N° RG 21/04677 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NU7B
Décision du Juge des contentieux de la protection de BELLEY au fond du 22 mars 2021
[Z] ÉPOUSE [D]
[D]
C/
[O]
[S]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 22 Février 2023
APPELANTS :
M. [K] [D]
né le 20 Mai 1963 à [Localité 5] (ANGLETTERE)
[Adresse 4]
[Localité 3]
[C] [Z] épouse [D]
nés le 25 Mai 1965 à [Localité 6]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentés par Me Thomas CRETIER, avocat au barreau de LYON, toque : 2224
INTIMÉS :
M. [I] [S]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Mme [R] [O]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Défaillants
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 27 Mai 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Décembre 2022
Date de mise à disposition : 22 Février 2023
Audience présidée par Karen STELLA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé du litige
Le 27 janvier 2019, [K] et [C] [D] ont donné à bail à [R] [O] et [I] [S], à compter du 1er Février 2019, une maison d’habitation avec garage et jardin, située [Adresse 2], dans le département de l’Ain, pour un loyer mensuel de 900 € par mois, hors charges, payable mensuellement et d’avance le 10 de chaque mois.
Le loyer a été réactualisé à 915 € le 1er janvier 2021.
Le 9 juin 2020, les époux [D] ont fait délivrer aux consorts [O] – [S] deux commandements visant la clause résolutoire :
un commandement de payer pour un montant de 2 700 € au titre de l’arriéré de loyers, décompte arrêté au 3 juin 2020,
un commandement d’avoir à justifier d’une assurance contre les risques locatifs.
Le 28 septembre 2020, les 2 commandements ont été notifiés à la Commission de
Coordination de Prévention des Expulsions locatives par voie dématérialisée.
Aux motifs qu’ils n’avaient pas été réglés de l’arriéré locatif dans le délai de deux mois qui était imparti aux locataires, les époux [D], par exploit du 9 octobre 2020, ont assigné les consorts [O] – [S] devant le Juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de Belley aux fins de voir au principal constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail, statuer sur ses conséquences, et obtenir leur condamnation à leur régler les sommes dues au titre de l’arriéré de loyers et charges.
[I] [S], comparant à l’audience, après avoir soutenu qu’il existait un accord avec les bailleurs pour que les charges ne soient pas réglées, a sollicité des délais de paiement.
Par jugement du 22 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de Belley a :
Constaté que les conditions de l’acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 10 août 2020 concernant le bail liant les parties ;
Condamné solidairement [I] [S] et [R] [O] à payer à [C] et [K] [D] la somme de 1 501 € au titre des loyers et charges impayés, échéance de février 2021 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020 ;
Autorisé [I] [S] et [R] [O] à s’acquitter de la dette locative par 15 versements mensuels successifs d’un minimum de 100 € et un 16ème versement égal au solde de la dette, en principal frais et intérêts ;
Dit que le premier versement devra intervenir au plus tard le 15 du mois suivant la signification du présent jugement et ce, en plus des loyers et charges courants, et les autres au plus tard les 15 des mois suivants, sauf meilleur accord des parties ;
Ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire qui sera réputée ne pas avoir joué si [I] [S] et [R] [O] se libèrent de la dette conformément à ce délai de paiement ;
Dit qu’à défaut de paiement de la mensualité à son échéance ou des loyers et charges courants, l’intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra de plein droit ses effets, huit jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception restée infructueuse.
Et en ce cas :
Constaté la résiliation du bail liant les parties ;
Autorisé [C] et [K] [D] à faire procéder à l’expulsion de [I] [S] et [R] [O] ainsi que celle de tous occupants de leur chef du logement à usage d’habitation sis [Adresse 2]), au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier, à défaut pour [I] [S] et [R] [O] d’avoir libéré les lieux loués dans les deux mois de la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux ;
Condamné solidairement [I] [S] et [R] [O] à payer à [C] et [K] [D] une indemnité mensuelle d’occupation équivalente au loyer et charges courants, outre indexation prévue par le contrat, soit 915,00 euros, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux loués ;
Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamné in solidum [I] [S] et [R] [O] aux dépens de l’instance qui comprendront le coût du commandement de payer en date du 9 juin 2020 ;
Rappelé que le présent jugement est exécutoire par provision.
Le premier juge a retenu en substance :
que les locataires justifient par une attestation de la société Allianz en date du 10 septembre 2020 qu’une assurance couvrant les risques locatifs a bien été souscrite pour la période du 30 avril 2020 au 29 avril 2021 ;
que l’arriéré de loyers n’a pas été intégralement réglé dans les deux mois de la délivrance du commandement, et que le bail se trouve résilié de plein droit à compter du 10 août 2020 par le jeu de la clause résolutoire ;
qu’il ressort du décompte actualisé au mois de février 2021 produit par les bailleurs que les locataires restent redevables de la somme de 1 501 € au titre de l’arriéré de loyers et charges, échéance du mois de février 2021 incluse, factures d’entretien de la chaudière pour les années 2019 et 2020 incluses à hauteur de 226,50 € chacune, étant observé que les locataires ne rapportent pas la preuve d’un accord avec les bailleurs les dispensant de régler les charges locatives, mais que la somme sollicitée au titre de la fuite d’eau (71,50 €) doit être exclue du décompte des sommes dues, à défaut pour les bailleurs de justifier que le paiement de cette facture incombe aux locataires ;
que les locataires ayant procédé à deux versements pour un montant total de 5 320 € au mois de novembre 2020 et les APL étant désormais directement versées aux bailleurs, il convient, au regard des ressources mensuelles stables des locataires (1 186,37 € d’allocation de retour à l’emploi pour monsieur, 460 € de salaire pour madame et 1 396,72 € d’allocations familiales) d’accorder des délais de paiement aux locataires à hauteur de 15 versements mensuels de 100 € minimum par mois et une 16ème mensualité du solde, et de suspendre les effets de la clause résolutoire pendant ces délais.
Le 3 mai 2021, le Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal de Proximité de Belley a rendu un jugement rectificatif d’erreur matérielle afin d’ajouter au dispositif la condamnation des locataires à payer la somme de 300 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par acte régularisé par RPVA le 27 mai 2021, [C] et [K] [D] ont interjeté appel de l’intégralité des chefs de décision figurant au dispositif du jugement du 22 mars 2021, dont ils ont repris les termes dans leur déclaration d’appel.
Aux termes de leurs dernières écritures, régularisées par RPVA le 21 juillet 2021, [C] et [K] [D] demandent à la Cour de :
Vu les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989,
Réformer le jugement rendu le 22 mars 2021 par le Tribunal Judiciaire de Belley en ce qu’il a :
Condamné solidairement [I] [S] et [R] [O] à leur payer la somme de
1 501,00 euros au titre des loyers et charges impayés, échéance de février 2021 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020,
Autorisé [I] [S] et [R] [O] à s’acquitter de la dette locative par 15 versements mensuels successifs minimum de 100,00 euros et un 16ème versement égal au solde de la dette, en principal frais et intérêts,
Dit que le premier versement devra intervenir au plus tard le 15 du mois suivant la signification du présent jugement et ce, en plus des loyers et charges courants, et les autres au plus tard les 15 des mois suivants, sauf meilleur accord des parties,
Ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire qui sera réputée ne pas avoir joué si [I] [S] et [R] [O] se libèrent de la dette conformément à ce délai de paiement,
Ce faisant :
À titre principal :
Prononcer la nullité du contrat de bail en raison du dol commis par [I] [S] et [R] [O] ;
Ordonner l’expulsion immédiate de [I] [S] et [R] [O] ainsi que celle de tous occupants de leur chef du bien donné à bail, au besoin par l’assistance de la force publique et d’un serrurier ;
Ordonner aux frais exclusifs de [I] [S] et [R] [O] le transport et la séquestration des meubles / objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles qu’ils désigneront ou dans tel autre lieu du choix des bailleurs, et ce, en garantie de toutes les sommes qui pourront être dues ;
Condamner solidairement [I] [S] et [R] [O] à leur payer la somme de 3 235 € (à parfaire) au titre de la dette locative, outre les intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 9 juin 2020 ;
Fixer le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation à la somme mensuelle de 915 € (correspondant montant du loyer réactualisé au 1er janvier 2021), charges et taxes en sus ;
Condamner solidairement [I] [S] et [R] [O] à leur payer l’indemnité d’occupation de 915 € jusqu’à libération effective des lieux.
À titre subsidiaire :
Prononcer l’acquisition de la clause résolutoire du bail aux torts exclusifs de [I] [S] et [R] [O] ;
Ordonner l’expulsion immédiate de [I] [S] et [R] [O] ainsi que celle de tous occupants de leur chef du bien donné à bail, au besoin par l’assistance de la force publique et d’un serrurier ;
Ordonner aux frais exclusifs de [I] [S] et [R] [O] le transport et la séquestration des meubles / objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles qu’ils désigneront ou dans tel autre lieu du choix des bailleurs, et ce, en garantie de toutes les sommes qui pourront être dues ;
Condamner solidairement [I] [S] et [R] [O] à leur payer la somme de 3 235 € (à parfaire) au titre de la dette locative, outre les intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 9 juin 2020 ;
Fixer le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation à la somme mensuelle de 915 € (correspondant montant du loyer réactualisé au 1er janvier 2021), charges et taxes en sus ;
Condamner solidairement [I] [S] et [R] [O] à leur payer l’indemnité d’occupation de 915 € jusqu’à libération effective des lieux.
En toute hypothèse :
Débouter [I] [S] et [R] [O] de l’intégralité de leurs demandes, fins et moyens ;
Condamner solidairement [I] [S] et [R] [O] à leur payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner les mêmes aux entiers dépens de l’instance (y compris le coût du commandement de payer).
Les époux [D] exposent :
que dès le mois de décembre 2019, ils ont rencontré des difficultés pour obtenir le règlement des loyers, lequel a été totalement interrompu dès le mois d’avril 2020 ;
que cette location est pour eux d’une importance capitale, puisqu’il s’agit de leur résidence principale dont ils remboursent encore le prêt mais qu’ils ont du quitter en raison d’un grave handicap dont souffre [K] [D] en raison d’un accident, et qu’ils se trouvent dans une situation économique difficile, [K] [D] étant en fin de droit auprès de Pôle emploi.
Les appelants sollicitent à titre principal l’expulsion des locataires en raison de la nullité du contrat de bail pour dol, faisant valoir :
qu’au sens des articles 1137 alinéas 1 et 2 et 1130 du Code civil, le dol émanant de l’une des parties est une cause de nullité de l’acte, dès lors qu’il est de telle nature que, sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ;
qu’en l’espèce, le contrat de bail a été conclu sous la foi de l’amitié qui liait les parties et parce que les consorts [O] – [S] ont rédigé une attestation mensongère aux termes de laquelle ils ont prétendu disposer de revenus 3 fois supérieurs au montant du loyer (soit des revenus de plus de 2 700 € nets) ;
qu’en effet, lorsque le loyer a commencé à ne plus être réglé, ils ont demandé au service des impôts, en application de l’article 111 I Bis du Livre des procédures fiscales, à être informé oralement du revenu imposable des locataires, le fonctionnaire du service des impôts leur ayant répondu que les consorts [O] – [S] ‘n’avaient certainement pas un revenu mensuel 3 fois supérieur au montant de loyer de 900 €’ ;
qu’ils ont donc déposé plainte contre leurs locataires ‘pour faux et usage de faux’, l’enquête pénale étant toujours en cours ;
que toutefois, le 22 février 2021, lors de l’audience des plaidoiries, [I] [S] a confirmé qu’il ne disposait pas de revenus supérieurs à trois fois le montant du loyer, les revenus mensuels du couple s’élevant à 1 856,72 € pour un loyer mensuel de 900 €, étant précisé que les allocations familiales doivent être déduites puisqu’elles sont destinées uniquement à l’entretien et à l’éducation des 6 enfants du couple et ne sont pas constitutives de revenus ;
qu’ils n’auraient pas loué leur maison s’ils avaient connu les revenus réels de leurs locataires et sont donc fondés à voir prononcer la nullité du contrat de bail pour dol et l’expulsion des locataires.
Les époux [D] ajoutent que la dette locative s’élève désormais, décompte arrêté au 19 juillet 2020, à la somme de 3 235 €, alors que le premier juge a retenu une dette locative de 1 501 €, (arriéré de loyers et factures d’entretien de la pompe à chaleur), montant auquel il convient de rajouter :
la somme de 340 € au titre du remboursement des taxes d’ordures ménagères pour les années 2019 (169 €) et 2020 (171 €),qui constituent des charges récupérables supportées par les locataires ;
la somme de 71,50 € au titre du remplacement d’un tuyau d’eau cassé par les locataires ;
la somme de 440 € au titre le détartrage du ballon d’eau chaude et de joints de la pompe à chaleur, qu’ils ont du régler dans la mesure où les locataires refusent de procéder à son entretien ;
la somme de 226,50 € au titre l’entretien annuel de la pompe à chaleur pour l’année 2021, soit un total de 1 078 €.
Ils indiquent qu’il convient d’ajouter à ce total la somme de 1 206 € au titre des APL qui ont été supprimées depuis le mois de mai 2021 (402 € par mois x 3 mois) et qu’il convient également de déduire les 100 € versés en plus par les locataires chaque mois depuis le prononcé du jugement, soit 400 €.
Les appelants sollicitent à titre subsidiaire que soit prononcée l’acquisition de la clause résolutoire et conteste les délais de paiement qui ont été accordés en ce que :
les locataires n’ont pas apuré les causes du commandement dans le délai de deux mois, la clause résolutoire étant donc acquise depuis le 24 septembre 2020, en prenant en compte la période juridiquement protégée ;
les locataires ne sont pas en mesure de procéder à l’entretien courant de la maison au regard de leurs revenus, les bailleurs ayant été contraints depuis 3 ans de régler les frais d’entretien de la chaudière et de la pompe à chaleur pour leurs locataires, ce qui constitue un manquement évident à l’article 7 D de loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, selon lequel le locataire est obligé de prendre à sa charge l’entretien courant du logement et des équipements mentionnés au contrat, les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives ;
les locataires ne peuvent pas non plus assumer le remboursement des charges récupérables ;
plus généralement, l’octroi de délai aux consorts [O] ‘ [S] est dépourvu de sens dans la mesure où ils ne peuvent pas assumer le coût réel de cette location et donc son entretien, ce qu’ils ont pu constater lors d’une brève visite qui s’est déroulée dans le cadre d’une expertise amiable et contradictoire pour un problème d’infiltration d’eau chez leur voisin.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur la demande de nullité du contrat de bail pour dol présentée par les époux [D]
Les époux [D] sollicitent l’expulsion des locataires en raison de la nullité du contrat de bail pour dol, au visa des articles 1137 et 1130 du Code civil, aux motifs que les époux [O] – [S] ont rédigé une attestation mensongère dans laquelle ils ont indiqué disposer de revenus trois fois supérieurs au montant du loyer.
Ils indiquent avoir déposé plainte à l’encontre des locataires pour faux et usages de faux.
La Cour observe en premier lieu que la nullité du contrat de bail pour dol n’a jamais été soulevée en première instance.
La Cour observe en second lieu que le premier juge a retenu que les consorts [O] – [S] disposaient des ressources suivantes :
pour [I] [S] : 1 186,37 € d’allocation de retour à l’emploi ;
pour [R] [O] : 460 € de salaire ;
allocations familiales : 1 396,72 €.
Ces montants ne sont pas contestés par les époux [D].
Le couple dispose donc d’un revenu mensuel de 3 043, 09 €, ce qui correspond à plus de trois fois le montant du loyer, puisque celui-ci s’élève à la somme de 915 € par mois.
Contrairement à ce que soutiennent les époux [D], rien ne permet d’exclure les allocations familiales des revenus du couple alors qu’aucun texte ne dispose que les allocations familiales doivent être exclues des revenus à prendre en compte pour apprécier les revenus dont dispose le locataire au regard du loyer à payer.
En tout état de cause, il n’est aucunement établi que les locataires ont effectué des manoeuvres frauduleuses pour surprendre le consentement des époux [D] afin d’obtenir la signature du contrat de bail, puisqu’ils pouvaient légitimement considérer, au regard des éléments précédemment exposés, qu’ils disposaient effectivement de revenus supérieurs à trois fois le montant du loyer.
La Cour en conséquence rejette la demande des époux [D] visant à voir prononcer la nullité du contrat de bail pour dol et ordonner en conséquence l’expulsion des consorts [O] – [S].
2) Sur le montant de la dette locative
Il ressort des pièces versées aux débats et notamment du décompte locatif produit :
qu’un commandement de payer les loyers et charges pour un montant en principal de 2 700 €, décompte arrêté au 3 juin 2020, visant la clause résolutoire figurant au contrat de bail, a été délivré aux consorts [O] – [S] le 9 juin 2020 et que dans les deux mois de la délivrance de ce commandement, la dette n’avait pas été apurée, aucun versement n’ayant été effectué.
La Cour observe que c’est à raison que le premier juge a retenu qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer la prorogation de délais issue des articles 1et 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 et de la loi du 11 mai 2020, dès lors que si le commandement a été délivré durant la période juridiquement protégée, le délai de deux mois expirait le 9 août 2020, soit en dehors de cette période.
La Clause résolutoire était donc acquise au 10 août 2020, ce qu’a, à raison, retenu le premier juge.
Les époux [D] contestent le montant de la dette locative telle qu’arrêtée par le premier juge, aux motifs :
que celui-ci a retenu une dette locative, arrêtée au mois de février 2021, d’un montant de 1 501 €, se décomposant en un arriéré de loyers de 1 048 € et en une somme 453 € correspondant aux factures d’entretien de la chaudière pour les années 2019 et 2020.
qu’il y avait lieu d’y ajouter les sommes de :
340 € au titre du remboursement de la taxe d’ordures ménagères pour les années 2019 et 2020,
71,50 € au titre du remplacement d’un tuyau d’eau cassé par les locataires,
440 € au titre du détartrage du ballon d’eau chaude et des joints de la pompe à chaleur,
226,50 € au titre de la facture d’entretien de la pompe à chaleur pour l’année 2021,
1 206 € au titre des APL qui ont été supprimées depuis le mois de mai 2021.
que le montant de la dette locative s’élève donc désormais à la somme de 3 235 €, après déduction de la somme de 400 € (arrêtée au mois de juillet 2021) versée par les locataires depuis le prononcé du jugement.
La Cour observe à l’examen des décomptes produits par les époux [D] qu’à la date de l’audience, soit le 22 février 2021, il était bien justifié d’un arriéré de loyers de 1 048 €.
Par ailleurs, le contrat de bail, versé aux débats, prévoyait que le locataire était obligé de payer les charges récupérables aux termes convenus, de prendre à sa charge l’entretien courant du logement et celui des équipements mentionnés au contrat ainsi que l’ensemble des réparations locatives définies par décret en conseil d’état, hormis celles occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit et force majeure, ce qui est conforme aux dispositions de l’article 1782 2° du Code civil et de l’article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989.
Dès lors, le premier juge était fondé à retenir au titre des charges locatives dues par les locataires les factures d’entretien de la chaudière pour les années 2019 et 2020, qui concernaient l’entretien d’éléments d’équipement, ce à hauteur d’un montant de 453 €, les appelants justifiant par les pièces versées aux débats (Pièces 16 et 17 ) qu’ils ont réglé eux-même ces factures à hauteur du montant sollicité.
1) S’agissant de la somme de 340 € réclamée par les époux [D] au titre du remboursement de la taxe d’ordures ménagères pour les années 2019 et 2020
La Cour constate qu’en première instance, les époux n’ont formé aucune demande à ce titre et en déduit qu’il ne peut donc être reproché au premier juge de n’en avoir pas tenu compte.
Pour autant, s’agissant d’une charge récupérable, les époux [D] sont fondées, en application du contrat de bail, à la solliciter, alors qu’ils rapportent la preuve, par la production de l’avis de taxe foncière 2020, sur lequel figurent le montant de la taxe 2019 (169 €) et celui de la taxe 2020 (171 €) que la somme de 340 € qu’il sollicite à ce titre est bien due. (Pièce 24 appelants)
La Cour en déduit que la somme de 340 € correspondant au remboursement de la taxe d’ordures ménagères pour les années 2019 et 2020, doit être ajoutée à la dette locative.
2) S’agissant de la somme de 71,50 € réclamée par les époux [D] au titre du remplacement d’un tuyau d’eau cassé par les locataires
Le premier juge a exclu ce montant de la dette locative, aux motifs que les époux [D] ne justifiaient pas qu’elle incombait aux locataires.
Force est de constater qu’en cause d’appel les époux [D] ne rapportent toujours pas cette preuve, dès lors qu’ils se limitent à produire :
une facture du 20 novembre 2019 intitulée ‘fuite après compteur’ ;
des courriers de leur voisin faisant état d’écoulements semblant provenir de la base du mur de séparation de la propriété des époux [D] et la sienne et supposant l’origine de la fuite (tuyau dans le regard percé), sans pour autant qu’il soit établi de façon non contestable que cette fuite provient bien du fonds des époux [D] et qu’elle soit le fait des locataires.
La Cour dit en conséquence que c’est à raison que le premier juge, au regard de l’insuffisance de ces éléments, a exclu le montant sollicité de la dette locative.
3) S’agissant de la somme de 440 € réclamée par les époux [D] au titre du détartrage du ballon d’eau chaude et des joints de la pompe à chaleur
La Cour constate qu’en première instance, les époux n’ont formé aucune demande à ce titre et il ne peut donc être reproché au premier juge de n’en avoir pas tenu compte.
Pour autant, s’agissant d’une dépense d’entretien d’un élément d’équipement, les époux [D] sont fondés en application du contrat de bail, à la solliciter, alors qu’ils produisent cette facture, en date du 19 décembre 2020 et rapportent la preuve qu’ils ont réglé eux-même cette facture à hauteur du montant sollicité (Pièce 25 appelants).
La Cour en déduit que la somme de 440 €, au titre du détartrage du ballon d’eau chaude et des joints, doit être ajoutée à la dette locative.
4) S’agissant de la somme de 226,50 € réclamée par les époux [D] au titre de la facture d’entretien de la pompe à chaleur pour l’année 2021
Les époux [D] versent aux débats une facture du 19 juillet 2021 correspondant au montant sollicité et le justificatif du règlement par eux de cette facture (Pièce 26 appelants).
Cette facture, postérieure à la date d’audience de première instance, ne pouvait être prise en compte par le premier juge.
Néanmoins, les époux [D] sont fondés, s’agissant de dépenses d’entretien d’un élément d’équipement, à solliciter que cette dépense soit prise en charge par les locataires.
La Cour en déduit que la somme de 226,50 €, au titre de la facture d’entretien de la pompe à chaleur pour l’année 2021 en date du 19 juillet 2021, doit être ajoutée à la dette locative.
5) S’agissant de la somme de 1206 € réclamée par les époux [D] au titre des APL qui ont été supprimées depuis le mois de mai 2021
La somme dont il est fait état étant postérieure à la date d’audience de première instance, elle ne pouvait être prise en compte par le premier juge.
La Cour constate toutefois que les appelants ne justifient aucunement d’un document de la CAF établissant que les APL de leurs locataires auraient été supprimées depuis le mois de mai 2021, puisqu’ils se limitent à produire un relevé CAF arrêté au mois de janvier 2021, donc inopérant et un décompte qu’ils ont eux même établi, ce qui est insuffisant pour établir l’existence d’une créance certaine (pièces 19 et 27 appelants).
La Cour en déduit que la somme sollicitée ne peut être intégrée dans la dette locative.
La Cour en conclusion retient :
qu’il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a condamné solidairement [I] [S] et [R] [O] à payer à [C] et [K] [D] la somme de 1 501 € au titre des loyers et charges impayés, échéance de février 2021 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020 ;
qu’il convient de rajouter à la dette locative, actualisée au mois de juillet 2021, les sommes de :
340 € correspondant au remboursement de la taxe d’ordures ménagères pour les années 2019 et 2020 ;
440 €, au titre de la facture en date du 19 décembre 2020 correspondant au détartrage du ballon d’eau chaude et des joints ;
226,50 €, au titre de la facture en date du 19 juillet 2021, correspondant à l’entretien de la pompe à chaleur pour l’année 2021.
Soit un total de 1 006,50 €.
La dette locative actualisée au mois de juillet 2021 s’élève donc à la somme totale de 2 507,50 € (1 501 € + 1 006,50 €), dont il convient de déduire les sommes versées par les locataires en exécution de l’échéancier issu de la décision déférée, arrêtée à 400 € au mois de juillet 2021, soit un solde de 2 107,50 €.
La Cour actualisant la décision déférée, condamne en conséquence solidairement [I] [S] et [R] [O] à payer à [C] et [K] [D] la somme de 2 107,50 € au titre des loyers et charges impayés, actualisés au mois de juillet 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020 sur la somme de 1 501 € et à compter de la date du présent arrêt pour le surplus.
2)Sur la demande des époux [D] visant à voir infirmer la décision déférée en ce qu’elle a ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire et accordé aux consorts [O] – [S] des délais de paiement
Les époux [D] contestent les délais de paiement suspensifs des effets de la clause résolutoire accordés par la décision déférée, aux motifs que les locataires ne sont pas en mesure de procéder à l’entretien courant de la maison au regard de leurs revenus et également d’assumer le remboursement des charges récupérables.
La Cour rappelle que le premier juge, retenant que les locataires avaient procédé à deux versements au mois de novembre 2020 pour un montant total de 5 320 € et qu’ils justifiaient de ressources mensuelles stables, à hauteur de 3 043,09 €, a ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire du bail et autorisé les consorts [O] – [S] à se libérer de leur dette locative par 15 versements mensuels successifs d’un minimum de 100 € et un 16ème correspondant au solde de la dette en principal, frais et intérêts.
Il ressort des dispositions de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, applicable en l’espèce :
que le juge peut accorder des délais de paiement dans la limite de trois années au locataire en situation de régler sa dette locative ;
que pendant le cours des délais ainsi accordés, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus, étant rappelé que les délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges ;
que si le locataire se libère dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué et que dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
En l’espèce, la Cour constate :
que si les locataires ne se sont pas acquittés des charges leur incombant en vertu du contrat de bail, ce même contrat ne faisait état d’aucune provision de charges, se limitant à énumérer les charges qui incombaient aux locataires en vertu des dispositions légales sans pour autant les préciser ;
que, surtout, les époux [D] ne justifient aucunement avoir sollicité les locataires en vue du paiement des charges retenues à hauteur d’appel, qu’ils se sont d’ailleurs limités à solliciter en cause d’appel sans justifier d’un appel de charges dûment réclamé aux locataires.
Il ne peut donc être considéré, au regard de ces éléments, comme le soutiennent les époux [D], qu’ils ne sont pas en mesure d’assurer le paiement des charges d’entretien où les charges récupérables dès lors qu’il n’est pas justifié que, bien que dues, elles leur ont été réclamées.
Par ailleurs, les ressources mensuelles des consorts [O] – [S], telles que décrites précédemment démontrent qu’ils étaient en mesure de régler la dette locative, étant observé que c’est une somme de l’ordre de moins de 40 euros mensuels qui doit se rajouter au loyer, au regard de la prise en compte des charges courantes et non exceptionnelles sur trois années, telles que précédemment retenues, ce qui n’est pas susceptible d’obérer la capacité des consorts [O] – [S] à faire face à leurs obligation locatives.
La Cour en déduit que c’est à raison que le premier juge, dans les termes de la décision déférée, a accordé des délais de paiement à [I] [S] et [R] [O], ce sur une durée réduite de 16 mois, ce qui permettait de prendre en compte la situation personnelle et financière délicate des propriétaires, et ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire durant ces délais.
Par ailleurs, si la dette locative est en cause d’appel actualisée à la hausse, pour autant, elle ne saurait modifier la décision déférée s’agissant des termes de l’échéancier de paiement accordé en première instance dès lors que les sommes accordées en cause d’appel, qui font l’objet par ailleurs d’une condamnation à hauteur d’appel, correspondant à des charges qui n’ont jamais été réclamées aux locataires si ce n’est dans le cadre de la procédure d’appel, dans un contexte où le bail ne faisait état ni d’une provision de charges, ni n’indiquait précisément les charges qui étaient appelées à être dues et le terme auquel elles devaient être payées.
La décision déférée sera donc confirmée dans les termes adoptés par le premier juge.
2) Sur les demandes accessoires
Les consorts [O] – [S] succombant en principal, la Cour confirme la décision déférée qui les a condamnés in solidum aux dépens de la procédure de première instance comprenant le coût du commandement de payer.
Pour la même raison, la Cour condamne les consorts [O] – [S] aux dépens à hauteur d’appel ;
La Cour condamne les consorts [O] – [S] à payer aux époux [D] la somme de 300 € à hauteur d’appel sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, justifiée en équité au regard des motivations du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme la décision déférée en ce qu’elle a :
Constaté que les conditions de l’acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 10 août 2020 concernant le bail liant les parties,
Condamné solidairement [I] [S] et [R] [O] à payer à [C] et [K] [D] la somme de 1 501,00 € au titre des loyers et charges impayés, échéance de février 2021 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020,
Autorisé [I] [S] et [R] [O] à s’acquitter de la dette locative par 15 versements mensuels successifs d’un minimum de 100 € et un 16ème versement égal au solde de la dette, en principal frais et intérêts,
Dit que le premier versement devra intervenir au plus tard le 15 du mois suivant la signification du présent jugement et ce, en plus des loyers et charges courants, et les autres au plus tard les 15 des mois suivants, sauf meilleur accord des parties,
Ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire qui sera réputée ne pas avoir joué si [I] [S] et [R] [O] se libèrent de la dette conformément à ce délai de paiement,
Dit qu’à défaut de paiement de la mensualité à son échéance ou des loyers et charges courants, l’intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra de plein droit ses effets, huit jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception restée infructueuse,
et en ce cas :
Constaté la résiliation du bail liant les parties,
Autorisé [C] et [K] [D] à faire procéder à l’expulsion de [I] [S] et [R] [O] ainsi que celle de tous occupants de leur chef du logement à usage d’habitation sis [Adresse 2]), au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier, à défaut pour [I] [S] et [R] [O] d’avoir libéré les lieux loués dans les deux mois de la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux,
Condamné solidairement [I] [S] et [R] [O] à payer à [C] et [K] [D] une indemnité mensuelle d’occupation équivalente au loyer et charges courants, outre indexation prévue par le contrat, soit 915,00 euros, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux loués,
Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
Condamné in solidum [I] [S] et [R] [O] aux dépens de l’instance qui comprendront le coût du commandement de payer en date du 9 juin 2020,
Y ajoutant :
Condamne solidairement [I] [S] et [R] [O] à payer à [C] et [K] [D] la somme de 2 107,50 € au titre des loyers et charges impayés, actualisés au mois de Juillet 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020 sur la somme de 1 501 € et à compter de la date du présent arrêt pour le surplus ;
Rejette la demande de [C] et [K] [D] visant à voir prononcer la nullité du contrat de bail pour dol et ordonner en conséquence l’expulsion de [I] [S] et [R] [O] ;
Condamne [I] [S] et [R] [O] aux dépens à hauteur d’appel ;
Condamne [I] [S] et [R] [O] à payer à [C] et [K] [D] la somme de 300 € à hauteur d’appel sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT