Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 09 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 18/05896 – N° Portalis DBVK-V-B7C-N45Z
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 06 SEPTEMBRE 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE
N° RG 16/00749
APPELANT :
Monsieur [E] [Y]
né le 17 Septembre 1972 à [Localité 12] (IRLANDE)
de nationalité Irlandaise
[Adresse 10]
[Localité 14] (IRLANDE)
Représenté par Me Karen FAUQUE, avocat au barreau de MONTPELLIER,
et assisté à l’instance par Me Indra BALASSOUPRAMANIANE, avocat au barreau de PARIS, substituée à l’audience par Me Eléonore VOISIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représentée par Me Sébastien PINET, avocat au barreau de NARBONNE substitué à l’audience par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER
SARL HPA HOLDING anciennement GROUPE GARRIGAE et dont le nom commercial est « PROPRIETES ET CO » prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 16]
[Localité 7]
et
SCI LES JARDINS DE [Adresse 18] représentée en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentées par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS
SCP BENEDETTI-[K] SCHULLER GALLY-DARISCON
[Adresse 9]
[Adresse 13]
[Localité 2]
Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 22 Novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 DECEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
M. Fabrice DURAND, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
– contradictoire,
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
La SCI Les Jardins de [Adresse 18] a fait construire une résidence de tourisme « Les Jardins de [Adresse 18] » comprenant 171 appartements et maisons individuelles sur un terrain situé [Adresse 17] sur la commune de [Localité 19] (11).
Ce programme immobilier, initié en 2007 par la société Garrigae Investissements (devenue SARL HPA Holding) et commercialisé notamment auprès d’une clientèle britannique, était encouragé par le régime fiscal de la loi Demessine s’agissant de biens situés en zone de revitalisation rurale (ZRR).
Une société dénommée Taurean Properties aurait présenté ce programme à M. [E] [Y], ressortissant irlandais résidant à [Localité 14] (Irlande).
M. [Y] a réservé le 6 janvier 2008 auprès de la SCI Les Jardins de [Adresse 18] la maison n°31 du programme de type P3 de 55,48 m² construite sur la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 5] sur la commune de [Localité 19] (11).
Ce contrat de réservation comportait une clause de promesse de bail commercial du lot réservé par M. [Y] à la SARL Garrigae Hotels & Resorts.
Le contrat de bail commercial a été signé le 18 mars 2008 entre M. [Y] et la SARL Garrigae Hotels & Resorts avec prise d’effet le 29 mai 2009 pour une durée de 9 ans et un loyer de 12 138 euros TTC par an.
Lors de la phase de commercialisation de ce bien immobilier, la société Groupe Garrigae (devenue SARL HPA Holding) est intervenue auprès de M. [Y] selon des modalités et un cadre juridique présentement discutés entre les parties.
Le 25 avril 2008, une procuration a été établie par M. [Y] au profit de Mme [A] [B], clerc de notaire, selon acte reçu par Me [C] [R], notary public exerçant à [Localité 14] (Irlande).
Par acte authentique reçu par la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon le 30 mai 2008, M. [Y] a acheté en état futur d’achèvement à la SCI Les Jardins de [Adresse 18] le lot n°31 réservé au prix de 236 000 euros HT, soit 282 256 euros TTC dont :
‘ 235 994,24 euros payé comptant ;
‘ 46 261,76 euros payé ultérieurement en fonction de l’avancement des travaux conformément aux dispositions de l’article R.261-14 du code de la construction et de l’habitation.
Le prix a été partiellement financé par un prêt in fine conclu par acte sous seing privé du 28 mars 2008 avec la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (devenu depuis le 1er juin 2015 la SA Crédit Immobilier de France Développement) d’un montant de 243 984 euros d’une durée de 10 ans au taux nominal révisable de 5,10% garanti par une hypothèque conventionnelle.
Par avenant à ce bail signé le 1er juillet 2012, M. [Y] a accepté que la SARL Les Jardins de [Adresse 18] se substitue à la SAS Garrigae Hotels & Resorts et que le loyer annuel soit réduit de 12 138 euros à 7 016,38 euros TTC avec clause de révision annuelle en fonction de la situation financière du preneur et abandon des loyers pour la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2011.
La SARL Garrigae Hotels & Resorts a été placée en redressement judiciaire par jugement du 30 janvier 2013 du tribunal de commerce de Béziers, puis en liquidation judiciaire par jugement du 12 février 2014.
Faisant valoir que la rentabilité locative de l’opération immobilière constituait une condition essentielle de leur engagement contractuel, M. [Y] a fait assigner, par actes d’huissier signifiés des 21 et 27 avril 2016, la SA Crédit Immobilier de France Développement, la SCP de notaires Benedetti-[K]-Gally-Dariscon, la SARL HPA Holding, la SCI Les Jardins de [Adresse 18], la société Taurean Properties et Me [C] [R] devant le tribunal de grande instance de Narbonne aux fins de solliciter l’annulation de la vente pour dol et du prêt immobilier ainsi que l’indemnisation du préjudice subi.
Par ordonnance du 2 mars 2017, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal incompétent pour connaître de l’action dirigée contre Me [C] [R].
Par jugement du 6 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Narbonne a :
‘ déclaré recevable la demande en annulation du contrat de vente du 30 mai 2008 et les demandes subséquentes formées par M. [E] [Y] à l’égard de la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et de la SARL Groupe Garrigae nouvellement dénommé SARL HPA Holding ;
‘ débouté M. [Y] de ses demandes en annulation pour dol des contrats de vente et de prêt conclus le 30 mai 2008 et les demandes subséquentes en restitution, indemnisation, mainlevée d’inscription et en dommages-intérêts ;
‘ déclaré recevable l’action subsidiaire en responsabilité civile délictuelle formée par M. [Y] à l’encontre de la SA Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne ;
‘ débouté M. [Y] de ses demandes subsidiaires en responsabilité contractuelle contre la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et de la SARL Groupe Garrigae nouvellement dénommé SARL HPA Holding ;
‘ débouté M. [Y] de ses demandes formées contre la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon ;
‘ débouté M. [Y] de ses demandes subsidiaires en responsabilité délictuelle contre la SA Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne et de la société Taurean Properties ;
‘ dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes formées à l’encontre de Me [C] [R] ;
‘ dit n’y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ laissé les dépens de l’action à la charge de M. [Y].
Par déclaration au greffe du 26 novembre 2018, M. [Y] a relevé appel du jugement à l’encontre seulement de la SCI Les Jardins de [Adresse 18], de la SARL HPA Holding, de la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon et de la SA Crédit Immobilier de France Développement.
Vu les dernières conclusions de M. [Y] remises au greffe le 18 novembre 2022 ;
Vu les dernières conclusions de la SCI Les jardins de [Adresse 18] et de la SARL HPA Holding et remises au greffe 11 juillet 2019 ;
Vu les dernières conclusions de la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon remises au greffe le 18 novembre 2022 ;
Vu les dernières conclusions de la SA Crédit Immobilier de France Développement remises au greffe le 18 juillet 2019 ;
La clôture de la procédure a été prononcée le 22 novembre 2022.
MOTIFS DE L’ARRÊT
I/ Sur l’action en nullité de la vente pour dol
M. [Y] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande d’annulation de la vente conclue le 30 mai 2008 pour dol ainsi que l’annulation subséquente du prêt immobilier contracté pour cette acquisition.
En conséquence de la nullité du contrat de vente conclu avec la SCI Les Jardins de [Adresse 18] le 30 mai 2008, M. [Y] accepte de restituer le bien immobilier à la SCI Les Jardins de [Adresse 18] qui doit corrélativement lui restituer le prix de la vente d’un montant de 282 256 euros TTC.
M. [Y] sollicite la condamnation in solidum de la SCI Les jardins de [Adresse 18], de la SARL HPA Holding, de la SCP Benedetti-[K] et de la SA Crédit Immobilier de France Développement à l’indemniser de l’intégralité de son préjudice spécial non couvert par les restitutions :
‘ 38 272 euros en restitution de son apport personnel avec intérêts au taux légal à partir du 30 mai 2008 ;
‘ 242 760 euros de gain manqué correspondant à la perte de loyer ;
‘ 42 230 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la vente et du prêt, assorti de l’intérêt aux taux légal à compter du 30 mai 2008 ;
‘ 50 000 euros en réparation de leur préjudice moral.
A titre infiniment subsidiaire, M. [Y] soulève la faute contractuelle de la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et de la société HPA Holding et la faute délictuelle et contractuelle du notaire et de l’établissement bancaire pour manquement à leur obligation d’information et de conseil pour conclure à leur condamnation in solidum à les indemniser à hauteur du coût du crédit de 138 961,20 euros, de 242 760 euros représentant la perte de loyer et 50 000 euros en réparation du préjudice moral.
La SCI Les Jardins de [Adresse 18] et la SARL HPA Holding concluent à la confirmation du jugement.
La SARL HPA Holding sollicite sa mise hors de cause en faisant valoir qu’elle n’a signé ni l’acte de vente, ni le bail.
La SCI Les Jardins de [Adresse 18] soutient que M. [Y] ne démontre l’existence d’aucune man’uvre ni intention dolosive. Elle soutient n’avoir commis aucune faute en vendant un bien en état futur d’achèvement qui a été achevé et livré. Selon elle, aucun document contractuel ne garantissait la rentabilité locative de l’opération et les difficultés d’exécution d’un bail commercial constituaient un risque prévisible lors de la signature du contrat. Elle considère que l’élément essentiel du contrat était l’avantage fiscal et la jouissance des lieux à titre gratuit sur certaines périodes et non la garantie des loyers.
La SCI Les Jardins de [Adresse 18] sollicite donc le rejet de la demande en réparation des divers préjudices, notamment celui résultant de la perte de loyers. Elle soutient qu’elle ne peut être tenue en tant que vendeur à garantir le paiement des loyers, que le défaut de paiement était un risque prévisible lors de la signature du bail qui pouvait être couvert par une assurance de garantie des loyers impayés non souscrite par M. [Y].
M. [Y] invoque également le dol de la SA Crédit Immobilier de France Développement commis dans le cadre de la conclusion du contrat de prêt.
La SA Crédit Immobilier de France Développement soutient à titre liminaire que l’action en nullité exercée par M. [Y] est prescrite.
1) Sur la recevabilité de l’action en nullité pour dol,
L’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, dispose :
‘ Dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
Il incombe à la SA Crédit Immobilier de France Développement, qui oppose à M. [Y] la fin de non recevoir tirée du dépassement du délai d’exercice de son action en nullité pour dol, d’en justifier.
En l’espèce, la SA Crédit Immobilier de France Développement se contente d’alléguer ou de supputer que des loyers aient pu être impayés au préjudice de M. [Y], cet événement d’impayé étant de nature à constituer le point de départ de la prescription de l’action en nullité pour dol.
En l’absence de preuve de tels impayés par la banque, la seule date pouvant être retenue comme point de départ du délai de prescription est celle du 1er juillet 2012 lorsque M. [Y] a été invité à signer un avenant au contrat de bail portant à sa connaissance l’absence de garantie des loyers telle qu’elle lui avait été présentée par le promoteur immobilier lors de la vente.
La prescription quinquennale ayant couru à partir du 1er juillet 2012, l’action en nullité n’était pas prescrite lorsque M. [Y] l’a engagée par exploit introductif d’instance du 21 avril 2016.
2) Sur la demande de mise hors de cause de la société HPA Holding,
Il ressort de l’examen des documents versés aux débats :
‘ que la documentation commerciale est établie sous la double référence en haut de page «’Les Jardins de [Adresse 18] – Vineyard Estate & Spa » et en bas de page «’Garrigae Investissements’» comportant le numéro d’immatriculation de la SARL HPA Holding au RCS 447 690 660 et l’adresse de cette même société [Adresse 3] à [Localité 8]’;
‘ que l’acte de réservation conclu le 6 janvier 2008 entre M. [Y] et la SCI Les Jardins de [Adresse 18] représentée par son gérant la société Garrigae Développement, devenue SARL HPA Holding, comporte le même logo en bas de page «’Garrigae Investissements’» que celui figurant sur le document commercial précité’;
‘ que l’acte de bail commercial a été signé le 18 mars 2008 avec la SARL Garrigae Hotels & Resorts représentée par son gérant M. [L] [N] ;
‘ que la vente de l’immeuble a été conclue par la SCI Les Jardins de [Adresse 18] domiciliée [Adresse 3] à [Localité 8], représentée par la SARL Garrigae Développement devenue SARL HPA Holding et la vente du mobilier par la société Garrigae Hotels & Resorts représentée M. [L] [N]’;
‘ que l’avenant au bail commercial du 1er juillet 2012 a été conclu entre M. [Y], la SARL Les Jardins de [Adresse 18] représentée par son gérant M. [L] [N] et la SAS Garrigae Hotels & Resorts représentée par la société Groupe Garrigae.
La SARL HPA Holding (anciennement dénommée SARL Garrigae Développement) intervenant comme holding du groupe Garrigae n’a signé l’acte de réservation du 6 janvier 2008 et l’avenant au bail du 1er juillet 2012 avec M. [Y] qu’en qualité de gérante représentant la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et de la SAS Garrigae Hotels & Resorts, et non en qualité de cocontractant direct.
Mais la cour relève que la plaquette publicitaire, détaillant le projet d’investissement et la garantie des loyers, est établie sous le logo de la SARL HPA Holding accompagné de son propre numéro d’immatriculation au RCS 447 690 660 et non de celui de la SCI Les Jardins de [Adresse 18].
Il en résulte qu’en sa qualité de rédacteur de la plaquette publicitaire remise directement aux investisseurs, dans laquelle elle est identifiée sous son numéro RCS, la SARL HPA Holding a contrôlé directement le contenu de ce document et qu’elle en a ensuite fait le plus large usage pour promouvoir programme d’investissement «’Les Jardins de [Adresse 18] » et procéder à la commercialisation des lots auprès des particuliers investisseurs.
Elle est donc intervenue en qualité de gérante de la société venderesse mais aussi comme représentante indépendante assurant la promotion du projet et agissant pour le compte de la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et de la SARL Garrigae Hotels & Resorts qui devait ensuite assurer l’exploitation du complexe immobilier.
La SARL HPA Holding doit donc répondre d’éventuels agissements de dol aux côtés de la SCI Les Jardins de [Adresse 18].
3) Sur le dol de la SCI Les jardins de [Adresse 18] et de la SARL HPA Holding,
En application de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
Le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter.
Il ne peut être invoqué que dans le cas où les man’uvres émanent de l’une des parties contractantes ou de leur représentant ou gérant d’affaire.
Les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant.
En l’espèce, la plaquette de commercialisation rédigée en anglais et comportant l’en-tête «’Les jardins de [Adresse 18] – Vineyard Estate & Spa » avec le logo « Garrigae Investissements » et le numéro RCS 447’690’660 a présenté ce projet immobilier à [Localité 19] comme un investissement dans une résidence de tourisme située dans une région décrite «’comme la plus dynamique en France’». Elle précise que «’le Languedoc connaît une rapide croissance dans le tourisme international’» et que la résidence sera gérée par une société dirigée par l’ancien «’directeur commercial du Club Méditerranée et PDG du Club Med Australie et USA’».
Il a ainsi été proposé à M. [Y] différentes modalités d’investissement dans l’achat d’un bien immobilier en état futur d’achèvement avec quatre différentes «’options de leaseback’», dont celle appelée « pure invest » qui garantit un «’rendement financier net de 4,5%’» obtenue par la conclusion d’un bail commercial.
Cette plaquette commerciale vante «’une variété d’option offrant une garantie de rentabilité locative et des options fiscales attractives en cas de non utilisation’». Le document précise «’le gouvernement français accepte de rembourser la TVA à l’achat, ce qui représente une remise effective de 19,6%’».
Ce document met en exergue que «’le propriétaire a l’avantage de bénéficier d’un bien en pleine propriété avec un revenu garanti, sans les ennuis et incertitudes qui vont avec la location et l’entretien du bien. Le revenu garanti est de l’ordre de 2.5% à 4,5% par an »».
Le bail signé par M. [Y] le 18 mars 2008 avant la signature de l’acte authentique de vente du 30 mai 2008 stipule un loyer annuel de 12 138 euros TTC.
Il ressort de ces documents que contrairement à ce que soutiennent la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et la SARL HPA Holding, l’élément essentiel qui a permis de convaincre M. [Y] est la certitude d’un rendement financier garanti tel qu’il était présenté dans la documentation commerciale de l’investissement immobilier, et non la seule économie fiscale consistant en la récupération de TVA du fait de l’activité de location en meublé touristique.
Non seulement la documentation commerciale «’Les jardins de [Adresse 18] – Vineyard Estate & Spa » mentionne dans son dernier paragraphe « résumé et points clés » que cette opération constitue une « opportunité unique d’acquérir une belle maison de vacances dans un complexe de luxe entièrement géré avec un revenu locatif garanti disponible » mais encore la mention expresse de’« revenu garanti’sans les ennuis et les incertitudes qui vont avec la location et l’entretien du bien » située dans le corps du texte achève de tromper l’investisseur étranger sur la réalité de la garantie promise.
A la lecture de ces documents commerciaux et du bail signé dès la réservation avec la garantie apportée d’un rendement net de 4,50% par an, M. [Y] pouvait légitiment croire à une véritable garantie de paiement de ces loyers et non à la garantie d’une seule rentabilité théorique.
En présentant à M. [Y] un revenu et une rentabilité garantis, «’sans les ennuis et les incertitudes de la location’» tant sur la durée que dans son montant, les sociétés intimées ont induit M. [Y] en erreur et l’ont déterminé à acheter le bien immobilier litigieux.
M. [Y] n’aurait pas acheté ce bien à ce prix et dans ces conditions s’il n’avait pas été assuré de cette garantie de paiement des loyers. La seule défiscalisation, bien qu’elle ait pu contribuer sa décision, était insuffisante à elle seule au regard des risques importants inhérents à une opération réalisée à l’étranger portant sur une maison d’habitation située dans un ensemble immobilier situé à [Localité 19], lieu inconnu pour lui et au prix de 282 256 euros TTC.
En vendant à un investisseur étranger, éloigné géographiquement, une maison en VEFA louée en meublé dans une résidence para-hôtelière, située dans un secteur éloigné des sites touristiques réellement attractifs, le promoteur en sa qualité de vendeur professionnel devait informer son acquéreur, qui est un simple consommateur, de ce que la garantie annoncée concernait exclusivement la conclusion d’un bail commercial et non la perception effective des loyers.
Il devait également l’avertir des risques éventuels d’impayés ou de révision à la baisse des loyers en cas de conjoncture défavorable et de la nécessité de couverture du risque par une assurance des loyers impayés si elle était possible, s’agissant d’une location commerciale.
La volonté de tromper l’acquéreur est d’autant plus établie qu’au même moment, la SARL Garrigae Investissement justifiait par courrier du 27 octobre 2008 le licenciement économique de leur salariée responsable juridique Mme [H] par les difficultés que le groupe rencontrait ou craignait de rencontrer, du fait de la crise financière et des problèmes de commercialisation de leurs programmes, qui ont entraîné, directement ou indirectement, le défaut de paiement des loyers du second semestre 2011, après seulement deux années d’exploitation.
Le promoteur n’a donc pas donné une information loyale sur les risques réels de l’opération immobilière à M. [Y] lors de la signature de l’acte sous seing privé du 6 janvier 2008 et de l’acte authentique du 30 mai 2008. Cette dissimulation des risques encourus a déterminé M. [Y] à contracter et l’a conduit à acheter le bien immobilier avec la croyance erronée qu’il disposerait d’un loyer garanti à hauteur de 12 138 euros TTC par an.
Contrairement à ce qu’a retenu le jugement et à ce que soutiennent la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et la SARL HPA Holding, le montage de l’opération n’a pas été clairement expliqué à l’acquéreur quant à la nature exacte de la garantie des loyers mise en exergue par le promoteur.
Cette garantie constituait un élément déterminant de l’opération, la conclusion du bail commercial avec la SARL Garrigae Hotels & Resorts constituant une obligation essentielle du contrat mentionnée dans le contrat de réservation, sans disponibilité du bien, qui se situait dans la résidence para-hôtelière du groupe et ne pouvait pas être géré seul.
Cette attitude du promoteur est à l’origine de l’erreur de M. [Y], erreur toujours excusable en matière de dol, sur la garantie des loyers permettant de financer l’opération.
Cette erreur n’a pas été couverte par la signature de l’acte de vente tel que le soutient la SCI Les Jardins de [Adresse 18]. En effet, le dol résulte des argumentaires commerciaux précis et détaillés s’appuyant sur des documents à caractère contractuel qui ont servi de base à l’établissement des actes préalables à l’acte de vente et de l’acte de vente lui-même.
Enfin, le fait que M. [Y] ait signé l’avenant au bail commercial du 1er juillet 2012 ne traduit pas de sa part, ainsi que le soutient la banque dans ses écritures, une reconnaissance de ce que ‘ le loyer initial n’était pas une condition déterminante de son consentement à acquérir en 2008 . L’acceptation de cet avenant était le seul moyen pour M. [Y] de permettre la poursuite de l’exploitation commerciale du bien, certes dans des conditions économiques dégradées, mais en évitant la perte totale et définitive des loyers à venir
Il se déduit des précédents développements que la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et la SARL HPA Holding ont sciemment provoqué l’erreur de M. [Y] sur la garantie des loyers annoncée et commis un dol.
En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement qui a rejeté la demande de nullité de la vente pour dol et de prononcer la nullité pour dol de l’acte authentique reçu le 30 mai 2008 par Me [M] [K] aux termes duquel la SCI Les Jardins de [Adresse 18], ayant pour représentant légal la SARL Garrigae Développement, a vendu en état futur d’achèvement à M. [Y] une maison d’habitation située à [Localité 19] au prix de 282 256 euros TTC.
II – Sur les conséquences de l’annulation de la vente,
La nullité de la vente a pour conséquence l’anéantissement rétroactif du contrat et la remise des parties en l’état où elles se trouvaient avant la passation du contrat.
1 )Sur les restitutions à opérer,
En conséquence de l’annulation de la vente :
‘ La SCI Les Jardins de [Adresse 18] devra restituer à M. [Y] le prix de la vente de 282 256 euros TTC ;
‘ M. [Y] devra restituer à la SCI Les Jardins de [Adresse 18] la maison n°31 type P3 de 55,48 m² de ce programme construite sur la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 5] sur la commune de [Localité 19] (11).
La SCI Les Jardins de [Adresse 18] ne demande pas la restitution des fruits perçus par M. [Y] qui conserve donc la totalité des loyers perçus depuis l’acquisition de son immeuble.
En application des articles 1153 et 1304 du code civil, dans leur version antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable en l’espèce, il convient d’assortir la créance de restitution du prix par la SCI Les Jardins de [Adresse 18] à M. [Y] de l’intérêt au taux légal à compter de la date de la demande en justice formée le 21 avril 2016.
2) Sur les dommages-intérêts demandés par M. [Y],
En application de l’article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
M. [Y], partie au contrat de vente annulé, est de bonne foi. Il est donc fondé à demander la condamnation des autres parties fautives à réparer le préjudice subi en raison de la conclusion du contrat annulé.
Sur la restitution de la somme de 38 272 euros,
M. [Y] sollicite la restitution de la somme de 38 272 euros représentant le montant de son apport personnel pour le paiement du prix de l’immeuble.
Cette somme est englobée dans le prix de 282 256 euros TTC dont le présent arrêt ordonne la restitution totale à l’acquéreur par la SCI Les Jardins de [Adresse 18].
Cette demande de restitution supplémentaire de 38 272 euros formée par M. [Y] ne correspond à aucun préjudice subi et ne peut donc qu’être rejetée.
Sur le gain manqué correspondant à la perte de loyers,
M. [Y] sollicite l’octroi de dommages-intérêts à hauteur de 242 760 euros représentant la totalité des loyers qu’il espérait percevoir durant vingt années (12 138 euros x 20 ans).
N’étant plus propriétaire de l’immeuble du fait de l’anéantissement rétroactif de la vente, M. [Y] n’a plus vocation à revendiquer la perception de loyers perçus issus de la location de cet immeuble. Tout au plus, M. [Y] qui est de bonne foi, est-il autorisé à conserver les loyers perçus durant la période de possession du bien immobilier.
La cour relève que M. [Y] déclare expressément dans ses écritures (page 15) : « En l’absence de ces loyers garantis, il n’aurait pas conclu la vente. »
Pour autant, M. [Y] ne justifie pas l’existence d’un préjudice causé par la perte de chance de réaliser un investissement de meilleure rentabilité.
En conséquence, M. [Y] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts de 242 760 euros représentant un gain manqué de perte des loyers ou une perte de chance de réaliser un investissement de meilleure rentabilité.
Sur les frais de notaire,
M. [Y] soutient avoir supporté en pure perte 12 870 euros de ‘ frais de notaire .
Au soutien de sa demande, M. [Y] produit un seul document intitulé « décompte acquéreur » (pièce n°12) traduit en anglais. Ce document ne précise pas la nature précise de ces frais de 12 870 euros qui représentent pour l’essentiel les taxes de publicité foncière payées par les acquéreurs de l’immeuble.
Ces taxes de publicité foncière seront restituées par l’administration fiscale à M. [Y] suite à l’annulation judiciaire de la vente de l’immeuble conformément aux dispositions de l’article 1961 alinéa 2 du code général des impôts.
M. [Y] ne justifie pas avoir supporté de quelconques frais, débours et émoluments du notaire qui seraient seuls susceptibles de constituer un chef de préjudice pour avoir été définitivement supportés en pure perte par l’acquéreur.
A défaut de preuve apportée du préjudice subi, la demande d’indemnisation formée par M. [Y] à hauteur de 12 870 euros sera donc rejetée.
Sur les autres frais,
M. [Y] soutient avoir supporté en pure perte 22 724 euros de frais de mobilier. Il sollicite également le remboursement de taxes foncières et de frais liés à la propriété de l’immeuble pour un montant total de 6 636 euros supporté entre 2009 et 2015.
M. [Y] conserve les fruits de l’immeuble dont la SCI Les Jardins de [Adresse 18] ne demande pas la restitution suite à l’anéantissement du contrat de vente.
Ces fruits de l’immeuble s’entendent de tous les loyers de l’immeuble perçus par M. [Y] (à hauteur de 12 138 euros TTC/an du 29 mai 2009 au 1er juillet 2011 et de 7 016,38 euros TTC/an depuis le 31 décembre 2011) dont il convient de déduire les charges qui se déduisent des loyers bruts pour obtenir le revenu foncier net.
Les frais de 6 636 euros dont M. [Y] demande le paiement par la SCI Les Jardins de [Adresse 18] ne constituent donc pas un chef de préjudice mais s’analysent en de simples charges à déduire de ses revenus fonciers bruts. En effet, pendant la période de possession de l’immeuble, M. [Y] a bénéficié d’un revenu foncier net substantiel depuis le 29 mai 2009 en dépit du fait que ce gain ait été inférieur aux promesses du promoteur.
L’appelant est demeuré propriétaire des meubles achetés et il ne démontre pas avoir subi un préjudice du fait de l’acquisition de ces meubles.
Par ailleurs, ces frais d’ameublement ont été largement amortis depuis le 29 mai 2009, ces amortissements constituant une charge d’exploitation qui se déduit également des loyers bruts perçus avant d’obtenir le revenu foncier net.
Il n’est donc pas davantage démontré par M. [Y] que l’acquisition des meubles à hauteur de 22 724 euros a généré un quelconque dommage à indemniser à hauteur de cette somme ou même d’un montant inférieur.
Il résulte de ces développements que les demandes d’indemnisation à hauteur de 22 724 euros et de 6 636 euros formées par M. [Y] ne peuvent qu’être rejetées.
M. [Y] est cependant fondé à solliciter le paiement in solidum par la SCI les Jardins de [Adresse 18] et la SARL HPA Holding des frais de mainlevée d’inscriptions de privilèges et hypothèques prises sur le bien immobilier objet de la vente annulée.
Sur le préjudice moral,
La faute de la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et de la SARL HPA Holding a occasionné un préjudice moral à M. [Y] qui a dû engager une longue procédure judiciaire en France et en subir les tracasseries inhérentes.
Il lui sera donc alloué une indemnité de 5’000 euros en réparation de ce préjudice moral, aucun justificatif ni démonstration n’étant par ailleurs produit à l’appui de sa demande formée à hauteur de 50 000 euros.
III – Sur les demandes afférentes au prêt accordé par la SA Crédit Immobilier de France Développement,
Pour assurer le financement de son investissement, M. [Y] a contracté par acte sous seing privé du 28 mars 2008 auprès de la SA Crédit Immobilier de France Développement un prêt in fine d’un montant de 243 984 euros en principal garanti par hypothèque conventionnelle.
1) Sur le dol reproché par M. [Y] à la SA Crédit Immobilier de France Développement,
M. [Y] soutient que l’établissement bancaire a commis un dol dans le cadre de la conclusion du prêt car « il ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel du crédit immobilier, le caractère mensonger de l’opération telle que présentée dans les documents remis à M. [E] [Y] pour le déterminer dans son consentement.»
La SA Crédit Immobilier de France Développement fait valoir qu’elle n’a commis aucune manoeuvre dolosive et qu’elle n’a pas participé au montage et à la commercialisation du bien immobilier objet du litige. Elle soutient avoir parfaitement exécuté son obligation de mise en garde sans qu’il lui incombe d’apprécier l’opportunité économique de l’investissement ni de conseiller son client à ce sujet.
Ainsi que l’a pertinemment retenu le jugement déféré, M. [Y] n’apporte la preuve ni de la participation de la Crédit Immobilier de France Développement à la commercialisation de l’opération financée, ni de l’existence de liens d’affaires entre la banque et le promoteur.
Les documents commerciaux «’Les Jardins de [Adresse 18]’» se limitent à inciter les investisseurs à assurer leur financement par l’intermédiaire d’établissements bancaires français en raison des taux d’intérêts plus bas.
Aucun élément versé au dossier n’établit que la SA Crédit Immobilier de France Développement a participé à la vente du bien immobilier litigieux auprès de M. [Y], opération au cours de laquelle elle aurait pu se livrer à des manoeuvres dolosives.
La SA Crédit Immobilier de France Développement est intervenue en qualité exclusive de prêteur de deniers d’un investissement locatif, et ce postérieurement à la conclusion du contrat de réservation et du contrat de bail commercial, sans que l’existence d’aucun lien ne soit démontré entre elle et le promoteur.
Par ailleurs, M. [Y] n’établit aucun manquement par la SA Crédit Immobilier de France Développement à son obligation de renseignement et de conseil susceptible de constituer un dol lors de la conclusion du contrat de prêt.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du prêt immobilier pour dol de la SA Crédit Immobilier de France Développement formée par M. [Y].
2) Sur la responsabilité contractuelle pour faute de la banque,
Les responsabilités contractuelle et délictuelle ne peuvent se cumuler dès lors que les demandes de réparation du préjudice portent sur le même objet. Dès lors qu’en l’espèce, le préjudice résulte de l’exécution d’un contrat de prêt, M. [Y] ne peut invoquer que le fondement contractuel au soutien de ses demandes.
En application de l’article 2224 du code civil, la prescription de l’action en responsabilité pour manquement à l’obligation de mise en garde et de conseil exercée par M. [Y] à l’encontre de la banque court à partir du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l’exercer.
En l’espèce, M. [Y] a eu connaissance de la défaillance de la société locataire commerciale de son immeuble le 1er juillet 2012 lorsqu’il a été informé des difficultés financières de la SARL Garrigae Hotels & Resorts et de la nécessité d’abandonner les loyers du deuxième semestre 2011 et de diminuer le montant des loyers à partir du 1er janvier 2012.
L’action en responsabilité ayant été engagée contre la SA Crédit Immobilier de France Développement par M. [Y] le 27 avril 2016, cette action n’est pas prescrite.
M. [Y] ne démontre pas que la banque lui a proposé un produit inadapté à sa situation personnelle et à ses capacités financières de remboursement.
L’établissement bancaire produit au contraire tous les documents et justificatifs de ce qu’il a parfaitement pris en compte les capacités financières de l’emprunteur avant de lui accorder un prêt adapté à ses facultés de remboursement.
Contrairement à la position soutenue par M. [Y] dans ses écritures, la SA Crédit Immobilier de France Développement ne disposait d’aucune information sur les risques particuliers de cet investissement immobilier et il ne lui incombait pas de procéder à un audit financier du projet de son client ni de le conseiller sur l’opportunité économique de l’opération envisagée.
En l’absence de faute démontrée sur le fondement de l’article 1147 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, la responsabilité de la SA Crédit Immobilier de France Développement ne peut pas être recherchée.
M. [Y] sera donc débouté de sa demande de condamnation in solidum de la SA Crédit Immobilier de France Développement à supporter le préjudice spécial réclamé, ce en quoi le jugement déféré sera confirmé.
3) Sur l’annulation du prêt immobilier,
Le prix de vente de 282 256 euros TTC a été payé par M. [Y] à la SCI Les Jardins de [Adresse 18] au moyen d’un prêt bancaire accordé par la SA Crédit Immobilier de France Développement à hauteur de 243 984 euros.
En application de l’article L.312-12 du code de la consommation devenu L.313-36 du même code, l’offre de prêt est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé.
En raison de l’effet rétroactif de l’annulation du contrat de vente, le contrat de prêt est censé n’avoir pas été conclu dans le délai fixé par la loi, de sorte que le prêt souscrit pour assurer le financement de l’opération se trouve lui-même annulé de plein droit.
4) Sur les restitutions consécutives à l’annulation du prêt,
L’annulation du prêt immobilier oblige à une restitution corrélative des sommes versées entre les parties :
‘ M. [Y] devra restituer à la SA Crédit Immobilier de France Développement le montant du capital emprunté de 243 984 euros ;
‘ La SA Crédit Immobilier de France Développement devra restituer à M. [Y] la totalité des sommes encaissées en capital, intérêts contractuels et frais depuis le début du contrat de prêt.
Les parties étant toutes deux de bonne foi, la cour assortira les créances réciproques de restitution de l’intérêt au taux légal à compter de la date de demande en justice du 21 avril 2016 conformément à l’article 1153 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige.
La cour ordonne la compensation judiciaire des sommes que se doivent réciproquement M. [Y] et la SA Crédit Immobilier de France Développement.
L’obligation inhérente à un contrat de prêt annulé demeure tant que les parties n’ont pas été remises en l’état antérieur à la conclusion de leur convention, de sorte que l’hypothèque ou le privilège en considération duquel ce prêt avait été consenti subsiste jusqu’à l’extinction de cette obligation.
En conséquence, la demande de mainlevée de l’hypothèque formée par M.[Y] sera rejetée.
5) Sur les demandes indemnitaires formées par la SA Crédit Immobilier de France Développement contre les auteurs du dol,
Le dol commis par la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et par la SARL HPA Holding est la cause directe de l’annulation du prêt consenti par la SA Crédit Immobilier de France Développement à M. [Y].
Du fait de cette annulation du prêt imputable à la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et à la SARL HPA Holding, l’établissement bancaire prêteur est fondé à solliciter sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil l’indemnisation de son préjudice.
En l’espèce, ce préjudice résulte de la perte des intérêts contractuels échus de 53 729,40 euros que la banque doit rembourser à son emprunteur M. [Y].
En conséquence, la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et la SARL HPA Holding seront condamnées in solidum à payer à la SA Crédit Immobilier de France Développement la somme de 53 729,40 euros de dommages-intérêts.
IV – Sur l’action en responsabilité délictuelle dirigée contre le notaire,
M. [Y] soutient que la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon a engagé sa responsabilité civile professionnelle en ne l’informant pas des risques inhérents aux actes de son ministère. Il demande sa condamnation in solidum avec les autres intimés à l’indemniser de tous ses chefs de préjudice non couverts par les restitutions.
La SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon sollicite la confirmation du jugement. Elle conclut que le notaire n’a commis aucune faute et que l’appelant ne justifie pas d’un préjudice en lien de causalité directe avec la prétendue faute.
En application de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
Les obligations du notaire tendant à assurer l’efficacité d’un acte instrumenté par lui et constituant le prolongement de sa mission de rédacteur d’acte relèvent aussi de sa responsabilité délictuelle.
Le notaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques de l’acte auquel il prête son concours y compris quant à ses incidences fiscales. Le notaire doit le cas échéant déconseiller aux parties de s’engager, sans que leurs compétences personnelles ni la présence d’un conseiller à leur côté ne le dispensent de ce devoir de conseil.
Le contrat de réservation signé le 6 janvier 2008 prévoit que l’Office Notarial du Palais représenté par Me [M] [K] devra recevoir l’acte authentique de vente et que le dépôt de garantie de 6 100 euros TTC sera réglé par virement sur le compte de la SCP Alain Benedetti et [M] [K] ouvert à la trésorerie générale de Carcassonne.
La plaquette publicitaire mentionnait également que la SCP Benedetti [K] était le notaire chargé de recevoir les actes authentiques de vente en état futur d’achèvement.
L’acte de vente reçu le 30 mai 2008 par la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon stipule notamment :
‘ que l’acquéreur est représenté à l’acte par Mme [A] [B], clerc de notaire, en vertu de la procuration établie le 25 avril 2008 par Me [C] [R], notary public à [Localité 14] (Irlande) ;
‘ que l’immeuble vendu se trouve au stade d’avancement « pose des cloisons » ;
‘ que la banque SA Calyon domiciliée [Adresse 1] à [Localité 15] a garanti l’achèvement de l’immeuble conformément à l’article R.261-17 du code de la construction et de l’habitation ;
‘ que le remboursement de la TVA à hauteur de 16,39% du prix TTC, conséquence de la location commerciale consentie, sera affectée au paiement des trois derniers stades d’avancement des travaux.
Il n’est pas contesté par M. [Y] que la construction a été achevée, que le contrat de vente en état futur d’achèvement a été entièrement exécuté, que l’avantage fiscal concernant la TVA a été appliqué et que le notaire a fait figurer dans son acte toutes les informations nécessaires à la mise en oeuvre des avantages fiscaux liés à l’opération.
Si l’acte précise que le vendeur déclare donner son accord à l’acquéreur pour la conclusion de tout contrat de location au profit de la SARL Garrigae Hotels & Resorts et rappelle l’obligation pour l’acquéreur d’assujettir les loyers à TVA pour bénéficier de la récupération de cette taxe, il n’est nullement démontré par M. [Y] que le contrat de réservation du 6 janvier 2008 et le contrat de bail commercial du 18 mars 2008 ont été rédigés par le notaire alors que l’acte authentique de vente est intervenu plus tard le 30 mai 2008.
Le seul fait que les coordonnées du notaire chargé de l’établissement des actes notariés soit mentionnées sur la plaquette commerciale et sur l’acte de réservation avec versement du dépôt de garantie sur le compte séquestre de l’étude notariale conformément à la loi ne suffit pas à démontrer, contrairement à ce que soutient M. [Y], que le notaire est intervenu lors des phases de négociation et de signature de l’avant-contrat, ni qu’il était informé de la garantie de loyers annoncée dans les documents publicitaires diffusés pour la commercialisation auprès d’une clientèle étrangère.
Aucun élément ne démontre donc que le notaire est intervenu durant la phase pré-contractuelle.
En particulier, M. [Y] n’est pas fondé à lui reprocher d’avoir omis de l’informer :
‘ de l’absence de garantie des loyers annoncée dans la plaquette publicitaire, dans la mesure où ces éléments n’ont pas été portés à la connaissance du notaire et que ces éléments n’étaient pas nécessaires à l’établissement de l’acte authentique ;
‘ des risques inhérents au bail commercial auquel le notaire était étranger, ces actes n’étant pas annexés à l’acte authentique ;
‘ de l’insolvabilité future du preneur, dont il n’est pas démontré que le notaire pouvait en avoir connaissance le jour de la signature de l’acte ni même soupçonner un tel risque alors qu’en octobre 2008 l’essentiel des logements construits lors de cette opération de promotion immobilière avaient déjà été vendues pour un montant évalué à plus de 50 millions d’euros par les appelants ;
‘ d’un conseil concernant l’équilibre financier et l’opportunité économique de l’opération immobilière à défaut de mission particulière confiée sur ce point et en l’absence d’éléments financiers d’appréciation non remis par les parties à l’acte et qu’il n’avait pas à rechercher d’office dans le cadre de sa stricte mission de notaire rédacteur d’acte.
M. [Y] n’apporte donc pas la preuve d’une quelconque faute délictuelle commise par la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes dirigées contre le notaire.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté les demandes à caractère indemnitaire formées par M. [E] [Y] contre la SA Crédit Immobilier de France Développement (venant aux droits de la la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne) et contre la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon ;
Statuant à nouveau’sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare recevable l’action en nullité du contrat de vente en état futur d’achèvement du 30 mai 2008 exercée par M. [E] [Y] ;
Prononce la nullité du contrat de vente en état futur d’achèvement conclu entre la SCI Les jardins de [Adresse 18] et M. [E] [Y] portant sur la maison formant le lot n°31 du programme immobilier Les Jardins de [Adresse 18] construite sur la parcelle cadastrée lieudit [Adresse 18] section C n°[Cadastre 5] de contenance 00a 77ca sur la commune de [Localité 19] (11), contrat reçu en la forme authentique le 30 mai 2008 par Me [M] [K], notaire associé de la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon pour dol ;
Condamne la SCI Les Jardins de [Adresse 18] à restituer à M. [E] [Y] la somme de 282 256 euros TTC assortie de l’intérêt au taux légal à compter du 21 avril 2016 ;
Dit que lorsque le prix leur aura été effectivement restitué, M. [E] [Y] sera tenu de restituer à la SCI Les Jardins de [Adresse 18] le bien immobilier objet de la vente du 30 mai 2008 annulée ;
Condamne in solidum la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et la SARL HPA Holding à payer à M. [E] [Y] :
‘ 5 000 euros en réparation de son préjudice moral’;
‘ les frais de mainlevée d’inscriptions de privilèges et hypothèques prises sur le bien immobilier objet de la vente annulée ;
Déboute M. [E] [Y] de ses demandes indemnitaires à hauteur de 38 272 euros d’apport personnel, 242 760 euros de perte de loyers, 22 724 euros de frais de mobilier, 12 870 de frais de notaire et de 6 636 euros de charges diverses ;
Prononce l’annulation du contrat de prêt conclu entre la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (devenue SA Crédit Immobilier de France Développement) et M. [E] [Y] pour un montant de 243 984 euros par acte sous seing privé du 28 mars 2008 par Me [M] [K], notaire associé de la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon ;
Dit que M. [E] [Y] est tenu de restituer la somme empruntée de 243 984 euros à la SA Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droits de la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, de l’intérêt au taux légal à compter du 21 avril 2016 ;
Dit que la SA Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droits de la la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, est tenue de restituer à M. [E] [Y] la totalité des sommes encaissées en capital, intérêts et frais qu’elle a perçues, assorties de l’intérêt au taux légal à compter du 21 avril 2016 ;
Ordonne la compensation des sommes que se doivent réciproquement M. [E] [Y] et la SA Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits de la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne ;
Rejette la demande de mainlevée de l’hypothèque conventionnelle inscrite sur l’immeuble objet du litige ;
Condamne in solidum la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et la SARL HPA Holding à payer à la SA Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droits de la la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, la somme de 53 729,40 euros de dommages-intérêts ;
Condamne in solidum la SCI Les jardins de [Adresse 18] et la SARL HPA Holding à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel, sauf ceux avancés par la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon qui seront mis à la charge de M. [E] [Y] ;
Condamne in solidum la SCI Les Jardins de [Adresse 18] et la SARL HPA Holding à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en première instance et en cause d’appel :
‘ 8 000 euros à M. [E] [Y] ;
‘ 2 000 euros à la SA Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droits de la la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne ;
Condamne in solidum M. [E] [Y] à payer 2 000 euros à la SCP Benedetti-[K]-Gally-Dariscon sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel ;
Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Ordonne la publication du présent arrêt au service chargé de la publicité foncière de la situation de l’immeuble à la diligence de Monsieur [E] [Y].
Dit qu’une copie du présent arrêt sera transmis à la direction départementales des finances publiques de l’Aude, à la diligence du greffe, en application des dispositions de l’article L.101 du livre des procédures fiscales.
Le greffier, Le président,