Nullité de contrat : 22 février 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 20/00792

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Nullité de contrat : 22 février 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 20/00792

ARRÊT DU

22 Février 2023

JYS/CR

———————

N° RG 20/00792

N° Portalis

DBVO-V-B7E-C2KM

———————

CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES

MUTUELLES (CMAM)

C/

[N] [T],

[I] [V]

épouse [T],

[J] [T]

[L] [T]

LA MOUETTE

CPAM 47

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES

OBLIGATOIRES

DE DOMMAGES

S.A. EUROPEENNE

DE COURTAGE

D’ASSURANCE

——————

GROSSES le

à

ARRÊT n°

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES (CMAM)

[Adresse 18]

[Adresse 18]

[Localité 9]

Représentée par Me Guy NARRAN, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN et par Me Fany BAIZEAU, avocate plaidante au barreau de PARIS

APPELANTE d’un Jugement du tribunal judiciaire d’AGEN en date du 10 Septembre 2020, RG 16/02204

D’une part,

ET :

Monsieur [N] [T]

né le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 19] (MAROC)

de nationalité marocaine

Mademoiselle [J] [T] représentée par l’association LA MOUETTE es qualité d’administrateur ad hoc

née le [Date naissance 1] 2009 à [Localité 14] (47)

de nationalité Française

Monsieur [L] [T] représenté par l’association LA MOUETTE es qualité d’administrateur ad hoc

né le [Date naissance 6] 2007 à [Localité 14] (47)

de nationalité Française

Tous domiciliés :

[Adresse 2]

[Localité 7]

Association LA MOUETTE ès-qualités de mandataire ad hoc

de [T] [J] et [T] [L], mineurs

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentés par Me Daniel VEYSSIERE, avocat plaidant inscrit au barreau d’AGEN

et par Me Louis VIVIER, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN

CPAM 47

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Marie-Hélène THIZY, avocate inscrite au barreau d’AGEN

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentée par Me Damien DE LAFORCADE, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE et par Me Erwan VIMONT, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN

INTIMÉS

Madame [I] [V] épouse [T]

INTIMEE n’ayant pas constitué avocat

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 09 Novembre 2022 devant la cour composée de :

Président : Claude GATÉ, Présidente de Chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Jean-Yves SEGONNES, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

Faits

Suivant rapport d’enquête de gendarmerie, le 1er aout 2013 à [Localité 21] (Lot-et-Garonne), Mme [I] [V] épouse [N] [T] conduisant avec les deux enfants, [L] né en 2007 et [J] née en 2009, a causé un accident de la circulation l’impliquant seule en perdant le contrôle de la voiture familiale Renault Megane immatriculé [Immatriculation 15] et faisant un tonneau puis un ‘tête à queue’ pour s’immobiliser latéralement contre un arbre en blessant les enfants.

Par jugement correctionnel du 10 avril 2014 passé en force de chose jugée, le tribunal correctionnel d’Agen a déclaré [I] [V] coupable de faits de blessures involontaires aggravées par la circonstance d’avoir fait usage de stupéfiants et de défaut de maîtrise de la vitesse du véhicule.

L’assureur, la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles (CMAM), a réglé 10 000 euros de provision à [L] [T] le 8 janvier 2014 et fait diligenter le 14 mars 2014, deux expertises médicales amiables d’après lesquelles [L] et [J] étaient toujours hospitalisés avec une gêne temporaire totale depuis le 1er août 2013.

Par lettres du 17 mars 2014 à [N] [T] et au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (FGAOD), la CMAM a soulevé la fausseté du relevé d’informations sans sinistre produit le 16 août 2012 à l’en-tête du courtier ‘Progédys’ pour l’automobile Renault Megane immatriculée [Immatriculation 12] au conducteur [N] [T] désigné ; l’assureur a dénoncé le contrat ECAUTO n° 10191 d’assurance automobile de responsabilité civile et d’assistance souscrit le 16 août 2012 avec lui au coefficient ‘bonus-malus’ avantageux de 0,59 et à la prime annuelle de 626,16 euros, sur le véhicule immatriculé [Immatriculation 15] par l’intermédiaire de courtier MASSUR 82 à [Localité 20] (82) et du ‘grossiste’, la SA Européenne de Courtage d’Assurance (ECA) à [Localité 17] (93) ; elle a décliné sa garantie en demandant le remboursement de la provision ainsi que de la facture acquittée de 1 601,98 euros de frais de remorquage de l’automobile mise en épave.

Selon rapport du 23 février 2017, Mme [C], professeur de médecine légale, expert désignée par ordonnance de référé du 12 août 2016, a conclu pour [L], principalement à un traumatisme crânien, hématome sous-dural et dégradation neurologique et reste atteint de séquelles de paraplégie complète des membres inférieurs et la non-consolidation des blessures.

Selon rapport du 25 avril 2018, Mme [C], professeur de médecine légale, expert désignée par ordonnance de référé du 12 août 2016, a conclu pour [J], principalement à des blessures superficielles avec retentissement psychique important et la consolidation des blessures au taux de 10 % d’atteinte à l’intégrité physique et psychique, le 13 septembre 2017.

Par deux ordonnances du 15 février 2016, le juge des tutelles du tribunal d’instance d’Agen avait chargé un administrateur spécial de représenter les intérêts de [L] et [J] [T] dans leurs procédures d’indemnisation, actuellement l’association ‘La Mouette’.

La CMAM ayant refusé toute provision complémentaire, le FGAOD, intervenu volontairement à l’instance provisoire, n’a pas obtenu la reprise par la CMAM de la procédure d’indemnisation ‘pour le compte de qui il appartiendra’.

Suivant acte d’huissier délivré le 9 novembre 2016 à la CMAM et [I] [V] épouse [T], [J] [T] et [L] [T], représentés par l’association ‘La Mouette’, et [N] [T] ont fait assigner la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles et [I] [V] épouse [T], avec le FGAOD devant le tribunal de grande instance d’Agen sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 et du code des assurances pour au principal, l’épouse et mère, être déclarée responsable de l’accident du 1er août 2013 et la même et l’assureur, condamnées à les garantir en leur payant les sommes pour mémoire représentatives de leurs dommages patrimoniaux, outre au père 35 000 euros de préjudice d’accompagnement et sur les intérêts, le doublement du taux légal en l’absence d’offre d’indemnisation, au 1er novembre 2013 pour l’assureur et au 17 mars 2014, pour le Fonds de garantie.

Suivant assignation délivrée le 5 mai 2017, [N] [T] et l’association ‘La Mouette’ ont appelé la Caisse primaire d’assurance-maladie de Lot-et-Garonne en déclaration de jugement commun et cette instance a été jointe à l’instance initiale.

Le FGAOD est intervenu à la procédure en constituant avocat le 16 décembre 2016.

Par jugement réputé contradictoire, [I] [V] épouse [T] n’ayant pas constitué d’avocat, du 10 septembre 2020, le tribunal a :

– déclaré recevable l’intervention volontaire du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,

– dit que le présent jugement est par conséquent opposable au FGAOD et commun à la CPAM de Lot-et-Garonne,

– dit que [I] [V] épouse [T] est tenue d’indemniser tous les préjudices subis directement par [J] [T], [L] [T] et par voie de ricochet, par [N] [T] du fait de l’accident de la circulation routière survenu le 1er août 2013 à [Localité 21] ainsi que la Caisse Primaire d’assurance-Maladie de Lot-et-Garonne,

– dit qu’un contrat d’assurance relatif au véhicule impliqué dans l’accident a été souscrit par [N] [T] auprès de la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles mais que ce contrat est nul, en raison d’une fausse déclaration intentionnelle de [N] [T] (fourniture d’un relevé d’information falsifié dissimulant deux sinistres antérieurs),

– dit que les primes payées pour assurer le véhicule impliqué dans l’accident demeureront acquises à la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles,

– dit que la nullité du contrat d’assurance est inopposable à [J] [T], [L] [T] et l’association La Mouette ainsi qu’à [N] [T] pour les préjudices qu’il a subis par ricochet et à la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne,

– dit que la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles est par conséquent tenue d’indemniser in solidum avec [I] [V] épouse [T], tous les préjudices directement subis par [J] [T] du fait de cet accident ainsi que la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne, pour les frais qu’elle a dû engager à la suite du même accident,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à [J] [T] représentée par l’association La Mouette la somme globale de 66 810 euros au titre de l’indemnisation définitive des préjudices,

– condamné [I] [V] épouse [T] à payer la somme revenant à [J] [T] avec intérêts au taux légal ordinaire et capitalisation des intérêts à compter de la date du présent jugement pourvu qu’ils soient dûs par année entière,

– condamné la CMAM à payer la somme revenant à [J] [T] augmentée du double des intérêts au taux légal entre le 1er avril 2014 et le 25 février 2019 et avec capitalisation des intérêts à compter du 9 juin 2016 pourvu qu’ils soient dûs par année entière,

avant dire droit sur la liquidation définitive des préjudices d'[L] [T],

– ordonné une nouvelle expertise d'[L] [T],

– désigné pour y procéder le Dr. [E] avec mission de (‘),

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à [L] [T] représenté par l’association La Mouette, une provision globale de 465 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

– condamné [I] [V] épouse [T] à payer la provision revenant à [L] [T] avec intérêts au taux légal ordinaire et capitalisation des intérêts à compter de la date du présent jugement pourvu qu’ils soient dûs par année entière,

– condamné la CMAM à payer la provision revenant à [L] [T] augmentée du double des intérêts au taux légal ordinaire et capitalisation des intérêts à compter du 1er avril 2014 et avec capitalisation des intérêts à compter du 9 juin 2016 pourvu qu’ils soient dûs par année entière, le tout jusqu’au jour du règlement effectif,

– condamné la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à [N] [T] une provision de 20 000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive des préjudices par ricochet,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer la provision revenant à [N] [T] avec intérêts au taux légal ordinaire et capitalisation des intérêts à compter de la date du présent jugement pourvu qu’ils soient dus par année entière,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer les sommes suivantes : 1 366,11 euros au titre des débours définitifs engagés pour le compte de [J] [T], 455,37 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de frais de gestion due pour le compte de [J] [T], 298 697,81 euros au titre des débours provisoires engagés pour le compte d'[L] [T], 1 066 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de frais de gestion due pour le compte d'[L] [T],

– réservé les droits de la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne concernant ses débours définitifs concernant [L] [T] dans l’attente du dépôt du prochain rapport d’expertise,

– dit que le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages n’est pas tenu d’indemniser [J] [T], [L] [T], [N] [T] et la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles aux dépens, y compris ceux de référé, les frais d’expertise judiciaire et ceux d’aide juridictionnelle,

– autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir obtenu provision,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à [J] [T], [L] [T] et l’association La Mouette 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile sous réserve que Me Veyssiere renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire,

– rejeté le surplus des demandes.

Pour condamner [I] [V] épouse [T] à indemniser les préjudices de [N] [T], [L] et [J] [T], le tribunal a jugé qu’elle est bien la conductrice, seule impliquée, fautive et responsable dans la survenance de l’accident.

Pour annuler la police d’assurance du 16 août 2012, le tribunal a jugé que les fausses déclarations de [N] [T] sur le relevé d’information du 16 août 2012 sont bien intentionnelles ; mais en l’état du doute sur l’opposabilité des conditions générales de l’assurance par la signature non reconnue de [N] [T] aux conditions particulières, sa mauvaise foi sur la non déclaration de son épouse conductrice n’est pas caractérisée.

Pour condamner la CMAM à indemniser, le tribunal a jugé que la nullité de la police n’est pas opposable aux victimes de l’accident parce que la garantie du FGAOD n’est que subsidiaire aux termes de la jurisprudence dite ‘Felicidade’ de la Cour de justice de l’Union Européenne et la jurisprudence nationale subséquente.

Pour liquider les préjudices, le tribunal s’est basé sur le barème référentiel des cours d’appel. Sur les préjudices des victimes indirectes, le tribunal a jugé que [N] [T] et [J] [T] subissent chacun à leur place de père et de s’ur cadette, des troubles dans leurs conditions d’existence ; que [N] [T], en tant que victime ‘par ricochet’ du préjudice de la victime directe [L] [T] ayant droit à indemnisation intégrale de son préjudice, doit être considéré comme une tierce victime au sens de la jurisprudence communautaire européenne ayant également droit à indemnisation intégrale.

Pour condamner la CMAM au doublement des intérêts, le tribunal a jugé que l’assureur n’a versé qu’une provision par trop insuffisante de 10 000 euros alors que des offres étaient dues en tout état de cause, à dater du 8ième mois de l’accident. Il a fixé le point de départ du délai au jour de l’accident et, aucune des deux victimes n’étant consolidée entre les 3 mois et les 8 mois de l’évènement, [J] qui l’a seule été ensuite, n’a pas reçu d’offre définitive avant plus de 5 ans et demi après l’accident ainsi qu'[L] n’a reçu aucune offre provisoire jusqu’au jugement.

Procédure

Suivant déclaration au greffe le 22 octobre 2020, la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles a fait appel des chefs de :

– dit que la nullité du contrat d’assurance est inopposable à [J] [T], [L] [T] et l’association La Mouette ainsi qu’à [N] [T] pour les préjudices qu’il a subis par ricochet et à la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne,

– dit que la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles est par conséquent tenue d’indemniser in solidum avec [I] [V] épouse [T], tous les préjudices directement subis par [J] [T] du fait de cet accident ainsi que la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne, pour les frais qu’elle a dû engager à la suite du même accident,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à [J] [T] représentée par l’association La Mouette la somme globale de 66 810 euros au titre de l’indemnisation définitive des préjudices,

– condamné [I] [V] épouse [T] à payer la somme revenant à [J] [T] avec intérêts au taux légal ordinaire et capitalisation des intérêts à compter de la date du présent jugement pourvu qu’ils soient dûs par année entière,

– condamné la CMAM à payer la somme revenant à [J] [T] augmentée du double des intérêts au taux légal entre le 1er avril 2014 et le 25 février 2019 et avec capitalisation des intérêts à compter du 9 juin 2016 pourvu qu’ils soient dûs par année entière,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à [L] [T] représenté par l’association La Mouette, une provision globale de 465 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

– condamné [I] [V] épouse [T] à payer la provision revenant à [L] [T] avec intérêts au taux légal ordinaire et capitalisation des intérêts à compter de la date du présent jugement pourvu qu’ils soient dûs par année entière,

– condamné la CMAM à payer la provision revenant à [L] [T] augmentée du double des intérêts au taux légal ordinaire et capitalisation des intérêts à compter du 1er avril 2014 et avec capitalisation des intérêts à compter du 9 juin 2016 pourvu qu’ils soient dûs par année entière, le tout jusqu’au jour du règlement effectif,

– condamné la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à [N] [T] une provision de 20 000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive des préjudices par ricochet,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer la provision revenant à [N] [T] avec intérêts au taux légal ordinaire et capitalisation des intérêts à compter de la date du présent jugement pourvu qu’ils soient dus par année entière,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer les sommes suivantes : 1 366,11 euros au titre des débours définitifs engagés pour le compte de [J] [T], 455,37 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de frais de gestion due pour le compte de [J] [T], 298 697,81 euros au titre des débours provisoires engagés pour le compte d'[L] [T], 1 066 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de frais de gestion due pour le compte d'[L] [T],

– réservé les droits de la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne concernant ses débours définitifs concernant [L] [T] dans l’attente du dépôt du prochain rapport d’expertise,

– dit que le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages n’est pas tenu d’indemniser [J] [T], [L] [T], [N] [T] et la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles aux dépens, y compris ceux de référé, les frais d’expertise judiciaire et ceux d’aide juridictionnelle,

– autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir obtenu provision,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à [J] [T], [L] [T] et l’association La Mouette 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile sous réserve que Me Veyssiere renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle,

– condamné in solidum [I] [V] épouse [T] et la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et elle a intimé la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages, l’association ‘La Mouette’, [N] [T] et [I] [V] épouse [T].

Selon dernières conclusions visées au greffe le 13 octobre 2021, la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles demande, abstraction faite de ceux des ‘dire et juger’ qui ne sont pas des prétentions mais des moyens, de :

– en confirmant le jugement en ce que le tribunal a déclaré nul le contrat ECAUTO 10191 en raison de la fausse déclaration intentionnelle de [N] [T] qui a fourni un relevé d’identité falsifié dissimulant deux sinistres antérieurs et a dit que les primes payées pour assurer le véhicule impliqué demeureraient acquises à la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles et que la nullité était opposable au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages, en y ajoutant, de :

– retenir l’existence d’une fausse déclaration intentionnelle commise par [N] [T] s’étant déclaré unique conducteur alors que le véhicule était conduit par l’épouse,

– en infirmant le jugement en ce qu’il a déclaré la nullité inopposable aux victimes, dit que le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages n’est pas tenu d’indemniser les victimes et condamné la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles au doublement des intérêts, en statuant à nouveau, de :

– déclarer la nullité opposable à tout réclamant au titre de l’accident ainsi qu’au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,

– prononcer sa propre mise hors de cause,

– condamner le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages à lui rembourser les montants réglés en exécution du jugement assorti de l’exécution provisoire et la provision versée, soit 303 085,89 euros à la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne, 547 810 euros à [J], [L] [T] et [N] [T] et 10 000 euros à [J] et [L] [T],

le cas échéant de la nullité du contrat inopposable aux victimes, de :

– condamner [I] [V] épouse [T] à la relever et garantir des sommes, dont provisions, déjà réglées aux victimes et à la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne,

– infirmer sa condamnation au doublement des intérêts concernant [L] [T],

– limiter la pénalité concernant [J] [T] à la période du 28 octobre 2018 au 25 février 2019 sur le montant global offert, provision versée déduite et avant imputation de la créance de la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne,

– débouter les intimés de toutes autres demandes et,

en tout état de cause, de :

– condamner l’association La Mouette, [N] [T], le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages et [I] [V] épouse [T] à lui verser chacun 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction à Me Narran.

L’appelante expose et fait valoir que l’assureur ne peut accepter le risque en toute connaissance de cause que si les informations fournies par l’assuré correspondent à la réalité, il n’est pas tenu de vérifier l’exactitude des déclarations faites par le souscripteur, ce dernier devant répondre avec sincérité et loyauté aux questions posées par l’assureur s’agissant d’une obligation de bonne foi qui s’impose en matière contractuelle ; l’article L. 113-2 du code des assurances n’impose pas l’établissement d’un questionnaire préalable écrit. Il ne fait aucun doute que [N] [T] n’a pas rempli l’obligation de loyauté qui lui incombait à ce titre en commettant manifestement de fausses déclarations intentionnelles à la souscription du contrat de nature à aggraver considérablement le risque déclaré à son assureur ; en l’espèce les conditions d’application de l’article 113-8 du même code sont réunies, [N] [T] s’est déclaré unique conducteur alors que le véhicule était conduit par son épouse ; le conjoint devant dans tous les cas, principal ou occasionnel, être désigné dans les conditions particulières, la fausse déclaration d’identité du conducteur est établie et les fausses déclarations s’évincent du relevé d’information falsifié ; c’est bien [N] [T] qui a sollicité auprès de son courtier le relevé d’information qu’il lui a communiqué lors de la souscription car il avait eu des antécédents dans les derniers 36 mois précédents dès lors qu’il avait été impliqué dans deux accidents dont il était entièrement responsable ; il a produit un relevé parfaitement falsifié lors de la souscription des risques couverts en taisant ses antécédents pour obtenir la couverture et le caractère intentionnel n’est pas contestable. En refusant de faire droit à sa demande d’indemnisation formulée par les victimes, elle-même est de bonne foi. A la date de l’accident, de la découverte des mensonges et de l’assignation, l’article R. 211-13 du code et la jurisprudence des juridictions permettaient d’opposer la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle aux victimes d’accidents de la circulation.

Les conditions de l’article 421-5 du code ont été respectées à l’égard de [N] [T] et des victimes et le tribunal devait condamner le FGAOD à les indemniser ; à défaut, Mme [I] [V] épouse [N] [T] devrait être condamnée à la relever et garantir de toute condamnation du fait de la subrogation dans leurs droits contre la responsable à concurrence des montants versés.

La condamnation au doublement des intérêts concernant [L] devra être infirmée en l’absence de consolidation ; s’agissant de [J], le doublement ne pourrait courir qu’à compter du 28 octobre 2018 jusqu’au jour de la signification des secondes conclusions récapitulatives devant le tribunal le 25 février 2019 sur la base de l’offre y figurant.

Selon dernières conclusions visées au greffe le 26 octobre 2021, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages demande, en jugeant inopposable la nullité du contrat d’assurance :

principalement, de :

– confirmer la mise à la charge de la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles de l’indemnisation des victimes et sa propre mise hors de cause,

– condamner la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à lui verser 15 % de l’indemnité allouée à la victime,

subsidiairement, de :

– confirmer le jugement par substitution de motifs,

– condamner la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à lui verser 15 % de l’indemnité allouée à la victime,

en tout état de cause, de :

– rejeter la demande de la CMAM au titre des frais irrépétibles et des dépens,

– condamner la CMAM à lui payer 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– lui déclarer opposable l’arrêt à intervenir.

L’intimé expose et fait valoir que le tribunal a bien retenu l’existence d’un contrat d’assurance même si c’est pour en retenir la nullité en raison de la fausse déclaration intentionnelle mais cette nullité ne lui est pas applicable.

Le nouvel article L. 221-7-1 du code des assurances est applicable en ce que le droit antérieur était contraire aux directives automobiles européennes et il s’agit là d’une mise en conformité du droit français avec ces directives en matière d’accidents de la circulation, ce qui a été souligné par l’arrêt rendu par la cour de justice de l’Union européenne le 20 juillet 2017 ; cet arrêt consacrait déjà le principe que l’assureur de responsabilité automobile ne pouvait plus opposer aux tiers victimes la nullité du contrat automobile pour fausse déclaration intentionnelle, cette annulation étant désormais contraire aux règles édictées par le droit européen ; un réglementation nationale rendant opposable aux tiers victimes la nullité d’un contrat d’assurance pour fausse déclaration de l’assuré est donc contraire aux directives communautaires.

L’assureur n’a pas valablement rempli ses obligations telles qu’énoncées par l’article 421-5 du code des assurances en ne notifiant pas sa position aux deux victimes et à leurs père et mère représentants légaux, ce qui le prive, en tout état de cause, de tenter de lui opposer la nullité de son contrat.

L’assureur n’a pas non plus rempli son obligation de satisfaire au droit à indemnisation des victimes pour le compte de qui il appartiendra jusqu’au jugement de la nullité contractuelle ; devant l’insuffisance de la provision, il sera sanctionné à hauteur de 15% de l’indemnité allouée en application de l’article L. 211-14 du même code alors que le Fonds lui-même n’a connu l’exception de garantie soulevée que quelques jours avant l’expiration du délai maximal d’offre de provision de huit mois.

Selon dernières conclusions visées au greffe le 16 septembre 2022, [J] [T] et [L] [T], représentés par l’association La Mouette, et [N] [T] demandent, en réformant le jugement en ce que le tribunal a dit que le contrat d’assurance est nul en raison de la fausse déclaration intentionnelle de F. [T] par fourniture d’un relevé d’informations falsifié dissimulant deux sinistres antérieurs et jugeant à nouveau, abstraction faite de ceux des ‘dire et juger’ qui ne sont pas des prétentions mais des moyens, de :

principalement,

– les recevoir en leurs appels incidents,

– débouter la CMAM de sa demande subsidiaire en nullité fondée sur le dol au sens de l’article 1116 ancien du code civil et rejetant lesdites exceptions de nullité, de :

– débouter la CMAM de son appel,

subsidiairement,

– juger que la nullité du contrat est inopposable à [J] et [L] [T] et encore que la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de [N] [T] et,

en tout état de cause, de :

– condamner la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à les indemniser de l’intégralité des préjudices subis et payer en deniers ou quittances, à :

-[N] [T] : 40 000 euros de ses préjudices d’affection et trouble dans ses conditions d’existence et réserver ses préjudices patrimoniaux dans l’attente du rapport de l’expert,

-[J] [T] : 9 072 euros du déficit fonctionnel temporaire, 26 270 euros du déficit fonctionnel permanent, 25 000 euros des souffrances endurées, 30 000 euros du préjudice d’affection et trouble dans les conditions d’existence, 2 940 euros de conseil médical,

-[L] [T] : 473 550 euros du déficit fonctionnel permanent, 35 000 euros des souffrances endurées, 20 000 euros du préjudice esthétique, 1 725 euros de conseil médical,

avant dire droit sur la liquidation définitive de ses préjudices,

– ordonner une nouvelle expertise qui sera confiée au Dr. [E] avec mission spéciale,

– dire que les sommes allouées porteront intérêt au double du taux légal avec anatoscisme à compter du 1er avril 2014 à l’égard de la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles et du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,

– actualiser les sommes allouées à la date de la décision à intervenir en tenant compte de l’érosion monétaire,

– réserver les droits d'[L] [T] et [N] [T], sursoir à statuer dans l’attente du rapport d’expertise de consolidation d'[L] [T] et renvoyer la cause devant le tribunal,

– déclarer l’arrêt commun à la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne et opposable au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,

– condamner la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à leur payer 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure pénale et aux entiers dépens dont distraction pour Me Vivier.

Les intimés exposent et font valoir que l’écrit n’est pas exigé pour la validité du contrat mais seulement pour sa preuve et le contrat est formé quoique non signé et le preneur d’assurance obligé de payer les primes dès lors que l’assureur lui a adressé la police.

La fausseté des déclarations et même la réticence à la prise d’assurance doivent être établies par des réponses à des questions claires du questionnaire d’assurance ; le relevé d’information contient des incohérences, portant la date du 16 août 2012 qui est celle de la police, il n’est pas signé et ainsi dépourvu de toute valeur probante ; il n’émane pas d’un assureur, seule personne habilitée par la Loi ; [N] [T], pas au fait d’utiliser du matériel informatique et jamais assuré par la société ‘Protégys’ pour posséder le faux document, ne peut en être l’auteur ; les pratiques du courtier MASSUR 82, entreprise dissoute en 2016 et encore en liquidation, travaillant avec cette dernière compagnie, n’offrent aucune garantie quant à la fiabilité des éléments en émanant et les conditions d’obtention dudit relevé à deux dates différentes les 19 et 21 mars 2014 auprès d’ECA sont troublantes.

La volonté de tromper la CMAM est absente et la non-garantie ne leur est pas opposable ; [N] [T] a cru de bonne foi ne pas avoir à signaler la conduite très occasionnelle de son épouse puisqu’ils sont justement conjoints et l’assureur ne lui ayant pas fait signer les conditions générales de la police et les conditions particulières étant signées par un tiers, le dol ne joue pas. Cet assureur a fait une première offre en connaissance de cause que Mme [I] [V] épouse [N] [T] était au volant et la seule responsable de l’accident avant de se raviser au seul vu de ses conséquences corporelles. [N] [T] est également de bonne foi dans l’oubli de deux sinistres depuis 2009 dont l’assureur ne prouve pas l’effet sur son opinion du risque assuré.

Il s’ensuit que le véhicule conduit par Mme [I] [V], responsable, étant impliqué, la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles doit sa garantie ; [N] [T] et [J] [T] subissent aussi un préjudice d’affection indiscutable du fait de l’état d'[L] [T] ; les défauts d’offre, éventuellement pour le compte de qui il appartiendra, doivent être sanctionnés financièrement.

Selon conclusions visées au greffe le 20 avril 2021, la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne demande, abstraction faite des ‘dire et juger’ qui ne sont pas des prétentions mais des moyens, de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions et,

y ajoutant, de :

– condamner la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles ou tout succombant à lui payer 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure pénale et aux entiers dépens, dont distraction à Me Thizy,

– réserver, pour le surplus, ses droits dans l’attente du dépôt du rapport définitif du Dr. [E].

L’intimée expose et fait valoir que c’est à bon droit que le tribunal a jugé que la nullité du contrat n’est pas opposable aux victimes et par ricochet, à la Caisse.

Par ordonnance d’incident du 25 mai 2022, le conseiller de la mise en état a :

– déclaré l’assignation en intervention forcée du 26 octobre 2021 de la CMAM à la SA Européenne de courtage d’assurance, irrecevable,

– condamné la CMAM à payer à la SA ECA : 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile à l’association ‘La mouette’ et [N] [T].

[I] [V] épouse [T], à laquelle toutes les parties ont fait signifier à sa personne leurs déclaration d’appels et leurs conclusions, n’a pas constitué d’avocat.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction de la procédure a été clôturée le 12 octobre 2022.

Motifs

1/ sur la nullité de l’assurance :

L’alinéa 1er de l’article L. 113-8 du code des assurances dispose :

 » Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l’article L. 132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.  »

L’article L. 112-3 du code des assurances, disposant que lorsque, avant la conclusion du contrat, l’assureur a posé des questions par écrit à l’assuré’etc, il s’ensuit que l’établissement d’un questionnaire préalable n’est pas indispensable pour établir le contrat d’assurance et éventuellement asseoir la preuve d’une fausse déclaration, même de bonne foi, quand d’autres éléments spontanés la caractérisent.

La preuve que le relevé d’information du 12 août 2018 est faux ressort de ce que [N] [T] ne conteste pas la correspondance de M. [S] du service production de l’entreprise ‘Protegys Courtage’ à la CMAM que « le relevé d’information que vous avez reçu est falsifié’Monsieur [T] n’a jamais été assuré chez nous  » ; le relevé ne reflète pas non plus la vérité de ses sinistres antérieurs mis au jour à l’enquête de l’agence de recherches privées et d’enquête en assurance du 26 septembre 2014 :  » 30.05.11 client change de file RC 100 conducteur lors du sinistre [N]  » et  » 11.03.12 perte de contrôle RC 100 conducteur lors du sinistre [N]  » dans le cadre du vrai contrat antérieur Pacifica souscrit par l’épouse jusqu’au 16 mars 2012, ce que l’intéressé ne conteste pas non plus.

Le doute n’est pas permis sur la fausse déclaration de [N] [T] par l’omission d’indiquer son épouse comme conductrice, principale, secondaire ou occasionnelle en l’état des rubriques disponibles aux conditions particulières de l’assurance et au fait que l’épouse disposait du permis de conduire ; la mauvaise foi n’est pas caractérisée en l’état du doute sur l’opposabilité des conditions générales de l’assurance à cet égard par la signature non reconnue de [N] [T] aux conditions particulières.

[N] [T] indique à l’enquête :  » ‘je me suis à [Localité 20] pour souscrire le contrat d’assurance chez massur 82’je n’ai pas fait inscrire mon épouse comme conducteur principal segondaire j’ai pensé qu’en étant mariés et assurer tous risques cela se ferait automatiquement au cabinet de ce courtier il ma pas été demandé c’est pa vrai un autre conducteure à mettre sur le contrat. J’ai assuré le véhicule le 16/08/2012 et je ne me suis plus préoccupé’ « . Les conditions générales portent la signature très lisible de son patronyme et, quoiqu’elle diffère de celle de sa déclaration manuscrite à l’enquête, il importe peu qu’il ne la reconnaisse pas en présence d’autres éléments de son consentement averti puisqu’il ne soutient pas l’inexistence de cette assurance mais qu’il la revendique. Le souscripteur ne pouvait pas méconnaître d’abord que les conditions générales stipulent :  » Je déclare que’le conducteur principal secondaire a bien été indiqué au contrat s’il y en a un’ils n’ont pas eu plus d’un sinistre de responsabilité matérielle totale ou partielle’au cours des 36 derniers mois’  » ni que le faux relevé d’information ne fait apparaître aucun de ses deux sinistres personnels très récents alors qu’il en avait encore évidemment le souvenir et il avait donc la conscience de ses omissions ; il est aussi dommage que le souscripteur ne précise pas qu’il s’était muni du document administratif ‘permis de conduire’ de Mme [I] [V] épouse [N] [T], le cas de sa déclaration échéant. Les fausses déclarations intentionnelles ressortent des éléments ci-dessus associés à la déposition à l’enquête du courtier montalbanais, M. [U] [Y], que  » Le 16 août 2012, MR [T] [N] est venu à notre agence de [Localité 20] pour une proposition d’assurance Auto’son véhicule Renault Megane immat [Immatriculation 15]. Cette note de couverture a était signé par MR [T] avec le relevé d’information fourni par MR [T] ainsi que son permis et sa carte grise’ « . Puisqu’il est vrai que M. [Y] travaillait déjà avec ‘Progedys Courtage’ ainsi qu’il le reconnaît, [N] [T] a pu ainsi éviter de remettre le relevé d’information du véritable assureur du véhicule Renault Megane précédent assuré au nom de son épouse et il a cru de son intérêt de ne pas assurer la conduite de son épouse mais il doit assumer les évidences des suites de ses tromperies contractuelles.

La sanction de la volonté de tromper l’assureur est bien encourue du fait que son opinion sur l’objet du risque en a bien été diminuée dans l’ignorance de la répétition de fautes de conduite basiques de [N] [T] sur sa sinistralité personnelle et sur l’opportunité de le garantir et à quel coût. Cette errance chez l’assureur a été accentuée par l’omission par [N] [T] de la déclaration, élémentaire, de déclarer tout autre conducteur, au premier chef l’épouse, principal, secondaire(s) ou encore occasionnel(s), toutes ces possibilités figurant sur la demande d’assurance pendant que l’automobile était donc conduite par cette conductrice habituelle ( cf. p.v. Gie [Localité 21] audition 23 sept. 2013 :  » Je suis partie de chez moi à [Localité 13] pour aller chez l’ophtalmo à [Localité 21] avec mes deux enfants, je suis passée à la pharmacie à [Localité 13] pour acheter les gouttes que je devais mettre dans les yeux de ma fille et je suis allée en direction de [Localité 21]’j’ai parcouru une trentaine de kms’ « ), mais inconnue de la CMAM.

La nullité du contrat d’assurance est justifiée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2/ sur l’opposabilité de la nullité :

L’article R. 421-5 du code des assurances, dans sa version applicable au 17 mars 2014 disposait :

 » Lorsque l’assureur entend invoquer la nullité du contrat d’assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, avec demande d’avis de réception, le déclarer au fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception ; il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat.

Lorsque l’assureur entend invoquer la nullité du contrat d’assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le déclarer au fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception ; il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat.  »

Selon son arrêt rendu le 20 juillet 2017 suivant renvoi en interprétation préjudicielle à l’initiative de la Cour suprême du Portugal (Affaire C-287/16 – Fidelidade-Companhia de Seguros SA contre Caisse Suisse de Compensation e.a.), la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé, comme contraire à la réglementation communautaire, la législation d’un Etat membre aux termes de laquelle la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration du souscripteur concernant l’identité du conducteur habituel serait opposable aux tiers victimes.

Le point 35 de l’arrêt précise que la possibilité pour la victime d’obtenir réparation de son préjudice via un Fonds de garantie ne remet pas en cause sa solution. Il en est résulté que les interventions du FGAOD seraient appelées à se réduire aux seuls cas de défauts d’assurance, purs et simples.

Suivant l’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à la différence des règlements communautaires qui s’appliquent directement et totalement, les directives lient les Etats membres, non les particuliers et se transposent dans des lois et règlements du droit national, en l’occurrence français. Par application de la jurisprudence communautaire, les directives européennes n’ont un effet direct que ‘vertical’ et non ‘horizontal’, soit que les particuliers qui peuvent les invoquer à l’encontre de la puissance publique et ses services, ne peuvent pas le faire envers d’autre personnes physiques ou morales particulières comme en l’espèce, des individus contre une société privée d’assurance. La jurisprudence dite ‘Fidelidade’ n’a donc eu de force obligatoire qu’à l’égard de la Cour suprême du Portugal, étant saufs les éventuels accords entre les assureurs européens.

La quatrième directive ‘assurance automobile’ 2009/103/CE du 16 septembre 2009 concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, a été transposée sur le point de l’inopposabilité aux tiers victimes de la nullité du contrat, par la loi du 22 mai 2019 au nouvel article L. 211-7-1 du code des assurances, qui dispose :  » La nullité d’un contrat d’assurance souscrit au titre de l’article L. 211-1 n’est pas opposable aux victimes ou aux ayants droit des victimes des dommages nés d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques. Dans une telle hypothèse, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait de ce véhicule, de cette remorque ou de cette semi-remorque, est tenu d’indemniser les victimes de l’accident ou leurs ayants droit. L’assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l’indemnité contre la personne responsable de l’accident, à concurrence du montant des sommes qu’il a versées. (‘) « .

En vertu de l’article 2 du code civil, les dispositions du nouvel article L. 211-7-1 du code des assurances ne s’appliquent pas aux sinistres survenus avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 mai 2019, le 24 suivant.

Il en résulte que la mise en cause du FGAOD en 2014 était fondée.

La CMAM a bien adressé non seulement au FGAOD mais également à [N] [T], en même temps et dans les mêmes formes par lettre recommandée du 17 mars 2014 avec accusé de réception retourné signé le 22 suivant, l’exposé des motifs de l’invocation de la nullité et l’avertissement sur ses conséquences envers [L] [T]. Il n’est pas discutable que [N] [T] a reçu cette notification tant en sa qualité d’assuré que celle de titulaire de l’autorité parentale sur ses enfants victimes ; la carence de l’adressage des mêmes formalités à Mme [I] [V] épouse [N] [T], si c’en est une dans la mesure où son mari a conjointement avec elle le plein exercice de l’autorité parentale et donc l’administration légale, serait couverte par la désignation en 2016 de l’administrateur spécial chargé des intérêts de [L] et [J] dans l’accident, aux lieu et place de leur mère, jusqu’à l’issue des procédures les concernant. Il en résulte que le formalisme de l’article R. 421-5 du code des assurances envers les victimes comme envers le Fonds est respecté.

Il s’ensuit que la mise en cause du FGAOD est non seulement fondée mais également régulière. Le FGAOD doit sa garantie aux tiers victimes consorts [T]. Il devra relever et garantir la CMAM pour les sommes versées et à verser aux deux victimes directes.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

3/ sur la mise hors de cause de la CMAM :

L’article L. 211-20 du code des assurances dispose :

 » Lorsque l’assureur invoque une exception de garantie légale ou contractuelle, il est tenu de satisfaire aux prescriptions des articles L. 211-9 à L. 211-17 pour le compte de qui il appartiendra ; la transaction intervenue pourra être contestée devant le juge par celui pour le compte de qui elle aura été faite, sans que soit remis en cause le montant des sommes allouées à la victime ou à ses ayants droit.  »

L’obligation pour l’assureur de satisfaire à ces prescriptions dure tant qu’il n’a pas été statué sur toute exception de garantie et ne cesse que lorsque le contrat d’assurance est annulé. En l’espèce, le contrat désormais annulé était encore en vigueur dans les délais des offres de 8 mois après l’accident. La garantie pour compte est due par la MCAM.

La CMAM sera acquise à la cause jusqu’au jugement définitif des actions indemnitaires de l’association ‘La Mouette’ ès qualités et le jugement sera confirmé de ce chef ; et ce, en qualité d’assureur pour le compte du FGAOD et le jugement sera réformé sur ce point.

4/ sur les réparations :

En vertu de la seule implication de sa voiture automobile dans l’accident, Mme [I] [V] épouse [N] [T] est débitrice de toute indemnisation à [J] [T] et [L] [T] qui, en tant que passagers transportés de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985, n’ont commis aucune faute dans la survenance de leurs préjudices et, de ce fait, elle est débitrice à [N] [T] des causes de ses préjudices par ricochet, également.

A/ aux victimes directes :

[J] [T], âgée de 8 ans à la consolidation :

L’expert médical Mme [C] a conclu, avec avis sapiteur du Dr. [O], médecin pédopsychiatre, que l’accident a entrainé un traumatisme crânien sans perte de connaissance, une ecchymose frontale avec dermabrasion et des ecchymoses récentes des deux rotules sans gêne à la marche alors que son frère a été gravement blessé dans le même accident.

La cour dispose aux pièces médicales et expertales débattues des éléments nécessaires et suffisants pour évaluer comme suit les postes litigieux du préjudice corporel :

– patrimonial :

– provisoire :

* pour les frais divers, la demande est nouvelle en appel mais pas irrecevable, tendant à la même fin que les autres de réparation intégrale, fondée et justifié à hauteur des notes d’honoraires de médecin conseil du Dr. [D] à [Localité 16], de 375 euros de dossier médical, 1 080 euros et 1 485 euros d’assistance à expertise et avis sapiteur, soit 2 940 euros et le jugement sera complété sur ce poste,

– extrapatrimonial :

– provisoire :

* pour le déficit fonctionnel, le tribunal a réparé sur la base journalière de 25 euros le trouble dans les conditions d’existence et pour cette tranche d’âge dans la petite enfance de 4 ans, 2 jours d’incapacité totale à 50 euros et 4 années, 1 mois et 10 jours d’incapacité du cinquième à 7 510 euros et le jugement sera confirmé sur ce poste,

* pour le prix de la douleur, le tribunal a réparé les souffrances de 4/7 endurées, à hauteur de 15 000 euros et les mêmes raisons justifient de confirmer le jugement sur ce poste,

– permanent :

* pour le déficit fonctionnel de séquelles psychiatriques avec troubles du comportement et des émotions et de l’attention et l’activité, le tribunal a réparé l’atteinte définitive à l’intégrité physique et psychique à hauteur de 24 250 euros ; compte tenu du temps procédural écoulé, il y a lieu de revaloriser le point à 2670, soit 26 270 euros et le jugement sera actualisé sur ce poste ;

[L] [T] âgé de 6 ans à la date de l’accident :

L’expert médical Mme [C] a conclu que l’accident a entraîné un traumatisme crânien avec lame d’hématome sous dural aigu hémisphérique droite, contusion frontale bilatérale avec gonflement cérébral diffus, plaie du scalp et du vertex très hémorragique et fracture-luxation T2-T3 responsable d’une paraplégie complète d’emblée (‘).

Provisoirement : un déficit fonctionnel total du 1er aout au 3 septembre 2013 puis de 75 % non consolidé, avec aide directe à la personne de 4 h par jour du 1er septembre 2013 au 3 juin 2014, de 3h par jour du 1er juillet 2014 au 1er septembre 2015 et depuis le 3 suivant, de 3 h par jour en période scolaire et 4h par jour durant les fins de semaines et les vacances ; un plancher de déficit fonctionnel permanent de 70 %, des souffrances endurées non inférieures à 5/7, un préjudice esthétique non inférieur à 4/7 et des dépenses de santé de petits matériels de l’ordre de 100 euros mensuels à justifier, compensables par la prestation compensatrice de handicap au montant équivalent, sauf qu’un lève-malade serait nécessaire.

Au-delà du montant de la provision allouée par le premier juge, l’association ‘La Mouette’ ne justifie pas en l’état du surplus de frais et débours qui fonderait une demande outre la provision de 465 000 euros. La demande sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

B/ des victimes indirectes :

Le préjudice d’affection est le prix du dommage moral, dû aux bouleversements dans ses conditions d’existence subis par la victime indirecte en raison de l’état des blessures, du handicap et des souffrances qui perdurent de la victime directe non décédée ; il est également réparable dans la même proportion que le préjudice global de cette dernière, soit en l’espèce intégralement, s’agissant pour [J] et [L] [T], des deux passagers, transportés sans faute de leur part.

[J] [T] :

C’est par des motifs adaptés que la cour approuve et qu’elle adopte que le tribunal a caractérisé son dommage affectif dans le cycle, rivalité, jalousie et culpabilité pendant que les rapports avec leur mère psychiatrisée sont inévitablement dégradés ; la cour juge en raison du jeune âge de l’enfant de confirmer l’indemnité définitive de 20 000 euros.

Le jugement sera confirmé sur ce poste.

[N] [T] :

C’est par des motifs adaptés que la cour approuve et qu’elle adopte que le tribunal a caractérisé son dommage affectif tant par la pénibilité des soins quotidiens à [L] [T] que par le défaut d’appui de l’épouse psychiquement handicapée ; la cour juge d’allouer d’ores et déjà provisoirement une indemnité de 20 000 euros.

Le jugement sera confirmé sur ce poste.

Ses préjudices économiques seront mis en réserve jusqu’aux débats sur les conclusions du rapport d’expertise médicale après la consolidation des blessures d'[L] [T].

Le jugement sera confirmé sur ce poste.

En l’état de l’annulation du contrat d’assurance auquel il était partie en qualité de souscripteur bénéficiaire, le défaut d’assurance produit ses effets à l’égard de l’assuré [N] [T] et la CMAM est dégagée de toute obligation envers lui ; sa situation de victime indirecte ne le relève pas de son statut de co-contractant pour lui donner la qualité de tiers victime à cette assurance et pouvoir bénéficier d’une garantie, ni par la CMAM pour le compte d’autrui ni par le FGAOD subrogeant.

Le jugement sera réformé sur ce point.

C/ sur les intérêts :

L’article 211-9 du code des assurances dispose :

 » (‘) Une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident. En cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint. L’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique. (‘)  »

La carence de la MCAM à faire aucune offre sérieuse avant le 1er avril 2014 à aucune des victimes lui fait encourir les sanctions des dispositions ci-dessous :

L’article L 211-13 du même code dispose :

 » Lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur.  »

C’est par des motifs adaptés que la cour approuve et qu’elle adopte que le tribunal a fixé les points de départ des délais d’offres au 1er avril 2014 et le point d’arrivée au 25 février 2019 pour [J] [T] en présence d’offre est justifié par la date de signification des deuxièmes conclusions. La capitalisation est justifiée à dater du 9 novembre 2016 que l’anatocisme est sollicité au dispositif de l’assignation. L’assiette des intérêts doit être fixée à 46 810 euros, somme sérieuse puis qu’elle est retenue ; mais la provision de 10 000 euros, allouée à [L] au vu de son dommage corporel d’emblée grave, n’est pas à retrancher de la base des intérêts dûs à [J].

Le jugement sera réformé sur ce point.

Le point d’arrivée pour [L] [T] dépend encore, en l’absence d’offre actuelle, de la date et la teneur des futures conclusions de la CMAM ou du jugement définitif ; si, en tout état de cause, le doublement est acquis du fait du dépassement du 8ième mois, le délai court et le jugement de ce chef doit être réservé.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Le FGAOD, qui a rappelé à la CMAM son obligation au moins ‘pour compte’ dès le 24 mars 2014, n’avait pas à se substituer à cette carence. La même demande à son égard n’est pas fondée et elle sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

L’article L. 211-14 du code dispose :

 » Si le juge qui fixe l’indemnité estime que l’offre proposée par l’assureur était manifestement insuffisante, il condamne d’office l’assureur à verser au fonds de garantie prévu par l’article L. 421-1 une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité allouée, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime.  »

La demande est nouvelle mais pas irrecevable car tendant à la même fin sanctionnatrice que la précédente ; la seule tardiveté de l’offre qui n’était pas manifestement insuffisante, ne justifie pas la sanction réclamée par le FGAOD.

La demande sera rejetée.

4/ Sur les recours sociaux du tiers payeur :

L’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dispose :

 » Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l’assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l’assuré ou ses ayants droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier.’

Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l’assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l’auteur responsable de l’accident dans les conditions ci-après.

Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

Conformément à l’article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

Cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice.

Hors le cas où la caisse est appelée en déclaration de jugement commun conformément aux dispositions ci-après, la demande de la caisse vis-à-vis du tiers responsable s’exerce en priorité à titre amiable.

La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d’informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret.

L’intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d’assuré social de la victime de l’accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l’une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt. Dans le cadre d’une procédure pénale, la déclaration en jugement commun ou l’intervention des caisses de sécurité sociale peut intervenir après les réquisitions du ministère public, dès lors que l’assuré s’est constitué partie civile et qu’il n’a pas été statué sur le fond de ses demandes.

En contrepartie des frais qu’elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d’assurance maladie à laquelle est affilié l’assuré social victime de l’accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l’organisme national d’assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d’un montant maximum de 910 euros et d’un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l’indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année considérée.

Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions, prévues au chapitre 3 du titre III et aux chapitres 2,3 et 4 du titre IV du livre Ier ainsi qu’aux chapitres 3 et 4 du titre IV du livre II applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

Lorsque l’assuré victime de l’accident est affilié au régime agricole, l’indemnité est recouvrée selon les règles et sous les garanties et sanctions prévues aux chapitres 2,3 et 4 du titre IV du livre Ier ainsi qu’aux articles L. 725-3 à L. 725-4 du code rural et de la pêche maritime.

Pour l’exécution des recours subrogatoires prévus au présent article, les créances détenues par l’organisme qui a versé les prestations sont cédées définitivement à l’organisme chargé de cette mission en application du 3° de l’article L. 221-3-1 du présent code.  »

En considération du principe de subsidiarité de leur intervention, les fonds de garantie ne sont tenus qu’à l’égard des seules victimes ou de leurs ayant droits et des compagnies d’assurance qui auraient indemnisé la victime pour le compte de qui il appartiendra mais non des tiers payeurs qui ne sont donc pas admis à faire valoir leur créance subrogatoire auprès du FGAOD.

[I] [V] épouse [N] [T], en tant que débitrice d’indemnité, sera condamnée à payer 1 366,11 euros au poste des dépenses de santé actuelle pour les frais hospitaliers, médicaux et pharmaceutiques déboursés définitivement au 22 novembre 2018 pour les blessures de [J] [T] outre 455,37 euros d’indemnité forfaitaire de frais de gestion ; la Caisse est également fondée à obtenir la somme de 298 697,41 euros au poste des dépenses de santé actuelle pour les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d’appareillage et de transport déboursés provisoirement au 4 octobre 2018 pour les blessures de [L] [T].

Le jugement sera confirmé de ce chef, sauf la demande au titre des frais de gestion, qui sera réservée.

La garantie ‘pour compte’ ne permet pas à la CPAM de Lot-et-Garonne d’exercer son recours contre la CMAM pour toutes les prestations ou indemnités, comme celles de l’assurance-maladie, que le FGAOD ne garantit pas, sur le fondement subsidiaire de son intervention auprès de [J] et [L] [T]. La demande n’est pas fondée.

Le jugement sera infirmé de ce chef. La demande de la CMAM en remboursement, qui s’évince de l’infirmation, n’a pas à être prononcée.

5/ Sur les dépens :

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [I] [V] épouse [N] [T] qui succombe en toute l’instance, les supportera seule entièrement.

En application de l’article 696 dudit code, les avocats seront autorisés à recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir obtenu provision.

Pour les besoins de la cause à l’exécution du dispositif, la décision sera infirmée, sauf les mesures provisoires et les réserves, pour être entièrement reformulée du surplus.

Par ces motifs

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme le jugement dans les limites des appels et jugeant à nouveau :

Condamne Mme [I] [V] épouse [N] [T] à indemniser intégralement [N] [T], [J] [T] et [L] [T] de leurs préjudices du fait de l’accident de la circulation automobile du 1er août 2013 à [Localité 21] (47), en qualité de conductrice du seul véhicule impliqué Renault Megane [Immatriculation 15],

Annule le contrat ECAUTO n° 10191 conclu le 16 août 2012 par [N] [T] avec la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles pour l’assurance du véhicule automobile Renault Megane immatriculée [Immatriculation 12] pour fausses déclaration intentionnelle d’absence de tout sinistre dans les 36 mois précédents au relevé d’information falsifiées du 16 août 2012 et omission de déclaration de Mme [I] [V] épouse [N] [T], conductrice principale secondaire,

Dit que les primes payées pour assurer le véhicule impliqué dans l’accident demeureront acquises à la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles,

Dit que la nullité du contrat d’assurance est inopposable à [J] [T], [L] [T] et l’association La Mouette,

Dit que la nullité du contrat d’assurance est opposable à [N] [T] pour les préjudices qu’il a subis par ricochet, à la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Lot-et-Garonne et au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,

Déboute le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages de sa demande d’être mis hors de cause,

Dit que dans les chefs de dispositifs ci-après, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages relève et garantit la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles de toutes ses condamnations envers les victimes directes [J] et [L] [T] en principal et en intérêts au taux légal simple,

Condamne Mme [I] [V] épouse [N] [T] à payer à :

– [N] [T] : provisoirement, 20 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice d’affection et les intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020, ‘in solidum’ avec la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles,

– [J] [T] représentée par l’association ‘La Mouette’ : 2 960 euros des frais divers, 7 560 euros des déficits fonctionnels temporaires, 15 000 euros des souffrances endurées, 26 270 euros du déficit fonctionnel permanent et 20 000 du préjudice d’affection et les intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020 et les intérêts de ces montants au taux légal à compter du 10 septembre 2020, capitalisés par année entière chaque 9 novembre, ‘in solidum’ avec la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles,

– [L] [T] représenté par l’association ‘La Mouette’ : provisoirement, 465 000 euros à valoir sur l’indemnisation de tous les postes de son préjudice corporel et les intérêts au taux légal de la provision à compter du 10 septembre 2020, ‘in solidum’ avec la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles,

– la Caisse primaire d’assurance-maladie de Lot-et-Garonne : 1 366,11 euros de ses débours de santé actuelle à [J] [T] outre 455,37 euros d’indemnité forfaitaire de frais de gestion et 298 697,41 euros de provision à valoir sur les débours de tous les postes de préjudices d'[L] [T],

Réserve la demande de [N] [T] de la capitalisation des intérêts, jusqu’au jugement définitif de la liquidation de son entier préjudice par ricochet,

Condamne la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles, ‘in solidum’ avec Mme [I] [V] épouse [N] [T], à payer au titre de sa garantie ‘pour compte’ à :

– [J] [T] représentée par l’association ‘La Mouette’ : 2 960 euros des frais divers, 7 560 euros des déficits fonctionnels temporaires, 15 000 euros des souffrances endurées, 26 270 euros du déficit fonctionnel permanent et 20 000 du préjudice d’affection en réparation intégrale et les intérêts de ces montants au taux légal à compter du 10 septembre 2020 et au double du taux légal, sur la somme de 46 810 euros entre le 1er avril 2014 et le 25 février 2019, et capitalisés par année entière chaque 9 novembre,

– [L] [T] représenté par l’association ‘La Mouette’ : 465 000 euros de provision à valoir sur l’indemnisation de tous les postes de son préjudice corporel et les intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020,

Déboute [N] [T] et l’association ‘La Mouette’ de leurs demandes en doublement des intérêts légaux au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,

Déboute [N] [T] de toutes ses demandes à la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles,

Accueille la demande d'[L] [T] représenté par l’association ‘La Mouette’ en doublement des intérêts légaux à dater du 1er avril 2014,

Réserve la demande de [L] [T] représenté par l’association ‘La Mouette’ en capitalisation des intérêts, jusqu’au jugement définitif de la liquidation de son entier préjudice corporel,

Déboute le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages de sa demande au titre de l’article L. 112-14 du code des assurances contre la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles,

Déboute la Caisse primaire d’assurance-maladie de Lot-et-Garonne de toutes ses demandes à la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles,

Réserve les demandes de la Caisse primaire d’assurance-maladie de Lot-et-Garonne au titre de l’indemnité forfaitaire de frais de gestion correspondant aux débours à [L] [T] jusqu’au jugement définitif,

Condamne [I] [V] épouse [N] [T] aux entiers dépens de première instance et d’appel,

Autorise les avocats de la cause à recouvrer directement contre les parties ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir obtenu provision,

Condamne [I] [V] épouse [N] [T] à payer en équité à l’association ‘La Mouette’ : 2 000 euros d’indemnisation équitable des frais de défense de [J] et [L] [T] en première instance et en appel

Condamne le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages à payer en équité à la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles : 2 000 euros d’indemnisation équitable de ses frais de défense en première instance et en appel,

Déboute toutes les autres parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Renvoie l’affaire et les parties devant la chambre civile du tribunal judiciaire d’Agen pour les surplus de toutes leurs demandes en principal, accessoire, intérêts et frais,

Déclare le présent arrêt opposable au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages.

Vu l’article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, Conseiller ayant participé au délibéré en l’absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,

 


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