Nullité de contrat : 17 février 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02301

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Nullité de contrat : 17 février 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02301

ARRÊT DU

17 Février 2023

N° 310/23

N° RG 20/02301 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TJPN

MLB/VDO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

05 Novembre 2020

(RG 19/00927 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 17 Février 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [L] [J]

[Adresse 5]

représenté par Me Caroline LETELLIER, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES :

S.A.R.L. SOCIETE LILLOISE DE COMPTABILITE, en liquidation judiciaire

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS, ès qualité de liquidateur de la SARL SOCIETE LILLOISE DE COMPTABILITE (SLC)

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l’audience publique du 04 Janvier 2023

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 décembre 2022

EXPOSE DES FAITS

M. [L] [J], né le 28 mai 1985, a été embauché par contrat de professionnalisation à durée déterminée signé le 18 juillet 2016 pour la période du 3 octobre 2016 au 30 septembre 2018 en qualité d’assistant comptable par la société lilloise de comptabilité (SLC), qui applique la convention collective des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes, en vue de préparer le diplôme supérieur de comptabilité et de gestion.

M. [X] [O] était à la fois le gérant de la société SLC et le directeur de l’organisme de formation, l’Institut [6], où M. [L] [J] était inscrit.

A compter du mois de janvier 2017, M. [L] [J] a été amené à dispenser des cours au sein de l'[6].

Par avenant du 4 décembre 2017 à effet du 30 octobre 2017, les parties ont convenu d’un prêt du salarié à la société Planète Expert, présidée par M. [O].

Par lettres des 5 juillet 2017 puis 2 août 2017, M. [L] [J] a mis son employeur en demeure de lui régler ses salaires depuis mai 2017 et ses frais professionnels.

Estimant le règlement opéré le 10 août 2017 sur le compte personnel de M. [O] insuffisant, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lille le 15 septembre 2017.

Par jugement en date du 5 février 2018 le tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé la liquidation judiciaire de la société SLC et fixé la date de cessation des paiements au 1er septembre 2016.

M. [L] [J] a été licencié par le liquidateur judiciaire le 19 février 2018 et informé le 30 mars 2018 que l’AGS refusait le paiement du solde de tout compte.

Au dernier état de ses demandes, M. [L] [J] a sollicité du conseil de prud’hommes des dommages et intérêts pour retard de paiement des salaires de mai à juillet 2017, le remboursement de ses frais professionnels de mars à juin 2017 et son solde de tout compte.

Par jugement en date du 5 novembre 2020 le conseil de prud’hommes a dit que la procédure est recevable, que le contrat de professionnalisation n’est pas nul et de nul effet, a débouté M. [L] [J] de sa demande de 13 594,88 euros au titre du solde de tout compte et de sa demande de remboursement au titre des frais professionnels, a fixé au passif de la société SLC la somme de 500 euros de dommages et intérêts à payer à M. [L] [J] au titre du retard de paiement des salaires de mai, juin et juillet 2017, a rappelé que l’ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majoration, a débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de toutes autres demandes, a pris acte de l’intervention du CGEA-AGS de [Localité 2], a dit le jugement opposable au CGEA-AGS lequel ne pourra intervenir que dans les limites de sa garantie légale et réglementaire et a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le 27 novembre 2020, M. [L] [J] a interjeté appel de ce jugement.

Par ses conclusions reçues le 25 février 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [L] [J] sollicite de la cour qu’elle le déclare recevable et bien fondé en ses demandes et réformant le jugement entrepris, qu’elle prononce la condamnation de la société SLC représentée par la Selas [B] et [G] [D] prise en la personne de Maître [B] [D] et admette au passif de la liquidation judiciaire sa créance détaillée comme suit :

865,25 euros en remboursement de ses frais professionnels

13 594,88 au titre de son solde de tout compte

5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens,

et dise que le CGEA-AGS garantira dans la limite de son plafond le paiement des condamnations prononcées en sa faveur et admises au passif de la liquidation judiciaire.

Par ses conclusions reçues le 26 mai 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la Selas MJS Partners prise en la personne de Maître [B] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SLC, sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement en ce qu’il a dit que le contrat de professionnalisation n’est pas nul et de nul effet, a fixé au passif de la société SLC la somme de 500 euros de dommages et intérêts à payer à M. [L] [J] au titre du retard de paiement des salaires de mai, juin et juillet 2017, a rappelé que l’ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majoration, a débouté les parties de toutes autres demandes, a pris acte de l’intervention du CGEA-AGS de [Localité 2] et a dit le jugement opposable au CGEA-AGS lequel ne pourra intervenir que dans les limites de sa garantie légale et réglementaire, qu’elle le confirme pour le surplus et, statuant à nouveau, à titre principal, vu la conclusion du contrat de professionnalisation de 24 mois en période suspecte, l’existence d’un déséquilibre entre les prestations des parties au contrat de professionnalisation et l’article L. 632-1 du code de commerce, qu’elle prononce la nullité du contrat de professionnalisation et déboute en conséquence M. [L] [J] de l’ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, qu’elle le déboute de sa demande de remboursement de frais professionnels, faute d’en justifier, et de sa demande de dommages et intérêts pour retard de paiement de salaires, faute de justifier du préjudice subi.

Par ses conclusions reçues le 25 mai 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, l’Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 2] sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement en ce qu’il a dit que le contrat de professionnalisation n’est pas nul et de nul effet, a fixé au passif de la société SLC la somme de 500 euros de dommages et intérêts à payer à M. [L] [J] au titre du retard de paiement des salaires de mai, juin et juillet 2017, a rappelé que l’ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majoration, a débouté les parties de toutes autres demandes, a pris acte de l’intervention du CGEA-AGS de [Localité 2] et a dit le jugement opposable au CGEA-AGS lequel ne pourra intervenir que dans les limites de sa garantie légale et réglementaire, qu’elle le confirme pour le surplus et, statuant à nouveau, à titre principal, vu la conclusion du contrat de professionnalisation de 24 mois en période suspecte, l’existence d’un déséquilibre entre les prestations des parties au contrat de professionnalisation et l’article L. 632-1 du code de commerce, qu’elle prononce la nullité du contrat de professionnalisation et déboute en conséquence M. [L] [J] de l’ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, qu’elle le déboute de sa demande de remboursement de frais professionnels, faute d’en justifier, et de sa demande de dommages et intérêts pour retard de paiement de salaires, faute de justifier du préjudice subi et, en toute hypothèse, qu’elle lui donne acte qu’il a été procédé aux avances au profit de M. [L] [J] d’un montant de 2 606,96 euros, dise que l’arrêt ne lui sera opposable que dans la limite de sa garantie légale fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l’article D.3253-5 du code du travail, toutes créances confondues, et juge que l’obligation du CGEA ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement, conformément à l’article L.3253-20 du code du travail.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 14 décembre 2022.

MOTIFS DE L’ARRET

Aux termes de l’article L.632-1 du code de commerce est nul, lorsqu’il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie.

En l’espèce, le contrat de travail, s’il n’a pris effet qu’à compter du 3 octobre 2016, alors que l’entreprise se trouvait en cessation de paiement depuis le 1er septembre 2016, a été conclu le 18 juillet 2016. Lorsque la société s’est engagée à l’égard de M. [L] [J], elle n’était pas en état de cessation des paiements. Elle a certes maintenu le contrat alors qu’une période d’essai de 30 jours était prévue. Cependant, selon les bulletins de paye produits, l’appelant accomplissait 151,67 heures de travail payées à un taux horaire de 9,67 euros en 2016 puis 9,76 euros en 2017 conduisant à une rémunération mensuelle brute de 1 480,30 euros. Cet emploi ne présentait aucun caractère fictif comme il ressort de la mise à pied de dix jours notifiée à M. [L] [J] le 4 janvier 2018, dont il ressort qu’il était chargé de déclarations Urssaf et de l’établissement de fiches de paie pour plusieurs clients, et de la réponse circonstanciée du salarié le 16 janvier 2018 sur ses activités. L’emploi occupé par l’appelant correspondait aux besoins de la société. Compte tenu tant des fonctions occupées par M. [L] [J], que du montant de sa rémunération et de son temps de travail, les obligations de la société SLC n’excédaient nullement celles de l’appelant.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a dit que le contrat de professionnalisation n’est pas nul et de nul effet.

Le bulletin de salaire établi pour solde de tout compte fait apparaître que la somme de 13 594,88 euros brut reste due à M. [L] [J] au titre du salaire du 1er au 19 février 2018, des congés payés du 5 octobre 2016 au 19 février 2018 et de l’indemnité de rupture anticipée. Le jugement sera infirmé et la somme de 13 594,88 euros inscrite au relevé des créances salariales, les premiers juges ayant considéré à tort que cette somme avait été réglée, alors que l’AGS a précisément refusé de la prendre en charge.

S’agissant des frais professionnels, M. [L] [J] expose que M. [O] lui a demandé en janvier 2017 de dispenser, en plus des obligations inhérentes à son contrat d’apprentissage, des cours au sein de l'[6], qu’il était convenu d’un remboursement des frais exposés pour cette mission supplémentaire (carburant, péage, transport et autres) mais que seule la somme de 42,18 euros lui a été versée.

Les frais professionnels correspondent à des dépenses engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle qui doivent lui être remboursées par l’employeur. L’absence d’une convention écrite entre les parties ne peut être opposée au salarié. Les intimés font encore valoir que les pièces produites par M. [L] [J] pour justifier des frais sont insuffisantes. Toutefois, M. [L] [J] produit des états de frais avec les dates, les kilométrages parcourus et les motifs de ses déplacements, accompagnés des tickets Sanef. De plus, les sommes qu’il réclame figurent sur ses bulletins de salaire de mars à juin 2017, ce qui vaut reconnaissance par l’employeur qu’elles étaient dues mais ne vaut pas preuve de leur paiement. Le jugement est donc infirmé et la somme de 865,25 euros inscrite au relevé des créances salariales.

M. [L] [J] ne produit pas d’éléments de preuve établissant que le retard de paiement des salaires de mai à juillet 2017, réglés le 10 août 2017, lui a causé le préjudice qu’il allègue. Le jugement est infirmé et ce chef de demande rejeté.

L’Unedic devra procéder aux avances dans les limites de sa garantie et des plafonds résultant des articles L.3253-8, L.3253-15 à L.3253-17 du code du travail et dans les conditions prévues par les articles L.3253-19 à L.3253-21 dudit code, sur présentation par le mandataire judiciaire d’un relevé de créance.

Le jugement est confirmé du chef de ses dispositions relatives aux intérêts de retard.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de M. [L] [J] les frais qu’il a dû exposer, tant devant le conseil de prud’hommes qu’en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que le contrat de professionnalisation n’est pas nul et de nul effet, ainsi qu’en ses dispositions sur les intérêts de retard et l’article 700 du code de procédure civile.

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Déboute M. [L] [J] de sa demande de dommages et intérêts au titre du retard de paiement des salaires de mai, juin et juillet 2017.

Fixe la créance de M. [L] [J] à l’état des créances salariales de la société SLC aux sommes suivantes :

13 594,88 euros brut au titre du solde de tout compte

865,25 euros au titre des frais professionnels.

Déclare l’arrêt opposable à l’AGS CGEA de [Localité 2].

Dit qu’elle devra procéder aux avances dans les limites de sa garantie et des plafonds résultant des articles L.3253-8, L.3253-15 à L.3253-17 du code du travail et dans les conditions prévues par les articles L.3253-19 à L.3253-21 dudit code sur présentation par le mandataire d’un relevé de créance.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Met les dépens de première instance et d’appel au passif de la liquidation judiciaire de la société SLC.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK

 


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