République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 09/02/2023
N° de MINUTE : 23/163
N° RG 21/00313 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TMN7
Jugement (N° 20-000983) rendu le 21 Décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Lille
APPELANTE
Madame [R] [T]
née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 10] – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Laura Mahieu, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉES
Selarl Athéna prise en la personne de Maître [W] [Y] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Expert Solution Energie suivant jugement du Tribunal de commerce d’Angers du 7 juillet 2021
[Adresse 5]
[Localité 6]
Défaillante, assignée en intervention forcée par acte d’huissier délivré le 01/12/21 à personne morale
Sas Expert Solution Energie Rcs Bobigny
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentée par Me Charlotte Herbaut, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistés de Me Pauline Lebas, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
Sa Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de la Sa Sygma Banque
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 07 décembre 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 février 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 24 mars 2022
EXPOSE DU LITIGE
Le 20 août 2015, Mme [R] [T] a contracté auprès de la société Expert Solution Energie une prestation relative à l’installation d’un système photovoltaïque, d’un ballon thermodynamique, et d’un pack Led pour un montant TTC de 24’100 euros dans le cadre d’un démarchage à domicile, suivant bon de commande n° 26006.
Le même jour, Mme [R] [T] et M. [C] [T] ont accepté une offre préalable de crédit auprès de la société Sygma banque, aux droits de laquelle vient désormais la société BNP Paribas Personal Finance, affecté à la réalisation d’une prestation de ‘panneaux photovoltaïques + ballon thermodynamique + pack Led relamping’ d’un montant de 24’100 euros, remboursable en 144 mensualités, précédées d’un différé de paiement de 12 mois, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 5,76 %.
Par actes d’huissier en date des 19 et 20 mars 2020, Mme [T] a fait assigner la société Expert Solution Energie et la société BNP Paribas Personal Finance en justice aux fins de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement contradictoire en date du 21 décembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :
– débouté Mme [T] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société Expert Solution Energie du surplus de ses demandes,
– débouté la société BNP Paribas Personal Finance du surplus de ses demandes,
– condamné Mme [T] à payer à la société Expert Solution Energie la somme de 850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [T] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [T] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 14 janvier 2021, Mme [T] a relevé appel de l’ensemble des chefs du jugement à l’exception de ceux ayant débouté la société Expert Solution Energie et la société BNP Paribas Personal Finance du surplus de leurs demandes.
La société Expert Solution Energie a été placée en liquidation judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce d’Angers le 7 juillet 2021, la SELARL Athena, prise en la personne de Me [W] [Y], ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Mme [T] a déclaré sa créance au passif de la société Expert Solution Energie à hauteur de 35 216,64 euros par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 août 2021.
Le magistrat chargé de la mise en état a constaté l’interruption de l’instance d’appel en application des articles 369 et suivants du code de procédure civile par ordonnance du 15 septembre 2021.
Par acte d’huissier délivré le 1er décembre 2021 à personne morale, Mme [T] a assigné la SELARL Athena ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Expert Solution Energie devant la cour et lui a signifié sa déclaration d’appel ainsi que ses conclusions d’appelante.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 mars 2022, Mme [T] demande à la cour de :
Vu les articles L.111-1, L.111-4, L.111-7, L.113-3, L.311-1 9°, L.311-32 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable aux faits d’espèce,
vu les articles 1116 et suivants du code civil dans leur version applicable aux faits d’espèce,
vu l’article 700 du code de procédure civile,
– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 21 décembre 2020 en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau :
à titre principal :
– dire et juger nul le contrat principal en date du 20 août 2015 conclu avec la société Expert Solution Energie en raison de la violation des dispositions du code de la consommation d’ordre public,
subsidiairement,
– dire et juger nul le contrat principal en date du 20 août 2015 conclu avec la société Expert Solution Energie en raison du dol affectant la conclusion de celui-ci,
en tout état de cause,
– ordonner la résolution du contrat principal en date du 20 août 2015,
– ordonner la résolution du contrat de crédit affecté conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance,
– condamner la société Expert Solution Energie à rembourser à la demanderesse l’intégralité des échéances déjà versées à la banque,
– condamner la société Solution Energie à rembourser le capital versé par la banque,
– dire et juger que la société BNP Paribas Personal Finance a commis des fautes la privant de son droit à restitution du capital emprunté,
– condamner solidairement la société Expert Solution Energie et la société BNP Paribas Personal Finance à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice subi en raison de la perte de chance de ne pas contracter de tels contrats,
– subsidiairement dire et juger qu’elle n’a pas à justifier d’un préjudice et dire que la société BNP Paribas Personal Finance a commis des fautes la privant de son droit à restitution du capital emprunté,
– condamner solidairement la société Expert Solution Energie et la société BNP Paribas Personal Finance au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance, et la somme de 2 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel, outre les entiers frais et dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mars 2022, la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma banque demande à la cour de :
Vu les articles L.311-32 et L.311-33 du code de l consommation dans leur version applicable à la cause, 1108, 1134, 1338 et 1353 du code civil dans leur version applicable à la cause, 9 du code de procédure civile,
à titre principal,
– confirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille du 21 décembre 2020 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’il a débouté Mme [T] de l’ensemble de ses demandes,
– débouter Mme [T] de l’intégralité de ses demandes,
– dire et juger que le bon de commande régularisé par Mme [T] le 20 août 2015 respecte les dispositions des anciens articles L.121-17 et L.121-18-1 du code de la consommation,
– à défaut, dire et juger que Mme [T] a amplement manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des prétendus vices l’affectant sur le fondement des anciens articles L.121-17 et L.121-18-1 du code de la consommation et ce, en toute connaissances des dispositions applicables,
– constater la carence probatoire de Mme [T],
– dire et juger que les conditions d’annulation du contrat principal de vente de panneaux photovoltaïques et du ballon thermodynamique sur le fondement d’un prétendu dol ne sont pas réunies et qu’en conséquence le contrat de crédit affecté n’est pas annulé,
– en conséquence, confirmer le jugement du juge des contentieux la protection du tribunal judiciaire de Lille du 21 décembre 2020 en toutes ses dispositions,
– ordonner à Mme [T] de poursuivre le règlement des échéances du prêt conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté accepté le 20 août 2015 et ce, jusqu’à parfait paiement,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour estimait devoir réformer le jugement entrepris et prononcer l’annulation du contrat principal de vente conclu le 20 août 2015 entraînant l’annulation du contrat de crédit affecté,
– constater, dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l’octroi du crédit,
– par conséquent, condamner Mme [T] à lui rembourser le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux déduction fait des échéances d’ores et déjà acquittées par elle,
à titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour considérait qu’elle a commis une faute dans le déblocage des fonds,
– dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant la créance de la banque,
– constater, dire et juger que Mme [T] conservera l’installation des biens qui ont été livrés et posés à son domicile par la société Expert Solution Energie (puisque ladite société est désormais en liquidation judiciaire de sorte qu’elle ne se présentera jamais au domicile de Mme [T] pour récupérer les produits qui lui ont été livrés et installés) et que Mme [T] ne justifie absolument pas d’un quelconque dysfonctionnement qui affecterait les matériels livrés et installés à son domicile et qui serait de nature à les rendre impropres à leur destination,
– dire et juger que les panneaux photovoltaïques et le ballon thermodynamique livrés et posés au domicile de Mme [T] par la société Expert Solution Energie fonctionnent parfaitement puisque elle ne s’est jamais plaint d’un quelconque dysfonctionnement qui affecterait les biens installés à son domicile à l’exception d’une prétendue insuffisance de rentabilité de l’installation,
– par conséquent, dire et juger que l’établissement financier prêteur ne saurait être privé de la totalité sa créance de restitution, compte tenu de l’absence de préjudice avéré,
– par conséquent, condamner Mme [T] à rembourser le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté, déduction faite des échéances d’ores et déjà acquittées par l’emprunteur,
– à défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par Mme [T] et condamner à tout le moins cette dernière à restituer une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté,
en tout état de cause, débouter Mme [T] de sa demande en paiement de dommages et intérêts tels que formulée à son encontre en l’absence de faute imputable au prêteur et à défaut de justifier de la réalité du sérieux d’un quelconque préjudice,
– condamner solidairement, ou l’une à défaut de l’autre, Mme [T] et la société Expert Solution Energie à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, Mme [T] et la société Expert Solution Energie aux entiers frais dépens, y compris ceux d’appel dont distraction profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2022, la société Athena ès qualité demande à la cour de :
Vu les articles L.111-1 et suivants du code de la consommation,
Vu l’article 1338 du code civil,
Vu l’article 1116 du code civil,
– déclarer Mme [T] mal fondée en son appel,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Lille en date du 21 décembre 2020 dans l’ensemble de ses dispositions,
en conséquence,
– débouter Mme [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la société Expert Solution Energie,
en tout état de cause,
– condamner Mme [T] à payer à la société Expert solution Energie la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022, et l’affaire fixée pour être plaidé au 7 décembre 2022.
MOTIFS
Sur la nullité du contrat de vente
Il sera fait application des dispositions du code de la consommation dans leur version applicable à la date de conclusion du contrat de vente.
En vertu des articles L.121-18-1 du code de la consommation, les contrats conclus hors établissement doivent faire l’objet d’un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat. Il comprend toutes les informations prévues au I de l’article L.121-17, dont les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2 du code de la consommation, et lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L.121-17.
Selon l’article L.111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,
2° le prix du bien ou du service en application de l’article L.113-3 et L.113-3-1,
3° en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que s’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique, et le cas échéant, à son intéropérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles. La liste et le contenu de ces informations sont fixées par décret en conseil d’Etat ; (…)’
En l’espèce, le contrat de vente litigieux porte sur la fourniture et la pose d’une centrale photovoltaïque comportant 12 panneaux de marque Solarword d’une puissance unitaire de 250 Wc, d’un onduleur de marque Enphase, d’un ballon thermodynamique de marque Thermor de 250 litres et d’un Pack Led relamping. Il prévoit que la société venderesse accomplira l’ensemble des démarches administratives et le raccordement de l’installation au réseau ERDF.
La nature complexe de l’opération contractuelle en question implique que soient précisées les caractéristiques essentielles des biens et prestations offerts à la vente. Faute de telles précisions, le consommateur ne sera pas en mesure de procéder – comme il peut légitimement en ressentir la nécessité – à une comparaison entre diverses offres de même nature proposées sur le marché.
Or, le bon de commande sommaire laissé en possession du consommateur est manifestement entâché d’irrégularités en ce que seul figure un prix global, sans distinguer le prix de la centrale photovoltaïque et celui du chauffe- eau thermodynamique alors qu’il s’agit de produits différents offerts à la vente, et sans distinguer le coût des divers matériels et de la main d’oeuvre, empêchant le consommateur de faire des comparaisons entre diverses offres de même nature. En outre, les prix hors taxe ne sont pas mentionnés alors que des emplacements sont expressément prévus à cet effet sur le bon de commande.
Il suit que le consommateur n’a pas été suffisamment informé sur la prestation qu’il entendait obtenir dans le cadre du contrat litigieux, en sorte que le bon de commande ne satisfait pas aux exigences protectrices du consommateur résultant des dispositions précitées du code de la consommation.
Il apparaît ainsi que le contrat principal était affecté d’irrégularités que le prêteur ne pouvait ignorer en sa qualité professionnel dispensateur de crédits affectés dans le domaine des installations photovoltaïques.
Le premier juge a retenu que Mme [T] avait confirmé la nullité du contrat en l’exécutant sans réserve, en application de l’article 1182 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l’acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l’article 1338 du code civil dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat que la confirmation tacite d’un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l’affectant et qu’il ait eu l’intention de le réparer.
La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit, dès lors que la confirmation d’une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d’un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l’obligation et l’intention de le réparer, être caractérisée par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.
Il ressort de l’examen du bon de commande versé aux débats que sont reproduits partiellement au verso du bon de commande l’article L.121-21-5 du code de la consommation relatif au droit de rétractation, ainsi que l’article L.111-1.
Mais, le rappel de ces dispositions parmi de longues conditions générales écrites en petits caractères pratiquement illisibles ne saurait suffire à établir que l’acquéreur a agi en toute connaissance de cause et renoncé à invoquer les vices de forme du contrat de vente alors que, pour que la confirmation soit valable, il faut que son auteur ait pris conscience de la cause de nullité qui affecte l’acte et que la connaissance certaine de ce vice ne peut résulter, pour un consommateur profane, du seul rappel des dispositions du code de la consommation.
Il en résulte que faute pour Mme [T] d’avoir eu connaissance des vices affectant le bon de commande, aucun de ses agissements postérieurs ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de l’obligation entâchée de nullité.
Dès lors, ni l’écoulement du délai de rétractation, ni l’absence de protestation lors de la livraison et de la pose des matériels commandés, ni la signature par le consommateur de l’attestation de fin de travaux, ni le versement des fonds par le prêteur, ni l’acceptation des démarches de raccordement, ni la signature du contrat d’énergie, ni le paiement des échéances du crédit, ne sauraient constituer à cet égard des circonstances de nature à caractériser une telle connaissance et une telle intention de la part de l’acquéreur et ne peuvent donc couvrir la nullité relative encourue, ce d’autant plus qu’en l’espèce, le consommateur a très rapidement entamé des démarches pour dénoncer le contrat de vente en saisissant l’association UFC Que choisir.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a estimé que Mme [T] a confirmé la nullité du contrat de vente.
La nullité du contrat de vente sera donc prononcée.
Il y a lieu de fixer au passif de la société Expert Solution Energie la créance de restitution de Mme [T] à la somme de 24 100 euros.
Sur la nullité du contrat de crédit accessoire
En application du principe de l’interdépendance des contrats consacré par l’article L.311-32 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il convient de constater la nullité du contrat de crédit.
Sur les conséquences de l’annulation du contrat de crédit
Les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, l’annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de prestations de services qu’il finançait emporte, pour l’emprunteur, l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au prestataire de services par le prêteur. Elle emporte pour le prêteur l’obligation de restituer les sommes déjà versées par l’emprunteur.
Mme [T] soutient que la banque doit être purement et simplement privée de son droit à restitution du capital emprunté du fait de la non-vérification par elle de la validité du bon de commande. Elle fait également valoir que la banque doit être privée de sa créance de restitution au motif qu’elle a manqué à son devoir de mise en garde à son égard. L’appelante sollicite par ailleurs la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié à la perte de chance de ne pas contracter un crédit affecté désavantageux.
Il est rappelé que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution dès lors que l’emprunteur prouve avoir subi un préjudice en lien avec cette faute, qu’il lui appartient de démontrer en application de l’article 9 du code de procédure civile.
En l’espèce, le prêteur qui a versé les fonds au vendeur sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal, alors que les irrégularités du bon de commande précédemment retenues étaient manifestes et que les vérifications qui lui incombent lui auraient permis de constater que le contrat principal était affecté de nullité, a commis une faute.
Alors qu’elle n’aurait pas dû prêter son concours à une opération irrégulière, il est manifeste que la banque a conduit Mme [T] à devoir rembourser un crédit onéreux sur la base d’un contrat de vente nul pour non-respect du code de la consommation. Compte tenu de l’absence de vérification de la validité du contrat de vente par la banque, Mme [T] a perdu une chance de ne pas contracté l’emprunt, qu’il convient d’évaluer à la somme de 5 000 euros, telle que sollicitée.
Pour le surplus, la cour constate que l’appelante n’allègue, ni ne justifie d’aucun préjudice en lien avec la faute de la banque, susceptible de la priver de son droit à restitution du capital.
S’agissant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde, il résulte des dispositions de l’article 1147 du code civil sans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que l’établissement de crédit est tenu à un tel devoir à l’égard de l’emprunteur non averti lors de la conclusion du contrat de prêt ; ce devoir consiste à consentir un prêt adapté aux capacités financières de l’emprunteur et, le cas échéant, à l’alerter sur les risques de l’endettement né de l’octroi du prêt ; il implique l’obligation pour la banque de se renseigner sur les capacités financières de l’emprunteur pour l’alerter, si nécessaire, sur un risque d’endettement. Il incombe à l’emprunteur qui invoque un devoir de mise en garde de la banque à son égard de démontrer que les prêts n’étaient pas adaptés à sa situation financière et créaient un risque d’endettement contre lequel il devait être mis en garde.
Il n’est pas discuté en l’espèce que Mme [T] et M. [T] étaient des emprunteurs non-avertis.
Aux termes de la fiche de dialogue produite aux débats, les emprunteurs ont déclaré que Mme [T], chargée de clientèle à la Banque Postale, percevait un salaire mensuel de 954 euros, cependant que M. [T], retraité, percevait une pension mensuelle de 1 860 euros, soit un revenu global mensuel de 2 814 euros. Ils ont également déclaré des charges mensuelles de 150 euros. Il est versé aux débats par la banque les pièces justificatives remises par les emprunteurs, à savoir l’avis d’impôt 2015, et un bulletin de salaire de Mme [T] conformes à leurs déclarations. Les emprunteurs ont certifiés sur l’honneur l’exhaustivité et l’exactitude des renseignements et informations données, ainsi que la véracité des pièces justificatives fournies au prêteur.
Il résulte de ces éléments que le crédit affecté souscrit le 20 août 2015, dont les échéances n’étaient que de 245,20 euros, n’était manifestement pas inadapté à leur situation financière et ne créait pas un risque d’endettement sur lequel la banque aurait dû les mettre en garde, observation étant faite qu’il n’est pas allégué, ni justifié par Mme [T] de l’existence d’incidents de paiement lors du remboursement de l’emprunt.
La banque n’était donc pas tenue à un devoir spécifique de mise en garde et il convient en conséquence de débouter Mme [T] de sa demande tendant à voir priver la banque de sa créance de restitution de ce chef.
L’appelante sera en conséquence condamnée à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 24 000, dont il conviendra de déduire l’ensemble des sommes versées par elle à quelque titre que ce soit au titre du contrat de crédit, augmentée des intérêts légaux à compter de l’arrêt à intervenir.
La société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée à lui payer à la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. La compensation entre les sommes dues sera ordonnée.
Sur les demandes de condamnation formée à l’encontre de la société Expert Solution Energie
Les demandes de condamnation en paiement formées par l’appelante à l’encontre de la société Expert Solution Energie seront déclarées irrecevables, en application des L.621-21 et suivants du code de commerce.
Sur les demandes accessoires
L’action de Mme [T] prospérant partiellement, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
La société BNP Paribas Personal Finance qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à Mme [T], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Déclare irrecevables les demandes de condamnation en paiement formées par Mme [T] à l’encontre de la société Expert Solution Energie ;
Fixe au passif de la société Expert solution Energie la créance de Mme [T] à hauteur de 24 100 euros ;
Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 20 août 2015 entre Mme [T] et la société Expert Solution Energie suivant bon de commande n° 26006 ;
Constate la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre Mme [T] et M. [T] d’une part, et la société Sygma Banque aux droits de la quelle vient la société BNP Paribas Personal Finance d’autre part, le 20 août 2015 ;
Condamne Mme [T] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 24 100 euros, dont à déduire l’ensemble des sommes versées par Mme [T] à quelque titre que ce soit au titre du contrat de crédit, augmentée des intérêts légaux à compter de l’arrêt à intervenir ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Mme [T] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Mme [T] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier
Gaëlle Przedlacki
Le président
Yves Benhamou