23/02/2023
ARRÊT N°154/2023
N° RG 21/04168 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ONEZ
AM/MB
Décision déférée du 31 Août 2021 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE – 21/01292
M. [J]
S.C.I. OPX
S.A.R.L. BIOTRADE
S.A.R.L. BIOSENTEC
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT TROIS FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTES
S.C.I. OPX
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Vincent VALADE, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.R.L. BIOTRADE
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Vincent VALADE, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.R.L. BIOSENTEC
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Vincent VALADE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Marie SAINT GENIEST de la SCP SCP FLINT – SAINT GENIEST – GINESTA, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Yann MICHEL de la SELARL ASEVEN, avocat plaidant au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 23 Novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS ET PROCÉDURE
Dans la nuit du samedi 8 au dimanche 9 septembre 2018, un incendie criminel a détruit les locaux industriels de la SCI OPX, dans lesquels les SARL Biotrade, Biosentec et Vegalis exerçaient leurs activités dans les domaines respectifs du traitement de l’eau, des biotechnologies pour l’agro-alimentaire et des compléments alimentaires.
Ces quatre sociétés victimes ont le même dirigeant, M. [O] [Z].
M. [M] [V], gérant d’une société concurrente de la société Biotrade, a été déclaré coupable de ces faits par le tribunal correctionnel de Toulouse et, sur l’action civile, condamné à verser les sommes de 5 630 333 euros à la SARL Biotrade, 2 836 058 euros à la SARL Biosentec, 897 985 euros à la SARL Vegalis et 519 685 euros à la SCI OPX en réparation de leurs préjudices matériels et celle de 15000 euros à M. [Z] en réparation de son préjudice moral, suivant jugement non définitif du 16 novembre 2021.
La SCI OPX et les sociétés Biotrade et Biosentec étaient assurées auprès de la compagnie AXA, sur la base d’une police multirisque immeuble pour la première et de polices multirisques petites et moyennes entreprises pour les deux autres. La société Vegalis qui démarrait son activité n’était pas assurée.
La SA AXA France Iard a mandaté deux experts, demandant à M. [D] de chiffrer la valeur vénale de l’immeuble et au cabinet [L] d’évaluer sa valeur de reconstruction.
Des accords de règlement ont été signés le 3 janvier 2019 avec la SCI OPX et le 9 août 2019 avec les sociétés Biotrade et Biosentec.
Saisi par la SA AXA France Iard, le juge des référés a ordonné une expertise sur les causes et les conséquences de l’incendie, au contradictoire de M.[V] et de la SCI OPX, et des SARL Biotrade, Biosentec et Vegalis, intervenantes volontaires, suivant décision du 28 février 2019.
Par ordonnance en date du 23 mai 2019, le juge des référés a condamné M.[V] à payer à titre de provision les sommes de :
. 2.000.000 euros au bénéfice de la société Biotrade
. 2.000.000 euros au bénéficie de la sociéré.Biosentec
. 602.000 euros au bénéfice de la SARL Vegalis
. 156.000 euros mi bénéfice de la SCI OPX
. 1.950.000 euros au bénéfice de la SA AXA France Iard.
Le rapport d’expertise judiciaire a été déposé le 30 octobre 2020 par Mme [K], laquelle s’est adjointe un sapiteur bâtiment, Mme [H], et un sapiteur expert comptable, M. [S], pour l’évaluation des préjudices.
Par acte d’huissier du 19 mars 2021, la SCI OPX, et les SARL Biotrade et Biosentec ont fait assigner à jour fixe la SA Axa France Iard aux fins principalement d’indemnisation de leur préjudice.
Par jugement du 31 août 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– prononcé la nullité de la transaction signée entre la SCI OPX et la compagnie AXA France Iard faute de concessions de la part de la compagnie d’assurance,
– condamné la compagnie d’assurance AXA France Iard à payer à la SCI OPX une somme de 642.400 euros au titre de l’indemnisation du préjudice subi par elle suite à l’incendie,
– débouté les sociétés Biotrade et Biosentec de leurs demandes de complément d’indemnisation en l’état d’un accord de règlement définitif signé avec la compagnie AXA France Iard concernant les préjudices assurés,
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la compagnie AXA France Iard s’agissant des demandes concernant les sûretés prises sur les avoirs de M. [V],
– débouté la SCI OPX et les sociétés Biotrade et Biosentec de leur demande de transfert des sûretés et privilèges inscrits sur les avoirs et le patrimoine de M. [V] ainsi que de leurs demandes de versement des sommes perçues par la compagnie AXA France Iard en exécution de l’hypothèque prise sur l’immeuble situé [Adresse 4],
– condamné la compagnie AXA France Iard à payer à la SCI OPX la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les autres parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la compagnie AXA France Iard aux dépens qui comprendront la somme de 10.843,80 euros réglés par la société Biosentec au titre de l’expertise judiciaire.
Pour se déterminer ainsi, le juge a retenu que :
– s’agissant de la transaction signée avec la SCI OPX, elle est nulle en l’absence de concessions réciproques puisque l’assureur qui était contractuellement obligé à l’indemniser rapidement n’a fait aucune concession alors que l’assuré a renoncé à un tiers de son indemnisation sur la base des éléments chiffrés erronés (postes indemnisés systématiquement minorés de façon disproportionnée) qui lui ont été présentés de façon crédible et argumentée par les experts mandatés par l’assureur : les erreurs commises et l’absence de loyauté dans le processus d’indemnisation, s’agissant de ces expertises, confinent même au dol de la part de l’assureur, démontrant une absence de bonne foi de sa part,
– s’agissant de l’accord de règlement signé avec les sociétés Biotrade et Biosentec, il est exempt de vices du consentement : le processus d’indemnisation n’a fait l’objet ni de dol, ni d’erreur sur les qualités substantielles de la prestation due ni de violence demeurant la faible différence d’évaluation entre l’indemnisation et l’expertise judiciaire,
– sur les transferts de garantie,
. les demandes ne relèvent pas du juge de l’exécution, compétent pour les contestations à l’occasion de l’exécution forcée et des difficultés concernant le titre exécutoire,
. aucun texte ne prévoyant qu’une sûreté prise par un créancier puisse être attribuée par le juge à un autre créancier, seuls les mécanismes de privilège permettront d’arbitrer entre les droits concurrents de l’assuré et de l’assureur subrogé et il n’y a pas lieu à reversement des sommes perçues en exécution de mesures d’exécution forcée faute pour les sociétés demanderesses de prouver qu’elles avaient elles aussi procédé à de telles mesures, concurrentes au sens de l’article 1346-3 du code civil,
. en l’absence d’obligation légale fondant la demande de transfert, il ne peut être caractérisé de réticence dolosive et il n’y a pas lieu à dommages et intérêts.
Par déclaration en date du 7 octobre 2021 enregistrée sous le numéro de dossier RG 21-4168 les sociétés OPX, Biotrade et Biosentec ont relevé appel de cette décision en ce qu’elle a :
– condamné la compagnie d’assurance France Iard à payer à la SCI OPX une somme de 642.400 euros au titre de l’indemnisation du préjudice subi par elle suite à l’incendie,
– débouté les sociétés Biotrade et Biosentec de leurs demandes de complément d’indemnisation en l’état d’un accord de règlement définitif signé avec la compagnie AXA France Iard concernant les préjudices assurés,
– débouté la SCI OPX et les sociétés Biotrade et Biosentec de leur demande de transfert des sûretés et privilèges inscrits sur les avoirs et le patrimoine de M. [V] ainsi que de leurs demandes de versement des sommes perçues par la compagnie AXA France Iard en exécution de l’hypothèque prise sur l’immeuble situé [Adresse 4].
Par déclaration d’appel du 11 octobre 2021 enregistrée sous le numéro de dossier RG 21-4192, la SA AXA France Iard a également interjeté un appel « portant sur l’infirmation de tous les chefs du jugement rendu le 31 août 2021 par le Tribunal Judiciaire de Toulouse (RG n°21/01292) portant grief à la Société AXA France Iard ainsi que de ceux qui en dépendent, et particulièrement en ce qu’il a » :
– prononcé la nullité de la transaction signée entre la SCI OPX et la Compagnie AXA France Iard faute de concessions de la part de la compagnie d’assurance,
– condamné la Compagnie d’assurance AXA France Iard à payer à la SCI OPX une somme de 642.400 euros au titre de l’indemnisation du préjudice subi par elle suite à l’incendie,
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la Compagnie AXA France Iard s’agissant des demandes concernant les sûretés prises sur les avoirs de M. [V],
– condamné la Compagnie AXA France Iard à payer à la SCI OPX la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la Compagnie AXA France Iard de sa demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Compagnie AXA France Iard aux dépens qui comprendront la somme de 10.843,80 euros réglés par la société Biosentec au titre de l’expertise judiciaire.
Suivant ordonnance du président de chambre en date du 21 avril 2022, les procédures N° RG 21/04192 et 21/04168 ont été jointes sous le seul numéro 21/04168.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les sociétés OPX, Biotrade et Biosentec, dans leurs dernières écritures en date du 7 novembre 2022, demandent à la cour, vu les articles 1103 et suivants, 1346-3, 1130 et suivants, 2044 et suivants et 1382 du code civil, l’article 700 du code de procédure civile et les conventions CIDRE, IRSI et CIDE COP, de :
– réformer le jugement du Tribunal Judiciaire de Toulouse en date du 31 août 2021 sauf en ce qu’il a :
. prononcé la nullité de la transaction signée entre la SCI OPX et la compagnie AXA France Iard. faute de concessions de la part de la compagnie d’assurance,
. rejeté l’exception d’incompétence soulevé par la compagnie AXA France I.A.R.D. s’agissant des demandes concernant les sûretés prises sur les avoirs de M. [V],
. condamné la compagnie AXA France Iard. à payer à la SCI OPX la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 CPC,
. condamné la compagnie AXA France Iard. aux dépens comprenant la somme de 10 843,80 € réglés par la société Biosentec au titre de l’expertise judiciaire,
Statuant à nouveau sur les autres points du jugement critiqués,
– rejeter toutes conclusions comme injustes et en tout cas mal fondées,
– juger que la compagnie AXA France Iard doit sa garantie pleine et entière à ses assurées du fait du sinistre incendie survenu dans la nuit du 8 au 9 septembre 2018 dans les locaux de la SCI OPX qui abritaient les activités des sociétés Biotrade et Biosentec toutes les trois assurées auprès d’AXA France telle que chiffrée dans le rapport d’expertise contradictoire établi par l’expert judiciaire qu’elle avait elle-même sollicité,
– juger qu’en raison du découvert d’indemnisation de l’ordre de 10 millions d’euros souffert par ses assurées, la compagnie AXA France Iard doit leur transférer l’ensemble des garanties qu’elle a prises sur le patrimoine de M.[V] et qu’elle doit reverser à ses assurées les sommes qu’elle a déjà pu récupérer entre les mains de ce dernier en se prévalant d’une subrogation qui ne pouvait pas jouer tant que ses assurées n’avaient pas été entièrement indemnisées et alors même que ses assurées étaient en concours sur les garanties prises et les sommes saisies,
– juger que la compagnie AXA France Iard a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de ses assurées en raison de ses réticences à transmettre amiablement les garanties prises et à leur reverser spontanément les somme reçues de M. [M] [V] sur la base d’une subrogation qui ne pouvait pas jouer tant que ses assurées n’avaient pas été entièrement indemnisées,
– annuler les accords et autres quittances d’indemnisation invoqués par AXA France Iard sur le fondement des vices du consentement en raison du comportement dolosif d’AXA qui, pour ce qui concerne la SCI OPX, a volontairement minoré la valeur du bâtiment sinistré et volontairement omis d’indemniser ses pertes de loyer et frais de déblaiement en profitant de l’état de stress et de nécessité de son gérant pour l’amener à ne pas s’apercevoir de cette erreur,
– annuler les accords et autres quittances d’indemnisation invoqués par AXA France I.A.R.D. en raison de l’absence de concession réciproque puisque les sommes arbitrées par AXA seule sont trop éloignées de celles déterminées dans le cadre de l’expertise judiciaire contradictoire demandée par AXA, ce qui démontre que les assurées n’ont pas reçu les concessions minimums qu’elles étaient en droit d’attendre,
En conséquence,
– condamner la compagnie AXA France Iard à tirer les conséquences du rapport d’expertise judiciaire en versant à titre de complément d’indemnisation les sommes suivantes à ses assurées :
‘ à la SCI OPX la somme supplémentaire de 993 851 € après compensation entre la somme de 2 093 385 € qui lui est due et la somme de 1 100 000 € qu’elle a déjà perçue;
‘ à la société Biotrade la somme de 93 076 €,
‘ à la société Biosentec la somme de 14 776 €,
– ordonner à la société AXA France Iard de respecter les dispositions de l’article 1346-3 du code civil en transférant les garanties prises sur les avoirs de M. [V] pour couvrir les découverts d’indemnisation de ses assurées,
– condamner la compagnie AXA France Iard à payer à la société Biosentec la somme de 719 375,14 € (418 963,11 € + 131 943,03 € + 135 000,00 € + 33 469,44 €) correspondant aux sommes qu’elle a perçues de M. [M] [V] sur ce même fondement ainsi que celles qui seraient perçues en exécution de l’hypothèque prise sur l’immeuble situé à [Adresse 4] puisque la subrogation de l’assureur ne peut pas jouer tant que ses assurées qui arrivaient en concours sur les sommes visées n’avaient pas été entièrement indemnisées,
– condamner la compagnie AXA France Iard à payer aux sociétés Biotrade et Biosentec en réparation du préjudice subis par ces dernières en raison de sa réticence dolosive à faire application des dispositions de l’article 1346-3 du code civil les sommes suivantes :
‘ 199 080 € (16 590 € x 12 mois) à la société Biotrade
‘ 84 000 € (7 000 € x 12 mois) à la société Biosentec
‘ 288 000 € (24 000 € x 12 mois) à la société Biosentec pour l’activité de Vegalis,
– condamner la compagnie AXA France Iard à payer en cause d’appel une somme de 4 000,00 € à chacune des demanderesses sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Les sociétés OPX, Biotrade et Biosentec précisent que M. [V] a relevé appel des condamnations mises à sa charge sur la base de l’expertise judiciaire après déduction des indemnités versées par Axa.
Elles exposent qu’assurées auprès de la compagnie Axa depuis 15 ans et en totale confiance, elles n’ont pas jugé utile de prendre leur propre expert, pensant leur assureur loyal, mais l’expertise judiciaire contradictoire a confirmé que les préjudices des victimes de l’incendie s’établissent à la somme globale de 13 678 952 euros alors qu’elles n’ont reçu qu’une somme de 3 515 165 euros, soit 10 000 000 euros de moins.
La décision de référé obtenue à l’encontre de M. [V] n’ayant pas été exécutée spontanément, elles ont fait procéder à des saisies sur ses comptes qui sont restées infructueuses et elles ont demandé en vain à leur assureur qu’il leur transfère les garanties prises par lui sur le compte d’associé et les parts sociales du débiteur, ainsi que les sommes perçues sur ce fondement.
S’agissant des préjudices de la société OPX et tout d’abord l’indemnisation du bâtiment, les appelantes considèrent que les explications de la société AXA sur la somme de 1 100 000 euros accordée témoignent d’une volonté de confusion empreinte d’une telle mauvaise foi qu’elle confine au dol :
. selon les pages de ses écritures, l’intimée y inclut ou non l’indemnisation des pertes de loyer et des frais de démolition,
. les calculs d’AXA et de ses experts font varier du simple au double la valeur du terrain et cette légèreté jette le discrédit sur la bonne foi exigée dans une relation contractuelle. La cour s’emparera donc du raisonnement des premiers juges qui ont décortiqué les erreurs substantielles et les confusions majeures qui vicient le calcul d’AXA, mais retiendra la valorisation retenue par l’expertise (1 619 895 euros et non 1 352 400 euros), sans déduction au titre des aménagements réalisés par les sociétés locataires qui n’apportent aucune plus-value immobilière, comme validé par l’expert judiciaire.
Au titre de l’indemnisation de la perte des loyers pendant les deux ans écoulés avant de pouvoir mettre à disposition de nouveaux locaux, l’expert a évalué une perte d’exploitation mais c’est la perte de loyers qui est couverte par la garantie souscrite et elle s’élève à 312000 euros et n’a pas été incluse dans les 1 100 000 euros versés.
La société OPX revendique également, au titre des frais de démolition et dans les termes du contrat, ‘frais réels à concurrence de 10% de l’indemnité versée pour les biens immobiliers’, la somme de (1 619 895 / 10 =) 161986 euros, non incluse dans l’indemnité versée, soit au total (1 619 895 + 312000 + 161 986 =) 2093385 euros et donc le versement de 993 851 euros après déduction des 1 100 000 euros versés.
Elle soutient que la quittance définitive d’indemnisation subrogatoire signée le 25 janvier 2019 ne lui interdit pas de solliciter une indemnisation complémentaire :
. l’écart de prix entre ce qu’elle a perçu et ce qui lui était dû et l’omission de certains postes d’indemnisation constituent une erreur sur les qualités essentielles de la prestation, alors que M. [Z], non assisté de son propre expert et accaparé surtout par la survie des sociétés Biotrade et Biosentec, soit 31 salariés, avait une totale confiance en son assureur,
. les dispositions de l’article 1143 du code civil définissant la violence ont également vocation à s’appliquer, vu cet état de stress et de nécessité sans lequel, il n’aurait jamais accepté de percevoir la moitié de ce qui lui était dû et il ne se souvient pas avoir signé l’accord de règlement du 3 janvier 2019, à un moment où il avait tout perdu et où l’assureur ne lui avait versé que 52000 euros et n’ignorait pas l’impact psychologique de l’incendie sur lui, qualifié de très fort par son expert.
La société OPX demande en conséquence la nullité de l’accord de règlement et de la quittance d’indemnisation définitive subrogatoire signés les 3 et 25 janvier 2019 sur le fondement du vice du consentement et à défaut en raison de l’absence de concessions réciproques, comme retenu par le premier juge.
Pour leur part, les sociétés Biotrade et Biosentec revendiquent un complément d’indemnisation de leur perte d’activité, évaluée à 10 816 167 euros et plafonnée au titre de la garantie contractuelle à 2 415 165 euros, fondé sur la différence d’évaluation du taux de marge par l’expert [S] et l’expert judiciaire dont le travail sérieux n’a pas été remis en cause par AXA pendant l’expertise.
Pour les mêmes motifs tirés du comportement de l’assureur dans le cadre de la valorisation du préjudice, les écarts d’évaluation et la légèreté du processus d’estimation, les deux sociétés sollicitent la nullité des accords de règlement et quittances d’indemnisation définitive subrogatoire sur le fondement du vice du consentement, vu les conditions de leurs signatures, et à défaut en raison de l’absence de concessions réciproques, les sommes accordées étant trop éloignées de celles déterminées par l’expert judiciaire pour qu’il y ait des concessions minimum de la part de l’assureur, un argument non examiné par les premiers juges.
L’indemnisation versée par AXA laisse un découvert d’indemnisation des trois sociétés qui, pour être rétablies dans leurs droits, vont devoir aller chercher cette différence sur le patrimoine personnel de l’auteur de l’incendie: selon l’article 1346-3 du code civil et l’adage ‘on ne subroge pas contre soi-même’, l’assuré doit être payé par préférence à l’assureur qui lui doit sa garantie et, en l’espèce, récupérer les comptes courants d’associé de M. [V] (550906 euros) et ses parts sociales dans la SAS FB Procédés et la SCI des Coquelicots saisis par AXA, les hypothèques prises par l’assureur sur ses deux biens immobiliers à Nantes et le résultat des saisies sur ses avoirs (168 469 euros), selon les éléments communiqués par le débiteur.
Le comportement d’AXA qui ne donne pas suite aux différentes demandes en ce sens et persiste à vouloir récupérer cet argent aux dépens de ses assurés, alors qu’elle a dégagé un bénéfice de 3,86 milliards d’euros en 2019, est déloyal et cupide. Et les premiers juges ont ajouté au texte de l’article 1346-3 qui définit un principe général et ne limite pas son application aux situations de concours entre créanciers subrogeant et subrogé dans des actions menées contre le débiteur.
Au surplus, les sociétés Biosentec et AXA étaient en concours s’agissant des sommes récupérées par l’assureur (418 963,11 euros et 131 93,03 euros), alors que la subrogation ne devait pas jouer tant que les assurées n’avaient pas été entièrement indemnisées puisque Biosentec avait fait procéder le 10 janvier 2020 à une saisie-attribution sur les comptes courants d’associé de M. [V] dans les sociétés FB Procédés et Les Coquelicots.
AXA a ainsi aggravé leur préjudice en refusant les transferts demandés, au moment où, indemnisées dans les limites contractuelles à la hauteur de 96720 euros, elles ont dû faire reconstruire les ateliers de fabrication nécessaires à la poursuite de leur activité, et n’ont pu investir dans des opérations commerciales et de recherches et développement, ce qui a nui à leur développement et impacte de 15% la croissance annuelle de Biotrade, soit 16590 euros par mois, de 7000 euros par mois l’activité de Biosentec notamment pour ses recherches interrompues sur un analyseur infrarouge et de 24000 euros par mois pour l’activité de recherches menée par Biosentec au profit de Vegalis, comme évalué par l’expert.
Suivant dernières conclusions déposées le 18 novembre 2022, la SA AXA France Iard prie la cour, vu les articles 4, 5, 6, 7, 9, et suivants, 31, 32 et suivants, 75 et suivants, 122 et suivants du Code de Procédure Civile, les articles 1103, 1104 et suivants, 1112, 1113, 1128, 1130, 1131, 1136, 1137, 1143, 1193, 1240, 1343-2, 1346-3, 2044 et suivants du Code Civil, les articles L 121-2, L 511-1, R232-, R 511-2, R 512-2, R 512-3 et suivants du Code de Procédure Civile d’Exécution, l’article L 213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire, l’article L 121-12 du Code des Assurances et les Conditions Générales & Particulières des polices d’assurance n°5581082204 et n°5581173304,
À titre principal,
1°/ Débouter les Sociétés OPX, Biotrade et Biosentec de l’ensemble de leurs demandes,
fins et prétentions formulées à l’encontre de la Compagnie AXA France Iard,
2°/ Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Toulouse en date du 31 août 2021, en ce qu’il a :
– débouté les Sociétés Biotrade et Biosentec de leurs demandes de complément d’indemnisation en l’état d’un accord de règlement définitif signé avec la Compagnie AXA France Iard concernant les préjudices assurés,
– débouté la SCI OPX et les Sociétés Biotrade et Biosentec de leur demande de transfert des sûretés et privilèges inscrits sur les avoirs et le patrimoine de M. [V] ainsi que de leurs demandes de versement des sommes perçues par la Société AXA France Iard en exécution de l’hypothèque prise sur l’immeuble situé [Adresse 4],
3°/ Infirmer le Jugement rendu par le Tribunal Judicaire de Toulouse en date du 31 août 2021, en ce qu’il a :
– prononcé la nullité de la transaction signée entre la SCI OPX et la Compagnie AXA
France Iard faute de concessions de la part de la compagnie d’assurance,
– condamné la Compagnie d’assurance AXA France Iard à payer à la SCI OPX une somme de 642.400 euros au titre de l’indemnisation dupréjudice subi par elle suite à l’incendie,
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la Compagnie AXA France Iard s’agissant des demandes concernant les sûretés prises sur les avoirs de M. [V],
– condamné la Compagnie AXA France Iard à payer à la SCI OPX la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la Compagnie AXA France Iard de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Compagnie AXA France Iard aux dépens qui comprendront la somme de 10.843,80 euros réglés par la société Biosentec au titre de l’expertise judiciaire,
Et, statuant à nouveau, et y ajoutant,
4°/ Juger tant irrecevables que surabondamment mal fondées les demandes indemnitaires formulées par les Sociétés OPX, Biotrade et Biosentec à l’encontre de la Compagnie AXA France Iard,
5°/ Renvoyer les Sociétés OPX, Biotrade et Biosentec à mieux se pourvoir dès lors que seul le Juge de l’Exécution près du Tribunal Judiciaire de Nantes s’avérait compétent, notamment au titre de la demande formulée s’agissant du « transfert » des sûretés, mesures conservatoires et saisies pratiquées sur autorisations du Juge de l’Exécution du Tribunal Judiciaire de Nantes saisi par voie de requêtes,
À titre subsidiaire,
Si, par extraordinaire, la Cour confirmait le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité de la transaction conclue le 3 janvier 2019 entre la SCI OPX et la Compagnie AXA France,
6°/ Ordonner la restitution au profit de la Compagnie AXA France Iard de la somme de 1.100.000 euros réglée à la SCI OPX en exécution de l’« accord de règlement » conclu le 3 janvier 2019, avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2019,
7°/ Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du Code Civil,
A titre très subsidiaire,
Si, par extraordinaire, la Cour infirmait le jugement et prononçait la nullité de la transaction conclue le 9 août 2019 entre les Sociétés Biotrade et Biosentec d’une part et la Compagnie AXA France Iard d’autre part,
8°/ Ordonner la restitution au profit de la Compagnie France Iard de la somme de 2.417.745,82 euros réglée aux Sociétés Biotrade et Biosentec en exécution de l’« accord de règlement » conclu le 9 août 2019, avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2019,
9°/ Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du Code Civil,
En toute hypothèse,
10°/ Condamner in solidum les Sociétés OPX, Biotrade et Biosentec au paiement de la somme de 15.000 euros chacune au profit de la Compagnie AXA France Iard au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
11°/ Condamner in solidum les Sociétés OPX, Biotrade et Biosentec aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés par Me Saint Geniest conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
La SA AXA France Iard rappelle les plafonds et limites de garantie afférents aux garanties souscrites par les appelantes ainsi que les termes des baux consentis par la SCI OPX aux sociétés Biotrade et Biosentec, obligées d’assurer leurs agencements et mobiliers, lesquels leur appartiennent, et elle souligne que M. [Z] n’a pas jugé nécessaire d’avoir son propre expert pour participer aux opérations d’expertise amiable, lesquelles ont respecté le principe du contradictoire, et que les appelantes se sont accordées avec elle sur la base de ces conclusions expertales pour obtenir le règlement le plus rapide des indemnités et relancer leur production.
Au regard des indemnités qu’elle a versées, elle a été autorisée à prendre une hypothèque judiciaire sur les droits immobiliers de M. [V] et à pratiquer toutes saisies conservatoires sur ses avoirs mobiliers mais les sociétés OPX, Biotrade et Biosentec ne justifient pas plus des garanties qu’AXA aurait prises sur le patrimoine que des saisies qu’elles auraient diligentées.
Et elle a sollicité une expertise judiciaire au contradictoire de M. [V] pour préserver ses recours subrogatoires après indemnisation définitive de ses assurées : elle critique les conclusions du sapiteur [H] qui a confondu valeur de reconstruction et valeur vénale, base de la décision déférée.
L’assureur soutient tout d’abord que le tribunal judiciaire de Toulouse est incompétent pour statuer sur la demande de transfert des garanties ou hypothèques judiciaires, lequel supposerait une mainlevée de sa part et l’autorisation du juge de l’exécution de Nantes, seul compétent, pour permettre aux appelantes de bénéficier des sommes ainsi rendues disponibles.
S’agissant du préjudice de la société OPX, l’intimée fait valoir d’une part que le coût des aménagements réalisés par les preneurs n’avait pas à être intégré dans la valeur des biens sinistrés, ni au titre de leur valeur vénale, et d’autre part que la valeur de reconstruction constituant un plafond de garantie et non l’indemnité due en cas de non-reconstruction, la SCI OPX indemnisée sur la base de la valeur vénale ne peut venir réclamer 3 ans après un complément d’indemnisation calculé sur la valeur de reconstruction: après application du coefficient de vétusté, la valeur de reconstruction hors aménagements retenue par l’expert judiciaire serait de 857 440 euros, soit une somme très légèrement différente des 861 533,86 euros retenus par l’expert amiable [L].
La SA AXA France Iard conteste la critique de l’évaluation de la valeur vénale faite par l’expert amiable [D] qui a fondé l’annulation de la transaction signée avec la SCI OPX : les juges ont entendu lui faire assumer deux fois le coût des aménagements en le réintégrant dans le calcul de la valeur vénale avant sinistre pour en indemniser OPX, considérant les baux comme résiliés, alors qu’ils étaient en cours au moment du sinistre et qu’elle a indemnisé les preneurs de ce préjudice conformément à leurs contrats locatifs et aux polices en vigueur. Le bailleur n’étant pas propriétaire des agencements, il ne peut prétendre à leur indemnisation.
Il n’y a pas non plus d’erreur ou de minoration dans l’évaluation de la valeur de reconstruction réalisée par l’expert amiable [L] : elle n’a omis aucun poste et n’a été modifiée qu’en fonction des éléments juridiques, comptables et financiers fournis par la SCI OPX, et c’est la somme de 861533,86 euros qui doit être retenue, et non celle de 1 352 400 euros selon le tribunal ou de 1 619 895 euros selon les appelantes.
Le sapiteur judiciaire [H] qui présente son avis de valeur vénale ne justifie pas son estimation et le détail des postes et semble avoir modifié ses conclusions sur la question des aménagements.
Pour la perte des loyers, [L] a retenu une période de 18 mois en considération d’une réinstallation dans les locaux acquis prévue au 31 décembre 2019 : la somme de 234 000 euros HT a été allouée sur la base d’un loyer annuel de 156 000 euros HT (et non de 116 000 euros comme énoncé à tort par les premiers juges).
La SCI OPX sera donc déboutée de sa demande d’une somme de 312 000 euros à ce titre, d’autant qu’elle n’en explique pas le quantum et ne justifie pas de la période sans location.
L’indemnité transactionnelle de 1 100 000 euros acceptée par OPX sur la base de la valeur vénale évaluée par l’expert amiable [D] (entre 1 050 000 et 1 200 000 euros) comprenait ces 234 000 euros, le chiffrage de l’expert amiable [L] les ayant intégrés, le jugement sera réformé en ce qu’il a octroyé une somme supplémentaire de 260 000 euros à ce titre.
Pour les frais de démolition, plafonnés à 10% de la valeur de reconstruction, c’est une somme de 93 676,91 euros qui doit être retenue sur la base d’une valeur de reconstruction de 936 769,06 euros avant vétusté, et elle a été intégrée dans le chiffrage de l’expert amiable [L] : aucune somme supplémentaire ne saurait être accordée.
La SA AXA France Iard considère que ses offres d’indemnisation ont été librement acceptées :
. la SCI OPX était d’accord sur le chiffrage de son préjudice et, désireuse d’acquérir rapidement un nouveau bien immobilier, a demandé aussitôt le versement de cette indemnisation sur la base de la valeur vénale de l’immeuble incendié, sans conditionner le règlement du sinistre au rapport d’expertise judiciaire à venir,
. les sociétés Biotrade et Biosentec ont pareillement donné leur accord sur l’évaluation des dommages directs et de leurs pertes d’exploitation conformément aux garanties souscrites ainsi que les modalités d’indemnisation : Biotrade ne peut venir contester le taux de marge brute arrêté d’un commun accord en intégrant le chantier Tereos que le sapiteur judiciaire [S] a pris l’initiative d’écarter de son calcul comme exceptionnel, et Biosentec n’avait pas davantage contesté le taux de marge brute calculé par l’expert amiable [L], toutes deux ayant refusé l’intervention d’un expert d’assuré,
. les assurées n’avaient pas sollicité la nullité de ces accords dans leur assignation introductive,
. aucune erreur n’a été commise : M. [Z] était assisté de son avocat, il ne justifie pas d’une altération de ses capacités au point de pouvoir être abusé plusieurs mois après l’incendie, c’est par erreur que l’indemnisation des agencements a été considérée comme due au bailleur, et le tribunal a écarté l’erreur pour les sociétés Biotrade et Biosentec,
. il n’y a pas non plus de dol : aucune manoeuvre, aucun mensonge, aucune intention frauduleuse n’est prouvée de la part de l’assureur qui a mis en oeuvre les expertises contradictoires aussitôt avisé du sinistre et a communiqué les rapports d’expertise en toute transparence, et la SCI OPX a pu racheter un bien pour l’exploitation des activités des sociétés Biotrade et Biosentec tout en conservant le terrain nu,
. s’agissant de la violence, M. [Z] était assisté comme il l’a souhaité, il a perçu la totalité des indemnités dues en exécution des polices souscrites, et le tribunal n’a pas retenu cet argument,
. le tribunal a écarté le défaut de concessions réciproques pour les sociétés Biotrade et Biosentec, et pour la SCI OPX, l’indemnisation transactionnelle ne devait pas retenir la valeur de reconstruction en l’absence de reconstruction, les frais de démolition et pertes de loyers n’ont pas été minorés ou les chiffres retenus, erronés, et la valeur du terrain nu a été minoré dans l’intérêt de l’assurée : la renonciation à tout recours de la part de l’assureur a constitué une concession, identique à celle de l’assuré.
La transaction signée avec la société OPX le 3 janvier 2019 a l’autorité de la chose jugée, ce qui rend les demandes irrecevables, et la convention du 9 août 2019 régularisée par les sociétés Biotrade et Biosentec a force obligatoire. Subsidiairement, la SCI OPX devrait lui restituer la somme de 1100 000 euros versée avec intérêts au taux légal.
S’agissant enfin du transfert des garanties, l’assureur met en avant que :
. à titre liminaire, la société Vegalis n’est pas assurée et les appelantes sont donc irrecevables et mal fondées à solliciter le versement de 288 000 euros ‘à la société Biosentec pour l’activité de Végalis’,
. il n’y a jamais eu de concours d’action entre les appelantes et la SA AXA France Iard subrogée, ni action de leur part contre M. [V] au fond, ni mesure conservatoire justifiée,
. les sociétés ne déterminent pas expressément les garanties dont elles sollicitent ‘le transfert’, ne produisent ni procès-verbal de saisie-conservatoire ni réquisition auprès de la Publicité foncière, ne démontrent pas le résultat de ces prétendues garanties, et ne déterminent pas le ‘découvert d’indemnisation’ à couvrir en l’absence d’action au fond contre M. [V],
. la SA AXA France Iard a été autorisée par le juge de l’exécution de Nantes à procéder à différentes mesures et les éventuelles saisies ou hypothèques prises en exécution de ces ordonnances ne sauraient être transférées, une telle demande ne repose sur aucun texte et on ignore les modalités d’exécution qui seraient possibles,
. il était donc logique de rejeter tant la demande de reversement des sommes perçues faute de preuve de mesures concurrentes diligentées par les assurées que celle d’une indemnisation d’une réticence dolosive en l’absence de faute de sa part,
. les quittances subrogatives privent les appelantes de tout recours contre M. [V] dans la limite de l’indemnisation obtenue, 3 517 745,82 euros : l’assureur a été autorisé à prendre les mesures conservatoires en qualité de subrogé et les assurées sont donc infondées à prétendre bénéficier de ces garanties et à se voir reverser la somme de 168 469,44 euros qu’il aurait perçu dans le cadre de son recours subrogatoire,
. les subrogeantes n’étant pas en concours, elles ne peuvent invoquer la préférence de l’article 1346-3 du code civil, ayant déchargé l’assureur de toute réclamation suivant accords de règlement, voire renoncer à tout recours pour la SCI OPX : l’article 1346-3 vise bien la situation d’un créancier en concours avec un autre créancier dans le cadre d’une action au fond en paiement contre le même débiteur et diligenter des mesures d’exécution sur ses actifs est insuffisant,
. elles ne justifient pas des sommes que l’assureur aurait perçues dans le cadre des mesures d’exécution pratiquées,
. les limites de garantie ne leur permettaient pas de revendiquer la somme de 10 163 787 euros qui représenterait leur bilan financier négatif.
Aucune astreinte ne saurait donc être prononcée et la réclamation de dommages et intérêts pour réticence dolosive n’est fondée ni en son principe ni en son quantum, le préjudice invoqué n’étant pas plus justifié par des éléments comptables et financiers que la faute alléguée.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, il est rappelé que la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, n’est pas valablement saisie par les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », qui constituent des moyens et non des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Sur l’accord de règlement signé par la SCI OPX le 3 janvier 2019 et son indemnisation
Le 3 janvier 2019, la SCI OPX a signé un document intitulé ‘accord de règlement’ aux termes duquel elle acceptait une indemnité de 1 100 000 euros calculée par AXA sur la base de la valeur vénale du bâtiment : la société y reconnaissait ‘AXA France Iard entièrement et valablement quitte et déchargée envers [elle] de toute réclamation’ et concluait ‘AXA France Iard est subrogée par le présent paiement dans tous mes droits et actions en vertu de l’article L121-12 du code des assurances. Le présent protocole constitue une transaction entre les parties au sens des articles 2044 et suivants du code civil et a donc autorité de la chose jugée entre les parties qui renoncent à tout recours et à le remettre en cause pour quelques causes que ce soit.’
La SCI OPX sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a prononcé la nullité de la transaction signée entre la SCI OPX et la compagnie AXA France Iard faute de concessions de la part de la compagnie d’assurance, à défaut pour la cour de la prononcer sur le fondement des vices du consentement en raison du comportement dolosif d’AXA qui a volontairement minoré la valeur du bâtiment sinistré et omis d’indemniser ses pertes de loyer et frais de déblaiement en profitant de l’état de stress et de nécessité de son gérant pour l’amener à ne pas s’apercevoir de cette erreur.
La SA AXA France Iard oppose que son offre d’indemnisation a été librement acceptée, sans erreur, dol ou violence et que sa renonciation à tout recours a constitué une concession, identique à celle de l’assuré.
Au cas d’espèce, au soutien de ses prétentions, la SCI OPX met en avant tout d’abord la différence entre l’indemnité offerte par l’assureur après expertise amiable et la réalité de son préjudice selon l’expertise judiciaire. La SA AXA France Iard ne fait pas la même lecture de ces différentes évaluations et des droits à indemnité de son assurée.
Trois postes sont indemnisables sur le fondement de la garantie souscrite, de l’avis commun, outre les frais dits consécutifs : le bâtiment, les frais de démolition et la perte des loyers.
S’agissant de l’indemnisation du bâtiment, les deux parties s’accordent à dire qu’elle doit se faire ici sur la base de la valeur vénale de l’immeuble, celui-ci n’ayant pas été reconstruit.
Les conditions générales de la police Multirisque Immeuble en précisent le mode de calcul en page 21, ainsi qu’il suit : ‘La valeur du bien immobilier sinistré est égale au prix de vente auquel l’assuré pouvait prétendre avant la survenance du sinistre. Cette valeur est augmentée des frais de déblai et démolition engagés. La valeur du terrain nu est toujours déduite.
Ce prix de vente est déterminé en se référant aux cours de vente pratiqués localement pour des constructions identiques.
Toutefois l’indemnité versée ne pourra excéder la valeur de réparation ou de reconstruction, déduction faite de la vétusté’, la valeur de reconstruction constituant une limite de garantie.
La valeur vénale a été évaluée par l’expert amiable [D] à la somme de 1 849 000 euros avant déduction des aménagements intérieurs payés par les sociétés Biotrade et Biosentec (chiffrés à 538 000 euros) et de la valeur du terrain nu (330 000 euros), soit 981 000 euros hors frais de démolition (100 000 euros retenus).
Le sapiteur [H] de l’expert judiciaire a chiffré pour sa part la valeur vénale à partir du coût de reconstruction des locaux (1 470 000 euros) à la somme de 1 905 000 euros avant déduction de la valeur du terrain (arrêtée à 305 000 euros), soit une somme de 1 600 000 euros comprenant les frais de démolition (estimés à 130 000 euros) : elle a donc proposé, à titre de moyenne entre les deux expertises, une somme de 1 619 865 euros, validée par l’expert judiciaire, refusant sur la remarque de l’assuré de déduire du coût de reconstruction retenu pour la zone bureaux/laboratoires (1100 euros par m²) les aménagements qui représentent 665 euros/m² dans la mesure où il resterait dans ce cas une somme inférieure au coût de reconstruction de la zone atelier/aire de stockage (900 euros/m²), une hypothèse incohérente selon elle.
Le premier juge a confirmé que la valeur des aménagements ne devait pas être écartée aux motifs que ceux-ci restent acquis au bailleur et qu’ils participent du prix auquel l’immeuble pouvait être vendu avant l’incendie, peu important qui les a payés.
La SA AXA France Iard objecte qu’elle a procédé à l’indemnisation de ces aménagements entre les mains des sociétés Biotrade et Biosentec auxquelles ce droit à indemnité était acquis en vertu de la garantie souscrite et des baux : ces contrats étaient en cours avant l’incendie, de sorte que les aménagements n’appartenaient pas à la bailleresse et qu’ils étaient assurés par les locataires.
L’annexe à l’accord de règlement du 9 août 2019 passé avec lesdites sociétés mentionne en effet le versement d’une somme de 485 876,57 euros en indemnisation des agencements, selon l’estimation amiable du cabinet [L], en valeur à neuf et hors vétusté.
Et si la différence avec l’estimation retenue par l’expert amiable [D], 538000 compte tenu de la vétusté, n’est pas explicitée, il apparaît que cette dernière porte bien, sous le terme d’aménagements intérieurs, sur les biens assurés par la police des locataires : plafonds, chauffage, climatisation, ventilation, électricité, plomberie, cloisons, portes…
Il est exact qu’ils ne sauraient être indemnisés deux fois.
Pour autant, ce n’est pas à cela que tend la contestation soulevée par la SCI OPX : elle oppose leur absence d’impact sur la valeur vénale de son bien, soutenant d’une part qu’elle aurait exigé leur enlèvement en fin de bail et d’autre part que le sapiteur judiciaire a retenu un prix de reconstruction des zones de bureaux/laboratoires pour des prestations de base et non spécifiques.
Mme [H] a validé cette analyse de l’assurée et a maintenu son chiffrage de la valeur vénale sans en déduire l’estimation [D] des aménagements appartenant aux locataires : elle a entendu proposer ainsi une évaluation du coût de reconstruction -et donc de la valeur vénale selon sa méthode- hors aménagements, de sorte que l’objection d’une double indemnisation de ceux-ci ne peut être retenue.
C’est également à mauvais escient que la SA AXA France Iard critique le choix d’une méthode d’évaluation de la valeur vénale faisant appel à la valeur de reconstruction au seul motif qu’il s’agirait d’une confusion ou d’une incompréhension des clauses contractuelles de la part de l’expert : il ne s’agit en effet que d’une méthode de calcul et c’est bien la valeur vénale que chiffre Mme [H] sur cette base au terme de son rapport. Au demeurant, ce procédé n’a pas fait l’objet d’un dire au cours des opérations expertales.
L’assureur conteste encore ce calcul au regard de la valeur de reconstruction retenue par l’expert amiable [L]. Cependant, c’est à juste titre, et sans être valablement contredit en cause d’appel, que le premier juge a pointé la différence inexpliquée et inexplicable de prix de reconstruction au m² qui résulte des rapports successifs du cabinet [L] : 655,08 euros au m² retenu dans son rapport définitif (936769,06 euros pour un métrage de 1430 euros), contre environ 1200 euros pour un local industriel de ce type selon son rapport de reconnaissance, un premier chiffrage proche des 1100 euros avancés par le sapiteur judiciaire.
Dans ces conditions, la valeur vénale établie par l’expertise judiciaire doit être validée, après application d’un taux de vétusté comme prévu au contrat, fixé à 8 % par [L] et non contesté, à hauteur de (1 470 000 x 92/100=) 1 352 400 euros comme retenu à juste titre par le premier juge.
En découle un différentiel d’évaluation de la valeur vénale de l’immeuble très important, de l’ordre de (1 470 000-981 000=) 489 000 euros, et une sous-évaluation de l’ordre d’un tiers par les experts de l’assureur.
Même en appliquant la limite de garantie tenant à la valeur de reconstruction, ce delta persiste et impacte l’indemnisation à laquelle pourrait prétendre l’assurée : le calcul de coût du sapiteur judiciaire, même affecté du taux de vétusté non contesté prévu au contrat et fixé à 8 % par l’expert amiable, s’élève en effet à 1 352 400 euros, alors que l’estimation amiable faite par [L] est de 936 769,06 euros (pour une surface légèrement inférieure, 1430 m² au lieu de 1445 m² retenus par Mme [H] comme M. [D]), soit 415 630,94 euros de moins, et une sous-évaluation de plus d’un tiers de la valeur de reconstruction et donc du plafond d’indemnisation.
S’agissant des frais de démolition, plafonnés contractuellement à 10 % de l’indemnisation du bâtiment, ils ont été évalués à 100 000 euros par l’expert amiable [D] et à 130 000 euros par le sapiteur judiciaire [H] : le premier chiffrage n’est aucunement explicité, sauf à relever qu’il figurait déjà dans le rapport de reconnaissance du cabinet [L] du 19 septembre 2018, alors que le second est explicité comme prenant en compte les précautions nécessaires en la matière, l’enlèvement des fondations et la remise en état du terrain, et qu’il correspond au montant du devis allégué par M. [Z] dans un dire à l’expert en mai 2020, soit 131 285 euros.
La seconde évaluation, au demeurant non critiquée par l’assureur, doit donc être retenue.
Le jeu du plafond de garantie appliqué à l’estimation amiable aboutit à une somme de 93 676,91 euros, appliqué à l’estimation judiciaire à celle de (1 352 400 x 10/100=) 135 240 euros, de sorte que la SCI OPX bénéficierait dans ce deuxième cas d’une indemnisation sur la base des frais réels, 130 000 euros, soit une différence de 30 000 euros représentant un tiers de plus que celle découlant de l’expertise amiable.
S’agissant enfin de la perte de loyers, la garantie souscrite prévoit une indemnisation dans la limite de deux ans et les conditions générales définit cette perte ainsi qu’il suit : ‘ Montant des loyers dont un propriétaire peut se trouver privé, à la suite d’un sinistre garanti par le présent contrat, affectant directement les biens sinistrés, durant le temps nécessaire à dire d’expert, pour la remise en état des lieux. Cette garantie ne s’applique pas aux locaux vacants au moment du sinistre ni au défaut de location ou d’occupation après l’achèvement des travaux de remise en état, ni aux locaux occupés par l’assuré’.
Au cas d’espèce, il est constant que les loyers perçus s’élevaient à 156 000 euros HT par an, 13000 euros mensuels : la SCI OPX déclare n’avoir pu reloger les sociétés Biotrade et Biosentec qu’en octobre 2020, après réhabilitation et aménagement des nouveaux locaux acquis en septembre 2019, la SA AXA France Iard s’en tenant pour sa part à l’estimation de son expert, 234 000 euros.
Or, le cabinet [L] qui n’explicite pas ce calcul, était au moment de son rapport définitif informé d’une réinstallation dans les nouveaux locaux envisagés par la SCI OPX possible au 31 décembre 2019, et a manifestement retenu une perte de loyers sur 18 mois. Et l’assurée établit qu’en fait, c’est jusqu’au 31 octobre 2020 qu’elle n’a pas perçu de loyers des sociétés Biotrade et Biosentec, soit pendant 25 mois. Il doit donc être retenu, compte tenu du plafond de garantie, une perte de loyers indemnisable pendant 2 ans, à hauteur de (156 000×2=) 312 000 euros, soit 78000 euros et un quart de plus que retenu par l’expert amiable.
Au total, l’examen des éléments du dossier amènent à chiffrer l’indemnisation due à la SCI OPX en fonction de la police d’assurance souscrite à la somme de (1 352 400 + 130 000 + 312 000=)1 794 400 euros, hors frais consécutifs (évalués à 143 425,09 euros par le cabinet [L]).
L’indemnité transactionnelle de 1 100 000 euros représente donc 694 400 euros de moins et moins des deux tiers de l’indemnisation à laquelle pouvait prétendre l’assurée au titre des trois postes d’indemnisation litigieux.
La SCI OPX soutient en premier lieu que son acceptation de cette transaction a été viciée par l’erreur résultant de cet écart de prix et de l’omission de postes d’indemnisation, le dol au regard des explications d’Axa sur l’indemnisation de la valeur vénale du bâtiment qui comprendrait aussi les pertes de loyers et frais de démolition, et la violence au regard de son état de dépendance au sens de l’article 1143 du code civil.
Aux termes de l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Les articles 1131 et 1132 disposent que l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant, à savoir celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté et pour lesquelles il n’a pas été accepté d’aléa.
L’article 1136 précise que l’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité.
Au cas d’espèce, l’erreur invoquée porte non seulement sur l’écart de prix mais aussi et surtout sur les postes indemnisés par la transaction, soit sur une qualité essentielle de la prestation due, et non seulement sur sa valeur.
De fait, l’assurée a pu légitimement se tromper quant à la portée de l’accord signé et sur les dommages ainsi pris en compte : en effet, la somme proposée correspond peu ou prou à l’évaluation de la valeur vénale du bâtiment selon le rapport définitif du cabinet [L] qui indique avoir adressé un rapport en ce sens à M. [Z], soit 1 050 000 à 1 120 000 euros frais de démolition inclus, et au demeurant, l’accord de règlement précise que l’indemnité a été calculée sur cette base de la valeur vénale de l’immeuble, et encore qu’elle doit être employée à sa remise en état ou à celle de son terrain d’assiette, sans faire la moindre allusion à la perte de loyers également subie et indemnisable.
La SCI OPX a donc pu faire erreur sur le poste de dommage ainsi indemnisé et considérer que restait à venir l’indemnisation au moins de sa perte de loyers, outre celle des frais dits consécutifs.
En effet, même en contenant la valeur vénale à la valeur de reconstruction erronée de 936769,06 euros, l’expert amiable évaluait la perte totale pour l’immeuble à la somme de (936 769,06+ 93 676,91=) 1 030 445,97 euros frais de démolition inclus, ce qui a pu conduire l’assurée à penser que l’offre d’Axa portait sur les dommages au bâtiment et, comme telle, à la considérer comme satisfactoire, commettant ainsi une erreur déterminante de son consentement, puisque l’assureur entendait en réalité y inclure toute l’indemnisation due en vertu du contrat et proposer une somme nettement inférieure à sa propre évaluation des dommages bâtiment, démolition, loyers et frais divers, soit 1 407 871,05 euros.
L’erreur ainsi commise par la SCI OPX entraîne la nullité de la transaction le 3 janvier 2019 avec la SA AXA France Iard.
Celle-ci n’ayant donc pas autorité de la chose jugée, l’assurée est recevable à revendiquer l’indemnisation du sinistre garanti.
La SCI OPX réclame à ce titre une somme globale de 2 093 385 euros soit 993 851 euros après déduction de la somme de 1 100 000 euros perçue, composée de 1 1 619 865 euros au titre de la valeur vénale du bâtiment, 312 000 euros au titre des 24 mois de loyers perdus et de 161 986 euros pour les frais de démolition.
En réalité, ainsi qu’il a été vu plus haut, le contrat liant les parties garantit, en ce qui concerne le bâtiment, une indemnité égale à la valeur vénale du bâtiment dans la limite de la valeur de reconstruction vétusté déduite, soit la somme de 1 352 400 euros.
De même, la démolition est indemnisée à hauteur des frais réels, évalués à 130 000 euros ici par le sapiteur judiciaire, dans la limite de 10 % de l’indemnisation du bâtiment, soit 135 240 euros ici, de sorte que seule la somme de 130 000 euros peut être allouée à ce titre.
L’assurée est en revanche bien-fondée à revendiquer 24 mois de loyers conformément à la limite contractuelle de garantie, dans la mesure où elle ne les a pas perçus pendant 25 mois.
La SCI OPX doit donc recevoir au titre de l’indemnisation de la valeur du bâtiment, de la démolition et de la perte de loyers la somme totale de (1352400 + 130 000 +312 000 =) 1 794 400 euros. La SA AXA France Iard sera condamnée en conséquence à lui verser la somme de (1 794 400 –
1 100 000=) 694 400 euros, la décision déférée étant infirmée quant au quantum de la condamnation.
Enfin, cette infirmation ne portant que sur la somme complémentaire due à l’assurée au titre de l’indemnisation, cette dernière n’a pas à restituer la somme initialement versée et effectivement due.
Sur l’accord de règlement signé par les sociétés Biotrade et Biosentec le 9 août 2019
Le 9 août 2019, les sociétés Biotrade et Biosentec ont signé un document intitulé ‘accord de règlement’ aux termes duquel elles acceptaient un règlement au titre de l’immédiat de 2 415 165 euros et un règlement au titre du différé de 58 850 euros : les sociétés y reconnaissaient ‘AXA France Iard entièrement et valablement quitte et déchargée envers [elles] de toute réclamation’ et concluaient ‘AXA France Iard est subrogée par le présent paiement dans tous [leurs] droits et actions en vertu de l’article L121-12 du code des assurances.’
Elles sollicitent l’annulation de cet accord sur le fondement des vices du consentement en raison du comportement dolosif d’AXA qui, pour ce qui concerne la SCI OPX, a volontairement minoré la valeur du bâtiment sinistré et omis d’indemniser ses pertes de loyer et frais de déblaiement en profitant de l’état de stress et de nécessité de son gérant pour l’amener à ne pas s’apercevoir de cette erreur, et à défaut, en raison de l’absence de concession réciproque puisque les sommes arbitrées par AXA seule sont trop éloignées de celles déterminées dans le cadre de l’expertise judiciaire.
Cette prétention s’appuie tout d’abord sur le déficit d’indemnisation résultant selon elles de taux de marge insuffisamment valorisée par l’expert amiable [L], au regard de l’expertise judiciaire : 40,35 % au lieu de 44,24 % retenu par le sapiteur [S] pour la société Biotrade, et 65 % au lieu de 67 % pour la société Biosentec.
Il faut immédiatement relever qu’il s’agit là d’un différentiel d’ampleur modeste, loin de la proportion constatée pour la SCI OPX, les sommes supplémentaires revendiquées à ce titre ne représentant que 4,26% de l’indemnisation totale qui serait ainsi due : il ne suffit donc pas à démontrer que le consentement a été vicié.
Au demeurant, l’erreur et le dol ici invoqués ne sont illustrés que par des éléments concernant l’indemnisation de la SCI OPX et ne peuvent donc être retenus pour les sociétés Biotrade et Biosentec, faute d’être circonstanciés et étayés les concernant.
Les éléments énoncés au soutien de la violence, tenant à l’état de stress et de nécessité de leur gérant, ne peuvent pas davantage être retenus : en effet, à la date de signature de l’accord contesté, les deux sociétés avaient déjà perçu la somme de 2 150 000 euros, soit 85 % de la somme de 2525521,82 euros qu’elles réclament au total, et au regard de ces versements correspondant à une très large partie de l’indemnisation due ou revendiquée, elles ne sont pas fondées à soutenir une persistance de l’état de stress de leur dirigeant au sens des articles 1140 et 1143 du code civil.
L’accord intervenu ne peut donc être annulé pour vice du consentement.
Les sociétés Biotrade et Biosentec invoquent encore, au soutien de leur demande d’annulation, l’absence des concessions réciproques exigées en matière de transaction.
L’article 2044 du code civil définit en effet la transaction comme un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître, et au cas d’espèce, la SA AXA France Iard ne conteste pas que l’accord litigieux a la nature d’une transaction.
Cependant, en considérant même que les sociétés Biotrade et Biosentec ont pour leur part consenti à renoncer à 4,26% des sommes qui leur seraient dues, force est de constater qu’en contrepartie, la SA AXA France Iard a consenti à les indemniser pour l’essentiel sans attendre ni l’expertise amiable (12 août 2019) ni l’expertise judiciaire (octobre 2020), leur versant ainsi dès l’incendie et chaque mois plusieurs centaines de milliers d’euros, au risque de voir chiffrer la garantie due à des sommes inférieures : il s’agit là d’une concession de la part de l’assureur qui leur a permis de maintenir leur activité sans voir leur survie menacée, et qui n’est pas dérisoire au regard de celle qu’elles allèguent.
Dès lors, il n’y a pas lieu à annulation de la transaction sur ce fondement.
Celle-ci a en conséquence autorité de la chose jugée en vertu de l’article 2052 du code civil, de sorte que les sociétés Biotrade et Biosentec ne sont pas recevables à revendiquer un complément d’indemnité.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté cette demande.
Sur les sûretés prises sur les biens de M. [V]
Les sociétés OPX, Biotrade et Biosentec prient la cour d’ordonner à la société AXA France Iard de transférer les garanties prises sur les avoirs de M. [V] pour couvrir les découverts d’indemnisation de ses assurées, et de condamner la compagnie AXA France Iard à payer à la société Biosentec la somme de 719 375,14 € perçue de M. [M] [V] sur ce même fondement ainsi que celles qui seraient perçues en exécution de l’hypothèque prise sur l’immeuble situé à [Adresse 4].
Elles ne précisent ni sur quelles garanties devrait porter le transfert sollicité, ni au profit de qui il devrait s’opérer.
En premier lieu, la SA AXA France Iard conteste la compétence du tribunal judiciaire de Toulouse et conclut au renvoi des Sociétés OPX, Biotrade et Biosentec ‘à mieux se pourvoir dès lors que seul le Juge de l’Exécution près du Tribunal Judiciaire de Nantes s’avérait compétent, notamment au titre de la demande formulée s’agissant du « transfert » des sûretés, mesures conservatoires et saisies pratiquées sur autorisations du Juge de l’Exécution du Tribunal Judiciaire de Nantes saisi par voie de requêtes’.
Elle n’argumente dans ses écritures qu’au sujet de la demande de transfert de garanties : elle soutient ainsi à titre liminaire que le tribunal judiciaire de Toulouse est incompétent pour statuer sur la demande de transfert des garanties ou hypothèques judiciaires qui supposerait une mainlevée de sa part et l’autorisation du juge de l’exécution de Nantes pour permettre aux appelantes de bénéficier des sommes ainsi rendues disponibles.
L’article L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire dispose que le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l’exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Le juge de l’exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d’exécution.
En l’espèce, le premier juge a considéré que les deux demandes échappent à la compétence exclusive du juge de l’exécution, faute de constituer des contestations à l’occasion de l’exécution forcée ou des difficultés concernant le titre exécutoire.
S’agissant du transfert de garanties, les sociétés OPX, Biotrade et Biosentec, qui ont d’abord demandé en vain auprès de l’assureur à ‘récupérer le compte courant d’associé de M. [V]’ saisi en faveur d’AXA avant d’étendre leurs prétentions à toutes les garanties qui auraient été prises, prient désormais la juridiction de contraindre la SA AXA France Iard à opérer ce transfert qu’elles n’ont pas obtenu amiablement.
Ce faisant, elles positionnent leur demande comme ne concernant que les relations entre assureur et assurées, et éludent le rôle du juge de l’exécution dans la mise en oeuvre des garanties revendiquées. Et de fait, comme relevé à juste titre par le premier juge, elles ne formulent aucune contestation des mesures d’exécution ainsi autorisées par celui-ci : elles se bornent à demander à bénéficier de leurs fruits. Les titres exécutoires présentés par la SA AXA France Iard au soutien des garanties prises ne sont pas davantage remis en cause.
Pareillement, s’agissant ensuite de la demande de paiement des sommes perçues ou à percevoir par Axa en vertu des garanties prises, il n’est formulé aucune contestation des mesures d’exécution concernées, non plus que du titre exécutoire les fondant.
Il apparaît dès lors que les demandes de transfert de garanties et de paiement de sommes ne relèvent pas de la compétence exclusive du juge de l’exécution.
En second lieu et sur le fond, les sociétés OPX, Biotrade et Biosentec fondent leurs demandes de transfert de garanties ou de sommes sur les règles et limites de la subrogation, faisant valoir que l’assuré doit être payé par préférence à l’assureur qui lui doit sa garantie.
La SA AXA France Iard oppose que l’article 1346-3 vise la situation d’un créancier en concours avec un autre créancier dans le cadre d’une action au fond en paiement contre le même débiteur et que diligenter des mesures d’exécution sur ses actifs est insuffisant : les assurées n’étaient pas en concours et ne peuvent invoquer la préférence de l’article 1346-3 du code civil.
Il est constant que par l’effet du paiement des indemnités d’assurance, la SA AXA France Iard se trouve subrogée dans les droits et actions des sociétés OPX, Biotrade et Biosentec à l’encontre de M. [V] dans la limite des sommes perçues en exécution du contrat d’assurance, 1 100 000 euros et 2 417 745,82 euros.
Il n’est pas davantage contesté qu’en vertu tant de l’ordonnance en date du 23 mai 2019 que du jugement correctionnel du 16 novembre 2021, les trois sociétés sont elles aussi créancières de M. [V] pour d’autres sommes venant réparer leur préjudice.
Elles entendent se prévaloir de l’article 1343-6 aux termes duquel la subrogation ne peut nuire au créancier lorsqu’il n’a été payé qu’en partie ; en ce cas, il peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui dont il n’a reçu qu’un paiement partiel.
Il découle de cette règle que dans le concours de l’assureur subrogé et de l’assuré subrogeant, ce dernier prime le premier jusqu’à concurrence de la réparation du préjudice garanti : la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations des tiers ; à défaut, le contrat d’assurance perdrait en effet une partie de son intérêt si l’assureur subrogé devait, par son recours subrogatoire, priver l’assuré d’une indemnisation intégrale.
Et si une sûreté existe, c’est au subrogeant que le résultat de sa mise en ‘uvre doit profiter.
Pour autant, si le créancier subrogeant peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence au subrogé dont il n’a reçu qu’un paiement partiel, c’est à la condition qu’il se trouve en concours avec celui-ci dans des actions exercées contre le débiteur, comme relevé à juste titre par le premier juge.
Ces principes n’entraînent donc pas de conséquences immédiates sur les garanties non précisément déterminées dont le transfert est sollicité : s’agissant des mesures conservatoires diligentées par la seule compagnie AXA France Iard, aucun texte n’en autorise le transfert au bénéfice d’autres créanciers non titulaires d’une autorisation du juge de l’exécution d’y procéder eux aussi, et s’agissant des mesures conservatoires prises concurremment par assureur et assurées sur les mêmes biens, la règle de la préférence due au subrogeant assurera le paiement des sommes dues aux assurées par priorité, comme relevé par le premier juge et sans qu’il soit nécessaire de l’ordonner.
Pour ce qui est des mesures d’exécution qui auraient déjà été menées à leur terme, et dont le fruit devrait en application de l’article précité bénéficier prioritairement aux assurées, force est de constater que les sociétés OPX, Biotrade et Biosentec n’établissent nullement que la SA AXA France Iard aurait encaissé les sommes revendiquées : elles ne produisent en effet au soutien de cette réclamation que le listing purement déclaratif dressé par le débiteur, et aucun justificatif desdites saisies.
Dans ces conditions, force est de constater qu’elles ne justifient pas du bien-fondé de leur demande de paiement qui doit dès lors être rejetée.
La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a débouté les sociétés OPX, Biotrade et Biosentec de leurs demandes de transfert des garanties prises sur les biens de M. [V] et de paiement des sommes perçues par la SA AXA France Iard en exécution de l’hypothèque prise sur l’immeuble situé [Adresse 4], étant ajouté que leur demande de paiement de la somme de 719 375,14 € qu’elle aurait également perçue de M. [V] est pareillement rejetée comme non étayée.
Partant, le refus de transfert de garanties n’étant pas imputable à faute à l’assureur, les assurées sont mal fondées à réclamer une indemnisation à ce titre, comme retenu à juste titre par le premier juge dont la décision sera confirmée de ce chef.
Sur les frais et dépens
La SA AXA France Iard qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et la décision déférée sera confirmée quant au sort des dépens de première instance.
L’issue du litige commande d’allouer à la seule société OPX la somme supplémentaire de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour à l’exception du quantum de la condamnation prononcée à l’encontre de la SA AXA France Iard au profit de la SCI OPX, étant précisé que la transaction signée entre elles est annulée pour erreur,
Statuant à nouveau,
Condamne la SA AXA France Iard à verser à la SCI OPX la somme de 694 400 euros,
Y ajoutant,
Déboute la SARL Biosentec de sa demande de paiement de la somme de 719 375,14 € que la SA AXA France Iard aurait également perçue de M. [V],
Condamne la SA AXA France Iard à verser à la SCI OPX la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA AXA France Iard aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER