eu parfaitement connaissance du contenu du contrat de crédit et n’ont pu se méprendre sur la portée des engagements de chacun.
S’agissant de l’assurance, il est bien précisé que les candidats à l’assurance âgés de 65 ans et de moins de 80 ans ne bénéficient que de la seule garantie décès. Ce point leur avait d’ailleurs été confirmé par le directeur de l’agence bancaire avec lequel elles ont discuté de l’assurance mais elles n’ont pas attiré l’attention sur la nature de l’état de santé de leur père et la société Sogefinancement ne pouvait en aucun cas connaître celui-ci et notamment ses traitements et maladies. En outre le questionnaire simplifié est celui qui est soumis d’emblée à l’emprunteur et il appartenait à l’emprunteur de ne pas le signer dès lors qu’il était soigné de manière continue alors même que la déclaration mentionne qu’il déclare « ne pas avoir [‘] de tumeur et [‘] ne pas avoir suivi au cours des 5 dernières années ou ne pas suivre actuellement de traitement médical de plus de 30 jours consécutifs, ne pas recevoir de soins médicaux et ne pas faire l’objet d’un suivi particulier ». L’assurance étant en outre facultative et pouvait ne pas être souscrite.
Il convient de rappeler que si le banquier n’a pas de devoir de conseil ou de mise en garde concernant l’opportunité du crédit, il est en revanche tenu d’un devoir de mise en garde par rapport au risque d’endettement généré par le crédit contracté au regard des capacités financières de l’emprunteur. Il est admis qu’en l’absence de risque d’endettement, le banquier n’est pas tenu à ce devoir de mise en garde.
La fiche de dialogue signée par M. [J] [P] mentionne qu’il est retraité et gagne 1 789 euros par mois, et rembourse déjà 336 euros de crédit. Les mensualités de crédit de 206,50 euros portaient donc le montant mensuel des crédits à 542,50 euros soit 30,32 % des revenus et compte tenu de son loyer de 699 euros, il lui restait 547,50 euros pour vivre ce qui était peu et il existait un risque d’endettement qui aurait dû conduire à la banque à mettre en garde M. [J] [P]. Toutefois la cour observe que M. [J] [P] a de son vivant été en mesure de régler les mensualités et que le règlement n’a cessé qu’à son décès si bien qu’il n’est pas démontré qu’il ait subi un préjudice ayant pu être transmis à ses héritières.
Mme [M] et M. [J] [P] doivent donc être déboutées de leur demande de dommages et intérêts et le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur la demande en paiement de la société Sogefinancement
Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 11 mars 2014 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.
Sur la forclusion
L’article L. 311-52 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (devenu R. 312-35), dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est caractérisé pour un crédit personnel classique par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ou le premier incident de paiement non régularisé.
En l’espèce l’historique de compte fait apparaître que les mensualités ont été régulièrement remboursées jusqu’au mois de janvier 2017 inclus. La société Sogefinancement qui a assigné le 11 avril 2018 n’est donc pas forclose et est recevable en sa demande en paiement.
Sur le montant des sommes dues
En application de l’article L. 311-24 du code de la consommation (devenu L. 312-39) en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 (de l’article 1231-5 du code civil), est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article D. 311-6 devenu D. 312-16 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.
La société Sogefinancement produit en outre l’offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l’historique de prêt, le tableau d’amortissement, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche de dialogue revenus et charges, l’avis d’imposition 2013 de M. [J] [P], le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement du 18 mars 2014 soit avant la date de déblocage des fonds, la notice d’assurance et la fiche de synthèse des garanties, la mise en demeure avant déchéance du terme du 19 septembre 2019 enjoignant à Mme [M] et à Mme [P] de régler l’arriéré de 1 460,15 euros sous 15 jours à peine de déchéance du terme et celles notifiant la déchéance du terme des 16 novembre 2017 et 4 décembre 2017 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.
Il en résulte que la société Sogefinancement se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l’exigibilité des sommes dues et qu’elle est fondée à obtenir paiement des sommes dues à la date de déchéance du terme soit :
– 1 712,89 euros au titre des échéances impayées du mois de février au mois d’octobre 2017,
– 6 794,55 euros au titre du capital restant dû après imputation de l’échéance du 20 octobre 2017,
– 71,34 euros au titre des intérêts échus
soit un total de 8 578,78 euros majorée des intérêts au taux de 7,40 %, à compter du 4 décembre 2017 sur la seule somme de 8 507,44 euros.
Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8 % laquelle, sollicitée à hauteur de 645,61 euros, apparaît excessive et doit être réduite à la somme de 50 euros et produire intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2017.
Mme [P] et Mme [M] doivent donc être condamnées à payer ces sommes à la société Sogefinancement :
– solidairement sur les biens de la succession pour la totalité de la somme,
– solidairement au paiement de cette même somme sur leurs biens personnels, pour la totalité de la somme s’agissant de Mme [M] en sa qualité d’héritière et de caution solidaire, et proportionnellement à ses droits dans la succession pour Mme [P] en sa qualité d’héritière.
Sur les autres demandes
Le jugement qui a condamné la société Sogefinancement aux dépens de première instance doit être infirmé sur ce point.
Mme [M] et Mme [P] qui succombent doivent être condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel et il apparaît équitable de leur faire supporter les frais irrépétibles de la société Sogefinancement à hauteur d’une somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [X] [P] épouse [M] et Mme [E] [P] de leur demande de dommages et intérêts d’un montant équivalent au débit du compte bancaire de M. [J] [P] ouvert dans les livres de la Société Générale ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute Mme [X] [P] épouse [M] et Mme [E] [P] de leurs demandes :
– d’annulation du contrat de crédit souscrit par M. [J] [P] auprès de la société Sogefinancement et daté du 11 mars 2014,
– d’annulation du contrat de cautionnement dudit prêt souscrit le 13 mars 2014 par Mme [X] [P] épouse [M] à hauteur de la somme totale de 15’916 euros,
– de leurs demandes indemnitaires à l’encontre de la société Sogefinancement ;
Condamne Mme [X] [P] épouse [M] et Mme [E] [P] à payer à la société Sogefinancement les sommes de 8 578,78 euros majorée des intérêts au taux de 7,40 %, à compter du 4 décembre 2017 sur la seule somme de 8 507,44 euros au titre du solde du prêt et de 50 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2017 au titre de l’indemnité légale de résiliation :
– solidairement sur les biens de la succession pour la totalité de la somme,
– solidairement au paiement de cette même somme sur leurs biens personnels, pour la totalité de la somme s’agissant de Mme [X] [P] épouse [M] en sa qualité d’héritière et de caution solidaire, et proportionnellement à ses droits dans la succession pour Mme [E] [P] en sa qualité d’héritière ;
Condamne Mme [X] [P] épouse [M] et Mme [E] [P] in solidum à payer à la société Sogefinancement une somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [X] [P] épouse [M] et Mme [E] [P] in solidum aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière La présidente