Nullité de contrat : 21 février 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 18/01227

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Nullité de contrat : 21 février 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 18/01227

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

CC/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/01227 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EKNZ

Jugement du 14 Mai 2018

Tribunal de Grande Instance d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 15/02476

ARRET DU 21 FEVRIER 2023

APPELANT :

Monsieur [V] [Z]

né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 6] (COTE D’IVOIRE)

[Adresse 1]

[Localité 3]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/006035 du 01/10/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)

Représenté par Me Baptiste FAUCHER de la SCP UPSILON AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS

INTIMEE :

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L’ANJOU ET DU MAINE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe LANGLOIS substitué par Me Audrey PAPIN de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71180258

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 05 Décembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 21 février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 7 août 2004 la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine (le Crédit agricole) a consenti un prêt tout habitat à la société civile immobilière (SCI) Jeb investissements, d’un montant de 77 764 euros, remboursable en 239 échéances d’un montant de 439,10 euros et une échéance de 440,54 euros, au taux d’intérêt annuel révisable de 3,20%.

Dans le même acte, M. [V] [Z] et Mme [N] [J], associés de la société Jeb investissements, se sont portés chacun caution solidaire du prêt, dans la limite de 101 000 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les intérêts de retard.

Par acte sous seing privé du 26 avril 2007 un avenant au contrat de prêt a été conclu, prévoyant la suppression de l’adhésion CNP de Mme [J] en raison de son départ de la société, le passage de l’adhésion CNP de M. [Z] de 50 à 100 % ainsi que le cautionnement solidaire de M. [Z] seul à hauteur du capital restant dû.

Les échéances du prêt ont cessé d’être remboursées.

Par lettres recommandées avec avis de réception du 26 novembre 2014, la société Jeb investissements et M. [Z] ont été, chacun, mis en demeure de payer la somme de 5 372,97 euros au titre du prêt litigieux.

Par lettres recommandées avec avis de réception du 14 janvier 2015 adressées à la société Jeb investissements et à M. [Z], la banque a prononcé la déchéance du terme et les a mis en demeure de régler la somme de 49 724,36 euros.

Par actes d’huissier des 22 juillet 2015 et 13 août 2015, le Crédit agricole a fait assigner en paiement la société Jeb investissements et M. [Z] devant le tribunal de grande instance d’Angers.

Par jugement du 14 mai 2018 réputé contradictoire, le tribunal de grande instance d’Angers a :

-débouté M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,

-condamné solidairement la société Jeb investissements, en sa qualité de débitrice principale, et M. [Z], en sa qualité de caution générale solitaire, au titre du prêt n°700219809, au paiement d’une somme de 53 352,96 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 1,40% (sur la somme de 49 556,09 euros), à compter du 9 avril 2015 et jusqu’à parfait paiement,

-condamné solidairement la société Jeb investissements et M. [Z] au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné solidairement la société Jeb investissements et M. [Z] au paiement des entiers dépens,

-ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration d’appel enregistrée le 13 juin 2018, M. [Z] a interjeté appel de toutes les dispositions du jugement, intimant le Crédit agricole.

Par ordonnance du 19 septembre 2018 le Premier président de la cour d’appel d’Angers, statuant sur une assignation en référé signifiée à la demande de M. [Z], a prononcé l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement attaqué.

Les parties ont conclu.

L’instruction de l’affaire a été clôturée par une ordonnance du 7 mars 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [Z] demande à la cour de :

A titre principal :

-dire et juger que le contrat de prêt immobilier souscrit par la société Jeb investissements auprès du Crédit agricole est nul et de nul effet,

-dire et juger que l’acte de cautionnement souscrit par M. [Z] est nul et de nul effet,

A titre subsidiaire :

-dire et juger que l’engagement de caution de M. [Z] est manifestement disproportionné,

A titre très subsidiaire :

-constater le non-respect, par le Crédit agricole, de son obligation de mise en garde,

-condamner le Crédit agricole à indemniser le préjudice subi par M. [Z] à hauteur de 53 352,96 euros,

A titre infiniment subsidiaire :

-constater le non-respect, par le Crédit agricole, de son obligation d’information à l’égard de la caution,

-débouter le Crédit agricole de sa demande de paiement des pénalités et intérêts de retard,

-accorder à M. [Z] des délais de paiement sous la forme d’un report de deux années pour le remboursement des sommes dues au Crédit agricole,

En tout état de cause :

-débouter le Crédit agricole de l’intégralité de ses demandes et prétentions formulées à l’encontre de M. [Z],

-condamner le Crédit agricole à verser à M. [Z] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner le Crédit agricole aux entiers dépens.

Le Crédit agricole demande à la cour de :

-dire M. [Z] non fondé en son appel, en tout cas non recevable et non fondé en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-l’en débouter,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant ;

-condamner M. [Z] à verser à la Caisse concluante la somme de 2500 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile,

-condamner M. [Z] aux dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

– le 12 septembre 2018 pour M. [Z],

– le 8 octobre 2021 pour le Crédit agricole.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’irrecevabilité des prétentions de M. [Z] tirée de leur caractère nouveau

Le Crédit agricole soutient que certaines demandes formulées par M. [Z] sont irrecevables comme étant nouvelles, à savoir, la demande en indemnisation fondée sur un manquement au devoir de mise en garde et la demande de déchéance du Crédit agricole de son droit au paiement des pénalités et intérêts de retard.

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Il résulte de l’article 567 du code de procédure civile que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel à la condition posée par l’article 70 du même code, de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La demande d’indemnisation formée par M. [Z] fondée sur un manquement de la banque à son devoir de mise en garde pour ne pas l’avoir alerté sur l’existence d’un risque d’endettement excessif résultant de son engagement du 7 août 2004 s’analyse en une demande reconventionnelle.

Elle se rattache par un lien suffisant aux prétentions originaires du Crédit agricole qui tendent au paiement de la somme de 53 352,96 euros en exécution de l’engagement de caution de M. [Z] du 7 août 2004 .

Ainsi, la demande indemnitaire formulée par M. [Z] est recevable devant la cour.

La demande tendant à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts et pénalités de retard, pour inexécution par elle de son obligation d’information, n’a pour but que de faire écarter la prétention du Crédit agricole visant la confirmation du jugement sur le montant des sommes mises à la charge de M. [Z].

Elle s’analyse en un moyen de défense, qui est recevable à tout moment.

Sur la demande de nullité du contrat de prêt immobilier

M. [Z] invoque la nullité du contrat de prêt immobilier en se fondant sur les dispositions de l’article L. 312-7 du code de la consommation qui exigent du prêteur la formulation par écrit d’une offre de prêt adressée à l’emprunteur par voie postale et sur celles de l’article L.312-10 du même code qui imposent le respect d’un délai de réflexion de dix jours au bénéfice des emprunteurs et des cautions à compter de la réception de l’offre. Il reproche à la banque de ne pas avoir respecté ce formalisme.

Il soutient que ces dispositions du code de la consommation sont applicables au motif que la SCI Jeb investissements n’est pas un professionnel du crédit et a la qualité de non-professionnel.

En réponse, le Crédit agricole conteste, en vertu de l’article L. 312-3 du code de la consommation, l’application des dispositions précitées du code de la consommation à la société Jeb investissements dès lors qu’elle exerçait une activité à caractère professionnel et que le prêt souscrit était en lien avec son domaine d’activité professionnel inscrit dans son objet social.

Si les dispositions du code de la consommation étaient jugées applicables, il soutient que l’exception de nullité soulevée serait irrecevable car bien que perpétuelle, le contrat de prêt a reçu un commencement d’exécution.

Sur ce,

Aux termes de l’article L.312-3 du code de la consommation, dans sa version applicable en l’espèce, sont exclus du champ d’application du chapitre du même code relatif au prêt immobilier, les prêts destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance.

Les dispositions dont se prévaut M. [Z] sont contenues dans le chapitre du code de la consommation dont l’exclusion est visée par cet article.

Il sera rappelé, d’une part, que la qualité de non-professionnel d’une personne morale s’apprécie au regard de son activité et, d’autre part, qu’il convient d’apprécier la finalité de l’opération de crédit afin de déterminer si celui-ci a un caractère professionnel au regard de l’objet social de la société emprunteuse.

Il est donc indifférent que la société Jeb investissements ne soit pas un professionnel du crédit.

En l’occurrence, les statuts de la société Jeb investissements définissent son objet social comme suit :

«- la propriété et la gestion, à titre civil, de tous les biens mobiliers et immobiliers et plus particulièrement de toute participation dans toutes sociétés et de tous autres biens meubles et immeubles, à quelque endroit qu’ils se trouvent.

– l’acquisition, la prise à bail, la location-vente, la propriété ou la copropriété de terrains, d’immeubles construits ou en cours de construction ou à rénover, de tous autres biens immeubles et de tous biens meubles.

– la construction sur les terrains dont la société est, ou pourrait devenir propriétaire ou locataire, d’immeubles collectifs ou individuels à usage d’habitation, commercial, industriel, professionnel ou mixte.

– la réfection, la rénovation, la réhabilitation d’immeubles anciens, ainsi que la réalisation de tous travaux de transformation, amélioration, installations nouvelles conformément à leur destination.

– l’administration, la mise à valeur et l’exploitation par bail ou autrement des biens sociaux.

– l’obtention de toutes couvertures de crédits et facilités de caisse avec ou sans garantie hypothécaire.

– toutes opérations destinées à la réalisation de l’objet social, notamment en facilitant le recours au crédit dont certains associés pourraient avoir besoin pour se libérer envers la société des sommes dont ils seraient débiteurs à raison de l’exécution des travaux de construction respectivement de la réalisation de l’objet social et ce, par voie de caution hypothécaire ;

– le cautionnement,

– et généralement toute opération de quelque nature qu’elle soit, pouvant être utile à la réalisation de l’objet social, pourvu qu’elle ne modifie pas le caractère civil de la société.»

Le contrat de crédit mentionne que destination des fonds est la «résidence principale appartement achat ancien usage locatif» et désigne le crédit comme étant un «prêt tout habitat».

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a retenu que l’acte de prêt consenti à la société Jeb investissements a un rapport direct avec l’objet social de la société dès lors qu’il s’agit d’un prêt tout habitat et que la société a été constituée afin d’acquérir et de gérer des biens de nature immobilière et de réaliser ou faire réaliser toutes opérations permettant leur mise en valeur.

Au regard de l’objet social de la société Jeb investissements et de la finalité du contrat de prêt litigieux, ce dernier n’entrait donc pas dans le champ d’application des dispositions du code de la consommation régissant le crédit immobilier.

C’est également à tort que M. [Z] se prévaut d’une référence dans le contrat aux articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation alors que les conditions générales du crédit qu’il a lui même signé, mentionnent en en-tête et en caractères très apparents «financement de l’habitat Hors code de la consommation». Cette référence à l’article L.313-1 du code de la consommation ne saurait dès lors caractériser une volonté non équivoque des parties de soumettre le contrat aux dispositions du code de la consommation

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de nullité du contrat de prêt, uniquement fondée sur ces dispositions.

Sur la demande de nullité du cautionnement

L’appelant se fonde sur des moyens identiques à ceux développés au soutien de sa demande de nullité du contrat de prêt pour voir prononcer la nullité du contrat de cautionnement en prétendant que les formalités prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation n’ont pas non plus été respectées à l’égard de la caution.

La banque s’oppose à cette demande en reprenant les moyens exposés au soutien du rejet de la demande de nullité du contrat de prêt pour faire valoir que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables.

La cour a retenu que le contrat de prêt immobilier litigieux était exclu, par l’article L.312-3 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, du champ d’application des dispositions protectrices du même code relatives au crédit immobilier.

Pour les mêmes motifs tirés du caractère professionnel du prêt accordé à la SCI Jeb investissements compte tenu de son objet social et de l’objet du prêt, M. [Z] n’est pas fondé à se prévaloir de l’application des articles L.312-7 et L.312-10 du code de la consommation en sa qualité de caution garantissant ce prêt.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de nullité du contrat de cautionnement.

Sur la proportionnalité du cautionnement de M. [Z]

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Le Crédit agricole soutient que la caution doit agir en disproportion de son engagement dans les cinq ans de la souscription de celui-ci, tandis que M. [Z] fait valoir que la prescription commence à courir à compter de la date de la demande d’exécution de son engagement et non à compter de la date de conclusion du contrat.

Cependant, la prescription de l’article 2224 du code civil ne s’applique pas à la caution lorsqu’elle invoque le moyen tiré de l’article L. 341-4 du code de la consommation selon lequel l’engagement de la caution manifestement disproportionné à ses biens et revenus se trouve privé d’effet à l’égard du créancier professionnel, comme moyen de défense au fond pour s’opposer à l’action du prêteur.

La contestation opposée par une caution, sur le fondement de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, à une action en paiement engagée par le créancier échappe donc à la prescription.

Sur le fond :

M. [Z] se fonde sur les articles L.313-10 et L.341-4 du code de la consommation dans leurs versions applicables au litige pour se prévaloir de la disproportion du cautionnement souscrit le 7 août 2004.

Etait alors applicable au cautionnement litigieux, l’article L.313-10 du code de la consommation dans sa version issue de la loi du 26 juillet 1993 aux termes duquel ‘un établissement de crédit ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre, conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation’.

Reprenant la solution dégagée par le premier juge, le Crédit agricole soutient que ces dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables pour les mêmes motifs que ceux précédemment retenus.

Le prêt garanti étant exclu du champ d’application du chapitre II du titre Ier en application de l’article L. 312-3 pour les motifs qui précèdent, l’article L.313-10 ne trouve pas à s’appliquer.

En revanche, trouve à s’appliquer l’article L.341-4 du code de la consommation dans sa version applicable au cautionnement consenti le 7 août 2004, qui se trouve dans le titre IV «cautionnement» du livre III, aux termes duquel ‘un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.’

Le Crédit agricole étant un créancier professionnel et M. [Z] étant une personne physique, seules conditions d’application des dispositions dont se prévaut ce dernier, celles-ci sont applicables au litige.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, qu’il incombe à la caution de rapporter, s’apprécie au jour où ce dernier est souscrit en tenant compte non seulement des revenus de la caution, mais aussi de tous autres biens formant son patrimoine, notamment ses immeubles et les parts sociales détenues dans le capital d’une société. De même, il doit être tenu compte de l’ensemble des obligations ou engagements incombant au débiteur au jour du cautionnement contesté.

Lorsque la banque qui exige une fiche de renseignement patrimoniale est en droit de se fier aux informations que la caution lui fournit en l’absence d’anomalie apparente et n’a pas à vérifier l’exactitude de ces déclarations. Dans ce cas, la caution n’est pas admise à établir devant le juge que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle avait déclarée à la banque.

La fiche de renseignements produite par la banque, signée des cautions, mentionne que M. [Z] percevait des revenus d’un montant de 1 600 euros par mois et que Mme [J] avait un revenu de 1 380 euros par mois.

Il convient de rappeler que lorsque deux personnes se sont portées cautions solidaires et qu’elles peuvent donc se voir réclamer chacune le paiement intégral de la dette, le caractère manifestement disproportionné de leur engagement s’apprécie au regard des revenus et patrimoines de chacune d’elle.

Il n’est pas contesté que M. [Z] et Mme [J] ont souscrit des cautionnements distincts par lesquels ils s’engageaient à garantir chacun le prêt octroyé à la société Jeb investissements dans la limite de 101 000 euros.

L’appréciation de la proportionnalité du cautionnement de M. [Z] doit donc se faire au regard de ses seuls biens et revenus à l’exclusion de ceux de Mme [J], quand bien même il est fait état de ces derniers dans la fiche de renseignements.

Les revenus déclarés par M. [Z] dans la fiche de renseignements ne contiennent aucune anomalie apparente.

De plus, M. [Z] produit son avis d’impôt sur le revenu de l’année 2004 faisant état de salaires d’un montant de 20 732 euros. C’est donc à tort, au prétexte que cet avis d’imposition fait apparaître un revenu brut global de 6 170 euros après déduction des frais réels et abattement de 20 %, qu’il prétend n’avoir eu qu’un revenu mensuel de 514,16 euros.

La fiche de renseignements indique que M. [Z] supportait avec Mme [J], au moment de leur engagement, 805 euros de charges mensuelles (loyer, charges locatives, crédit et pension alimentaire) dont M. [Z] devait nécessairement supporter une partie, sans qu’il n’en justifie, outre les autres charges de la vie courante. En l’état de ces éléments, il sera retenu que ses charges mensuelles pouvaient être estimées globalement à environ 1 000 euros, de sorte qu’il lui restait une somme de 600 euros par mois de disponible.

Ladite fiche ne mentionne aucun patrimoine ni aucun autre élément d’actif.

Le Crédit agricole fait valoir que le prêt litigieux a permis l’acquisition d’un appartement évalué à 78 947,50 euros par la SCI Jeb investissements, qui a été revendu en 2012 au prix de 93 000 euros.

Mais la valeur nette de l’immeuble était au jour se l’engagement de caution de 1 183,5 euros selon l’estimation de sa valeur retenue par le Crédit agricole, déduction faite du capital emprunté. Les parts sociales de M. [Z] peuvent être évaluées à un montant de 60 % de 1 183,5 au regard de sa part dans la société.

Néanmoins, il n’apparaît pas que M. [Z] se trouvait, le 7 août 2004, dans l’incapacité manifeste de faire face à son engagement dès lors qu’avec ses seuls revenus disposibles, il était en mesure de régler à lui seul l’intégralité des mensualités.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a écarté la disproportion manifeste du cautionnement.

Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts :

En application de l’article 1147 ancien du code civil, l’établissement de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde envers la caution non avertie, lorsqu’au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution, ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et engage sa responsabilité dans le cas où elle n’y satisfait pas.

Sur la recevabilité de la demande indemnitaire de M. [Z] :

Le Crédit agricole prétend que la demande d’indemnisation de M. [Z] est irrecevable comme prescrite en soutenant que le point de départ de l’action en responsabilité qui en est le fondement a commencé à courir à la date à laquelle a été souscrit l’engagement en considérant que le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde, consistant en la perte de chance de ne pas contracter, se manifeste dès l’octroi du crédit.

Cependant, le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement de dommages-intérêts, prévu à l’article 2224 du code civil, formée par la caution contre l’établissement de crédit créancier pour manquement à son devoir de mise en garde, est le jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.

En l’espèce, il ressort des pièces produites que M. [Z] a été informé de la défaillance de la débitrice principale le 26 novembre 2014, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde de la banque, formée pour la première fois le 12 septembre 2018, soit moins de cinq ans après, n’est pas prescrite.

Sur le fond :

M. [Z], estimant être une caution non-avertie, reproche à la banque de ne pas avoir respecté son obligation de mise en garde à son égard. Il fait valoir qu’il incombe à la banque de rapporter la preuve de l’accomplissement de son devoir de mise en garde.

Le Crédit agricole affirme, en réponse, ne pas avoir été tenu de l’exécution d’un devoir de mise en garde, qui n’est dû que si le crédit octroyé est excessif ou s’il existait un risque d’endettement pour l’emprunteur, ce qu’il incombe à la caution de démontrer.

M. [Z] produit son avis d’impôt sur le revenu de 2004 faisant état de salaires d’un montant de 20 732 euros. Ainsi qu’il a été dit plus haut, il ne peut au prétexte que cet avis d’imposition fait apparaître un revenu brut global de 6 170 euros après déduction des frais réels et abattement de 20 % en déduire qu’il n’aurait eu qu’un revenu mensuel de 514,16 euros.

En outre, il ressort de la fiche de renseignement précitée versée au débat qu’au jour du cautionnement, M. [Z] avait déclaré à la banque percevoir 1 600 euros de revenus mensuels et supporter avec Mme [J] 805 euros de charges mensuelles.

Devant la cour, il ne justifie d’aucune charge particulière.

M. [Z] ne démontre donc pas que son engagement était inadapté à ses capacités financières personnelles au jour de son engagement et, partant qu’il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, dès lors qu’il disposait de revenus suffisants pour lui permettre de faire face seul aux échéances du prêt garanti.

En conséquence, la banque n’était donc pas tenue d’un devoir de mise en garde à son égard.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts

M. [Z] soutient que si la banque ne rapporte pas la preuve du respect à son égard de son obligation annuelle d’information et de l’avoir informé de la défaillance du débiteur dès le premier incident de paiement et dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, elle doit être déboutée de sa demande de paiement des pénalités et intérêts de retard.

En réponse, le Crédit agricole affirme justifier de l’envoi de l’information annuelle à la caution pour les années 2004 à 2015 par la production de lettres simples accompagnées de constat d’huissier.

Sur ce,

Aux termes de l’article L.341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Dans plusieurs lettres envoyées à la société Jeb investissements et à M. [Z], le Crédit agricole fait état d’un premier incident de paiement concernant le crédit litigieux à compter du 10 décembre 2013, ce que n’a jamais contesté l’appelant.

Il démontre avoir informé M. [Z] de ce premier incident non régularisé par lettre recommandée avec avis de réception du 26 novembre 2014, soit plusieurs mois plus tard.

Le Crédit agricole, sur qui pèse la charge de la preuve de l’exécution de son obligation d’information, doit donc être déchu de son droit au paiement des pénalités et intérêts de retard pour la période allant du 10 janvier 2014 au 26 novembre 2014 correspondant à la somme de 581,34 euros (54,53 + 54,08 + 53,65 + 53,22 + 52,78 + 52,35 + 51,91 + 53,38 + 52,93 + 52,48 + 52,03).

En vertu de l’article L.341-6 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement des formalités prévues par ces dispositions emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement, déchéance des intérêts conventionnels échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

La banque n’est pas tenue de prouver que les lettres d’information ont été reçues par les cautions mais elle doit justifier de l’envoi de la lettre et de son contenu, destiné à faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de son obligation.

Le crédit agricole produit des procès-verbaux de constat d’huissier, établis antérieurement au 31 décembre de chaque année, attestant globalement des envois annuels des lettres d’information pour les années 2004 à 2015 ainsi que de leur contenu, permettant de rapporter la preuve de l’envoi régulier de l’information annuelle à M. [Z].

Le Crédit agricole démontre donc avoir respecté son obligation d’information annuelle de M. [Z] jusqu’au mois de mars 2015.

Il ne justifie ni même ne prétend avoir respecté son obligation pour les années suivantes.

Il sera donc déchu de son droit aux intérêts contractuels à compter du 1er avril 2016 et de son droit au paiement d’une indemnité de résiliation.

Sur le montant des sommes dues

En dehors de la déchéance du droit aux intérêts et pénalités de retard, M. [Z] ne conteste pas le montant des sommes réclamées par le Crédit agricole.

M. [Z] a été mis en demeure de s’acquitter de la somme de 49 724,36 euros par lettre recommandée avec avis de réception du 14 janvier 2015, les intérêts légaux, à défaut d’intérêts contractuels, courent à compter de cette date.

Selon décompte établi au 8 avril 2015, le Crédit agricole fixait les sommes qui lui étaient dues à 53 352,96 euros se décomposant de la façon suivante :

– 49 556,09 euros au principal,

– 159,67 euros d’intérêts du 14 janvier 2015 au 8 avril 2015,

– 168,27 euros d’intérêts de retard,

– 3 468,93 euros au titre de l’indemnité forfaitaire.

Il convient de déduire de la somme de 49 556,09 euros celle de 581,34 euros correspondant aux intérêts dont la banque est déchue pour la période allant du 10 décembre 2013 au 26 novembre 2014.

La banque est également déchue de ses intérêts contractuels à compter du 1er avril 2016.

En application de l’article L. 341-1 du code de la consommation précitée, la banque est déchue de son droit au paiement d’une indemnité de résiliation.

M. [Z] sera donc condamné à payer au Crédit agricole la somme de 48 974,75 euros avec intérêts au taux contractuel du 27 novembre 2014 au 31 mars 2016 puis au taux légal à compter du 1er avril 2016.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande de délais de paiement

M. [Z] sollicite que soit ordonné un report de deux années du paiement des sommes dues au Crédit agricole en affirmant se trouver dans une situation financière difficile.

La banque s’y oppose au motif qu’aucun règlement n’est intervenu depuis la déchéance du terme, le 14 janvier 2015, que M. [Z] ne justifie d’aucune démarche pour améliorer sa situation financière et qu’il aurait été de mauvaise fois.

Aux termes de l’article 1343-5 alinéa 1e du code civil le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux ans, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, outre l’ancienneté de la dette, la cour ne peut que relever que M. [Z] ne formule aucune proposition de règlement et ne justifie pas en quoi l’octroi de délais de paiement serait de nature à lui permettre de s’acquitter des sommes dues.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de délais de paiement.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante, M. [Z] sera condamné aux entiers dépens d’appel, le bénéfice de l’article 699 étant accordé au Crédit agricole. Les dispositions du jugement relatives aux dépens concernant M. [Z] seront confirmées.

L’équité commande de condamner ce dernier à payer la somme de 2 500 euros au Crédit agricole au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [Z] sera débouté de ses demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Déclare recevables les demandes formulées par M. [Z],

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné M. [Z] au paiement de la somme de 53 352,96 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 1,40% sur la somme de 49 556,09 euros à compter du 9 avril 2015.

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne M. [Z] à payer au Crédit agricole la somme de 48 974,75 euros avec intérêts au taux contractuel du 27 novembre 2014 au 31 mars 2016 puis au taux légal à compter du 1er avril 2016.

Déboute M. [Z] de sa demande de délais de paiement.

Déboute M. [Z] de sa demande de condamnation du Crédit agricole au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [Z] à payer la somme de 2 500 euros au Crédit agricole en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [Z] aux entiers dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL

 


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