COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 FEVRIER 2023
N° RG 21/04817 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UVKR
AFFAIRE :
SAS HIPAUX
…
C/
S.A. GROUPE FLO
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 4
N° RG : 2018F01398
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Sophie CORMARY
Me Oriane DONTOT
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. HIPAUX
RCS Auxerre n° 531 268 357
[Adresse 4]
[Localité 6]
Maître [E] [M] en qualité de mandataire judiciaire de la SAS HIPAUX
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 8]
Monsieur [V] [I]
[Adresse 1]
[Localité 7]
S.E.L.A.R.L. CABINET BCM prise en la personne de Maître [X] en qualité de commissaire à l’éxécution du plan de la SAS HIPAUX
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentés par Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 et Me Valérie GUILLIN de la SCP BGMB & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0166
APPELANTS
****************
S.A. GROUPE FLO
RCS Nanterre n° 349 763 375
[Adresse 5]
[Localité 9]
S.N.C. FLO GESTION
RCS Nanterre n° 325 231 272
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentées par Me Oriane DONTOT de l’AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Gilles MENGUY de la SELARL GM AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0438
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
La société Groupe Flo spécialisée dans la restauration traditionnelle à thème exploite un réseau de franchise sur le territoire français sous l’enseigne Hippopotamus.
Elle a également exploité un réseau de franchise sous l’enseigne Tablapizza qui a été cédé au Groupe Le Duff le 30 juin 2017, tous les contrats de franchise ayant été transférés par substitution de franchiseur à la société Tablapizza.
En 2009, M. [V] [I] s’est rapproché de la société Groupe Flo dans la perspective d’exploiter un ou deux fonds de commerce dans la région de [Localité 10] ou d'[Localité 6].
Dans ce cadre, M. [I] a créé le 5 septembre 2011 deux sociétés, Hipaux et Tablaux, au travers d’une holding, la société A & D.
Après remise par la société Groupe Flo, les 1er juillet et 15 août 2010, d’un document d’information précontractuelle afférent à chacun des projets, le 21 septembre 2010 :
– la société Hipaux a conclu avec le Groupe Flo un contrat de franchise pour l’exploitation d’un restaurant sous enseigne Hippopotamus,
– la société Tablaux a conclu avec le Groupe Flo un contrat de franchise pour l’exploitation d’un restaurant sous enseigne Tablapizza,
pour une durée de 10 ans, dans la zone commerciale des Clairions à [Localité 6] (89).
Les restaurants ont ouvert le 12 avril 2012, à l’issue de leur édification dans le cadre de baux à construction conclus le 3 mai 2011.
Par actes du 1er décembre 2015, la société Groupe Flo, M. [I] et les sociétés Hipaux et Tablaux ont signé deux protocoles d’accord transactionnel relatifs à des manquements reprochés au franchiseur.
Le 31 décembre 2017, la société Tablaux a fait l’objet d’une dissolution et d’une transmission universelle de patrimoine à son associé unique, la société Hipaux.
Par courriers des 19 juillet 2017 et 28 juin 2018, la société Groupe Flo a mis en demeure la société Hipaux d’avoir à lui régler la somme de 32.325,90 €, puis celle de 77.069,69 € au titre des redevances impayées depuis le 31 août 2016.
Par acte d’huissier du 20 juillet 2018, la société Hipaux et M. [I] ont fait assigner la société Groupe Flo devant le tribunal de commerce de Nanterre, afin de voir prononcer la nullité des contrats de franchise, considérant que le franchiseur a engagé sa responsabilité en présentant des prévisionnels d’exploitation erronés et très largement surévalués.
Par courrier du 26 octobre 2018, la société Groupe Flo, invoquant une créance d’un montant de 94.452,01 € au titre des redevances impayées, a adressé à la société Hipaux une mise en demeure visant la clause résolutoire du contrat de franchise relatif au restaurant Hippopotamus.
Par jugement du 17 décembre 2018, le tribunal de commerce d’Auxerre a ouvert à l’égard de la société Hipaux une procédure de sauvegarde et désigné en qualité de :
– juge commissaire : M. [D] [S],
– administrateur judiciaire : la SELARL BCM, prise en la personne de Me [X],
– mandataire judiciaire : Me [E] [M].
Les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion ont procédé à la déclaration de leur créance le 8 février 2019.
Par acte d’huissier du 3 juin 2019, la société Hipaux et M. [I] ont fait assigner en intervention forcée la société Tablapizza devant le tribunal de commerce Nanterre, afin de voir prononcer la résiliation du contrat de franchise se rapportant au restaurant Tablapizza aux torts exclusifs de la société Tablapizza et d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du 6 octobre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a constaté le désistement d’instance de la société Hipaux et de M. [I] à l’égard de la société Tablapizza à la suite d’un accord trouvé par les parties.
Par jugement du 7 septembre 2020, le tribunal de commerce d’Auxerre a arrêté un plan de sauvegarde au bénéfice de la société Hipaux et désigné la SELARL BCM en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Par jugement du 25 juin 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– Débouté la société Groupe Flo de sa demande d’irrecevabilité au titre de la prescription quinquennale ;
– Dit l’action de la SARL Hipaux et M. [I] irrecevable du fait de l’autorité de la chose jugée en dernier ressort par les deux protocoles transactionnels conclus le 1er décembre 2015 ;
– Débouté la SARL Hipaux et M. [I] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– Pris acte de l’intervention volontaire de la société Flo Gestion ;
– Dit ne pas avoir la compétence juridictionnelle pour statuer sur la demande de fixation au passif de la SARL Hipaux de la somme de 7.916,48 € ;
– Débouté la société Groupe Flo de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– Condamné la SARL Hipaux à payer :
– la somme de 5.434.45 € à la SA Groupe Flo ;
– la somme de 1.912.80 € à la société Flo Gestion ;
– Condamné in solidum la SARL Hipaux et M. [I] à payer :
– la somme de 5.000 € à la SA Groupe Flo ;
– la somme de 300 € à la société Flo Gestion au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;
– Condamné in solidum la SARL Hipaux et M. [I] aux entiers dépens.
Par acte du 19 juillet 2019, la société Hipaux et M. [I] ont interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions notifiées le 25 février 2022, la société Hipaux et M. [I] demandent à la cour de :
– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 25 juin 2021, en ce qu’il a :
– Dit l’action de la SARL Hipaux et M. [I] irrecevable du fait de l’autorité de la chose jugée en dernier ressort par les deux protocoles transactionnels conclus le 1er décembre 2015,
– Débouté la SARL Hipaux et M. [I] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– Condamné la SARL Hipaux à payer :
– la somme de 5.434.45 € à la SA Groupe Flo,
– la somme de 1.912.80 € à la société Flo Gestion,
– Condamné in solidum la SARL Hipaux et M. [I] à payer :
– la somme de 5.000 € à la SA Groupe Flo,
– la somme de 300 € à société Flo Gestion au titre des dispositions de l’article 700 du code de procedure civile,
– Condamné in solidum la SARL Hipaux et M. [I] aux entiers dépens ;
Et, statuant à nouveau :
– Déclarer recevable l’action intentée par la société Hipaux et M. [I] ;
– A titre principal, prononcer la nullité des contrats de franchise conclus le 21 septembre 2010 entre les sociétés Hipaux et Tablaux d’une part, et la société Groupe Flo d’autre part ;
– A titre subsidiaire, dire et juger que la société Groupe Flo a engagé sa responsabilité à l’encontre de la société Hipaux et de M. [I],
Et vu l’absorption par la société Hipaux de la société Tablaux, intervenue à effet du 31 décembre 2017 :
– Condamner la société Groupe Flo à payer les sommes suivantes :
– à la société Hipaux : 2.617.000 € et
– à M. [I] : 700.000 € ;
– Condamner la société Groupe Flo à payer à la société Hipaux la somme de 8.107,38 €, avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2019, au titre des comptes entre les parties ;
– Condamner la société Groupe Flo à payer à la société Hipaux la somme de 13.541,83 € ;
– Condamner la société Flo Gestion à payer à la société Hipaux la somme de 1.912,80 € ;
– Condamner les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion, in solidum, à payer à la société Hipaux une somme de 20.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion, in solidum, aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Hadengue et associés.
Par dernières conclusions notifiées le 9 novembre 2022, la société Groupe Flo et la société Flo Gestion demandent à la cour de :
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Jugé que la société Hipaux et M. [I] sont irrecevables en leur action du fait de l’autorité de la chose jugée en dernier ressort découlant des deux protocoles transactionnels conclus le 1er décembre 2015 ;
– Débouté les appelants de toutes leurs demandes ;
– Condamné les appelants à payer :
– au titre des factures postérieures au jugement d’ouverture :
– la somme de 5.434,35 € à la SA Groupe Flo,
– la somme 1.912,80 € à Flo Gestion SNC,
– au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
– la somme de de 5.000 € à la SA Groupe Flo,
– la somme de 300 € à Flo Gestion SNC,
Sur les demandes des appelants :
– Juger l’action des appelants irrecevable du fait de la prescription quinquennale ;
Sur le fond :
– Sur les demandes de la société Hipaux :
– Sur la demande à titre principal de nullité des contrats de franchise relatifs à la société Hipaux et Tablapizza formulée par la société Hipaux, et de condamnation à des dommages et intérêts:
A titre liminaire :
– Juger irrecevable la demande de prononcé de la nullité du contrat de franchise Tablapizza à l’encontre de la société Groupe Flo, la demande étant affectée d’une fin de non-recevoir, le contrat ayant été poursuivi, du fait de son transfert à la société Tablapizza, suite à la cession du réseau Tablapizza au Groupe Le Duff au mois de juin 2017 ;
– En tout état de cause, débouter la société Hipaux de ses demandes de nullité sur le fondement du dol subsidiairement de l’erreur, et de toutes ses demandes monétaires, dont celle de 735.000 € et 442.000 € sur le fondement de l’article 564 code de procédure civile car nouvelles en appel ;
– Sur la demande à titre subsidiaire de la société Hipaux aux fins de condamnation à des dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle :
– Débouter la société Hipaux de ses demandes ;
– Sur les demandes de M. [I] :
– Juger les demandes irrecevables ;
– En tout état de cause, débouter M. [I] de ses demandes, fins, et conclusions ;
Sur l’appel incident des sociétés Groupe Flo et Flo Gestion :
– Réformer le jugement dont appel en ce qu’il n’a pas fait droit à l’intégralité des demandes présentées en 1ère instance par les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion (en dehors de celles ayant donné lieu aux condamnations prononcées au profit desdites sociétés et dont il est demandé ci-avant la confirmation), à savoir :
Statuant de nouveau il est demandé à la cour de céans de :
– Juger compétente pour fixer au passif de la société Hipaux des créances à la société Groupe Flo et Flo Gestion, en conséquence :
– Fixer au passif de la société Hipaux à payer à la société Groupe Flo la somme de : 150.699,87 €, au titre des créances antérieures ;
– Fixer au passif de la société Hipaux à payer à la société Flo Gestion la somme de : 7.916,48 €, au titre des créances antérieures ;
– Au titre des créances postérieures au jugement d’ouverture :
– Condamner la société Hipaux à payer à la société Groupe Flo la somme de 8.107,48 € (la différence entre la somme allouée en première instance et la réclamation totale de la société Groupe Flo) ;
– Condamner solidairement la société Hipaux et M. [I] à payer aux intimés la somme de 100.000 € au titre de la procédure abusive ;
En tout état de cause,
– Condamner solidairement les appelants à payer à la société Groupe Flo la somme de 20.000 € et à la société Flo Gestion la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens , dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2022.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
– Sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée
La société Groupe Flo et la société Flo Gestion concluent à l’irrecevabilité de l’action au regard de l’autorité de la chose jugée. Elles exposent qu’aux termes d’un protocole transactionnel du 1er décembre 2015, les parties ont mis fin à leur différend et renoncé, aux termes de l’article 5 du protocole, à toute action au titre de la conclusion et de l’exécution du contrat. Elles affirment que ce protocole concerne tous les manquements précontractuels et contractuels allégués par les franchisés. La société Groupe Flo souligne que M. [I] est également partie aux deux protocoles transactionnels, alors qu’il n’est pas signataire des contrats de franchise, ce qui vise à inclure dans le périmètre de la transaction, toutes demandes pouvant découler de sa qualité d’investisseur ou gérant. Elle considère que M. [I] a confirmé cette analyse par un courrier du 21 juin 2017. Elle soutient que les appelants ne peuvent se prévaloir d’un quelconque déséquilibre des concessions et que les clauses de renonciation générale d’une transaction emportent un effet extinctif global, quel que soit le fondement de l’action, de sorte que tant l’action en nullité que l’action en responsabilité contractuelle et délictuelle sont couvertes par les transactions. Enfin, la société Groupe Flo fait valoir qu’au regard de la transmission de patrimoine, comprenant les droits et obligations de la société Tablaux à la société Hipaux, la transaction conclue par la première est opposable à la seconde.
La société Hipaux et M. [I] répondent qu’une transaction est d’interprétation stricte et que les protocoles transactionnels conclus le 1er décembre 2015 ne visent pas les griefs nés au cours de la phase précontractuelle, ni l’action en nullité du contrat de franchise, mais uniquement l’indemnisation des manquements procédant de l’exécution du contrat. Ils soutiennent que le montant de la transaction est incompatible avec la renonciation alléguée à toute action relative à une erreur sur la rentabilité de l’activité entreprise et que la baisse de chiffre d’affaires évoquée par le protocole ne concerne qu’une baisse conjoncturelle du chiffre et non un manque structurel de rentabilité de l’activité.
*****
L’article 2048 du code civil dispose que : « Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ».
Par ailleurs, l’article 2049 du même code précise que : « Les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé ».
Enfin, l’article 2052 du code susvisé, dans sa rédaction applicable en l’espèce, dont les dispositions sont en partie rappelées à l’article 6 du protocole, prévoit que : « Les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Elles ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion ».
Il est constant que le 1er décembre 2015, deux protocoles transactionnels ont été signés, pour l’un, entre la société Groupe Flo, la société Hipaux et M. [I] et pour l’autre, entre la société Groupe Flo, la société Tablaux et M. [I].
Ces protocoles exposent, de manière identique, à titre préalable que « Le franchisé a rencontré des difficultés dans l’exploitation de son restaurant, lesquelles ont eu pour conséquence de laisser de nombreuses factures impayées et la non atteinte des prévisionnels projetés.
Le franchisé considère que le franchiseur est responsable de cette situation : éléments communiqués dans la phase précontractuelle, manque d’efficacité de la politique commerciale, (‘) défaut d’assistance (‘). Le franchisé considère en conséquence que le franchiseur est responsable de la baisse de chiffre d’affaire enregistrée par son restaurant. Il s’estime ainsi créancier envers le franchiseur d’une somme de 50.000 €.
(‘)
Sans que cela ne puisse être interprété comme une reconnaissance de responsabilité de la part de l’une ou de l’autre des Parties, celles-ci souhaitent engager des discussions, afin de mettre un terme aux différends et litiges qui les opposent concernant l’exécution et la poursuite du Contrat de Franchise qui les lient, par la conclusion d’une transaction ».
L’article 1er des protocoles signés par les parties le 1er décembre 2015 stipule que : « Le présent contrat est une transaction au sens de l’article 2044 du code civil. Il a pour objet de mettre fin aux contestations qui existent, tant potentiellement qu’effectivement entre les Parties au titre de la conclusion, l’interprétation, l’exécution et la cessation du Contrat de Franchise et ses actes subséquents ».
Aux termes des articles 2 et 3 relatifs aux concessions du franchiseur et de chaque franchisé, la société Groupe Flo a concédé une baisse des taux des redevances du franchisé, lequel a accepté de renoncer à la « créance de dommages et intérêts d’un montant de 50.000 € qu’il estime détenir à l’encontre du franchiseur au titre de divers manquements contractuels ».
Enfin, l’article 5 des protocoles comporte une renonciation commune des parties, « à tous droits, demandes, actions, instances, réclamations ou indemnités de quelque nature que ce soit qui trouveraient leur cause, directe ou indirecte, dans la conclusion, l’interprétation, l’exécution ou la cessation du contrat de franchise conclu entre elles et de ses actes subséquents ».
Comme le soutiennent les appelants, les protocoles visent « les manquements contractuels » reprochés au franchiseur, les « litiges qui les opposent concernant l’exécution et la poursuite du contrat de franchise » et « la baisse du chiffre d’affaire enregistrée » par les restaurants, laissant ainsi à penser que les manquements se rapportant à la phase précontractuelle, qui sont reprochés à la société Groupe Flo dans le cadre de cette instance, n’entrent pas dans le champ du protocole.
Cependant, les premiers juges ont pertinemment relevé que les éléments remis dans la phase précontractuelle sont expressément visés, puisque les franchisés reprochent la « non-atteinte des prévisionnels projetés » au franchiseur, qu’ils estiment responsable en raison des « éléments communiqués dans la phase précontractuelle ».
En outre, les protocoles rappellent qu’ils ont pour objet de mettre fin à toute contestation existant tant potentiellement qu’effectivement au titre tant de « la conclusion », que de « l’exécution (‘) du contrat de franchise » et que les parties renoncent à toute action trouvant sa cause « directe ou indirecte » dans la « conclusion » et « l’exécution du contrat ». A l’article 2 des protocoles, les franchisés se sont déclarés « rempli[s] par le franchiseur de tous les droits qui lui incombent à [leur] profit en vertu du contrat de franchise », de manière générale.
Si les appelants expliquent que le caractère surévalué des prévisionnels et le manque de rentabilité des restaurants ne sont pas visés, la cour constate qu’une telle précision n’a pas été portée au protocole qui concerne, comme indiqué précédemment, la « non-atteinte des prévisionnels projetés » du fait des « éléments communiqués dans la phase précontractuelle ».
Pourtant, il ressort des éléments de la procédure qu’à la date de signature des protocoles en cause, les appelants avaient connaissance de ces griefs. Ainsi, en page 23 de leurs écritures, ils expliquent qu’au mois de juin 2014, soit deux ans après l’ouverture des restaurants, M. [I] avait stigmatisé une différence de rentabilité de 40 % pour le restaurant Hippopotamus et de 22 % sur 11 mois pour le restaurant Tablapizza. En effet, les appelants communiquent en pièce n°25 un email que M. [I] a adressé à la société Groupe Flo le 3 juin 2014 aux termes duquel il indique : « ‘ Je reviens vers toi concernant notre rencontre car j’ai fait un état de mes chiffres d’affaires des restaurant sur les 11 mois de mon exercice ». Il met ensuite en exergue un différentiel de chiffre d’affaires de 40 % pour le restaurant Hippopotamus et de 22% pour le restaurant Tablapizza par rapport aux prévisionnels remis pendant la phase précontractuelle. Il précise : « A ce jour tu peux constater que hippo est toujours en baisse et que TPZ [Tablapizza] arrive péniblement à garder le cap ». La cour relève avec intérêt que M. [I] indique ensuite : « Après consultation de M. [J] du Giraconseil il ne ressort pas du tout la même étude de marché que MC2 ».
Ce courriel établit que M. [I], le 3 juin 2014, avait conscience d’une difficulté concernant la sincérité des prévisionnels remis du fait de la difficulté à les atteindre avant la conclusion des contrats de franchise.
Cette analyse est confortée par le courrier du 21 juin 2017 que M. [I] a adressé à la société Groupe Flo et dans lequel écrit : « Nous avions déjà conclu des transactions en 2014 et 2015 du fait de vos manquements précontractuels, bien que vous les ayez contestés ».
Elle l’est également par les propres conclusions des appelants qui, en page 11, affirment que : « Au regard de cette durée projetée des prévisionnels, ce n’est qu’au 12 avril 2015 que leur caractère totalement erroné se trouvait définitivement établi ».
Alors que les protocoles conclus le 1er décembre 2015 visent expressément la « non-atteinte des prévisionnels projetés » en raison des « éléments communiqués dans la phase précontractuelle », il résulte des éléments précités que le défaut de sincérité des prévisionnels à l’origine d’un défaut de rentabilité des restaurants, dont les appelants avaient connaissance, entrait bel et bien dans le périmètre de la transaction.
M. [I] et la société Hipaux ne sauraient arguer de l’incompatibilité entre le montant des dommages et intérêts abandonnés, soit 50.000 € pour chacun des restaurants, et les préjudices dont ils se prévalent dans le cadre de cette instance, dès lors qu’en application des dispositions susvisées de l’article 2052 du code civil, les transactions « ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion ».
Enfin, l’autorité de la chose jugée attachée aux transactions s’oppose à toute action des appelants, y compris au titre de la nullité des contrats, dès lors qu’en application de l’article 5 des protocoles, les parties ont renoncé, de manière très générale, « à tous droits, demandes, actions, instances, réclamations ou indemnités de quelque nature que ce soit qui trouveraient leur cause, directe ou indirecte, dans la conclusion, l’interprétation, l’exécution ou la cessation du contrat de franchise conclu entre elles et de ses actes subséquents ».
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de M. [I] et de la société Hipaux, en leur qualité de partie aux protocoles transactionnels du 1er décembre 2015.
Sur les demandes reconventionnelle en fixation de créance et en paiement
Les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion demandent à la cour de fixer le montant de leur créance à l’égard de la société Hipaux au titre des redevances impayées pour la période antérieure au jugement d’ouverture comme suit :
– pour la société Flo Gestion : 7.916,48 €,
– pour la société Groupe Flo : 150.699,87 € ;
et pour la période postérieure au jugement d’ouverture, comme suit :
– pour la société Flo Gestion :1.912,80 € au titre d’une facture n°469440 du 31 août 2019, venue à échéance le 30 septembre 2019,
– pour la société Groupe Flo : 13.541,83 € au titre d’une facture n°467896 du 22 juillet 2019, venue à échéance au 31 août 2019.
La société Hipaux et M. [I] répondent que les société Groupe Flo et Flo Gestion ne démontrent pas que les factures dont elles réclament le paiement (13.541,83 € TTC pour Groupe Flo et 1.912,80 € TTC pour Flo Gestion) sont dues. Ils expliquent que pour éviter la résiliation immédiate et sans préavis des contrats, à la demande de l’administrateur judiciaire, la société Hipaux a réglé, via le compte Carpa de son conseil, l’intégralité des factures de redevances émises par le Groupe Flo. Ils précisent que l’expert-comptable de la société Hipaux a attesté, le 7 décembre 2020, que la société était à jour de tous ses règlements à l’égard des sociétés Groupe Flo et Flo Gestion.
Ils sollicitent donc la condamnation des sociétés Groupe Flo et Flo Gestion à restituer à la société Hipaux la somme de 23.562,01 €, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 8.107,38 € à compter du 10 décembre 2019, date de la première mise en demeure.
*****
Sur la demande de fixation de créance des sociétés Groupe Flo et Flo Gestion au passif de la société Hipaux
Le tribunal de commerce s’est, à tort, déclaré incompétent pour statuer sur la demande, la déclaration de créances ayant été régularisée après saisine du tribunal de commerce.
Au soutien de leur demande de fixation au passif de la société Hipaux de leur créance au titre des redevances impayées pour la période antérieure au jugement d’ouverture de la mesure de sauvegarde, les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion produisent en pièce n°42 les factures portant sur la période courant du mois de janvier 2017 au mois de février 2019, dont le paiement n’est pas justifié par la société Hipaux, laquelle ne conclut pas sur la demande.
En conséquence, il convient de fixer au passif de la société Hipaux les créances des sociétés Flo Gestion et Groupe Flo au titre des redevances impayées pour la période antérieure au jugement d’ouverture comme suit :
– pour la société Flo Gestion : 7.916,48 €,
– pour la société Groupe Flo : 150.699,87 €.
Sur la demande de condamnation au paiement au titre des redevances
Les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion sollicitent la condamnation de la société Hipaux au paiement des sommes suivantes :
– pour la société Groupe Flo : 13.541,83 € au titre de la facture n°467896 du 22 juillet 2019 à échéance au 31 août 2019,
– pour la société Flo Gestion : 1.912,80 € au titre de la facture n°469440 du 31 août 2019 venue à échéance au 30 septembre 2019.
Cependant, la société Hipaux communique une attestation de son expert-comptable, la société AG3C, du 7 décembre 2020, dont il ressort que « les factures émises par la société Groupe Flo du 31.08.2019 pour 13.541,83 € et du 30.09.2019 pour 1.912,80 € ont été réglées par la société Hipaux ».
Les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion ne contestent pas les termes de cette attestation et ne communiquent aucun élément probant permettant d’en remettre en cause la sincérité, de sorte qu’elles doivent être déboutées de leur demande en paiement. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Par ailleurs, il ressort de l’attestation de la société AG3C précitée que la société Groupe Flo a reçu un paiement indû de 8.107,38 €. Les appelants communiquent plusieurs courriels datant du mois d’octobre 2020 démontrant que la société Groupe Flo et son conseil ont été informés d’une erreur commise par l’avocat de la société Hipaux, qui a payé sur le compte Carpa de la société Groupe Flo deux sommes de 2.876,88 € et 5.230,50 € qui ne lui étaient pas destinées. L’extrait de ce compte Carpa confirme ces éléments. Par courriel du 10 décembre 2020, le conseil de la société Hipaux a mis en demeure la société groupe Flo de procéder au remboursement de la somme indue.
La cour constate que la société Groupe Flo ne conteste pas cette demande. Elle sera donc condamnée à payer à la société Hipaux la somme de 8.107,38 €, avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2020, date de la mise en demeure. Cette dernière sera en revanche déboutée du surplus de sa demande portant sur les sommes précitées de 13.541,83 € et 1.912,80 € payées en exécution du jugement déféré. En effet, le présent arrêt, qui infirme le jugement sur ce point, constitue le titre exécutoire permettant à la société Hipaux d’obtenir le remboursement par les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion des sommes susvisées.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion sollicitent la condamnation des appelants au paiement de la somme de 100.000 € de dommages et intérêts estimant que la procédure est abusive.
L’exercice du droit d’agir ne dégénère en abus qu’en cas de faute équipollente au dol, qui n’est pas caractérisée en l’espèce à l’égard de M. [I] et de la société Hipaux.
Aussi, par confirmation du jugement, les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion seront déboutées de leur demande indemnitaire.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il n’apparaît pas inéquitable, au regard de la situation économique des parties, d’infirmer le jugement des chefs des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile, et de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives aux demandes en paiement des redevances, aux frais irrépétibles et aux dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Se déclare compétent pour statuer sur la demande de fixation au passif de la société Hipaux des créances des sociétés Groupe Flo et Flo Gestion au titre des redevances impayées pour la période antérieure au jugement d’ouverture de la mesure de sauvegarde ;
Fixe au passif de la société Hipaux les créances des sociétés Flo Gestion et Groupe Flo au titre des redevances impayées pour la période antérieure au jugement d’ouverture comme suit :
– pour la société Flo Gestion : 7.916,48 €,
– pour la société Groupe Flo : 150.699,87 € ;
Déboute les sociétés Groupe Flo et Flo Gestion de leur demande en paiement de la facture n°467896 du 22 juillet 2019 à échéance au 31 août 2019 d’un montant de 13.541,83 € TTC et de la facture n°469440 du 31 août 2019 venue à échéance au 30 septembre 2019 d’un montant de 1.912,80 € TTC ;
Condamne la société Groupe Flo à payer à la société Hipaux la somme de 8.107,38 € au titre de la restitution du paiement indû, avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2020 ;
Déboute la société Hipaux du surplus de sa demande au titre des paiements indus ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d’appel ;
Déboute les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,