2ème Chambre
ARRÊT N°112
N° RG 20/02892
N° Portalis DBVL-V-B7E-QW2S
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
M. [R] [J]
S.E.L.U.R.L. [S] MJ
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me LECLERCQ
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 24 FEVRIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 Janvier 2023
devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 24 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de BANQUE SOLFEA,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD du CABINET RD AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [R] [J]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Assigné par acte d’huissier en date du 08/10/2020, délivré à étude, n’ayant pas constitué
S.E.L.U.R.L. [S] MJ prise en la personne de Maître [G] [S] ès-qualités de mandataire liquidateur de la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 6]
Assigné par acte d’huissier en date du 07/10/2020, délivré à personne habilitée, n’ayant pas constitué
EXPOSÉ DU LITIGE
À la suite d’un démarchage à domicile, M. [R] [J] a, selon bon de commande du 7 mai 2013, commandé à la société Nouvelle Régie des jonctions des énergies de France (la société NRJEF), exerçant sous la dénomination commerciale ‘Groupe Solaire de France’, la fourniture et l’installation de 16 panneaux photovoltaïques moyennant le prix de 18 800 euros TTC.
En vue de financer cette opération, la société Banque Solfea (la société Solfea) a, selon offre acceptée le même jour, consenti à M. [J] un prêt de 18 800 euros au taux de 5,50 % l’an, remboursable en 131 mensualités de 199 euros et une mensualité de 96,11 euros, hors assurance emprunteur, après un différé d’amortissement de 11 mois.
Les fonds ont été versés à la société NRJEF au vu d’une attestation de fin de travaux du 23 mai 2013.
Prétendant que le bon de commande était irrégulier et qu’il avait été trompé par le démarcheur sur le rendement de l’installation, M. [J] a, par actes du 22 février 2019, fait assigner la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF), présentée comme se trouvant aux droits de la société Solfea, ainsi que la SELARL [S] MJ, ès qualités de liquidateur de la société NRJEF dont la liquidation judiciaire avait été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 12 novembre 2014, devant le tribunal d’instance de Fougères (devenu tribunal de proximité) en annulation des contrats de vente et de prêt.
Par jugement du 9 juin 2020, le premier juge a :
dit la demande de M. [J] recevable en ce qu’elle est fondée sur le dol,
prononcé la nullité du contrat conclu le 27 mai 2013 entre M. [J] et la société NRJEF,
prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 7 mai 2013 entre M. [J] et la société Solfea, aux droits de laquelle vient désormais la BNP PPF,
condamné la BNP PPF à verser à M. [J] la somme de 23 388,37 euros avec intérêts au taux légal à compter du caractère définitif du jugement,
débouté M. [J] de ses autres demandes indemnitaires et de sa demande de communication de pièce,
débouté la BNP PPF de l’intégralité de ses demandes,
condamné solidairement la société [S] MJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société NRJEF, et la BNP PPF à verser à M. [J] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
ordonné l’exécution provisoire.
La BNP PPF a relevé appel de ce jugement le 30 juin 2020, pour demander à la cour de :
réformer le jugement attaqué en ce qu’il a :
prononcé l’annulation des contrats,
retenu une faute contre le prêteur,
condamné le prêteur à rembourser à l’emprunteur l’intégralité des sommes réglées au titre du crédit,
condamné le prêteur au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 outre les dépens,
dire n’y avoir lieu à prononcer l’annulation du contrat principal de vente, ni du contrat de crédit,
débouter M. [J] de l’intégralité de ses demandes,
subsidiairement, en cas de confirmation de l’annulation des contrats, dire que la société Solfea, aux droits de laquelle elle vient désormais, n’a commis aucune faute,
dire que M. [J] ne justifie pas de l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité à l’égard du prêteur,
dire que M. [J] a remboursé le crédit par anticipation,
débouter M. [J] de sa demande visant à voir le prêteur privé de son droit à restitution du capital prêté et ainsi condamné à rembourser l’intégralité des sommes réglées par anticipation,
dire qu’elle devra restituer à M. [J], les frais et intérêts versés (à l’exclusion du capital emprunté), uniquement après justification de la part de ce dernier, de la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d’électricité et au Trésor public des crédits d’impôt perçus,
débouter M. [J] de toute autre demande,
confirmer la décision entreprise pour le surplus,
en tout état de cause, condamner M. [J] à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’instance.
Ni M. [J], auquel la BNP PPF a signifié ses conclusions le 8 octobre 2020, ni la SELARL Bailly MJ, ès qualités de liquidateur de la société NRJEF, à laquelle la BNP PPF a signifié ses conclusions le 7 octobre 2020, n’ont constitué avocat devant la cour.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la BNP PPF le 29 septembre 2020, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 24 novembre 2022.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les dispositions pertinentes du jugement attaqué ayant déclaré recevable la demande de M. [J] en ce qu’elle était fondée sur le dol, exemptes de critiques devant la cour, seront confirmées.
La BNP PPF fait grief au tribunal d’avoir retenu que le vendeur avait commis un dol concernant la rentabilité de l’opération, alors que M. [J] ne justifiait d’aucun document contractuel par lequel l’entreprise se serait engagée à un certain seuil de rentabilité dont il aurait été démontré qu’il n’était pas atteint, et que, d’autre part, la mention figurant sur le bon de commande et la plaquette commerciale d’une garantie de rendement à hauteur de 90 % pendant 25 ans ne saurait être retenue comme un engagement de revenu qui représenterait 90 % du coût du crédit, et ne saurait donc avoir de valeur contractuelle de nature à entraîner l’annulation du contrat pour dol.
Le dol suppose la démonstration par la victime de l’intention dolosive du cocontractant.
Or, rien ne démontre que le fournisseur ait sciemment fourni à l’acquéreur des informations fausses sur le rendement d’une installation inapte à atteindre des performances contractuellement promises.
Il n’est en effet pas contesté que cette installation a été raccordée au réseau et produit de l’électricité revendue à EDF, générant un revenu annuel moyen de 959,43 euros, ainsi qu’il ressorts des factures de production mentionnées dans le jugement attaqué.
Il ressort par ailleurs des énonciations du jugement que le bon de commande portait sur l’acquisition d’une centrale photovoltaïque d’une puissance de 2 960 Wc, et il y était mentionné une ‘garantie de rendement à hauteur de 90 % pendant 25 ans’, mais, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, cette mention ne constituait pas un engagement du fournisseur à garantir un seuil de rentabilité de l’installation équivalent à 90 % du coût du crédit.
En outre, M. [J], défaillant devant la cour, n’établit pas avoir fait de cette rentabilité une condition de son engagement et que celle-ci soit entrée dans le champ contractuel, des préoccupations environnementales pouvant à elles seules justifier la réalisation d’investissement dans les énergies renouvelables.
Il s’en évince que M. [J] n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l’intention dolosive du fournisseur, de sorte que le jugement sera réformé en ce qu’il a prononcé l’annulation du contrat de vente pour dol.
Le contrat principal n’ayant pas été annulé, les dispositions du jugement attaqué ayant prononcé par voie de conséquence l’annulation du contrat de crédit affecté ne pourront qu’être infirmées.
Par ailleurs, le prêt ayant été remboursé par anticipation le 20 juin 2018, le jugement sera donc réformé en ce qu’il a condamné la BNP PPF à payer à M. [J] la somme de 23 388,37 euros au titre du crédit remboursé.
Partie succombante, M. [J] supportera les dépens de première instance et d’appel.
Il n’y a enfin pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu’en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 9 juin 2020 par le tribunal de proximité de Fougères en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit la demande de M. [J] recevable en ce qu’elle était fondée sur le dol ;
Dit n’y avoir lieu à annulation des contrats de vente et de crédit ;
Déboute M. [R] [J] de l’ensemble de ses demandes ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en cause d’appel ;
Condamne M. [R] [J] aux dépens de première instance et d’appel ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRESIDENT